2. Le suivi des recommandations formulées par la délégation dans le cadre de son rapport d'information sur les propositions de loi concernant la lutte contre les violences au sein des couples

Dans le souci d'assurer le suivi des recommandations formulées par la délégation, sa présidente, Mme Gisèle Gautier, a interrogé Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur les suites données aux recommandations émises par la délégation dans le cadre de son rapport d'information n° 229 (2004-2005) sur les propositions de loi relatives à la lutte contre les violences au sein des couples.

Dans sa réponse, très complète, la ministre a souligné que les travaux de la délégation étaient « parfaitement complémentaires de l'action gouvernementale » et s'est réjouie de son « initiative de systématiser le suivi de ces recommandations » .

Les précisions qu'elle a apportées quant aux suites données aux recommandations de la délégation relatives à la lutte contre les violences au sein des couples figurent dans le tableau suivant, reprenant point par point chacune de ces recommandations :

RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION

SUITES DONNÉES À CES RECOMMANDATIONS

La position de la délégation sur les principes énoncés par les propositions de loi :

1. La délégation approuve le principe d'une aggravation des sanctions des violences au sein du couple, en particulier par l'incrimination des formes les plus insidieuses de ces violences, celles qui se manifestent de façon répétée. De même approuve-t-elle cette sanction du caractère habituel des violences lorsqu'elles sont exercées par les anciens conjoints.

Le principe de l'aggravation des sanctions lorsque les violences sont commises par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ainsi que l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et pour ces derniers dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime est traduit dans l'article 7 de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

En outre, il n'est pas exclu qu'un futur vecteur législatif modifie le code pénal et applique la notion de violences habituelles aux faits de violences au sein du couple.

2. Elle est également favorable à l'élargissement des sanctions pénales à l'ensemble des formes de vie en couple, quel que soit le statut de celui-ci, mariage, concubinage ou pacte civil de solidarité (PACS).

Les infractions pénales applicables en matière de violences au sein du couple seront désormais constituées quel que soit le statut du couple, comme le prévoit l'article 7 de la loi du 4 avril 2006 précitée.

3. Elle approuve l'introduction dans le code pénal de la reconnaissance du viol au sein du couple, dont le fondement n'est jusqu'à présent que jurisprudentiel.

Ce principe est pris en compte dans l'article 11 de la loi susvisée.

4. La délégation est favorable au renforcement de l'aide apportée aux victimes de violences au sein du couple.

La circulaire du garde des Sceaux du 19 avril 2006 présentant les dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi du 4 avril 2006 prévoit que « le parquet pourra, sur le fondement de l'article 47, alinéa 1 du code de procédure pénale, requérir systématiquement l'association d'aide aux victimes compétente, afin qu'elle prenne en charge la victime » . Les parquets doivent également veiller à être attentifs au sort réservé aux enfants d'un couple au sein duquel la violence sévit ainsi qu'à leur protection.

Les recommandations complémentaires de la délégation visant à d'autres modifications de la législation :

5. Relever de 15 à 18 ans l'âge légal du mariage des femmes, afin de contribuer à lutter contre les mariages forcés.

Cette recommandation est prise en compte dans l'article 1 er de la loi précitée.

6. Prohiber la médiation pénale dans les affaires de violences au sein du couple, cette peine alternative souvent utilisée aujourd'hui par le juge donnant l'illusion d'une égalité entre les conjoints, alors qu'il existe bel et bien un agresseur et une victime.

La circulaire du garde des Sceaux du 19 avril 2006 présentant les dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi du 4 avril 2006 préconise que la médiation pénale ne soit utilisée que dans les cas limitativement énumérés dans le Guide de l'action publique édité par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice en 2004.

7. Étendre le dispositif d'éloignement du conjoint violent du domicile conjugal, prévu au troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil, aux concubins et aux partenaires d'un PACS.

L'article 12 de la loi du 4 avril 2006 n'opère pas de modification du code civil mais prévoit que le dispositif d'éloignement du conjoint violent du domicile familial est applicable en matière pénale à tous les couples quel que soit leur statut.

8. Étendre aux « ex », ex-époux, ex-concubins et ex-partenaires d'un PACS :

- les circonstances aggravantes prévues par le 6° des articles 222-3 (tortures ou actes de barbarie), 222-8 (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner), 222-10 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente), 222-12 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours) et 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail) du code pénal, la rupture de la vie de couple ne signifiant pas nécessairement la fin des violences pour les femmes, comme l'ont montré les résultats de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes (ENVEFF) ;

Ces recommandations sont prises en compte dans les articles 7, 10 et 11 de la loi du 4 avril 2006.

- les dispositions prévues par les propositions de loi pour le 3° de l'article 138 du code de procédure pénale permettant au juge d'interdire à la personne sous contrôle judiciaire de se rendre au domicile du couple en cas de violences entre conjoints, concubins ou partenaires liés par un PACS.

