TABLE RONDE RÉUNISSANT
DES REPRÉSENTANTS DES ENTREPRISES

M. Hubert PERREAU
Membre de la commission « droit de l'entreprise »
du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

Mme Joëlle SIMON
Directrice des affaires juridiques
du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

M. Jean COURTIÈRE
Président de la commission du droit de l'entreprise
de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP)

M. Jérôme FRANTZ
Membre de la commission du droit de l'entreprise,
en charge du dossier des « class actions »,
de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP)

Mme Anne OUTIN-ADAM
Directrice des développements juridiques
à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP)

Mme Joëlle SIMON, Directrice des affaires juridiques du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) -

Je vous prie par avance de m'excuser car je serai obligée de vous quitter dès la fin de mon intervention. A titre préliminaire, il me semble important de rappeler que le dossier n'est pas nouveau puisque, depuis vingt ans, nous voyons se succéder les projets dans ce domaine. Ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si, jusqu'alors, les gouvernements qui se sont succédé, toutes tendances confondues, ont renoncé à introduire une procédure inspirée de ce que nous connaissons, notamment Outre-Atlantique. Je voudrais très rapidement réagir contre ce qui nous semble être des contre-vérités, la première étant que les consommateurs seraient démunis. En effet, il convient de noter que nous sommes en Europe et particulièrement en France dans une situation très différente de celle que nous connaissons aux Etats-Unis où ce type de procédures s'est développé pour compenser l'absence de réglementation et de sanctions. En France, le consommateur est très protégé par une législation préventive, des sanctions et l'existence de procédures de règlement des petits litiges de consommation. Ces dernières sont extrêmement simples, efficaces et rapides. La moyenne des litiges soumis au tribunal d'instance concerne des sommes comprises entre 150 et 1.000 euros, alors que la compétence maximum de ce tribunal s'établit à 10.000 euros.

Je m'élève également contre l'argument selon lequel il n'y aurait pas de moyens de réagir en cas de préjudice collectif. Il existe plusieurs actions que je n'énumérerai pas. Les associations affirment qu'elles n'utilisent pas l'action en représentation conjointe car cette dernière est lourde et complexe à mettre en oeuvre. Or, il convient de souligner que les formalités exigées par la loi sont extrêmement légères. Les exigences du contenu de l'écrit réclamé sont minimales. La collecte ne paraît pas si complexe, si l'on veut bien considérer la rapidité avec laquelle certaines associations de consommateurs ont mis en place des sites visant à collecter des mandats à la suite d'une récente décision du Conseil de la concurrence. Nous pensons, par conséquent, que l'action en représentation conjointe n'a pas été utilisée parce que, en tant que mandataires, les associations peuvent engager leur responsabilité civile. Sur ce point, nous tenons à préciser que, contrairement à ce qui a pu être écrit dans le rapport sur les recours collectifs, il n'y a pas d'impossibilité pour les associations de s'assurer. Il convient bien entendu de négocier les conditions d'assurance, mais il n'existe pas de défaut d'assurance en ce domaine.

Une autre contre-vérité consiste à affirmer que le meilleur moyen pour assurer l'efficacité du recours collectif est l' opt out . Le sujet a déjà été abordé. Nous sommes pour notre part convaincus qu'il est par essence contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'Homme de contraindre un défendeur à se défendre contre un groupe indéterminé et inconnu. J'ai, à ce titre, été choquée par le contenu de la brochure éditée par l'UFC-QUE CHOISIR qui reconnaît qu'il y aurait bien ainsi un traitement différent du demandeur et du défendeur et que les droits de la défense ne seraient pas respectés, mais estime que, s'agissant d'un professionnel qui connaît les cas qui seront soumis à la justice, le problème se pose différemment. Je crois qu'il n'est pas possible d'avoir une vision à deux vitesses des droits de la défense.

Les associations affirment également que les « class actions » n'auront pas d'impact économique négatif et utilisent comme preuve le fait que les entreprises françaises continuent d'investir aux Etats-Unis. Certes, les entreprises continuent d'investir dans ce pays, mais il est inexact d'affirmer que les « class actions » n'ont pas d'impact économique. Certaines entreprises ont fait faillite. Le coût estimé est d'environ 1,5 point de PIB aux Etats-Unis et de 1 point en moyenne dans les pays où les « class actions » sont mises en place, ce qui en France représenterait 165 milliards d'euros.

