2. Les propositions concernant les usages de l'énergie

a) Les données stratégiques

A l'échelle planétaire, la production d'électricité est responsable de 40 % des émissions de gaz à effet de serre du fait de la prévalence de l'emploi de combustibles fossiles à fort taux d'émission comme le charbon ou le pétrole.

C'est dire que 60 % de ces émissions de CO 2 résultent des usages directs des combustibles fossiles.

Si on s'intéresse au cas de la France tel qu'il est décrit dans le rapport de la Mission interministérielle de l'effet de serre (MIES), « La division par 4 des émissions de dioxyde de carbone d'ici 2050 », la structure des émissions de CO 2 est la suivante :

Dans un pays où les modes de production de l'électricité sont « vertueux » puisqu'ils impliquent relativement peu d'émissions de CO 2 , la part de ces émissions se répartit comme suit :

(1) par énergie finale :

- l'emploi du pétrole représente 62 % des émissions,

- celui du charbon 8,5 %,

- et celui du gaz naturel 19 %.

(2) par secteurs de consommation :

- le transport représente 41 % des émissions,

- le bloc « résidentiel-tertiaire » 33 % des émissions,

- l'industrie 24 %, dont 5 % pour la sidérurgie,

- et l'agriculture 2 %.

La poursuite de la tendance actuelle , comparée à l'objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre aboutirait à multiplier par 1,8 les émissions en 2050 :

Au total, le secteur résidentiel tertiaire consomme aujourd'hui autant ce qu'il serait possible d'émettre en 2050 dans l'hypothèse d'une réussite de l'objectif « facteur 4 » et, surtout, le secteur des transports consomme 1,3 fois plus et croît de 2 % par an, ce qui fait plus qu'annuler les progrès enregistrés sur les autres usages de l'énergie.

Dans la mesure où les émissions dues à l'agriculture sont marginales et où celles imputables à l'industrie se réduisent progressivement du fait de la concurrence et de l'introduction d'un marché des émissions de CO 2 à laquelle le secteur est soumis, les données qui précèdent tracent une perspective claire.

La réussite de la transition énergétique est donc étroitement liée à une forte diminution de l'usage des combustibles fossiles dans les secteurs du résidentiel tertiaire et des transports.

b) Le résidentiel tertiaire
(1) L'évolution générale des consommations

Les perspectives de la transition énergétique dans le secteur du « résidentiel-tertiaire » doivent prendre en compte des données d'évolution contradictoires.

En premier lieu, c'est un des secteurs dont les usages génèrent le plus d'émissions de gaz à effet de serre. La réduction de ces émissions doit donc être une priorité.

Par ailleurs, c'est un secteur où les progrès accomplis en matière d'économies d'énergie ont été très importants depuis trente ans. Du fait des réglementations thermiques et à confort équivalent, la consommation par m² d'un logement neuf a diminué de 60 % depuis 1973 .

Mais :

• L'état du parc est très hétérogène puisqu'il se renouvelle à un rythme très lent : 1 % pour le résidentiel, près de 2 % pour le tertiaire. L'évolution du stock de logements fait que 65 % d'entre eux ont été construits avant 1975, c'est-à-dire avant la mise en place des réglementations thermiques. Si on extrapole l'état du parc en 2050, 28 millions de logements auront été construits avant 2000, et 15 millions après 2000. Ce qui, en creux, montre l'importance à accorder aux actions de rénovation .

• La surface du parc s'accroît :

- le tertiaire qui occupe 80 % de la population active sur 700 millions de m² nécessite de plus en plus de surface,

- la décohabitation des couples et l'accroissement de la taille des logements ont le même effet dans le secteur résidentiel : la surface des logements aura crû de 20 m² par personne en 1960 à 35 m² en 2050. De même, lorsqu'en 1973 trois personnes occupaient un logement, on n'y trouvait plus que 2,5 personnes en 2000 et les prévisions pour 2050 tablent sur 2 personnes par logement.

• Des besoins nouveaux spécifiques, comme la climatisation, apparaissent .

• Les consommations d'électricité dites spécifiques augmentent fortement . Dans le tertiaire, ces consommations sont passées de 60 KWh/m² en 1973 à 110 KWh/m² en 2000. Dans le résidentiel, la croissance du taux d'équipement des ménages en électroménager a été récemment relayée par l'essor des produits dits « bruns ».

Si on extrapole la poursuite de cette tendance, on estime qu'en 2050 cette consommation sera multipliée par 2,3 . Pour donner un ordre de grandeur, cela signifie, pour les immeubles d'activité tertiaire, que l'essentiel des économies accomplies depuis 1973 grâce à la réglementation thermique seront absorbées par cette croissance.

Ces données générales montrent, tant du fait de l'importance des stocks à rénover que de la montée des besoins normaux, que la transition énergétique dans ce domaine n'est pas acquise. Ceci tant en ce qui concerne les usages thermiques et frigorifiques que les usages électriques .

(2) Les usages thermiques et frigorifiques

Cet intitulé regroupe trois types d'usages : le chauffage, l'eau chaude et la climatisation, les deux premiers de ces usages étant clairement plus producteurs d'émissions de gaz à effet de serre (du fait de l'importance des fluides fossiles - fuel et gaz - employés) que le dernier. Ces deux premiers usages représentent plus de 95 % de l'énergie consommée.

Une première tentation consiste à privilégier un passage massif à l'électricité produite en majeure partie sans émission de gaz à effet de serre.

