4. Les freins à la délocalisation - existants mais fragiles

Vers une consommation d'équipement et d'usage

Les quarante dernières années font apparaître une modification importante de la structure de consommation des ménages caractérisée par le passage d'un mode de consommation courante à un mode de consommation d'usage et d'équipement.

Source : Ernst & Young

Dans le modèle historique de consommation, que l'on peut principalement qualifier de courante, la part de l'habillement et de l'alimentation représentait près de 40 % du panier. Le poids relatif de ces deux postes n'a cessé de baisser depuis dans le budget des ménages pour céder la place à un modèle de consommation actuel que l'on peut considérer d'usage et d'équipement . Aujourd'hui, en effet, le logement, l'énergie et les transports représentent près de 40 % du panier. Alors que la part de l'habillement et de l'alimentation a diminué de moitié sur la même période.

De nouveaux postes émergent de façon significative et bousculent également la structure de consommation, comme la téléphonie, la télévision ou internet par exemple, ou les activités liées aux loisirs qui prennent le relais.

Selon l'INSEE, sept postes de dépenses augmentent plus vite que la moyenne d'achat des Français. Outre la santé et le logement, plus contraints, le consommateur privilégie des achats plaisir avec des produits liés à la téléphonie, à l'informatique et à l'électronique grand public.

Le consommateur français consomme ainsi moins de produits potentiellement exposés à la délocalisation (en part relative dans le panier total), mais cette part résiduelle semble beaucoup plus vigoureusement exposée aujourd'hui qu'hier.

Plus de services dans la consommation

La période 1963-2003 témoigne d'un accroissement général de la consommation des services : de 32 % à 51 %, alors que la consommation de biens diminue sur la même période.

Le développement concomitant de services liés aux postes « produits » déjà mentionnés comme connaissant une forte croissance - tels que les loisirs, la téléphonie, l'informatique et l'électronique grand public - jouent un rôle important dans cette tertiarisation de la consommation.

Source : Ernst & Young

La contrainte logistique

Les contraintes logistiques liées à la taille du produit, aux coûts de transport induits et au niveau de marge réalisé sur le produit peuvent constituer des freins importants dans les arbitrages sur les lieux de productions de certaines catégories de produits. Ces paramètres économiques, s'ils sont défavorables, freinent alors le processus de délocalisation.

Le secteur des produits de consommation courante regroupe généralement des produits de « faible valeur » comme par exemple les industries du savon, de l'alimentation, de l'hygiène.... Il correspond à des marchandises vendues essentiellement par l'intermédiaire des enseignes de la grande distribution et pour lesquelles le poids relatif du coût logistique reste important. La structure du marché est alors fondée sur la coexistence de quelques grands groupes multinationaux en concurrence avec un tissu riche de PME.

Autre paramètre lié au frein issu des contraintes logistiques, celui du temps. Selon plusieurs grands acteurs de la consommation en effet, notre société est de plus en plus marquée par l'importance du temps, par une culture influencée par la rapidité, voire l'impatience.

De surcroît, la course à la différenciation permanente dans laquelle sont engagés ces acteurs de la consommation les contraint à multiplier les extensions de gammes et les opérations promotionnelles, ce qui génère autant de contraintes logistiques supplémentaires à gérer.

La nécessité de synchroniser le temps de l'entreprise avec le temps de ses clients émerge alors comme un objectif premier. La proximité de la production et de ses filières de sous-traitance s'impose alors, dans cet objectif, comme un frein à la délocalisation.

Dans un autre registre, la contrainte logistique s'exprime tout particulièrement sur les produits frais de l'agroalimentaire qui nécessitent une forte proximité entre le lieu de production et de consommation.

Ces différentes contraintes ou impératifs ont pu historiquement réellement ralentir les décisions de délocalisations. Pour autant, on observe que les progrès technologiques, la réduction des barrières administratives et le développement croissant des moyens de transport ces dernières années modifient les termes de l'équation et limitent considérablement les obstacles économiques à la délocalisation.

La contrainte réglementaire

L'existence de cadres réglementaires contraignants, à l'échelon communautaire ou national, contribue sur certaines catégories de produits à une régionalisation des marchés qui limitent les mouvements de délocalisation.

La définition de normes environnementales spécifiques (gros électroménager par exemple) et/ou de contraintes réglementaires européennes ou nationales relatives à la sécurité du consommateur (ou aux techniques d'installation des produits), mais aussi quand cela est possible l'encadrement des prix (livres par exemple) constituent des facteurs limitants.

Cependant, toutes les réglementations, même si elles ont été développées en ce sens, ne constituent pas forcément un frein à la délocalisation, et ne peuvent pas non plus constituer une solution unique et spécifique au problème posé. Par exemple, comme décrit ci-après dans le présent rapport, l'origine du produit ou du service consommé n'a que peu d'effet sur le choix du consommateur. Quel est alors l'impact réel de réglementations visant à témoigner précisément de l'origine, comme cela a été récemment évoqué pour les centres d'appel par exemple ?

La différenciation technologique et le niveau d'innovation

Le développement d'expertise technologique et d'axes d'innovations réels et perçus par les consommateurs peuvent constituer des facteurs limitants pour le phénomène de délocalisation.

Certaines spécialisations réalisées dans le domaine du textile (en particulier sur le textile technique et ses applications dans le domaine du sport), secteur pourtant largement touché par ailleurs par des mouvements de délocalisation, ont ainsi permis de limiter ces mouvements et de constituer des « poches de résistance » en France.

Le développement de telles expertises doit néanmoins s'appuyer sur une véritable politique industrielle et d'innovation initiée par l'État. L'initiative « pôles de compétitivité » semble positive en ce sens, même si les effets induits ne seront pas immédiats (l'expertise actuelle du territoire sur le secteur aéronautique par exemple relève d'orientations politiques anciennes).

Ces différenciations doivent néanmoins être soutenues par la Distribution pour maintenir leurs valeurs aux yeux des consommateurs (politiques de prix adéquat) au risque de ne pas pouvoir être valorisées. On peut ainsi noter le cas des téléviseurs, pour lesquels l'innovation produit a systématiquement permis de compenser les baisses des coûts de production, et donc de maintenir un prix de vente attractif pour les industriels, la distribution et acceptés par les consommateurs. Plus récemment et dans le même secteur d'activité, le cas des lecteurs DVD constitue un contre exemple flagrant. Alors qu'il s'agissait d'une classe nouvelle de produit, appelée à remplacer la catégorie des magnétoscopes, les prix de vente se sont totalement effondrés en très peu de temps, à cause d'une surenchère promotionnelle sur les produits. En conséquence, les industriels et la distribution ont perdu, en un temps record, toute la valorisation économique attendue, au profit immédiat du consommateur.

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