6. Débat avec la salle

• M. Joël PEDESSAC, Directeur général, Comité français du butane et du propane

J'ai entendu ce matin un discours sur les problèmes de pollution et les principaux polluants. Je ne veux pas avoir de discours partisan, et j'essaie de comprendre. Les principaux polluants les plus toxiques sont le CO 2 , les oxydes d'azote et les particules. J'ai entendu des démonstrations très intéressantes sur le plan scientifique sur la manière de traiter les oxydes d'azote et les particules. Des solutions sont plus ou moins faciles à mettre en oeuvre. M. MORCHEOINE a présenté l'analyse de l'ADEME sur ces moyens. Je regrette que le seul moment où il a été question du gaz GPL, c'est en montrant un tableau de microgrammes par kilomètre, alors qu'on parlait de PPM, et l'on est soudain passé en binaire, avec de petits bonhommes verts ou rouges qui montrent que le GPL n'est pas une si bonne chose. Si l'on examine l'étude en détail, avec l'IFP, le TUV et un certain nombre de laboratoires européens qui l'ont conduite, on indique que sur les oxydes d'azote, avec un réseau de distribution (on a investi 200 M€ en France pour construire des stations-service), les oxydes d'azote, avec le GPL cela fait 96 % de réduction par rapport au diesel, et 40  % par rapport à l'essence. Au niveau des particules, c'est sans particules, sans filtre, grâce à un produit qui existe sur le marché. Quelle est la place du GPL ou des carburants gazeux, dont on n'a pas beaucoup parlé, quelle est la place des carburants alternatifs, qui sont mis en avant au niveau européen dans les différents programmes des solutions alternatives, même s'il n'y a pas de solutions, mais des objectifs fixés ? Enfin, quelle peut être la conclusion du législateur, lorsqu'on entend la position de l'ADEME suivant laquelle le GPL n'est pas une si bonne chose ?

• M. Christian CABAL

Pour ce rapport, nous procédons aujourd'hui à une audition publique qui fait la synthèse des travaux qui ont été engagés. Mais vos représentants de l'utilisation de moyens énergétiques tels que le GPL ont été longuement et largement entendus. On ne peut pas, à travers une présentation limitée à dix minutes par intervenant, avec l'ensemble des thématiques à aborder, reprendre en détail chacun des carburants potentiels. Notre rapport ne va pas être uniquement fondé sur les interventions de ce matin. Il va prendre en compte l'ensemble des investigations que nous avons engagées ces derniers mois.

• M. Alain MORCHEOINE

Dans cet exercice un peu « compacté », les présentations sont un peu simplificatrices. Néanmoins, nous constatons qu'on a, en particulier à partir d'Euro 4, des sauts qualitatifs en termes de dépollution des motorisations classiques, essence et diesel, qui sont importants. Concomitamment, on a l'impression que les constructeurs automobiles ne sont pas pressés de mettre des véhicules GPL Euro 5 sur le marché. Par conséquent, lorsqu'on n'a pas beaucoup d'offre et que l'on sait par ailleurs que le GPL est un produit des champs pétroliers d'une part et des champs gaziers d'autre part, mais que ses ressources ne sont pas très importantes, et que, de plus, elles risquent de diminuer, car les pétroliers les utiliseraient dans leur process de raffinage, je ne suis pas très optimiste sur l'avenir d'une filière dans laquelle l'offre est faible et dans laquelle les ressources sont probablement un peu limitées. Je ne dirais pas la même chose sur le gaz naturel, pour lequel les ressources sont plus importantes, mais sur lequel on est encore sur une offre que l'on peut qualifier de confidentielle. Si l'on se projette, le gaz naturel a sa place dans une configuration un peu intermédiaire, ou en faisant du GTL. Je ne peux pas dire la même chose du GPL.

• M. Joël PEDESSAC

Je voudrais apporter un complément sur les ressources, car c'est un point important. 60 % de nos ressources mondiales proviennent du gaz naturel et sont en croissance chaque année. Le pétrolier, dans sa ressource, fait toujours l'optimisation économique par rapport à ce qu'il doit utiliser comme matière première dans sa raffinerie pour en abaisser le coût de production. Le GPL est une alternative au Nafta et, en fonction du cours, il va utiliser l'un ou l'autre. Ce que vous avez dit est exact, mais on vient beaucoup plus du gaz naturel que du pétrole, et cela va en s'améliorant chaque année, puisque l'on gagne quelques pour-cent par an sur les ressources provenant du gaz naturel du pétrole.