Cela aurait pour conséquence de multiplier par quatre la production d'électricité en 2050, et de créer des pics de consommation très forts qui, en l'état des technologies, ne peuvent être assurés que par des centrales fonctionnant à l'aide de combustibles fossiles. Par conséquent, sans qu'un accroissement du recours à l'électricité pour ces usages - accroissement qui sera probablement activé par la montée du prix du fuel domestique ou du gaz naturel - ne puisse être écarté, l'amplification de ce recours ne pourra pas être la seule voie pour assurer la transition énergétique dans ce domaine.

Il faudra donc revenir à d'autres solutions technologiques .

Celles-ci sont diverses , mais doivent prendre en compte deux faits : l'exigence prioritaire de rénovation du stock de bâtiments et des installations de chauffage et l'inertie d'introduction des nouvelles technologies dans le secteur - qui est de l'ordre d'une décennie.

Concernant le chauffage des bâtiments et la production d'eau chaude destinée au résidentiel individuel, les principales pistes sont les suivantes :

• Les techniques actuelles d'isolation - applicables au stock existant offrent des marges d'économie de chauffage considérables, de l'ordre de 30 %. Leur activation par des mesures incitatives (fiscales ou de crédit) est un enjeu de premier plan 34 ( * ) .

• Le recours aux énergies renouvelables offre également des solutions facilement applicables sous réserve des mêmes incitations :

- utilisation de la biomasse (bois) pour le chauffage qui s'effectue à bilan d'émission de gaz à effet de serre nul 35 ( * ) ,

- recours massif au solaire thermique pour la production d'eau chaude,

- recours au solaire photovoltaïque pour la production d'électricité aux mêmes fins,

- développement des techniques dites « de plancher solaire » (captation de la chaleur sur les toits diffusée par les planchers),

- pompes à chaleur de profondeur ou de surface.

• Les techniques d'architecture bioclimatique (épaisseur des murs, augmentation des surfaces vitrées au sud, etc.).

• Les technologies d'isolation portant par exemple sur la création de panneaux d'isolation sous vide qui peuvent diminuer par 10 les pertes caloriques des bâtiments, ou les matériaux à changement de phase qui renforcent l'isolation du bâtiment contre les effets du froid ou de la chaleur. Certaines de ces technologies appliquées au résidentiel individuel aboutissent à des consommations de l'ordre de 30 à 40 KWh/m², voire moins (contre 100 KWh/m² pour la réglementation thermique actuelle). Des prototypes de maisons à bilan énergétique nul sont également construits.

Les technologies applicables aux immeubles collectifs posent un problème différent : la rénovation de ces immeubles est beaucoup plus difficile à mener aussi bien en matière d'isolation que de systèmes de production de chauffage ou d'eau chaude.

En revanche, comme leur taux de renouvellement - tout au moins dans le tertiaire - est double de celui du résidentiel, des politiques appropriées d'incitation pourraient permettre de leur appliquer rapidement des innovations technologiques à fort contenu d'économies d'énergie .

Outre les technologies reposant sur les nouveaux matériaux déjà mentionnées, plusieurs axes de recherche doivent être mentionnés :

- les recherches sur les installations de cogénération de faible ampleur,

- les recherches sur les échanges et les flux thermiques et frigorifiques,

- et les recherches sur les techniques d'intégration des savoirs technologiques dans la conception et l'assemblage de ces bâtiments. Ce domaine de la maîtrise d'ouvrage combinée - qui est déjà mise en oeuvre à l'échelle planétaire par les grands groupes hôteliers - sera central pour l'édification des parcs d'immeubles de services plus conformes aux exigences du développement durable.

(3) La consommation d'électricité
(a) Les consommations d'électricité spécifiques

Les consommations d'électricité spécifiques concernent l'électroménager, les produits informatiques et audiovisuels dans le résidentiel, et les seuls produits informatiques dans le tertiaire.

Les produits électroménagers

La consommation d'énergie des produits électroménagers a fait l'objet d'améliorations non négligeables alors que celle des produits informatiques et audiovisuels qui constituent depuis vingt ans un secteur d'équipement en pleine expansion a été plus négligée .

En partie en fonction de l'action de l'Union européenne qui a donné lieu à la création d'un label de consommation (de A à G, en fonction décroissante de l'efficacité énergétique), les fabricants d'électroménager ont fait des efforts constants de diminution de consommation des équipements qu'ils proposent :

- la consommation des machines à laver a baissé de 44 % en 20 ans et celle des réfrigérateurs (le froid représente plus de 39 % de la consommation d'électricité d'un ménage) a baissé de 60 % depuis 1993,

- en Europe, ces efforts ont abouti à une diminution de consommation équivalant au retrait de cinq millions de véhicules sur les routes.

L'ensemble des fabricants européens ont des « feuilles de route » prévoyant la diminution progressive des consommations.

Mais ces efforts achoppent à un problème : actuellement, sur 633 millions d'appareils électroménagers en fonctionnement dans l'Union européenne, 188 millions, soit 16 %, ont plus de dix ans, ce qui correspond à plus de trois fois le marché annuel de ces produits.

Or, le renouvellement de la partie la plus ancienne du parc s'effectue à un rythme lent car les recherches sur les économies d'énergie accroissent le coût des équipements ; ce qui fait que le retour sur investissement est lent, de l'ordre de 19 ans.

Les produits audiovisuels et informatiques

A l'opposé, le secteur dit des produits « bruns » (ordinateurs, appareils audiovisuels), dont il faut noter qu'il représente une consommation globale plus faible (de l'ordre de 7 fois moins que l'électroménager), n'a pas fait l'objet du même effort .

A juste titre, le rapport précité de la MIES note que la consommation de ces appareils n'est pas prise en considération dans les décisions d'achat. Il en résulte que leurs rendements ne sont pas optimisés lors de leur conception .

Par ailleurs, ces appareils font l'objet de consommations parasites lorsqu'ils restent en veille en dehors de leur période d'utilisation effective. Ces consommations surnuméraires peuvent être importantes, de l'ordre de 100 à 800 KW/h par an pour un ménage.