Cette recommandation est prise en compte dans l'article 12 de la loi du 4 avril 2006. De même, la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales prévoyait déjà de faciliter l'éloignement de l'auteur des violences (conjoint ou concubin) du domicile de la victime, à tous les stades de la procédure.

D'autres recommandations de la délégation tendant à inciter les pouvoirs publics à entreprendre des actions destinées à susciter une prise de conscience de l'opinion publique et des différents intervenants et à améliorer l'efficacité de l'accueil et de la prise en charge des victimes :

9. Se doter rapidement des moyens statistiques sexués permettant de chiffrer les infractions liées aux violences au sein du couple, ce qui n'est pas possible actuellement.

A la suite des recommandations de l'Observatoire national de la délinquance (OND), l'INSEE et l'INHES préparent le lancement, en 2007, d'une véritable enquête de victimation au sens des enquêtes nationales anglo-saxonnes. Une telle enquête suppose de mobiliser un échantillon important de répondants (plus de 10.000 répondants), un protocole qui ménage la confidentialité des réponses et la sensibilité des enquêtés. S'inscrivant dans la continuité des enquêtes 2005 et 2006 pour ce qui est des atteintes aux biens, elle abordera également les violences aux personnes. Les résultats sont attendus pour 2007. Enfin, la ministre chargée des droits des femmes a demandé l'intégration de la dimension sexuée dans les analyses liées à l'enquête « violences et santé » lancée en 2005 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES).

10. Actualiser les résultats de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF), qui date de 2000, afin de disposer d'un état des lieux le plus exhaustif et récent possible de manière à mieux mesurer les violences dont les femmes sont les victimes.

Les données chiffrées, concernant les homicides uniquement, ont été complétées par une enquête sur deux années (2003-2004), réalisée à la demande du ministère en charge de la parité par l'ENSEA Junior Etudes, recensant les morts violentes survenues au sein du couple. Une femme meurt tous les quatre jours. Par ailleurs, la réalité des violences révélées par l'enquête ENVEFF a été confirmée pour La Réunion en 2004. Une enquête similaire menée en 2002 et 2003 en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie a révélé que les pressions psychologiques, le harcèlement et les agressions verbales sont cinq fois plus importantes qu'en métropole et des taux de violences physiques et sexuelles dans l'enfance et l'adolescence particulièrement élevés dans ces deux Pays d'Outre-mer (POM).

11. Réaliser des études sur l'influence de certains phénomènes sur la violence masculine à l'égard des femmes, tels que la pornographie, la prostitution ou la consommation d'alcool.

Le Recensement national sur les morts violentes survenues au sein du couple en 2003 et 2004 fait état d'une corrélation importante entre les violences intrafamiliales et l'état d'ébriété.

En effet, cette étude a permis de montrer que, dans près d'un cas sur trois (29 %), la consommation d'alcool était invoquée lors des meurtres ou assassinats entre partenaires. S'ajoutent également 9 % de cas où l'auteur avait consommé des substances illicites.

12. Conduire une étude sur le coût budgétaire et le coût social des violences au sein du couple, notamment leurs conséquences en matière d'arrêts de travail, d'assurance, de protection policière, de soins, de traitement judiciaire, de logement, de prise en charge des enfants, etc., ce coût étant aujourd'hui totalement inconnu.

Une étude a également été confiée au Centre de recherches économiques, sociologiques et de gestion, équipe faisant partie du LEM (UMR, CNRS 8179) , établissement rattaché à l'Institut catholique de Lille, afin d'examiner la faisabilité d'une étude économique des violences au sein du couple, en France. Cette première étape sera finalisée dans un rapport fin 2006. Une première évaluation du coût des violences au sein du couple sera ensuite disponible en 2007.

13. Engager rapidement des négociations afin de faire de 2006 une année de lutte contre les violences au sein du couple dans l'ensemble des 25 États membres de l'Union européenne, voire dans les États membres du Conseil de l'Europe, conformément à la recommandation 1681 (2004) de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 8 octobre 2004.

La déclaration adoptée à l'issue du 3 e Sommet des chefs d'État et de gouvernement des 46 pays membres du Conseil de l'Europe invite cette organisation à « mettre en place une Task force chargée d'évaluer les progrès accomplis au niveau national et d'établir des instruments destinés à quantifier les développements observés au niveau paneuropéen en vue de formuler des propositions d'action » et enfin, à « préparer et mettre en oeuvre une campagne paneuropéenne pour combattre la violence contre les femmes, y compris la violence domestique, en étroite coopération avec d'autres acteurs européens et nationaux, y compris les organisations non gouvernementales » . Les huit membres de la Task force ont été nommés récemment par le Comité des ministres, l'Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Une de leurs tâches consistera à préparer le lancement de ladite campagne du Conseil de l'Europe. Le lancement de cette campagne est prévu pour novembre 2006 et devrait se poursuivre jusqu'en 2008.

