2. M. Jean-Pierre FONTELLE, Directeur du CITEPA

Merci. Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs. Je voudrais tout d'abord remercier les organisateurs pour nous donner l'occasion de présenter ces quelques informations qui je l'espère seront utiles au débat. En préambule, je voudrais préciser que les données qui vont être présentées sont essentiellement issues de ce que l'on appelle le Système national d'inventaires des émissions polluantes, qui a été développé par le CITEPA, en tant que centre national de référence dans ce domaine, à la demande du Ministère de l'Ecologie et du développement durable, qui assure l'essentiel du financement de ce système. Pour mémoire, je précise que ce système est l'élément générateur des données qui sont utilisées par la France et remises aux Nations unies et à la Commission européenne en application des conventions, protocoles et directives que la France a souscrits. Si vous souhaitez avoir plus d'informations sur la multitude de résultats qui existent à ce sujet, vous pouvez consulter le site du CITEPA ( www.citepa.org ) et télécharger tous ces rapports qui sont dans le domaine public. Egalement à titre de préambule, pour ceux qui seraient plutôt néophytes avec ce genre d'informations, je tiens à préciser que les données d'émissions que je vais vous présenter se réfèrent à des émissions directes. En ce qui concerne les véhicules, il s'agit des émissions liées à l'usage des véhicules et en aucun cas à sa construction ou à la construction des infrastructures, ou encore à l'élaboration des carburants qui sont nécessaires au fonctionnement dudit véhicule. Ces autres sources d'émission sont comptabilisées mais inscrites dans les secteurs industriels, manufacturiers ou de transformation d'énergie.

Pour commencer, je vous donnerai un aperçu global par grands secteurs, et je focaliserai progressivement sur des éléments de plus en plus détaillés concernant les transports automobiles. Sur ce premier graphique, les barres orange indiquent la contribution des différents secteurs principaux mentionnés ici dans l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre en France métropolitaine, sachant que le périmètre est celui des six gaz couverts par le protocole de Kyoto. Le transport, tous modes confondus, représente 27 % des émissions en France ; l'industrie manufacturière un peu moins de 20 % ; le résidentiel, tertiaire, institutionnel et commercial environ 17 % ; l'agriculture et la sylviculture environ 19 % ; l'industrie de l'énergie aux alentours de 12 % ; le traitement des déchets près de 2 %.

On peut voir les évolutions depuis 1990, cette année servant de référence aux engagements de stabilisation, de réduction ou d'augmentation, selon les pays couverts par la convention climat et le protocole de Kyoto, voire par les engagements européens. Ceci signifie que le transport routier et le résidentiel tertiaire apparaissent clairement en France comme les deux secteurs qui ont augmenté leurs émissions depuis l'année 1990, respectivement de 22 et de 14 %, alors que les autres secteurs, comme l'industrie manufacturière, l'agriculture ou l'industrie d'énergie et les traitements des déchets, ont réduit leurs rejets depuis 1990 dans des proportions qui vont d'environ 9 à 23 %. L'UTCF concerne l'utilisation des terres, leur changement et la forêt, ou en d'autres termes plus conventionnels, les puits de carbone, essentiellement liés à la photosynthèse dans la forêt. On a 73 % d'évolution du puits, ce qui est favorable dans ce cas précis.

Si l'on examine maintenant ces contributions en distinguant la contribution des six gaz couverts par Kyoto, on s'aperçoit que pour la plupart des secteurs, excepté l'agriculture et le traitement des déchets, le CO 2 est très prépondérant, particulièrement dans le cas des transports, où l'on voit un peu de N 2 O apparaître et un peu de HFC, notamment liés à la climatisation accrue des véhicules.

On peut maintenant examiner plus précisément le transport routier, avec un historique depuis pratiquement un demi-siècle. On voit la croissance au fil des années. Le transport routier représentait 5 % des émissions de CO 2 en 1960, pour augmenter progressivement à 14 % en 1980, à 22 % en 1990, et atteindre 25 % aujourd'hui. Les petites différences d'écart que l'on peut constater avec les chiffres précédents tiennent au fait que l'on parle ici en CO 2 et non pas en gaz à effet de serre globaux, auxquels il faut ajouter d'autres gaz.

Si l'on regarde d'un peu plus près ce qui se passe, plusieurs indicateurs sont assez intéressants si l'on veut pousser les analyses plus loin. On a l'évolution du parc roulant en France, avec des milliards de véhicules/kilomètre parcouru. On s'aperçoit que sur le même intervalle de temps, on fait à peu près sept fois plus de véhicules/kilomètre qu'il y a trente ans. Vous avez la décomposition par catégorie de véhicules. On constate clairement la diminution des voitures particulières à essence et la montée des véhicules particuliers diesel, ainsi que la montée des véhicules utilitaires et des poids lourds dans une certaine mesure. On a également l'évolution des émissions de CO 2 , toujours du transport routier et la France métropolitaine pour à peu près les mêmes catégories de véhicules. On voit là encore la part relativement importante comparée notamment à la part occupée dans le nombre de véhicules/kilomètre, notamment des poids lourds.