Un autre argument utilisé est que les « class actions » présenteraient de nombreux avantages et seraient un outil démocratique permettant à chacun d'accéder à la justice. En réalité, nous constatons dans les pays où ces procédures sont mises en place que l'accès à la justice est largement confisqué par les avocats ou par les associations. Le consommateur est rarement le gagnant de ce type de procédures qui sont conçues comme un moyen de pression, voire de chantage. Il ne faut pas hésiter à rappeler qu'aux Etats-Unis ces procédures ont été détournées par des concurrents. Certaines entreprises françaises ont notamment fait l'objet de « class actions » qui avaient été diligentées par des concurrents.

L'argument selon lequel ces procédures sont simples et rapides est inexact. Au contraire, ces dernières sont longues et complexes. Leurs inconvénients, contrairement à ce qui est affirmé, ne sont pas seulement liés aux spécificités du système américain. Ces dernières aggravent le phénomène mais n'expliquent pas la totalité des effets pervers de ces procédures, lesquelles en sont intrinsèquement porteuses du fait du choix de l' opt out et d'un système à deux étapes dont la première est une étape de recevabilité. En effet, cette dernière est perçue par le public comme une reconnaissance par le juge de la responsabilité de l'entreprise. Il me semble à ce titre important de souligner que, dans 90 % des cas, les entreprises préfèrent opter pour la transaction dans la mesure où leur image est déjà atteinte aux yeux du public.

Enfin, le dernier argument utilisé consiste à souligner que l'action de groupe est la règle en Europe et qu'il ne faut pas que la France soit à la traîne. Il existe des types de recours collectif dans tous les pays et également en France. L'Angleterre est citée comme connaissant la « class action », ce qui n'est pas exact. Le Royaume-Uni, qui a connu ce débat il y a environ deux ans, a renoncé à cette procédure pour éviter une déresponsabilisation des demandeurs. Les différents types de recours collectifs existants reposent toujours sur un mandat et un engagement individuel du demandeur. L'Allemagne a effectivement adopté une loi expérimentale en matière d'information financière. Cette dernière est entrée en vigueur en novembre 2005, mais combine toutefois procédures individuelle et collective. La Belgique, l'Italie et les Pays-Bas ne possèdent pas de système d'action de groupe. La Suède l'a adopté mais en privilégiant un système d' opt in . Le gouvernement suédois a également considéré que l' opt out était contraire à la Constitution de ce pays. Le Portugal connaît, il est vrai, un système d'action de groupe avec opt out .

De toute façon, je pense que nous ne pouvons pas nous engager dans une réforme, quelle qu'elle soit, sans réaliser une étude d'impact sur les conséquences économiques, mais également sur l'organisation et le fonctionnement de la justice. Il convient en effet de déterminer si les tribunaux et les greffes sont capables de gérer des actions de ce type. Nous ne voudrions pas que l'Etat se décharge de sa responsabilité sur des acteurs privés. Nous ne souhaitons pas davantage que le consommateur soit déresponsabilisé. Une action en justice est un acte important. Il convient de ne pas déresponsabiliser les demandeurs.

M. Jean COURTIÈRE, Président de la commission du droit de l'entreprise de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) -

Notre point de vue commun a été très bien exposé par Madame Simon. Permettez-moi de donner brièvement la parole à l'un de mes collègues de la commission qui souhaite faire valoir son point de vue de chef d'entreprise.

M. Jérôme FRANTZ, membre de la commission du droit de l'entreprise de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, en charge du dossier des « class actions » -

Les juristes se sont beaucoup exprimés dans ces débats et il m'a semblé important de vous éclairer sur la position des chefs d'entreprise de terrain. Je me suis demandé quelle serait ma réaction si une action de groupe était intentée contre mon entreprise. La question m'a très sincèrement laissé pantois.