C'est un domaine où l'amélioration des consommations est liée à l'édiction de normes plus sévères, car les technologies permettent à la fois de diminuer la consommation globale et d'éviter les états de veille prolongés non nécessaires.

(b) L'éclairage

Dans le monde, l'éclairage domestique et professionnel représente des consommations d'électricité équivalant à 15 % des émissions de CO 2 36 ( * ) et 80 % de ces consommations s'effectuent en milieu professionnel .

La diminution de cette consommation pourrait être obtenue par l'emploi de technologies existantes et fortement accrues par les technologies des diodes électroluminescentes (DEL).

Les technologies disponibles permettraient de réduire fortement les consommations : lampes fluocompactes (- 80 %), lampes dichroïques
(- 40 %) avec des durées de vie des ampoules plus longues.

De même, une plus grande attention portée au pouvoir réflecteur des luminaires serait susceptible de diminuer de 20 % l'énergie dépensée dans les bureaux . On peut également mentionner les systèmes annexes comme les détecteurs de présence qui interrompent l'éclairage dans les couloirs.

A terme , les technologies des DEL présenteront des potentiels intéressants (300 lumen/w contre 10 lumen/w pour les simples lampes à incandescence et 80 lumen/w pour les lampes fluo).

Par exemple, des études menées aux Etats-Unis ont montré que l'éclairage des vitrines de commerce par DEL aboutirait à des économies de 30 à 35 % (étant précisé qu'aux Etats-Unis l'éclairage représente 30 % de la consommation d'électricité).

Mais des progrès restent à faire dans ce domaine, tant en :

• efficacité : actuellement, les DEL ne délivrent que 20 lumen/Watt contre 80 pour les lampes fluorescentes modernes et 100 pour les lampes métal halide,

• qu' en coût :

- 0,6 $ KLm pour les lampes à incandescence,

- 0,79 $ KLm pour les lampes à fluorescence,

- 1,27 $ KLm pour les lampes à métal halide,

- 250 $ KLm pour les lampes à DEL.

Face à ces enjeux, une feuille de route a été établie, visant :

- pour 2007, à porter la puissance à 75 Lm/W et à rapporter le coût à 20 $ par KLm,

- pour 2017, à porter la puissance à 150 Lm/W et le coût à moins de 5 $ par KLm.

c) Les transports
(1) Un fort accroissement des besoins en combustibles fossiles

Actuellement, le transport est responsable de 24 % des émissions planétaires de CO 2 .

Selon des données fournies par l'AIE, la part des transports dans la consommation mondiale de pétrole croît régulièrement :

- 33 % en 1971,

- 48 % en 2002

- 51 % en 2010.

A plus long terme, cette croissance devrait se maintenir. Ainsi, le nombre de milliards de passagers automobiles par km et par an est-il appelé à augmenter de 50 % d'ici 2030 et à doubler d'ici 2050.

On rappellera aussi que le nombre de véhicules individuels devrait passer de 700 millions actuellement à 1,2 milliard en 2020 et à 1,4/1,5 milliard en 2030.

Le transport aérien croît par ailleurs à un taux de 5 %/an et le transport maritime à un taux de 6 %.

Nous vivons encore sur la tendance d'un demi-siècle de diminution des coûts de transport dont le besoin est renforcé par des aspirations légitimes à la mobilité et à la liberté de mouvement.

Tout concourt à cet accroissement des besoins en transports : le développement des échanges longue distance, l'économie du tourisme, le hiatus entre des emplois tertiaires concentrés dans les centres urbains et un habitat de plus en plus périurbain, et l'exigence de rapidité des livraisons et de capillarité fine des transports de marchandises que renforce encore l'économie de l'Internet.

A l'horizon d'une génération , cet accroissement des transports routiers et aériens qui utilisent des combustibles fossiles, producteurs d'émissions de gaz à effet de serre, semble difficile à contenir .

Il serait, au surplus, illusoire et peut-être hasardeux de remettre fortement en cause des modalités de transport dont dépendent très largement notre organisation sociale, nos modes de vie et des composantes éventuelles de notre activité économique. Mais des actions devront être entreprises pour infléchir certains des comportements sociaux qui aboutissent à des surconsommations inutiles de carburants fossiles.

En effet, il n'est pas possible d'accepter les effets dévastateurs qu'impliquerait la poursuite de cette tendance en termes d'accélération des effets du changement climatique.

Même s'il est plus que probable que la forte hausse du prix des carburants à intervenir d'ici dix à quinze ans (cf. 2e Partie supra) pourra éviter cette évolution, elle interviendra trop tard et ne pourra contenir la progression d'une consommation qu'il est, en tout état de cause, nécessaire de réduire.

Toutefois, si la progression de trafic semble difficile à endiguer, il existe des propositions scientifiques et technologiques pertinentes dont l'introduction limiterait, et les diffusions massives feraient réduire, les émissions de CO 2 dans le secteur des transports.

(2) Le transport routier
(a) Les limites des transferts modaux

Une esquisse de solution à l'accroissement des transports routiers pourrait être une dérivation vers d'autres modes de transport, notamment vers le rail.

Ce sont des pistes qu'il faut envisager.

Mais ces transferts sont coûteux, partiels et ne peuvent s'opérer qu'à très long terme.

Dans le domaine urbain, le rapport précité de la MIES précise que si l'on doublait les capacités des transports en commun en France, cela n'aboutirait qu'à faire baisser le trafic automobile de 8 %.

En matière de transport de passagers à longue distance, le déploiement de lignes de trains à grande vitesse est probablement un mode de substitution aux transports routiers individuels 37 ( * ) . Mais rappelons que cette politique est à très long terme : il a fallu plus d'une génération pour déployer la moitié d'un réseau de TGV sur le territoire français .

