2. Un cadre théorique discuté

Dans ce cadre d'analyse, issu de la théorie des avantages comparatifs, les gains positifs sont essentiellement liés à l'amélioration de l'efficacité consécutive à la spécialisation dans les activités les plus efficaces.

Il faut rappeler cependant que les théories modernes du commerce international et, notamment, les travaux de Joseph Stiglitz ou Paul Krugmann ont nuancé cette approche.

Il existe des situations dans lesquelles un certain degré de protection peut être nécessaire :

- pour maintenir une agriculture vivrière dans certains pays pauvres et les protéger des fluctuations des prix mondiaux des produits alimentaires de base, consécutives à la libéralisation des marchés ;

- pour protéger les secteurs industriels stratégiques ou jugés comme tels (le secteur de l'automobile européen aurait-il résisté à une ouverture brutale du marché ?) ;

- pour permettre dans les pays en développement l'émergence de secteurs industriels (théorie des industries naissantes) : un certain degré de protection permet de rendre rentable l'investissement dans ces secteurs.

Une critique plus fondamentale de l'approche conduite par la théorie des avantages comparatifs est liée aux coûts de transition consécutifs à une ouverture des marchés : les coûts sociaux liés à la mutation et la reconversion des salariés des secteurs touchés par l'ouverture se transforment en coûts économiques. L'exclusion de ces salariés du marché du travail peut, d'autant plus qu'elle est durable, augmenter leur « inemployabilité », le chômage structurel et, in fine , diminuer la croissance potentielle de l'économie 12 ( * ) .

3. Les améliorations introduites par le CEPII

S'appuyant sur les théories modernes du commerce international, le CEPII a introduit dans le modèle MIRAGE un certain nombre de « rigidités » (par rapport à une vision plus « fluide » de l'ouverture commerciale mais pas nécessairement la plus réaliste).

Deux aspects méritent d'être soulignés :

- jusqu'à présent et notamment dans la modélisation à laquelle recourt la Banque mondiale (modèle LINKAGE), la substitution entre produits du Nord et produits du Sud est parfaite. Or, les consommateurs différencient les produits du Nord et ceux du Sud (« différenciation verticale des produits ») : leur prix, comme leur image, sont différents (un tee-shirt importé d'un pays en développement et un tee-shirt de marque européenne sont deux produits assez nettement différents...), de sorte qu'il n'y a pas de substitution parfaite entre ces produits industriels dans le modèle MIRAGE ;

- l'autre amélioration introduite par le CEPII, par rapport à la modélisation existante est l'introduction de délais dans la réaffectation de la terre ou du capital physique à des nouvelles productions : la terre affectée à la production de bananes ne peut être instantanément réaffectée à la production de café...

Du fait des corrections ainsi introduites, les résultats des simulations de la libéralisation du commerce international obtenus par le CEPII sont inférieurs à ceux obtenus précédemment.

*

On retiendra de ces considérations trois aspects importants :

- la modélisation conduite par le CEPII se situe, comme celle des grandes organisations économiques internationales dans un cadré théorique libéral ;

- cette approche peut être contestée à la lumière des théories modernes du commerce international, mais il n'en existe pas d'autre disponible dans ce domaine 13 ( * ) ;

- cette approche a cependant été améliorée par le CEPII à la lumière de travaux récents sur le commerce international ; ceci contribue à des résultats de simulations de la libéralisation commerciale différents de ceux obtenus, notamment, par la Banque mondiale.

* 12 Lorsque le chômage structurel augmente, la croissance bute plus rapidement sur une insuffisance de main-d'oeuvre, donc sur des tensions inflationnistes et le potentiel de croissance s'affaiblit.

* 13 En effet, les modèles dits macroéconomiques, utilisés par votre Délégation pour présenter des projections à moyen terme ou évaluer l'impact des politiques budgétaires, ne permettent pas de simuler l'impact de la libéralisation commerciale.

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