En effet, étant sous-traitant dans la filière automobile, je n'ai pas en face de moi des consommateurs mais des grands donneurs d'ordre. Ma spécialité est le traitement de pièces contre la corrosion. Vous savez qu'actuellement un certain nombre de métaux lourds sont en passe d'être interdits. Imaginons que je livre une pièce contractuellement conforme, mais contenant des métaux lourds. Il est envisageable que des consommateurs lancent une action contre le constructeur automobile. Dans un scénario de ce type, il risque d'y avoir atteinte à l'image du constructeur qui sans doute se défendra et peut-être transigera avec les consommateurs. De mon côté, je ne maîtriserai en aucun cas les questions d'évaluation du préjudice. Or, il y a fort à parier, en cas de transaction, que le constructeur se retournera contre son ou ses sous-traitants. Or, les PME ne savent absolument pas appréhender ce type de situation. J'ignore, par exemple, si mon assureur ferait jouer mon assurance en responsabilité civile sachant qu'un produit conforme a été livré. Je ne sais pas davantage si les montants pour lesquels je suis assuré suffiront. Or, je ne pourrais certainement pas négocier d'autres montants dans la mesure où les coûts d'assurance, compte tenu des marges que connaît notre filière, sont insuffisants pour que nous puissions investir davantage dans une police « responsabilité civile ».

Permettez-moi également d'adopter la position du consommateur. J'ai récemment essayé de joindre une grande chaîne cryptée afin d'obtenir des renseignements sur mon contrat. J'ai été réellement exaspéré d'apprendre que la communication était facturée 38 centimes la minute puisque j'ai appelé dix fois sans obtenir de réponse. J'ai calculé que cette opération m'avait coûté 25 euros. Je n'ai pas pour autant envie d'intenter une action en justice dans le but de récupérer cette somme. En effet, ce qui me semble important, c'est que des désagréments de ce type cessent. Or, en l'espèce, un terme a été mis à ces pratiques, cela parce que les organisations de consommateurs ont été en mesure de réaliser un travail remarquable. Dès lors, je ne suis pas convaincu que l'on doive adresser à tout prix un réflexe « action de groupe ».

M. Jean-Jacques HYEST -

Votre réflexion en tant que chef d'entreprise est intéressante. Elle concerne d'ailleurs moins l'action de groupe que le défaut de sécurité des produits qui est un sujet dont nous avons longuement débattu dans cette instance. Le champ de l'action de groupe diffère totalement selon les interlocuteurs. C'est la raison pour laquelle il me paraît impératif, en cas de mise en place d'une nouvelle procédure, de préciser ce dernier.

M. Hubert PERREAU, membre de la commission « droit de l'entreprise » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) -

Je souhaite, en préambule, faire quelques observations qui me semblent aller de soi, mais qui n'ont pas été rappelées jusqu'à présent. Lorsque le Président de la République a saisi le Gouvernement de cette affaire, il a agi de sa propre initiative sans qu'un débat démocratique soit ouvert sur l'opportunité de l'introduction en France de l'action de groupe. La réflexion du groupe de travail co-présidé par MM. Cerutti et Guillaume n'a pas porté sur l'opportunité mais seulement sur les modalités de mise en oeuvre de la proposition formulée par le Président de la République. Il n'y a pas eu de débat libre sur l'opportunité d'une telle procédure ainsi que sur le modèle qui pourrait être mis en oeuvre, lequel a été présenté par les administrations représentant le Gouvernement. Contre toute attente, le débat est lancé sans étude d'impact préalable. Il me semble me souvenir qu'une circulaire prise par M. Raffarin disposait qu'aucune initiative parlementaire ou gouvernementale ne pouvait être engagée sans qu'une étude d'impact soit menée. Je constate que ce qui s'imposerait dans certains cas ne s'imposerait pas dans d'autres.

M. Jean-Jacques HYEST -

Votre interprétation ne reflète aucunement la démarche dans laquelle nous sommes engagés ce matin. C'est parce qu'un débat est lancé que nous avons souhaité accueillir les représentants des différentes tendances afin d'entendre leur point de vue. Il est évident que nous n'avons pas de projet. Nous allons également lancer, hors de toute actualité législative, des auditions sur le droit de la famille. Peut-être ne devrions-nous pas le faire ? Ce type d'auditions de la commission des Lois n'a pas d'autre objectif que d'informer sur un débat en cours. Par ailleurs, permettez-moi de vous faire remarquer que le Président de la République serait fort silencieux s'il devait se concerter avec tout un chacun à chaque fois qu'il lance un projet. Vos propos me paraissent déplacés. Notre devoir, dans la mesure où nous aurons à traiter de ces questions si un projet voit le jour, est d'éclairer notre propre réflexion.