Le transport de marchandises pose des problèmes d'ordre différent.

- les ruptures de charges du rail font qu'il répond moins bien à la rapidité et à la capillarité fine exigée par ces usages.

- le croisement des courbes de coût des transports de marchandises par rail et par route ne s'opère au bénéfice du rail qu'entre 500 et 600 km.

Pour ces transports longue distance, des solutions existent, comme les transports intermodaux par ferroutage, mais elles ne peuvent être mises en oeuvre qu'au prix d'investissements très lourds et à long terme.

Il serait souhaitable qu'une action européenne soit entreprise sur ce point.

Pour le moins, une unification des réseaux de l'Europe des 25 serait nécessaire . Du fait de l'existence de trois largeurs de rail, de cinq systèmes électriques et de vingt systèmes de signalisation différents, la vitesse d'un transport ferroviaire de marchandises entre la Pologne et l'Espagne évolue entre 20 et 30 km/h .

(b) La réduction des consommations unitaires des véhicules
(i) Le bridage des véhicules

La question devra un jour se poser de savoir si une réglementation européenne ne devrait pas aboutir à ajuster la vitesse maximale des véhicules aux vitesses autorisées.

Mais, outre qu'elle impliquerait des problèmes lourds d'acceptation sociale, cette mesure aurait des effets plus emblématiques que réels.

Au demeurant, une politique fiscale adaptée pourrait, pour partie, s'y substituer.

(ii) L'amélioration des rendements des moteurs classiques

Plusieurs voies peuvent être explorées.

La dieselisation totale du parc entraînerait des économies de consommation supérieures à 20 %.

D'autres progrès, comme l'amélioration de l'injection directe, peuvent générer des économies (sur la thermisation à essence ou sur le diesel de l'ordre de 10 %).

Par ailleurs, des marges de progression sont attendues des recherches sur les combustions homogènes qui visent à contrôler la vitesse et la température pour optimiser les résultats de la combustion .

Mais comme l'ont noté MM. Cabal et Gatignol dans leur rapport présenté à l'Office sur « La voiture du futur : moins polluante et plus économe », la pénétration de ces innovations technologiques dans le parc des voitures particulières est lente .

Treize ans après son introduction, une nouvelle technologie n'équipera que 50 % du parc. Toutefois, des mesures normatives peuvent accélérer ces délais de 3 ans.

(c) L'hybridation

Près de 50 % des trajets automobiles font moins de 3 km, et 70 % ont lieu en cycle urbain avec de nombreux arrêts. Dans ces deux cas, le moteur met du temps à atteindre sa température normale de fonctionnement. Il en résulte qu'un véhicule roulant à 10 km/h émet, pour parcourir la même distance, trois fois plus de gaz à effet de serre qu'un véhicule roulant à 60 km/h. Par ailleurs, une énergie non négligeable est dissipée à l'occasion des multiples freinages propres au cycle urbain d'utilisation.

L'hybridation vise à récupérer cette énergie, à la stocker sur une batterie de puissance et à la restituer.

Cette technologie présente plusieurs avantages :

• elle répond, en partie, aux problèmes de surconsommation posés par l'utilisation des véhicules en cycle urbain puisqu'elle économise 25 % de carburant pour une utilisation urbaine des véhicules ;

• elle s'insère parfaitement dans les circuits de fabrication 38 ( * ) et de distribution des véhicules et du carburant ;

• elle est incrémentale et fait l'objet d'améliorations progressives ; par exemple les gains d'économie de carburant en cycle urbain pourraient être prochainement portés au-delà de 30 %. De même, le poids de la batterie est passé de 67 kg dans le prototype à 39 kg dans les modèles proposés aujourd'hui ;

• elle est centrale et peut être couplée avec l'ensemble des améliorations portant sur les moteurs thermiques, sur les carburants ou sur les filières alternatives (hybride-diesel, hybride-biocarburants, hybride-électrique, hybride-combustion directe d'hydrogène, hybride-pile à combustible).

Actuellement, son coût de marché est de l'ordre de 4 000 $ mais sa généralisation et la montée de la concurrence dans ce secteur pourront rapidement faire baisser ce coût, comme la hausse du prix du pétrole pourra accélérer son amortissement.

(d) Les biocarburants

L'utilisation de biocarburants n'est pas nouvelle. A la fin du 19 e siècle, les premiers moteurs diesel fonctionnaient à l'huile d'arachide.

Cette filière présente le triple avantage de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, de se substituer partiellement à une ressource en voie de raréfaction et de pouvoir s'insérer sans trop de problèmes dans les circuits de production et de distribution de carburants.

Plusieurs questions se posent :

Où en est-on concrètement ?

Entre l'espérance formulée par la Commission européenne de développer cette filière pour qu'elle représente jusqu'à 35 % de notre consommation actuelle de carburants dans les transports et la réalité de leur utilisation, il y a un écart.

En 2005, en Europe, le taux de remplacement de l'essence ou du gazole par les biocarburants évoluait entre 0,02 % pour le Royaume-Uni (dont la production est centrée sur le recyclage des huiles de cuisson) et 2 % pour l'Allemagne - la France se situant entre 1 et 2 %.

A ce niveau, on est encore assez loin de l'objectif de l'Union européenne d'inclure 5,75 % de biocarburants dans les carburants automobiles en 2010.

