2. ... qui aboutit à une professionnalisation du secteur associatif

Mme Florence Daunis, directrice générale adjointe d'Action contre la Faim, avouait que le rajeunissement du conseil d'administration, objectif poursuivi par son association, n'allait pas sans poser de problèmes : « Très bien, parfait d'avoir des gens qui ont connu le terrain, mais quel professionnalisme, quelles compétences apportent-ils dans le conseil d'administration ? »

Parce que cette instance a de plus en plus un rôle de contrôleur financier, le profil recherché est quasiment celui d'un comptable.

C'est la raison pour laquelle, poursuivait-elle, « nous demandons donc à chaque personne qui souhaite entrer au conseil d'administration de faire une lettre de motivation et de nous dire quelles compétences elle va apporter au conseil. »

a) La recherche des compétences : une problématique réservée aux associations d'une certaine taille...

Il est courant de dire aujourd'hui des associations qu'elles « recrutent » leurs bénévoles, pour reprendre le titre d'un journal à tirage national 75 ( * ) paru durant l'hiver 2004, et qu'elles exigent des profils précis.

« Les seules bonnes volontés sont difficilement accueillies dans le milieu associatif, à l'exception des populations que l'on cherche à organiser » 76 ( * ) .

Il est vrai que l'alourdissement des contraintes -juridiques, comptables, et fiscales- pesant sur les associations, explique, pour une part, cette évolution.

La spécialisation du secteur associatif est également un facteur de professionnalisation : les associations assurant, par exemple, un soutien de populations à handicaps mentaux, physiques ou sociaux, doivent, sur des critères précis, sélectionner leurs collaborateurs fussent-ils bénévoles.

Pourtant, cette problématique est très spécifique à une petite frange d'associations.

Tout se passe en effet comme si un petit nombre d'associations, reconnues d'utilité publique, et pour ainsi dire « vitrines » de l'État au niveau national, concentrait l'essentiel des ressources -financières et matérielles- mises par les institutions à la disposition du secteur associatif.

Un chiffre traduit cette réalité : 4 % des associations françaises touchent 96 % des 2 milliards d'euros environ de subventions publiques distribuées chaque année à ce secteur 77 ( * ) .

Cette petite minorité, pourtant la plus visible, se trouve dans un rapport d'employeur vis-à-vis des personnes qui souhaitent s'engager : ce sont elles qui « recrutent » leurs bénévoles.

A l'inverse, les 830 000 autres associations disposent de structures réduites, éparpillées sur l'ensemble du territoire. Elles trouvent dans les bénévoles l'essentiel de leur richesse. Pour celles-ci, le recours au bénévolat ne relève pas d'un processus de sélection, mais d'une nécessité 78 ( * ) .

Quand on sait que quatre associations sur cinq fonctionnent exclusivement avec des bénévoles, on comprend que les problématiques ne sont pas les mêmes selon la taille, le secteur et le domaine de compétence.

b) ... qui mettent en place une « gestion de la ressource humaine » bénévole

L'augmentation des effectifs et l'alourdissement des responsabilités ont conduit les plus grosses associations à démultiplier et à structurer leurs organes de décision, d'une part, pour permettre à un plus grand nombre de collaborateurs de s'impliquer dans l'organisation, d'autre part, pour mettre en place une véritable stratégie d'encadrement des personnes impliquées dans le projet.

(1) Des organisations plus structurées

L'évolution qui a eu lieu au sein des Scouts et Guides de France est particulièrement représentative du mouvement de professionnalisation qui a touché l'ensemble du secteur associatif.

D'une part, l'organisation territoriale de l'association s'est profondément transformée, d'une structure traditionnelle -groupe local, département, région et échelon national-, à une structure à trois niveaux (le groupe local étant intégré dans une dimension appelée « le territoire » recouvrant des géographies différentes selon les régions, et chapeauté par l'échelon national).

Cette réorganisation permet de « coller » à la réalité de terrain et de répondre à l'interrogation soulevée par M. Marc Chabant, directeur des ressources et du développement des Scouts et Guides de France : « 30 élus et 14 000 responsables, comment faire pour que ceux-ci aient le sentiment de participer aux orientations politiques de l'association ? » 79 ( * )

La solution trouvée par les Scouts et Guides de France a consisté à changer les statuts et le règlement intérieur -afin d'élargir l'assemblée générale à 1 500 personnes- et à confier à chaque implantation locale le soin d'élire un représentant qui participera à l'élection du conseil d'administration.