M. Hubert PERREAU -

Je vous entends, Monsieur le Président. Il me semble que Mme Simon a très largement exposé les raisons qui conduisent les entreprises à s'opposer à cette proposition d'introduction d'une action de groupe en droit français. Les sénateurs participant à cette audition ont certainement lu la contribution du MEDEF-CCIP-AFEP s'agissant des aspects juridiques. Etant arrivé à la fin de l'audition des représentants des associations de consommateurs, j'ai entendu qu'il était fait mention de l'intérêt général des consommateurs. Il me semble que celui-ci ne correspond pas à la simple addition d'une somme d'intérêts particuliers. Dans ces conditions, la notion d'intérêt général ne peut être mise en avant pour justifier l'introduction d'un dispositif de cette nature.

Il a également été fait mention de la réticence des consommateurs à utiliser les moyens d'action existant à ce jour. Il a été fait observer que deux aspects majeurs avaient été soulevés par leurs soins : l'assurance de leur responsabilité civile et la collecte des mandats. Les associations semblent sous-entendre que, contrairement aux consommateurs, les entreprises ont les moyens de trouver à s'assurer pour faire face aux actions de groupe. Or, les assureurs, dans le cadre des auditions auxquelles a procédé le groupe de travail ont indiqué que deux paramètres étaient déterminants pour mettre en place une assurance. Tout d'abord, la situation doit être modélisable. Ensuite, une certaine prévisibilité doit permettre d'établir le système de cotisations que sont les primes d'assurance. En effet, l'assurance n'est pas autre chose que la mutualisation au sein d'un groupe d'un risque connu, identifiable, modélisable, c'est-à-dire prévisible. Aux Etats-Unis, il apparaît que les assureurs se retirent de certains risques où les mises en cause sont très fréquentes.

Par ailleurs, l'assurance ne peut offrir un produit sans qu'il existe une capacité de réassurance. Or, les assureurs estiment que la capacité de réassurance mondiale est largement obérée et qu'ils ne savent donc pas comment ils pourraient proposer un produit de cette nature. L'argument selon lequel l'action de groupe peut être introduite sans risque pour les entreprises qui seraient assurées est caduc. En effet, les assureurs ont d'ores et déjà indiqué qu'ils n'étaient pas en mesure de proposer une assurance. Si une entreprise devait concéder une transaction pour ne pas ruiner son image de marque, sans cependant être responsable, elle devrait puiser sur ses ressources propres au détriment de ses investissements et de sa compétitivité et de sa participation à la croissance et à la compétitivité de l'économie nationale. En l'absence d'assurance, l'action de groupe voulue par les consommateurs, comme ils l'ont d'ailleurs eux-mêmes rappelé, pour disposer de moyens de pression supplémentaires leur permettant d'obtenir davantage des entreprises, s'apparente plus à un instrument de chantage que de réparation.

Mme Anne OUTIN-ADAM, Directrice des développements juridiques au sein de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (CCIP) -

Mme Simon a présenté les grands axes de notre position commune. Je me contenterai, par conséquent, de la compléter sur certains points. Les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à l'introduction d'une « class action » selon le modèle anglo-saxon ont largement été débattues. Il me semble intéressant d'évoquer les raisons pour lesquelles nous ne souhaitons pas davantage une action de groupe hybride telle que celle évoquée dans le rapport interministériel et décrite ce matin par MM. Guillaume et Cerutti.

Quelle que soit l'apparente séduction que cette formule peut susciter, il convient de noter que cette action présente un certain nombre de dangers. D'une part, l'action de groupe me paraît préjudiciable sur le plan culturel. Il a été clairement explicité que la publicité auprès de l'ensemble des consommateurs ne se ferait qu'une fois le fameux jugement déclaratoire de responsabilité rendu. Il s'agit d'une ambition louable, mais qui malheureusement est un leurre. En effet, à l'ère d'Internet, il est évident que, dès l'introduction de la première phase déclaratoire, le mal sera fait et la justice des médias sera en marche. Cette situation est liée à la culture française. Le droit pénal en a donné les pires exemples. Dès lors qu'une action est engagée, l'image de l'entreprise est mise à mal.

D'autre part, la compatibilité de l'action de groupe avec notre système juridique n'est qu'apparente. En effet, le rapport interministériel précise que l'action déclaratoire revient aux associations de consommateurs agréées qui « auraient de surcroît qualité de représenter le groupe des consommateurs en tant que tel, sans qu'il soit besoin d'identifier au préalable les victimes ». Mais cette mesure ne correspond-elle pas au système d' opt out tant décrié ? Qu'en résultera-t-il ? Un système à deux vitesses tel que le décrivait Joëlle Simon et une certaine difficulté pour l'entreprise défenderesse de transiger dans la mesure où elle ignorera la consistance exacte de la partie adverse.