• M. André DOUAUD

En ce qui concerne la courbe montrée par M. MORCHEOINE sur l'effet de la réduction de vitesse qui entraîne une augmentation des émissions, je me pose une question. Lorsqu'on constate des pics de pollution, à Paris ou ailleurs, il existe un règlement qui demande de baisser la vitesse de 20 ou 30 km/h. On a l'impression que cela va exactement dans la mauvaise direction. Ne serait-il pas souhaitable, justement en cas de pic de pollution, de recommander d'accélérer ou de fluidifier la circulation ? Je ne comprends pas cette mesure.

• M. Alain MORCHEOINE

Je pense que mon ami André DOUAUD a mal lu la courbe. Lorsqu'on a une augmentation de la vitesse commerciale des autobus, cela veut tout simplement dire que la partie de voirie dans laquelle ils se trouvent est plus fluide qu'avant. Cela signifie que l'on a diminué les phases d'accélération/décélération autour de la vitesse moyenne. C'est cela qui produit les gains en carburant, en CO 2 et en oxydes d'azote. Il faut faire très attention lorsqu'on dit que la vitesse diminue, car on fait l'hypothèse qu'elle diminue parce que la congestion augmente et que le trafic devient de plus en plus chahuté. Ne mêlons pas tout.

• M. Rémy PRUDHOMME

Une autre réponse est possible. La courbe qui décrit les rejets polluants en fonction de la vitesse descend d'abord, puis elle est stable et remonte ensuite. Autant on diminue la pollution lorsqu'on passe de 100 km/h à 80 km/h, autant on l'augmente lorsqu'on passe de 20 km/h à 10 km/h. Les deux propositions ne sont pas contradictoires, et il suffit de visualiser une courbe en V pour comprendre qu'il n'y a pas de contradiction entre le fait de limiter la vitesse sur les autoroutes de la Région parisienne et de réduire la pollution.

• M. Christian CABAL

Cela passe par un optimum.

• M. Alain MARCHEOINE

Ce sont des travaux que nous avons largement subventionnés et que nous suivons beaucoup. Pour ces courbes, on considère la vitesse moyenne. Plus elle est basse, plus les points qui servent à calculer la consommation et les émissions de polluants sont des points de trafic congestionné. Autrement dit, actuellement, en ville, nous n'avons pas les outils (nous les aurons très bientôt) qui permettent d'affirmer, lorsqu'on passe sur une zone de circulation en zone 30, si l'on gagne ou non en pollution. On passe à un trafic normal, avec une onde verte à vitesse modérante de l'ordre de 30 km/h, alors que le trafic est à 40 km/h, et l'on ne sait pas calculer cela. Nous le saurons dans un ou deux ans.

• M. Claude GATIGNOL

Nous avons entendu plusieurs intervenants nous parler d'améliorations fondées sur l'innovation de différents systèmes, qu'ils soient avant le moteur, dans le moteur ou après le moteur. Une étude économique a-t-elle été portée sur ces améliorations techniques, qui soit compatible avec le coût du véhicule, devenu un produit commercial ?

• M. Gérard BELOT

Je vais tenter d'apporter un éclairage sur votre question. Je prends la précaution de dire que je n'ai pas à ma portée les données convaincantes sur les coûts, mais seulement une partie. Il est certain que le constructeur automobile que nous sommes, et nos concurrents ont sans doute la même vision, travaille énormément à la source. Les émissions des moteurs sont considérées comme pouvant être maîtrisées de deux manières. D'une part, à la source, ce que nous faisons de manière continue et efficace. Un système de post-traitement demeure nécessaire, pour des raisons physico-chimiques. Il est clair qu'aujourd'hui, et c'est peut-être une réflexion que nous devrons avoir sur ces questions, le coût de la dépollution s'envole. En effet, il fait appel à des technologies innovantes qui sont de plus en plus complexes, qui nécessitent des métaux précieux en quantité croissante. C'est un sujet sur lequel on n'a pas suffisamment insisté. Les métaux précieux sont un facteur de dépendance sur des pays politiquement instables. Je pense qu'il faut avoir vis-à-vis de cette situation un regard affûté.

Ceci étant, le coût de la dépollution croît. Le coût qu'il faut investir en recherche, comme en est témoin M. HERRIER, pour s'orienter vers de nouveaux modes de combustion, est également un investissement lourd que nous supportons, et sur lequel nous faisons des paris. La combustion homogène diesel est une perspective sur laquelle on établit des espoirs forts. En effet, pour contrebalancer la complexité de satisfaire le post-traitement à des coûts raisonnables, le diesel étant grevé de ces coûts potentiellement, et compte tenu de sa qualité en termes de consommation, il faut avoir à coeur de le considérer comme une voie potentielle. Je n'ai pas répondu à la question, j'en suis bien conscient, mais le message est qu'il y a un équilibre à trouver et l'avenir n'est pas à la dépollution uniquement, car cela ne sera pas soutenable.