Actuellement, deux grandes catégories de biocarburants sont utilisées :

• l'éthanol issu du blé, du maïs (Etats-Unis), de la betterave ou de la canne à sucre (Brésil) qui est utilisé :

- soit directement (avec un taux de substitution à l'essence qui atteint 85 %, sous réserve d'une adaptation des carburateurs et des moteurs 39 ( * ) ),

- soit sous forme d'ETBE (éthyl tertio butyl éther) à l'aide d'incorporation à 50 % d'isobutène, coproduit du pétrole,

• les esters végétaux (sous forme d'EMHV - esters méthyliques d'huiles végétales) produits à l'aide de la culture du colza, du tournesol, de l'huile de palme ou du soja). Ces esters sont incorporés au gazole. Cette incorporation est autorisée en France jusqu'à 30 % pour les flottes captives et jusqu'à 100 % en Allemagne avec des précautions particulières.

Il y a donc deux filières, l'une pour les moteurs à essence, l'autre pour les moteurs diesel.

Quel est le bilan réel de l'incorporation de biocarburants en matière de rendement énergétique ?

Rappelons d'abord que le pouvoir calorifique des biocarburants est inférieur à celui des hydrocarbures. Ce pouvoir est mesuré en PCI (pouvoir calorifique inférieur) qui est de :

- 0,92 pour les EMHV/diesel,

- 0,66 pour l'éthanol/essence

- 0,33 pour les ETBE/essence.

Mais si le pouvoir calorifique de la filière éthanol est plus faible, son rendement à l'hectare est plus fort.

Le rendement énergétique (à PCI égal) des deux filières est difficile à évaluer puisqu'il dépend de l'importance et du prix des coproduits nécessaires à leur élaboration (engrais, carburants pour le transport, etc.).

Il existe deux méthodes d'évaluation de ce rendement, mais la méthode systémique paraît la plus complète et représentative du bilan d'introduction de la filière puisqu'elle incorpore, dans le calcul, les coproduits qu'il faudrait employer pour remplacer les cultures auxquelles se sont substitués les biocarburants (par exemple le colza alimentaire qui n'est plus produit si on produit du colza à usage de biocarburants).

Les évaluations de l'Union européenne reprises par l'INRA donnent les bilans énergétiques suivants :

- 1,19 pour l'éthanol de blé et 1,28 pour l'éthanol de betterave,

- 2,5 pour les EMHV.

Quelles sont les économies en matière d'émission de CO 2 générées par l'utilisation des biocarburants ?

Les estimations divergent.

Le rapport présenté par l'ADEME-DIREN calibre ces réductions de CO 2 à :

- 60 % pour l'utilisation directe d'éthanol par rapport à l'essence, mais seulement à 22 % pour les ETBE (qui incorporent un sous-produit pétrolier),

- de 70 à 90 % pour les esthers par rapport au gazole.

Le rapport présenté conjointement par l'Inspection générale des finances, le Conseil général des mines et le Conseil général du génie rural et des eaux et forêts fournit des chiffres différents : les EMHV émettraient 3,5 fois moins de CO 2 et l'éthanol 2,5 fois moins de CO 2 que les carburants auxquels ils se substituent 40 ( * ) .

Ainsi que l'ont souligné MM. Cabal et Gatignol dans leur rapport précité sur la voiture propre, une étude de l'IFP montre que les biocarburants - du fait de la photosynthèse préalable des cultures - sont la seule solution alternative immédiatement disponible en matière de réduction de gaz à effet de serre :

Quels sont les seuils économiques de rentabilité de la filière ?

Les estimations disponibles entrent dans des fourchettes larges mais situent ces seuils à 75 $-80 $ le baril pour les esters et entre 90 $ et 150 $ le baril pour le bio-éthanol en incorporant à ce prix le coût des « bases essence » incorporées pour produire de l'ETBE.

*

* *

Au total , les biocarburants constituent donc une possibilité de substitution partielle aux carburants fossiles pour des usages dédiés au transport car leur bilan en émission de CO 2 est satisfaisant et ils arrivent à maturité économique.

Et même si la filière esters-gazole semble présenter plus d'avantages que la filière éthanol-essence, il conviendra de continuer à encourager les deux compte tenu de l'état du parc (deux tiers/un tiers pour les véhicules individuels) et des meilleurs rendements à l'hectare de l'éthanol.

Le Gouvernement français a décidé, le 1 er septembre 2005, d'atteindre en 2008 l'objectif de 5,75 % d'incorporation fixé par l'Union européenne pour 2010, et de porter ce taux d'incorporation à 7 % en 2010 et à 10 % en 2015.

Quelles sont les perspectives d'amélioration technologiques de la filière ?

Elles sont de plusieurs ordres.

Il convient d'abord de régler le problème de la concurrence d'occupation des sols entre les usages agricoles et les usages non agricoles (dont les biocarburants, mais également la chimie verte qui fait l'objet d'un projet de l'AII). Par exemple, dans le cas de la France, l'objectif d'incorporation de 5,75 % de biocarburants qui devait être atteint dès 2008 suppose de consacrer 75 % de la production de colza à cet usage contre 25 % en 2004.

Cela suppose également d'utiliser 2 millions d'hectares, soit plus que 1,2 million d'hectares de jachères disponibles.

Il est donc nécessaire de trouver des cultures à la fois pertinentes pour cet usage et n'entrant pas, à terme, excessivement en concurrence avec d'autres usages.

Deux voies agronomiques sont envisagées pour les carburants de deuxième génération :

• le développement de céréales à fort taux de matière sèche, (tritical) qui offrent l'avantage de présenter des sous-produits pour la nourriture du bétail et donc de pouvoir être implantées sur une partie de la surface de prairies qui représente le tiers des terrains disponibles 41 ( * ) ,

• l'utilisation d'une filière lignocellulosique (par exemple le peuplier) avec des systèmes de rotation de cultures courtes - de l'ordre de 5 à 7 ans - qui présente l'intérêt de n'utiliser des intrants polluants que lors de la première année de culture.