Au sein de l'Union européenne, le dossier « violences envers les femmes » a été traité par l'ensemble des présidences depuis plusieurs années. La France a manifesté son adhésion aux lignes d'action retenues : le renforcement du partenariat dans la lutte contre les violences, la mise au point d'indicateurs pour mieux cerner le phénomène dans une perspective européenne. A ce jour, le rôle de l'Union européenne consiste essentiellement à favoriser l'amélioration des pratiques institutionnelles des États membres par le biais d'échanges d'informations.

14. Coordonner le réseau d'accueil et de prise en charge des victimes de violences au sein du couple, en y intégrant les collectivités territoriales, les communes en particulier.

Une circulaire du 24 mars 2005 a demandé aux préfets, en collaboration avec les collectivités territoriales et le secteur associatif, un diagnostic partagé des réponses offertes et des besoins à satisfaire en matière d'accueil, d'hébergement et de logement des femmes victimes de violences. Le résultat sera formalisé par des conventions passées entre l'État, les conseils généraux et les associations. En matière d'accueil et d'hébergement des femmes victimes de violence, la palette des dispositifs va être élargie grâce à un nouveau mode d'accueil en famille, actuellement au stade de l'expérimentation dans plusieurs départements.

15. Accroître, dans les plus brefs délais, la présence des permanences d'associations d'aide aux victimes au sein des commissariats.

Le 25 mai 2005, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a signé une convention avec l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM) qui a pour objectif la mise en place de points d'accueil dans les commissariats et brigades assurés par des associations d'aide aux victimes. Aussi, 30 travailleurs sociaux oeuvrent déjà au sein des services de police et de gendarmerie. Dans le prolongement de cette démarche, le ministère de l'intérieur a signé le 7 mars 2006 avec la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) et le Centre national d'information sur les droits des femmes et de la famille (CNIDFF) une convention destinée à améliorer l'accueil, l'accompagnement et la prise en charge des femmes victimes de violences au sein du couple. Cette convention a pour but de créer un véritable partenariat entre ces associations et les forces de sécurité qui ira de la formation des policiers et des gendarmes jusqu'à la présence dans les locaux des forces de sécurité dans certains cas.

16. Mieux sensibiliser les magistrats à la problématique des femmes victimes de violence de la part de leur conjoint, en leur dispensant une formation ciblée sur la prise en charge des victimes.

Le plan global 2005-2007 « Dix mesures pour l'autonomie des femmes » préconise le renforcement des formations transdisciplinaires, initiales et continues, incluant la problématique des violences conjugales, pour les policiers, gendarmes, intervenants sociaux, professionnels de santé et magistrats. Par ailleurs, le Guide de l'action publique , diffusé depuis 2004, leur est particulièrement destiné. Il s'agit d'un véritable outil de sensibilisation des professionnels qui met l'accent sur la nécessité de renforcer le partenariat entre les magistrats du parquet et du siège.

Enfin, en 2005, l'École nationale de la magistrature a intégré dans sa formation initiale un module destiné à sensibiliser les futurs magistrats à la situation particulière de la victime dans le processus pénal. Cela doit également leur permettre d'acquérir une meilleure connaissance des dispositifs associatifs et institutionnels en la matière.

17. Privilégier la formation continue plutôt que la formation initiale pour les modules de formation organisés en direction des policiers, des gendarmes, des magistrats ou des personnels médicaux, l'accueil et la prise en charge de femmes victimes de violences au sein de leur couple nécessitant une grande maturité professionnelle et humaine.

La délégation aux victimes, inaugurée le 11 octobre 2005 par le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, pourra désormais être consultée sur les programmes de formation continue dispensée aux policiers et aux gendarmes. Dès décembre 2005, une centaine d'officiers de la gendarmerie bénéficieront d'une formation nationale comprenant des séances de sensibilisation à l'intervention dans le cadre de violences conjugales. Par ailleurs, une brochure à destination de l'ensemble des professionnels qui assistent les victimes lors de leurs démarches initiales a été publiée à l'initiative du ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité, en novembre dernier, et doit conduire au renforcement des partenariats sociaux.

18. Mettre en place, en relation avec les associations, des formations, notamment sous la forme de groupes de parole, destinées aux hommes violents afin que ceux-ci disposent des moyens leur permettant de mener une réflexion sur les causes de leur comportement.

Quelques associations sont d'ores et déjà financées pour ce faire au plan national et local. Un groupe de travail ad hoc va être mis en place à la demande de la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il est chargé d'évaluer les progrès en matière d'efficience des dispositifs et de nombre d'hommes suivis.

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