• M. Patrick OLIVA

Nous avons eu dans plusieurs exposés des précisions sur les évolutions techniques des différents systèmes. A l'horizon Euro 5, quel est le différentiel de consommation entre moteur essence et moteur diesel, lorsqu'on intègre a priori l'ensemble des systèmes de dépollution ? Peut-on miser sur ce qui est encore dit aujourd'hui, soit une vingtaine de pour-cent, ou voyez-vous ce différentiel réduit vers Euro 5 ? Vers 2015, prévoyez-vous une évolution contrastée entre diesel et essence ?

• M. Gérard BELOT

Je ne souhaite pas parler d'Euro 5, car je ne sais pas ce que c'est, et personne autour de cette table ne le sait. En revanche, on a une perspective qui contraint de plus en plus clairement le diesel. En tant que constructeur automobile on a également le souci de faire en sorte que le moteur à essence progresse, et je crois que c'est le cas. Je prends pour exemple la collaboration que nous avons avec BMW. Nous avons mis en place un nouveau moteur coeur de gamme, qui en termes de consommation affiche 15 % de mieux que le moteur remplacé. Les deux, essence comme diesel, progressent. A terme (c'est ma conviction, et je m'exprime non pas au nom de PSA mais en tant que motoriste), l'essence aura des gains, le diesel continuera à avoir des gains également (on les estime aujourd'hui à 15 % environ), et l'écart va peu à peu s'amortir. C'est la vision à moyen terme d'un rééquilibrage entre l'essence et le diesel en termes de consommation.

• M. PierPaolo CAZZOLA

Je voudrais poser une question au Pr. PRUDHOMME. Dans le calcul des bénéfices de la réduction de la pollution à Londres, y a-t-il un moyen d'inclure les coûts sanitaires ?

• M. Rémy PRUDHOMME

Ils sont déjà compris. Les bénéfices que je mesure sont une réduction des coûts, qui sont principalement des coûts sanitaires. Je prends le chiffre de l'estimation des coûts dans le rapport BOITEUX, mais au-delà de ce chiffre, il y a une estimation des coûts sanitaires. Celle-ci peut vous plaire ou non, on peut la discuter, mais on a fait de son mieux, c'est ce qui existe de plus sérieux et de plus crédible, ou de moins douteux. J'ajoute que, curieusement, les Anglais, et en particulier Transport for London, l'organisme qui est responsable de la mise en oeuvre, qui dépend de la mairie, n'a pas compté du tout dans ses estimations des gains et des pertes du péage, ces gains liés à une réduction liée à la pollution. Cela s'explique par le fait que ces gains sont très faibles en valeur relative. En effet, la réduction de la circulation concerne 1 ou 2 % du total de la circulation. On a donc des variations infimes, et qui ne sont pas mesurables. Les mesures qui sont faites de la qualité de l'air à Londres ne font pas apparaître de gains. C'est simplement le raisonnement logique qui nous dit qu'il doit y en avoir, si l'on croit les courbes de l'ADEME, ou plutôt de l'UTAC, dont j'ai donné quelques chiffres.

• Conclusion de M. Christian CABAL

Merci. Je ne vois pas d'autres questions à ce stade des interventions. La matinée a permis d'aboutir à un consensus sur l'évaluation des éléments de la pollution urbaine liée aux émissions des véhicules moteur à combustion. Les différents participants ont présenté des évaluations précises et des perspectives sanitaires, dont on vient de parler. Dans la deuxième partie de cette matinée, nous avons pu prendre connaissance des différentes technologies utilisées et mises au point pour pallier ces paramètres de pollution atmosphérique. Là aussi, un certain nombre de points ont pu être avancés et discutés, même si comme je l'ai indiqué, nous ne faisons qu'un aperçu rapide dans cette audition publique aujourd'hui par rapport aux auditions beaucoup plus complètes et détaillées qui ont été réalisées. En terminant sur l'exemple du péage urbain, on est au coeur de la problématique pour voir quelles solutions le législateur ou le chargé de la réglementation publique peut apporter par le biais, soit de la fiscalité, soit du péage, pour être incitateur ou non dans telle ou telle autre direction. Nous retombons là sur le rôle des élus ou de ceux qui sont chargés de faire des propositions pour la réglementation publique. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans la deuxième partie de cette présentation.

La séance est suspendue à 13h00.

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