2. Une connaissance clinique et épidémiologique à améliorer

Outre les débats sur la qualité des mesures pour appréhender le risque sur la santé, la quantification physique des dommages sanitaires de la pollution de l'air fait l'objet de controverses scientifiques.

En France, les premières estimations ont reposé sur l'étude francilienne ERPURS (évaluation des risques de la pollution urbaine pour la santé) entre 1987 et 2000. Une seconde étude portant sur 9 villes (PSAS 9 - Programme national de surveillance des effets sur la santé de la pollution de l'air) a été coordonnée par l'Institut de veille sanitaire.

A l'étranger, plusieurs importantes études ont eu lieu : aux Etats-Unis, une étude sur 6 villes et une sur le cancer par l'American Cancer Society (ACS), et l'étude dite tripartite de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette dernière étude, publiée en 1999, a appliqué à la France les résultats obtenus aux États-Unis. Cette méthode d'extrapolation à partir des études américaines est malheureusement fréquente et peut affaiblir significativement les résultats.

Dans le cas de l'étude ERPURS , ce sont des données européennes d'évaluation des risques qui ont été utilisées. L'étude a eu pour objectif de mesurer à court terme les effets des pics de pollution sur les indicateurs de santé : mortalité, hospitalisation, urgence pédiatrique, visites à domicile. Les principaux polluants ont été retenus. Le niveau de pollution retenu a été celui sous lequel se trouvent 5 % des jours les moins pollués de l'année, ce qui est très faible. L'impact a été recherché sur les trois jours suivant l'épisode de forte pollution. Les relations les plus importantes apparaissent avec les particules et le NO 2 . En matière d'hospitalisation pour maladies respiratoires, dont l'asthme, les effets sont les plus marqués chez les enfants de moins de 15 ans : + 8 % pour des hospitalisations dues à l'asthme en rapport avec le NO 2 , et + 5 % pour des hospitalisations à cause de maladies respiratoires en lien avec les particules fines.

L'étude PSAS 9 menée sur la période allant de 1990 à 1997 a permis d'examiner une population de 11 millions de personnes (Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Rouen, Strasbourg, Toulouse et Paris). Elle a abouti à un calcul annuel de la mortalité statistique anticipée évaluée à 2 800 décès en raison notamment de l'exposition à la pollution de fond plus qu'aux pics.

Ce type de résultat fait l'objet de controverses puisqu'il est difficile de faire la distinction avec les populations à risque et qu'il est également difficile de mesurer l'anticipation du décès. Ces études ne permettent pas non plus de distinction entre air intérieur et extérieur et bien entendu entre les sources extérieures de pollution.

C'est pourquoi, à des études sur les effets de court terme, certains ont pu préférer des études de long terme permettant mieux de mesurer le poids de l'exposition à une pollution de fond.

Parmi celles-ci, l'étude américaine sur six villes a suivi 8.000 adultes sélectionnés pendant 14 et 16 ans et l'ACS a suivi 500.000 personnes sur 7 ans. Ces deux études ont confirmé un lien entre l'augmentation de la mortalité et l'augmentation de la concentration de particules fines. Cependant, des contre-études menées sur les données recueillies ont conduit à affaiblir les liens démontrés en mettant en avant des facteurs d'incertitude.

L'étude de l'OMS évoquée plus haut et publiée dans The Lancet en septembre 2000 aboutissait pour la France à évaluer à 17.600 les décès anticipés causés en 1996 par les particules fines émises par l'automobile. Cette étude, citée par l'ancien ministre de l'écologie, M. Serge Lepeltier, dans son rapport « Nuisances environnementales de l'automobile : quels vrais enjeux ? » 21 ( * ) , est également très contestée. Le ministre indiquait à ce propos : « Ces résultats doivent être considérés avec prudence, dans la mesure où ils proviennent d'un modèle assez grossier et non d'une étude épidiémiologique ». Les chiffres de l'OMS pourraient être 10 fois supérieurs à la réalité.

- L'Agence française de sécurité sanitaire et environnementale (AFSSE) a publié, en 2004, une étude sur l'exposition chronique aux particules fines et mortalité par cancer du poumon et par maladies cardio-respiratoires. Elle avait pour but d'estimer l'impact de la qualité de l'air sur le risque de décéder, dans la situation actuelle et dans plusieurs scénarios d'évolution de la pollution atmosphérique urbaine. Les particules fines sont considérées comme l'indicateur de qualité de l'air et de risque de référence.

Cette étude s'est intéressée à 76 villes et 16 millions de personnes de plus de 30 ans. Elle a cherché à évaluer leur exposition et à leur appliquer les facteurs de risque établis par les études antérieures.

Il en résulte que sur les personnes âgées de 60 à 69 ans, 11 % des cancers du poumon seraient liés à la pollution. Sur l'ensemble de la population considérée, 6 % des cancers seraient liés à la pollution .

Ainsi malgré, la très grande difficulté des études menées sur la pollution, il est possible de constater que :

- Les liens entre pollution urbaine (NO 2 , particules notamment) et atteintes de la santé à court terme (maladies respiratoires), mais également à long terme (cancer du poumon, maladies cardio-vasculaires), sont de plus en plus clairement établis .

- Les différentes études indiquent que ce sont les expositions chroniques, correspondant à des niveaux modérés de pollution, qui sont responsables de l'essentiel de l'impact sanitaire .

La poursuite des politiques destinées à maîtriser la pollution atmosphérique urbaine, et particulièrement celle des transports routiers, est nécessaire ainsi que la poursuite des recherches épidémiologiques.

* 21 Sénat, 2001-2002, n°113.

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