A chaque échelon, d'autre part, les structures ont été divisées en trois pôles : un pôle pédagogique, un pôle développement et un pôle administratif et financier, selon une logique de compétences.

De plus en plus, les associations se retrouvent confrontées au choix de leurs schémas de gouvernance, même dans le cas où tous les échelons sont occupés par des bénévoles.

Le cas de l'UNAPEI 80 ( * ) est représentatif : l'association a opté pour la forme fédérative. Dans l'organisation de la fédération, les associations de base sont autonomes, elles se regroupent au niveau départemental et au niveau régional et dans chaque région, elles nomment un responsable régional qui siège au conseil d'administration. Ce conseil est composé de 33 membres, avec un certain nombre de personnes qui ne sont pas issues des régions, mais qui ont été élues pour leurs compétences particulières. Tout le monde est bénévole jusqu'au plus haut niveau, y compris le président.

Ce mode de gouvernance permet de concilier à la fois la recherche de compétence et la demande de représentation.

(2) Le développement de stratégies d'encadrement de la ressource bénévole

« Un bénévole, il faut l'accueillir », rappelait Mme Jacqueline Mangin 81 ( * ) .

Pour que l'expérience bénévole soit une réussite, tant pour le bénévole que pour l'association, il faut aujourd'hui se poser un certain nombre de questions, et surtout ne pas feindre d'ignorer que les candidats qui se présentent peuvent être motivés par des expériences extrêmement différentes.

Alors, comment déceler, au départ, ce que cherche exactement la personne : vient-elle pour la cause, pour une activité ou une tâche technique, ou pour trouver un environnement ?

Comment lui présenter l'association au regard de ses attentes ?

Faute d'avoir au préalable pris le temps de répondre à ces différentes interrogations, on court le risque de « décevoir » tant le candidat que les responsables de l'organisation.

C'est la raison pour laquelle la plupart des grosses associations ont, d'une part, mis en place des procédures de sélection, afin d'éliminer les candidats au bénévolat dont les attentes leur paraissent incompatibles avec la poursuite du projet et, d'autre part, adapté leur organisation pour une optimisation de la ressource humaine.

M. Joinneaux, président de l'UNAPEI, indique avoir fait le choix « d'avoir des bénévoles véritablement bénévoles et des états-majors de professionnels capables de seconder ces bénévoles et de leur permettre de prendre des décisions appuyées sur une réflexion technique suffisante » 82 ( * ) .

Au sein d'Action contre la Faim, le choix a été fait de recruter un salarié pour 10 bénévoles.

Bien entendu, ces problématiques ne concernent que les plus grosses associations, ces 4 % sur lesquelles se focalisent l'attention, les ressources... et les bénévoles.

C'est ainsi que pendant que certaines refusent des CV pour cause d'incompatibilité avec les attentes de l'association, d'autres, les 96 % restantes, s'emploient à communiquer pour attirer les bonnes volontés.

« Les associations deviennent-elles des entreprises ? », telle était la question posée lors de la conférence-débat organisée par les Universités du management associatif (UMA), le 30 novembre 2004 à l'École des mines de Paris.

A l'image des participants (parmi lesquels on peut citer M. Bernard Barataud, co-fondateur du Téléthon et président de Généthon, Michel Berry, fondateur et secrétaire général de l'École de Paris du management, Lucien Bouis, administrateur de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), Francis Graille, président du Paris-Saint-Germain, Olivier Hindermeyer, directeur général de l'UCPA, ou Gilles Paillard, directeur général de l'UNICEF), on peut affirmer que cette problématique ne concerne que les associations qu'ils représentent, à dimension nationale, et soutenues par des financements divers.

A l'instar de l'attention, qui se focalise sur cette petite minorité, les dispositifs législatifs et réglementaires existants semblent largement inadaptés à la réalité du monde associatif, dont on rappellera que sur le million environ de structures en activité, près des ¾ fonctionnent avec moins de 1 500 euros par an.

* 75 Libération du mardi 7 décembre 2004.

* 76 Tribune Fonda d'octobre 2004.

* 77 Source : ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

* 78 L'enquête Matisse-Les-CNRS, qui évaluait en 2001 à 880 000 le nombre d'associations actives en France, estimait que 735 000 d'entre elles fonctionnaient uniquement à partir du travail bénévole, ce qui représente 83 % des effectifs globaux.

* 79 Colloque AFTA, octobre 2004.

* 80 L'Union nationale des Associations de Parents et Amis de personnes handicapées mentales.

* 81 Elle est responsable des séminaires sur le bénévolat au sein de la Fonda.

* 82 Colloque AFTA, octobre 2004.

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