CHAPITRE V : L'INTÉRÊT DE LA TÉLÉMÉDECINE

L'intérêt de la télémédecine se situe à trois niveaux : Elle permet d'assurer la continuité de l'accès aux soins pour une partie importante de la population, elle est un outil précieux pour traiter des urgences médicales et enfin sa mise en oeuvre favorise les réseaux multidisciplinaires dont la médecine de demain aura besoin.

SECTION 1 : LA CONSULTATION À DISTANCE GARANTIT LA PERMANENCE DES SOINS ET CONSTITUE UN OUTIL DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

A) Les consultations de spécialistes en milieu rural

La télémédecine est un outil indispensable de l'aménagement du territoire car sa mise en place est la condition de survie des hôpitaux ruraux et le gage de qualité de la médecine libérale.

Les hôpitaux ruraux ne peuvent pas assurer la présence permanente de médecins et de spécialistes de la même façon qu'un hôpital général plus important. Cela n'est pas possible pour des raisons de démographie mais également parce que l'activité d'un hôpital de proximité ne justifie pas la présence à plein temps d'un spécialiste qui ne procèderait même pas à une consultation quotidienne.

Par contre la présence de personnels qualifiés pouvant faire fonctionner une station de télémédecine reliée à l'hôpital général, spécialisé ou au CHU selon les pathologies permet de gagner du temps en orientant correctement le malade, de gérer au mieux l'urgence non vitale et d'assurer, lorsque cela est nécessaire, un suivi de la qualité des soins donnés par un personnel qualifié sous le contrôle du spécialiste et en évitant les déplacements inutiles.

Si ces procédés sont intelligemment mis en oeuvre on peut assurer une meilleure continuité des soins et la permanence de ces derniers tout en réalisant des économies par la diminution des transferts. On observe ainsi à ce niveau que l'intérêt du patient et l'intérêt de la société se rejoignent.

L'hôpital a probablement pour vocation d'être le pivot de la mise en oeuvre des procédés de télémédecine

La mise en oeuvre de la télémédecine présente trois atouts majeurs

- l'intérêt du patient . Il reste primordial : la téléexpertise permet d'éviter, grâce à la relation à distance entre compétences réparties, les transferts inutiles, et parfois dangereux, pour des patients cliniquement fragiles.

- l'aide diagnostique apportée permet également d'ajuster la prise en charge thérapeutique du patient, que ce soit sur un plan local ou grâce à l'orientation vers un service plus adapté à son état.

- l'intérêt économique par la réduction des coûts liés aux transferts inutiles de patients.

Le Professeur Lareng a toutefois mis l'accent sur un blocage important entraîné par le recours à la structure de groupement d'intérêt public non intégrée au système public de santé. Il faut donc mettre en place une coordination régionale qui, au niveau municipal ou intercommunal donnera à l'établissement hospitalier, dans le cadre de ses missions de service.public compétence pour organiser la télémédecine et appuyer techniquement les réseaux de médecine libérale (y compris dans le domaine de la coopération internationale).

B) Les consultations dans des endroits isolés ou à l'occasion de crises majeures

Les liaisons satellitaires sont encore aujourd'hui un cas particulier. Leur coût les réserve habituellement aux sites isolés c'est-à-dire inaccessibles par d'autres canaux, et qui sont schématiquement de deux types :

- les sites statiques géographiquement défavorisés, comme les régions montagneuses, l'Afrique (des expériences très intéressantes se déroulent ainsi au Sénégal) et en Amazonie (Guyane) ;

- les sites victimes d'une catastrophe naturelle ou technologique ou en état de guerre.

Dans ces circonstances particulières il est possible d'exploiter une valise de téléconsultation satellitaire spécialement développée, pour la téléassistance , grâce au repérage et à la localisation de l'émetteur d'un signal de détresse via Inmarsat, ou pour des programmes de télé épidémiologie en fusionnant les donnés environnementales (Météosat, Topex, Spot...) avec des données cliniques humaines et animales.