Pourquoi ai-je fait apparaître les particules, puis sur la figure suivante d'autres polluants dont on a parlé ce matin (SO 2 , NOx, CO, COV) ? On peut constater que sur ces autres polluants, les contributions du transport routier diminuent fortement pour la plupart, alors que dans le cas du CO 2 , c'est encore le challenge qui est demandé aux transports automobiles d'arriver à infléchir ces courbes pour diminuer les émissions. Si l'on observe d'un peu plus près ce qui se passe, on a des indicateurs qui vont illustrer les émissions de CO 2 par PIB, par exemple. On s'aperçoit que ramenées à ce paramètre, les émissions de CO 2 sont de mieux en mieux situées. A l'inverse, si l'on examine le CO 2 du transport routier par rapport au nombre d'habitants, on s'aperçoit qu'il y a eu une dégradation au fil du temps, avec une stabilisation depuis un certain nombre d'années, pratiquement depuis le début de l'an 2000. Ceci traduit l'évolution de la nature du parc, des véhicules plus importants, des usages plus développés du transport automobile au cours des décennies écoulées.

On retrouve une courbe qui par l'effet de l'échelle semblait horizontale, mais qui ne l'est pas, et qui montre que globalement sur la période, plutôt depuis 1970, il y a un progrès d'à peu près 15 % sur les émissions que l'on qualifiera d'unitaires, tous véhicules confondus. On peut approfondir l'analyse, en dissociant les poids lourds et les véhicules légers. On constate que pour ces derniers les progrès ont été beaucoup plus importants et ils continuent de progresser, puisque les constructeurs automobiles se sont engagés sur des efforts de limitation de la consommation unitaire. On a ici l'image du passé, et donc toute l'inertie du parc qui pèse dans les résultats. Pour les poids lourds, on s'aperçoit qu'il y a eu jusque dans les années 1990 une montée assez forte des émissions unitaires, pour être suivie maintenant d'une stabilisation voire d'une diminution rapportée aux émissions de CO 2 par véhicule/kilomètre. Sur la contribution des différents combustibles, cela ne surprendra personne de voir le diesel s'octroyer une part de plus en plus importante dans les émissions de CO 2 , au détriment du carburant essence. On notera également que les biocarburants et le GPL restent marginaux, puisqu'ils ne représentent environ que 1 % des émissions totales.

Pour terminer, puisqu'il fallait essayer d'avoir un oeil européen, voire mondial, je vous présente un tableau qui contient beaucoup de chiffres, ce dont je m'excuse. On a le total national de tonnes d'émissions de CO 2 , avec pour la France 408 M de tonnes, comparé à l'Allemagne, avec 865 M. En valeur absolue, on note que la France, comparée à des pays analogues, voire d'autres assez différents, est un émetteur relativement petit. En ce qui concerne les évolutions, pour le CO 2 , on a 3 % en France entre 1990 et 2003, et c'est négatif lorsqu'on considère l'ensemble des gaz à effet de serre, comme on l'a vu. On s'aperçoit que ce résultat est mitigé. Certains pays étant très positifs et d'autres très négatifs. Mais il s'agit des émissions totales. De la même façon, je confirme le caractère vertueux de la France au niveau du CO 2 par habitant, avec 6,6, soit le meilleur score affiché par rapport à l'ensemble des autres pays, parfois de très loin. On peut multiplier les indicateurs, et regarder par exemple par rapport à la superficie d'un pays, ou d'autres paramètres. Pour le transport routier, la part de ce dernier en France est la plus forte de tous les pays présentés. Cela tient à la structure nationale, puisque l'on a de l'énergie nucléaire et ceci s'explique logiquement, mais cela permet peut-être de comprendre pourquoi on attend beaucoup du transport routier, puisqu'il représente un gisement plus important que pour d'autres.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'évolution des émissions du trafic routier en France, on se trouve dans une situation médiane, moins bons que certains pays comme l'Allemagne ou le Royaume Uni, mais mieux placés que certains pays comme l'Espagne, et pas plus mal que l'Union européenne à quinze, voire le Japon. Comparer des résultats au niveau européen, cela peut se justifier, mais au niveau mondial, c'est un exercice périlleux. En effet, peut-on réellement comparer en termes de gaz à effet de serre des émissions de pays qui ont des conditions climatiques, économiques très différentes ? Il est évident que si l'on habite en Sibérie, on aura plus de besoins en énergie que si l'on est proche de l'équateur ou si le pays est très étendu, où les besoins en transport peuvent être accrus, ou de nature complètement différente.

Je vous remercie pour votre attention.

• M. Claude GATIGNOL

Merci, Monsieur FONTELLE. Le dernier graphe que vous nous avez montré faisait un état comparatif tout à fait intéressant pour la réflexion ultérieure et dans l'approche que l'on peut faire de la place relative du transport dans les émissions de gaz à effet de serre. Je donne la parole à M. GAZEAU, qui va nous parler de ses conclusions à travers la mission interministérielle sur l'effet de serre.

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