CONTRIBUTION DE M. FRANÇOIS AUTAIN ET DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN

Le rapport dresse un état des lieux fidèle à la réalité telle qu'elle est apparue à la mission au cours de ses investigations.

Il met en évidence les failles de notre système de contrôle de la sécurité des médicaments et en identifie parfaitement les causes :

- sa dépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique ;

- la complexité du processus de décision qui conduit à la mise sur le marché d'un médicament ;

- une architecture organisationnelle éclatée qui nuit à sa cohérence et à son efficacité ;

- l'opacité du fonctionnement des agences ;

- et enfin une insuffisance criante de moyens.

Au regard de ce constat critique, on ne peut qu'être surpris par la faiblesse des recommandations sur lesquelles il débouche. Ce que nous proposent nos deux rapporteurs confine à une simple amélioration à la marge du système, qui entérine finalement la situation actuelle et ses dysfonctionnements. Les sénateurs communistes républicains et citoyens ne sauraient s'en satisfaire : c'est pourquoi, lors du vote final, ils se sont abstenus.

L'objet de la présente contribution est de présenter trente-trois propositions pour l'avenir afin :

- de poser les bases d'une nouvelle règle du jeu plus respectueuse des objectifs de santé publique ;

- d'assurer un rééquilibrage entre les différents acteurs du médicament : les agences, l'Etat, les citoyens, les médecins et l'industrie pharmaceutique.

RECOMMANDATIONS

I- L'architecture du système de sécurité des médicaments

1) Création au sein de l'Afssaps d'une entité « sécurité du médicament » comprenant trois départements :

- département « autorisation de mise sur le marché (AMM) et évaluation du médicament » regroupant la commission d'AMM et la commission de la transparence qui restent cependant deux entités distinctes ;

- département « pharmacovigilance et études post-AMM » ;

- département « information médicale et diffusion » auquel est rattachée la commission chargée du contrôle de la publicité.

2) Suppression du Comité économique des produits de santé (CEPS).

3) Transfert aux caisses (Uncam, Unocam) des compétences relatives à l'inscription des médicaments au remboursement par l'assurance maladie et à la fixation de leur prix.

II- La procédure d'AMM, l'évaluation et le remboursement

4) Création au sein de l'Afssaps d'un registre public d'essais cliniques où toutes les données les concernant (protocole résultats, analyses, rapport) seront disponibles. Cette base de données sera accessible à tous, quel que soit le sort réservé par la commission à la demande d'AMM sollicitée par le laboratoire.

5) Application de l'article 29 de la déclaration d'Helsinki rendant obligatoires les essais cliniques comparatifs versus traitements de référence, au moins pour la procédure nationale d'obtention d'une autorisation de mise sur le marché d'un nouveau médicament.

6) Création d'une commission pour le renouvellement quinquennal de l'AMM rattachée au département « pharmacovigilance - études post-AMM » de l'Afssaps.

7) Modification de l'article R. 163-5-1-2° du code la sécurité sociale afin que les médicaments n'apportant pas d'amélioration du service médical rendu (ASMR) ne puissent pas être inscrits sur la liste des médicaments remboursés par l'assurance maladie.

8) Abrogation de la mesure prévoyant un raccourcissement des délais de traitement des demandes d'AMM à 100 jours en 2008.

9) Refus d'AMM et retrait du marché des médicaments qui contiennent dans leurs adjuvants ou excipients des substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques.

10) Ouverture au public des réunions de la commission d'AMM et de la commission de la transparence.

11) Incompatibilité de tout lien d'intérêts et des fonctions de président et vice-président des commissions d'AMM et de la transparence, de la commission nationale de pharmacovigilance et de la commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion des recommandations sur le bon dosage des médicaments.

12) Limitation à deux mandats de quatre ans pour les membres de la commission d'AMM et de la commission de la transparence.

13) Représentation de l'Uncam et de l'Unocam au sein de la commission d'AMM.

14) Suppression de la représentation du syndicat professionnel de l'industrie pharmaceutique (Leem) au sein de la commission de la transparence.