Par ailleurs, des technologies assez simples seront en mesure de réduire les consommations intermédiaires de la filière et donc d'améliorer son bilan aussi bien en termes énergétiques que de gaz à effet de serre.

L'institut allemand FZK (Forschung Zentrum Karlsruhe) a mis au point une technologie qui repose sur l'élaboration de biocarburants à partir de paille en passant par un produit intermédiaire. Un des intérêts de cette approche est que ce produit pourrait être élaboré dans 70 centres en Allemagne et acheminé par rail dans trois centres terminaux pour être transformé en biocarburant . Ce qui élimine - pour autant que l'électricité nécessaire au transport ferroviaire soit produite sans émission de gaz à effet de serre - une partie des consommations intermédiaires d'hydrocarbures.

Deux axes de recherche permettront d'améliorer l'efficacité énergétique intrinsèque des transformations de la biomasse en biocarburants :

- la voie thermochimique , par gazéification puis production de gazole, qui arrivera à maturité industrielle vers 2015,

- et la voie biochimique dite d'hydrolyse enzymatique afin d'optimiser la production d'éthanol à l'aide de bactéries qui devrait arriver à maturité industrielle vers 2010.

(e) Les carburants de synthèse

La production de carburant de synthèse à partir du charbon (technique dite « Fisher Tropf ») date des années vingt du siècle précédent. Elle a été utilisée par les Allemands au cours de la Seconde guerre mondiale. En l'état, elle pose principalement deux problèmes : son rendement est mauvais et, surtout, elle est fortement émettrice de gaz à effet de serre.

Son développement est donc pendant au déploiement massif de la filière captation-séquestration du charbon.

(f) Les filières alternatives

Quel que puisse être l'intérêt des possibilités de substitution qu'offrent déjà les biocarburants et la marge de progrès qu'apporterait la diffusion de l'hybridation automobile, on mesure bien que la poussée difficilement endigable des besoins du transport routier dans le monde suppose que l'on fasse appel à des filières alternatives qui n'auraient pas les inconvénients du moteur thermique en matière d'effet de serre.

Les travaux scientifiques et technologiques portent principalement sur deux de ces filières : la voiture électrique et la filière hydrogène .

(i) La voiture électrique

Le développement des véhicules électriques particuliers est pendant à des progrès dans la technologie transversale du stockage de l'électricité et plus précisément à des améliorations dans plusieurs domaines :

• Les coûts d'investissement et d'entretien sur lesquels peu d'informations sont disponibles compte tenu du manque de marché de masse. A l'opposé, il faut noter que les coûts directs d'utilisation de ce type de véhicule sont relativement faibles, intrinsèquement et parce qu'ils ne supportent que la TVA et non la TIPP.

• Le coût du fluide : la simple recharge sur secteur ferait ressortir un coût d'un euro les 100 km, d'un ordre de grandeur 10 fois inférieur au coût des carburants classiques à la pompe ;

• L'autonomie

Des raisonnements théoriques aboutissent à estimer qu'une autonomie de 30 à 50 km répondrait aux deux tiers des utilisations journalières des véhicules individuels.

Si ce type de raisonnement peut, sous réserve des problèmes liés à la recharge des batteries, qualifier le véhicule électrique de « second » véhicule d'un foyer, il ne répond pas aux exigences d'une utilisation complète d'un véhicule individuel dont les consommateurs ne peuvent séparer les usages entre les déplacements quotidiens, les week-ends et les départs en vacances.

Les prototypes pré-industriels disponibles sur le marché commencent à atteindre une autonomie proche de 200 km, sans que soient réellement précisées les vitesses moyennes liées à ce degré d'autonomie.

• Les temps de recharge posent également problème

Dans un cycle d'utilisation urbain quotidien, la recharge nocturne ne peut s'effectuer que si des bornes de recharge sont disponibles 42 ( * ) . Pour une utilisation plus extensive le problème de la recharge foraine se pose.

La solution réside probablement dans l'échange standard de batteries, ce qui suppose une technologie adaptée et un déploiement de réseaux de distribution.

• La fiabilité à long terme , qui dépend de la résistance des batteries aux cycles charge/recharge pour des utilisations moyennes de véhicules de l'ordre de 12 500 km par an et pour un parc où 50 % des véhicules ont au moins plus de dix ans.

*

* *

La filière de la voiture électrique, en dépit des interrogations qu'elle suscite encore, s'approche peu à peu de sa maturité industrielle.

Mais son déploiement sera principalement entravé par les coûts de déploiement d'un système de distribution complet.

C'est pourquoi, dans un premier temps, il serait souhaitable d'encourager le développement des flottes captives en voie de constitution auprès d'EdF et de La Banque postale, mais assez peu présentes dans les transports en commun locaux .

Toutefois, une voie d'introduction de la filière réside dans le développement de véhicules hybrides rechargeables (VHR) qui permettraient de répondre à la double utilisation des véhicules individuels (déplacements quotidiens à faible rayon kilométrique, déplacements des week-ends et des vacances à moyenne et longue distances).

Des travaux d'EdF et de l'ADEME montrent que ces VHR (à 10 ou 60 km d'autonomie) présentent des bilans d'émissions de gaz à effet de serre près de deux fois inférieurs à ceux des véhicules conventionnels.

Évaluation des émissions de CO2 du puits à la roue selon la motorisation

Type de véhicule

Puits au moteur
(g CO2/km)

Moteur à la roue

Émissions totales

Conventionnel

20 à 35

130 à 180

150 à 210

Hybride

24

104

128

Electrique

10 à 14

0

10 à 14

VHR 10

22

73

95

VHR 30

21

52

73

Source : EDF/ADEME

(ii) La filière hydrogène

Depuis plus d'une décennie, l'économie de l'hydrogène est identifiée comme une des solutions de substitution à l'économie pétrolière qui a porté le développement de la planète depuis plus d'un siècle.