Nous nous accordons tous à reconnaître qu'un dommage causé par une entreprise doit être réparé. Pourquoi le système français ne serait-il cependant pas capable de répondre à ces questions ? Je ne développerai pas outre mesure ce point, car je préfère insister sur un autre aspect qui s'inscrit dans le prolongement des interventions précédentes. Il a été fait mention des retombées sur les entreprises. A ce titre, il convient de souligner que les PME seront de plus en plus concernées. Les conséquences sont nombreuses et ont un impact en termes de prise de risque, baisse de l'innovation, hausse des assurances ainsi que sur la survie de l'entreprise et la préservation de l'emploi. Or, les PME représentent 90 % du tissu économique et plus des deux tiers de l'emploi. Nous allons vers une judiciarisation accrue de l'économie dont le coût se répercutera inéluctablement sur les prix payés par les consommateurs in fine.

M. Jean-Jacques HYEST -

Nous vous remercions de nous avoir fait part de vos positions. Nous savons que le groupe de travail n'a pas tranché et que le rapport présente plusieurs hypothèses fondées sur les propositions formulées. Les auteurs principaux sont des gens de qualité qui se sont efforcés d'approfondir le raisonnement en émettant un certain nombre d'objections à quelques procédures. Il ressort des débats que l'action en représentation conjointe ne fonctionne pas. Comment pourrait-on la simplifier et remédier à cet état de fait ?

M. Jean COURTIÈRE -

Le rapport a fourni quelques éléments de réponse en ce qui concerne la simplification de l'action en représentation conjointe. Je suis tenté de penser que si cette procédure n'est pas utilisée, c'est que les cas justifiant sa mise en oeuvre sont peu nombreux. L'entreprise est toujours accusée de tous les maux. Or, c'est elle qui crée des richesses et des emplois. Pour les associations de consommateurs, l'entreprise est l'ennemi à abattre. Cette prise de position est insupportable. Je pars du principe que la législation française est extrêmement riche et globalement bien faite. Elle dispose de tous les outils nécessaires à la défense d'un consommateur qui aurait subi un dommage. Il est préférable de les mettre en oeuvre plutôt que d'ajouter des strates à une législation où tout le monde se perdrait.

Mme Anne OUTIN-ADAM -

Force est de reconnaître que l'action en représentation conjointe a été peu utilisée. Les associations de consommateurs ont relevé un certain nombre de causes de dysfonctionnement. Il s'agit d'abord des règles relatives à la recherche des mandats. Ce problème n'est cependant pas impossible à résoudre. En tant que juriste, je suis en outre inquiète lorsque j'entends dire qu'il est difficile d'obtenir les preuves détenues par la partie adverse. Cet argument est en général employé par ceux qui jalousent le système de discovery américain. Or, il est inutile d'envier les Américains sur ce point. En effet, nous disposons également d'un arsenal juridique en la matière mais ce dernier semble méconnu. Il s'agit notamment des articles 10, 11 et 138 à 145 du nouveau code de procédure civile qui permettent la production forcée des preuves. Il me paraît possible de travailler sur l'amélioration de la connaissance de notre droit. Sur le plan factuel, il est certain que les associations de consommateurs font preuve d'une certaine frilosité lorsqu'il s'agit de s'engager dans ces actions. Peut-être cela relève-t-il d'un problème de responsabilité vis-à-vis de leurs propres mandants en cas d'échec de l'action ? Il me semble qu'il convient aussi de ne pas négliger les difficultés rencontrées par les greffes qui ne disposent sans doute pas des moyens suffisants pour faire face aux actions plurales.

M. Hubert PERREAU -

Notre société a fait le choix de la régulation publique. La France dispose d'un corpus de textes législatifs et réglementaires important. Elle est dotée d'administrations régaliennes. Nos autorités administratives ont également des pouvoirs régaliens. Nous possédons un ensemble d'éléments de contrôle et de régulation publics extrêmement important. Si le choix de l'action de groupe est fait, il conviendra de se poser la question de la remise en cause de la régulation publique économique. Il est certain que le fait d'ajouter de la régulation à la régulation est la plus sûre façon d'accroître le manque de lisibilité du site « France » et d'en réduire l'attractivité.

M. Jean-Jacques HYEST -

Mesdames et Messieurs, je vous remercie infiniment de votre contribution à cette journée.

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