C. AVEC LES PUISSANCES OCCIDENTALES, ETATS-UNIS ET UNION EUROPÉENNE : CONCILIER COMPÉTITION ET COOPÉRATION

1. Le caractère central de la relation Chine-Etats-Unis détermine une grande part de la stratégie chinoise

Pour la Chine, les Etats-Unis sont pour l'heure la seule véritable puissance mondiale à prendre en compte. Les Etats-Unis accordent également de leur côté, une importance stratégique à leurs relations avec Pékin.

Les deux pays entretiennent des relations ambiguës caractérisées par la compétition et le pragmatisme.

Les Etats-Unis et la Chine sont les moteurs de la croissance mondiale. Leurs performances économiques, qui devraient vraisemblablement se confirmer, ont pour conséquence d'opposer deux géants économiques concurrents, mais aussi d'accroître leur imbrication commerciale et financière.

Les Etats-Unis conçoivent quelques inquiétudes face à certaines données : en 2005, le déficit commercial bilatéral avec la Chine a dépassé les 200 milliards de dollars sur un total de 725 milliards de dollars. Par ailleurs, la Chine finance le tiers du déficit américain par le placement de ses réserves de changes en bons du Trésor américain. Les réserves de change chinoises ne cessent d'augmenter et ont représenté, en 2005, plus de 10 % du PNB.

Les autorités chinoises ont toutefois accepté, en 2005, de réévaluer le renmibi de + 2,1 % par rapport à la monnaie américaine, passant ainsi du système de parité fixe, établi en 1994, à un système de change administré.

Une autre source d'inquiétude américaine est la politique d'approvisionnement énergétique chinoise. En Afrique, la concurrence entre les Etats-Unis et la Chine (ainsi que l'Inde) est patente. Mais l'événement qui a provoqué la plus vive tension a été l'initiative chinoise visant à acquérir, par l'intermédiaire de la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), l'entreprise américaine Unocal Corporation. L'OPA chinoise a échoué mais son aspect symbolique a cristallisé les craintes américaines au sujet de la Chine.

Pour celle-ci, les relations avec ce qu'elle considère comme la « seule super puissance mondiale » revêtent une importance clé. Selon les interlocuteurs de la délégation, Pékin voudrait instaurer une relation de « coopération constructive à long terme avec les Etats-Unis, favorable au développement économique et à la réalisation des objectifs chinois ». Toutefois, ses efforts à l'égard de son principal partenaire se sont limités à une réévaluation monétaire et à un respect plus strict des obligations contractées au plan commercial, après son accession à l'Organisation Mondiale du Commerce.

Si, dans le domaine économique, le partenariat entre les Etats-Unis et la Chine est incontournable, il n'en va pas de même dans le domaine géostratégique où la concurrence, voire la rivalité, demeure.

Les Etats-Unis et la Chine se trouvent en effet en situation de rivalité en Asie de l'Est.

Comme l'indiquait l'adjoint de Mme Condoleeza Rice, M. Robert Zoellick : « les préoccupations américaines à l'égard de la Chine ne pourraient manquer de croître si la Chine manoeuvrait pour atteindre une position prééminente en Asie de l'Est . »

Dans cette partie du monde, les alliances et les rapports de forces évoluent. L'influence américaine y demeure sans doute prédominante mais se heurte à celle de la Chine, notamment au sujet de Taïwan et du Japon.

Taïwan, principal obstacle à la mise en place d'un partenariat stratégique entre les Etats-Unis et la Chine, a établi des relations particulières avec celle-ci (séparation des prises de position politiques et des rapprochements économiques et familiaux). L'île demeure néanmoins sous parapluie américain. En conséquence, tout en insistant pour que la question taïwanaise reste une affaire intérieure, Pékin a placé Washington au centre de sa stratégie de pression pour dissuader les dirigeants taïwanais de poursuivre une politique d'affirmation de l'indépendance de l'île par des moyens juridiques. Quant aux Etats-Unis, ils ont marqué leur opposition à l'indépendance de l'île, mais ont « regretté » l'adoption de la loi « anti-sécession » votée à Pékin le 14 mars 2006 et réaffirmé leur volonté de maintenir les capacités de défense de Taïwan dans le cadre du Taïwan Relation Act du Congrès. La situation est donc très ambiguë.

En ce qui concerne le Japon, le renforcement de l'axe Washington-Tokyo est perçu, à Pékin, comme un contre-feu préventif à l'encontre d'une influence régionale chinoise croissante. Cependant, la Chine et le Japon, malgré une rhétorique parfois agressive ou des manifestations de tension politique, privilégient l'intensité croissante de leurs liens économiques. Dans le cas du Japon comme dans celui de Taïwan, la Chine se satisfait d'un statu quo qui garantit ses progrès économiques.

Ces exemples illustrent le délicat équilibre auquel tend la politique extérieure chinoise en Asie de l'Est : pour se voir reconnaître son statut de grande puissance, la Chine doit pouvoir convaincre tous les pays, y compris les Etats-Unis, de sa capacité à soutenir un éventuel conflit régional, tout en donnant une image positive afin de créer un climat propice à son développement économique et commercial.

En ce qui concerne les rapports à plus long terme de la Chine et des Etats-Unis, les interlocuteurs de la délégation ont fait valoir que les deux puissances peuvent coexister et s'entendre. Du côté des analystes américains, comme l'avait écrit Henry Kissinger, conclure que l'émergence de la Chine aboutira inévitablement à une confrontation est une hypothèse « aussi dangereuse que fausse » 5 ( * ) . Toutefois, on peut s'inquiéter du manque de clarté de la position américaine qui évolue entre « Engagement or Containment »  à l'égard de la Chine.

En 2006, après la visite du président Hu Jintao à Washington et la reprise du dialogue de haut niveau, la relation Chine-Etats-Unis a démontré sa solidité. Les facteurs de tension demeurent -négociations commerciales, Taïwan, droits de l'homme- mais l'ambiguïté stratégique longtemps suivie par les Etats-Unis -que choisir entre l'endiguement de la Chine ou l'engagement vers un partenariat ?- semble mûrir sur cette dernière voie, plus constructive, en faveur des intérêts à long terme des deux partenaires et, plus généralement, au bénéfice de la stabilité mondiale.

* 5 H. Kissinger « China containment won't work » Washington Post - 13 juin 2005.

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