Mais sa maturation technologique et économique est lente .

Cette filière peut-elle présenter une alternative aux hydrocarbures dans le transport routier et à quelle échéance ?

Pour apporter des éléments de réponse à cette question, il est nécessaire d'examiner chaque étape de cette filière : la production d'hydrogène, son stockage, sa distribution et son utilisation dans le transport routier.

• La production d'hydrogène

Actuellement la production mondiale d'hydrogène à usage industriel (fabrication d'ammoniac, raffinage pétrolier) est d'environ 50 millions de tonnes ; elle utilise à plus de 96 % des combustibles fossiles émetteurs de gaz à effet de serre.

Trois voies principales de filières traditionnelles existent :

- la production par électrolyse à haute température, soit pour des réacteurs nucléaires de génération IV, soit dans un cycle de captation/séquestration du charbon, seule énergie fossile encore abondante,

- l'utilisation de la biomasse pour la production de gaz de synthèse transformé en hydrogène,

- et la production par utilisation des biogaz.

Seules la première de ces solutions est intéressante en matière d'émissions de gaz à effet de serre.

Mais il faut insister sur deux points :

- Remplacer la totalité du pétrole utilisé dans le transport routier exige un déploiement gigantesque d'installations . Rappelons un chiffre déjà cité, pour substituer l'hydrogène au carburant fossile utilisé pour le transport routier aux Etats-Unis : il faudrait construire près de 800 installations de production, ce qui semble exclure toute utilisation d'une biomasse - de toute façon insuffisante - et qui devrait être, dans un premier temps, dédiée à la fabrication de biocarburants.

- Les coûts actuels de la seule fabrication d'hydrogène, à pouvoir calorifique égal, équivalent à 120 $ le baril sur la base de l'utilisation du gaz naturel.

- La mise en oeuvre d'une filière fondée sur le charbon de captation/séquestration/fabrication d'hydrogène doublerait ces coûts .

Ces deux considérations donnent à penser que le transfert définitif du pétrole à l'hydrogène pour assurer nos besoins de transport ne pourrait être accompli qu'à l'aide d'installations massives de production assurant des coûts de production d'hydrogène « du puits à la roue » équivalents à 100-150 $ le baril. En d'autres termes, il faudra attendre le déploiement des réacteurs nucléaires de génération IV à partir de 2035.

• Le stockage de l'hydrogène

L'hydrogène a un pouvoir calorifique important. 5 à 7 kg de produit assurent une autonomie de l'ordre de 500 km. Le problème est qu'à température ambiante 1 kg occupe un volume de 12 m 3 .

Mais il existe des réponses technologiques :

- La compression

Trois kg d'hydrogène compressé à 200 bars permettent d'assurer une autonomie de 300 km mais exigent un réservoir de 200 kg d'un volume encore important.

Les progrès technologiques visent à augmenter la pression pour diminuer les volumes et à travailler sur les matériaux du réservoir pour en diminuer le poids.

- La liquéfaction

Elle présente l'inconvénient de réduire de près d'un tiers le pouvoir calorifique de l'hydrogène mais l'avantage de pouvoir stocker le fluide dans des volumes plus compatibles avec une utilisation automobile. C'est la solution choisie par BMW pour son véhicule hybride à combustion directe d'hydrogène ( cf. infra ).

- Le stockage solide

Il s'agit de pistes technologiques consistant à stocker l'hydrogène soit dans des cristaux de métal, soit à l'aide de nanotubes de carbone.

En l'état, et quelles que soient les contraintes physiques du vecteur hydrogène, les problèmes de stockage de l'hydrogène pour des utilisations automobiles semblent être en voie de solution.

• La distribution de l'hydrogène

Un bref retour en arrière permet de constater que le déploiement de l'économie pétrolière s'est effectué très progressivement 43 ( * ) .

Le défi d'un passage à l'économie de l'hydrogène est tout autre. Il s'agit de faire monter en puissance une filière de substitution en offrant des services de distribution analogues à la filière pétrole.

Actuellement, seulement 70 installations de distribution d'hydrogène existent dans le monde.

Deux solutions cohabitent :

- l'hydrogène distribué qui utilise des dérivations de gazoducs industriels comme celui des installations de Total à Berlin qui alimentent une flotte de bus captive ;

- l'hydrogène fabriqué sur place, comme l'autoroute de l'hydrogène mise en oeuvre en Californie, ou les installations expérimentales de l'aéroport de Münich qui servent de l'hydrogène soit sous forme gazeuse, soit sous forme liquide.

Mais ces installations sont expérimentales.

Le déploiement d'un système complet de distribution - qui devrait de toute façon cohabiter avec le réseau existant et, le cas échéant, avec un réseau d'échange de batteries dans l'hypothèse d'un développement des voitures électriques - serait très coûteux. Une estimation de General Motors chiffre cette charge pour les Etats-Unis entre 10 et 15 milliards de $ .

Les modes d'utilisation de l'hydrogène dans le transport routier

L'hydrogène peut être principalement utilisé de deux façons, en combustion directe ou transformé en électricité par une pile à combustible :

- La combustion directe de l'hydrogène

La combustion directe de l'hydrogène est utilisée sur des flottes d'autobus captives, en particulier à Berlin et à Münich, dans le cadre d'un programme européen.

Elle fait, en outre, l'objet d'une démonstration d'automobiles hybrides menée par BMW dont la commercialisation pourrait s'opérer à partir de 2008-2009. La partie hydrogène de ce véhicule hybride assure une autonomie propre de 200 km et le plein se fait en 6 mn (au lieu de 10 mn au début de l'expérience)auprès de la station expérimentale de l'aéroport de Münich.