Le Centre national d'études spatiales, et sa filiale Médès qui ont été auditionnés par vos rapporteurs ont développé plusieurs programmes expérimentaux visant à valider cliniquement les démonstrations techniques, et dans certains cas à pérenniser le service, comme au Cambodge, pour la prévention du cancer du col utérin, en Guyane pour les téléconsultations de dermatologie et de parasitologie, ou dans les terres arctiques et antarctiques françaises pour la médecine générale.

Le service de santé des armées en France comme aux Etats-Unis travaille également beaucoup sur ces procédés.

Il est à noter que les questions de déontologie se posent dans des termes différents des situations évoquées précédemment car dès lors que l'urgence vitale est en cause et qu'il n'existe pas de possibilité de faire appel à un médecin nous nous trouvons dans des circonstances exceptionnelles où il est admis qu'un non médecin intervienne.

C) Un outil nécessaire à une pratique pluridisciplinaire

La pluridisciplinarité est aujourd'hui nécessaire pour pouvoir traiter correctement certaines pathologies, par exemple les diabétiques car la coordination des soins constitue une impérieuse nécessité.

La lutte contre le cancer en constitue également un bon exemple.

L'exemple de l'hôpital Necker - Assistance publique -

Hôpitaux de Paris

«  Un exemple de ce type de visioréunions multidisciplinaires dédiée à la prise en charge du cancer s'est développé à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, entre l'hôpital Rothschild, l'hôpital Saint-Antoine et l'hôpital des Diaconesses, sous l'impulsion du professeur Alain Sézeur.

Les visioréunions multidisciplinaires sont particulièrement adaptées à la prise en charge multidisciplinaire, notamment du cancer ou du handicap, car elles permettent au praticien traitant, auquel s'est confié le patient, d'accéder aux avis complémentaires de plusieurs spécialistes médecins et chirurgiens, ainsi que de travailleurs sociaux et de divers soignants, sans contraindre le patient à s'adresser individuellement à chacun d'entre eux.

Outre les économies de transport et de temps, ces visioréunions peuvent avoir également l'important avantage de combattre la cacophonie médicale et à redonner au praticien traitant son rôle de chef d'orchestre de l'équipe soignante.

Il est vraisemblable que les exigences réglementaires croissantes continueront à stimuler le développement de ces visioréunions multidisciplinaires. Les annonces récentes du plan Cancer viennent d'en donner un exemple, en instituant le principe des consultations multidisciplinaires. »

Les médecins doivent apprendre à coopérer avec plusieurs soignants auprès d'un malade pour prendre soin de lui durant des années d'une ou de plusieurs maladies souvent incurables, mais dont l'évolution est prolongée par les progrès des thérapeutiques notamment médicamenteuses. Pour assurer ce suivi au long cours, les rôles et les fonctions des professionnels de soins devront évoluer : les médecins doivent confier à d'autres professionnels toutes les tâches qui n'exigent pas leur compétence. Par exemple, les infirmières peuvent assurer le suivi des malades chroniques, mettre en oeuvre chez les cardiaques une rééducation physique, apporter à tous ceux qui ont besoin d'un régime diététique ou plus simplement d'une alimentation équilibrée les conseils indispensables, organiser et réaliser les programmes de promotion de la santé. Au total, les médecins ne travailleront plus en « solo » dans leurs cabinets mais en groupe multidisciplinaire et communiqueront avec les usagers et les professionnels des soins par Internet (ou par un réseau local interfacé avec l'intranet d'un ou de plusieurs hôpitaux) avec l'aide d'un dossier médical unique auquel chaque soignant pourra apporter des informations spécifiques. Ce dossier étant le plus souvent géré, comme le prévoit le projet de loi, par un « infomédiaire » , « un hébergeur » . Il est d'ailleurs étonnant de constater que si tous les responsables syndicaux et politiques reconnaissent la nécessité de supprimer les barrières qui nuisent à la communication entre les hospitaliers et les médecins libéraux comme entre les généralistes et les spécialistes, aucun ne rappelle que ces obstacles pourraient être levés par l'utilisation des technologies de l'information.

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