III- L'indépendance des systèmes de sécurité du médicament

15) Renforcement de l'expertise de l'Afssaps par son rééquilibrage en faveur de l'expertise interne de manière à garantir sa capacité d'investigation autonome.

16) Création d'une taxe sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique (38 milliards d'euros en 2004). Le produit de cette taxe serait appelé notamment à se substituer au mode actuel de financement de l'Afssaps dont la mission reconnaît qu'il n'est pas de nature à assurer son indépendance.

17) Accroissement du financement public de l'Afssaps à hauteur des missions dont l'Etat demeure responsable (veille sanitaire, pharmacovigilance, inspections).

18) Associer les patients au système de pharmacovigilance en leur donnant la possibilité de transmettre directement aux centres régionaux de pharmacovigilance leurs propres notifications des effets indésirables.

IV- L'expertise

19) Création d'une autorité de contrôle de l'expertise scientifique, autorité administrative indépendante assumant à la fois une mission de conseil, de contrôle et de sanction.

20) Prise en compte dans le déroulement de la carrière des experts universitaires ou appartenant à des organismes publics (CNRS, Inserm) des travaux d'expertise scientifique effectués pour le compte des agences.

21) Contractualisation de la pratique des experts hospitaliers travaillant pour l'agence sous la forme de conventions passées entre l'hôpital employeur qui se verrait indemnisé pour les absences de ses praticiens.

22) Revalorisation des indemnités et création d'un système d'aide personnalisé (bibliographie, secrétariat personnel, formation et amélioration des conditions matérielles d'exercice, prise en charge des frais de déplacement).

V- La formation des médecins

23) Lutter contre les ingérences des firmes dans la formation des futurs médecins, en interdisant notamment les actions de type sponsoring ou lobbying (attribution de bourses, remise de prix ou de cadeaux, visites médicales).

24) Adapter le contenu des enseignements :

- doublement du nombre d'heures consacrées à l'enseignement de la pharmacologie dans la formation initiale ;

- enseignement de la thérapeutique en dénomination commune internationale (DCI).

25) Introduire la culture de l'indépendance et de la transparence dans l'enseignement et la pratique médicale, chaque enseignant de faculté devant déclarer ses conflits d'intérêts : conflits d'intérêts généraux dans une déclaration annuelle actualisée et conflits d'intérêts spécifiques au cours enseigné.

26) Assurer l'indépendance de la formation continue à l'égard de l'industrie pharmaceutique en interdisant le financement exclusif et direct par l'industrie pharmaceutique des actions de formation médicale continue (modification des articles L. 361-1 et L. 4113-6 du code de la santé publique).

27) Mettre à la disposition du corps médical des logiciels d'aide à la prescription, élaborés par l'Afssaps sur une base d'information médicamenteuse indépendante et fiable.

28) Inciter les médecins à prescrire en DCI par la mise à disposition de logiciels dédiés.

VI. L'information et la transparence

29) Création d'un répertoire officiel commenté des médicaments indiquant notamment le niveau d'ASMR de chacune de leurs indications.

30) Création d'une bibliothèque de ressources documentaires destinée aux professionnels de santé accessible à tous les patients. Elle aura aussi pour mission d'assurer une surveillance systématique des informations paraissant dans la presse relative « aux nouvelles avancées de la médecine » et de produire une analyse critique de ces informations portant non seulement sur le travail des journalistes, mais aussi sur celui des chercheurs.

31) Création d'une instance rattachée au département information de l'Afssaps chargée de transmettre auprès des médecins une information alternative sur les médicaments, grâce à des visiteurs médicaux dont la tâche serait de promouvoir le bon usage des médicaments, singulièrement ceux qui sont injustement délaissés par les prescripteurs en dépit de leur bon rapport bénéfice/risque.

32) Publication de toutes les contributions financières versées aux unités de recherche médicale par les firmes pharmaceutiques.

33) Obligation pour les laboratoires de rendre publique la liste des associations qu'ils subventionnent et à quelle hauteur.

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