- La pile à combustible

Le principe de la pile à combustible repose sur la réversibilité de l'électrolyse.

Les rendements thermiques en sont élevés (de 80 à 95 %) mais compte tenu de la chaleur dissipée le rendement électrique pratique évolue entre 40 et 60 %.

Les premières piles à combustible ont été utilisées dans les capsules Gemini et délivraient une puissance d'1 KW pour un poids de 20 kg (actuellement, 3 piles donnant chacune 12 KW pour un poids de 90 kg sont utilisées sur la navette spatiale). Les progrès techniques sont donc évidents.

Par ailleurs, commencent à être proposés sur le marché des téléphones portables, des piles à combustible qui ont une autonomie deux fois plus élevée que les accumulateurs classiques et fonctionnent à l'aide de recharges d'hydrogène.

L'extension massive de cette technologie aux transports routiers n'est pas encore acquise industriellement .

Indépendamment des difficultés et des coûts propres à la diffusion de la filière hydrogène dans les transports (essentiellement production et infrastructures de distribution), des problèmes spécifiques à cette technologie sont nombreux :

• l'encombrement du dispositif qui exige de nombreux éléments auxiliaires et de contrôle venant se surajouter à la place prise pour les coeurs de pile :

• La sûreté de fonctionnement sur des durées longues (200 000 km pour une automobile).

• Les coûts, la plupart des personnes entendues estimant qu'il fallait -indépendamment du coût de production et de distribution de l'hydrogène - réduire le coût du dispositif d'un facteur 50 à 100 pour le rendre accessible au marché.

• Le coût du platine : dans l'état actuel de la technologie, tout repose sur le platine comme élément de catalyse. Or on extrait seulement 200 à 300 tonnes de ce métal par an, ce qui représente, à raison de 10 grammes par automobile, seulement 20 millions de véhicules. A l'opposé , il faut souligner que 99 % du platine utilisé dans les piles seront recyclables et que des percées technologiques effectuées au CEA montrent que l'utilisation de nanotechnologies permettrait de réduire par 10 le poids de platine nécessaire au dispositif des piles à combustible.

Au total, si certains éléments de la filière hydrogène sont mûrs technologiquement, d'autres ne le sont pas. Et, en tout état de cause, à l'horizon d'une génération, l'utilisation massive de cette filière pour les transports semble économiquement peu crédible , son développement risquant d'être entravé par la montée progressive d'autres filières de substitution au pétrole (biocarburants, véhicules hybrides ou électriques).

Mais, dans la mesure où on estime :

- qu'à compter de 2035-2040 le déploiement des réacteurs nucléaires de génération IV permettrait de produire de l'hydrogène à des coûts compétitifs et sans émission de gaz à effet de serre,

- et que des progrès technologiques importants sont à venir dans ce secteur,

la filière hydrogène doit continuer à être encouragée.

Celle-ci pourrait en priorité s'appliquer aux flottes captives (hybrides ou fonctionnant totalement à l'hydrogène), en particulier de transports en commun. Dans un second temps des actions complémentaires pourraient être menées dans le domaine du fret routier européen à long rayon d'action sur des axes prédéfinis qui pourraient être plus facilement dotés d'une infrastructure de distribution (par exemple un axe Nord-Sud et un axe Est-Ouest).

(3) Le transport aérien

Chacun s'accorde à reconnaître que les hydrocarbures disponibles devront progressivement être réservés au trafic aérien.

Celui-ci transporte déjà 1,8 milliard de passagers par an avec une croissance annuelle de 5 % ; cela signifie que dans une vingtaine d'années on transportera en trois jours autant de passagers que l'on en transporte en une semaine aujourd'hui.

Le transport aérien assure également 40 % de l'échange international de marchandises et ce trafic croît régulièrement.

Cette augmentation du trafic provoque des hausses de consommation collatérales dues à l'encombrement des espaces aériens au-dessus des aéroports.

L'avionique gagne de 1 à 1,5 % de point de consommation de kérosène par an, mais ces gains sont inférieurs à la progression du trafic ; il est donc nécessaire d' amplifier la mise en oeuvre de technologies réduisant la consommation de kérosène, aussi bien dans le domaine des réacteurs que dans celui de la conception générale des avions. Il faut également activer les gisements d'économies de carburant qui existent dans le domaine de la navigation aérienne .

• Les réacteurs

La réduction des émissions de gaz à effet de serre par les réacteurs d'avions passe par :

- une amélioration de la qualité du kérosène qui diminue les rejets en oxydes de souffre contributeurs de la formation de cirrus,

- une amélioration de la conception d'ensemble des moteurs afin de réduire les émissions de CO 2 ,

- et une amélioration des chambres de combustion afin de diminuer les émissions d'oxydes d'azote.

Mais, sur les deux dernières données, il faut garder à l'esprit :

- qu'entre le lancement d'une nouvelle génération de moteur et sa réalisation, la durée est d'environ 14 ans ;

- et qu'un moteur d'avion est toujours un compromis entre la consommation, les émissions de gaz, le bruit et les coûts de maintenance.

Actuellement, les objectifs en vue pour 2020 portent sur des moteurs capables de réduire les émissions d'oxyde d'azote de 80 % et de gaz carbonique de 50 % tout en réduisant de 10 décibels le bruit résultant de chacune des phases suivantes : roulage sur pistes, décollage, atterrissage .

La réalisation de cet objectif passe par un premier palier en 2012 permettant de fabriquer un réacteur consommant 7 % à 12 % de moins (suivant que le vol est court-moyen courrier ou long courrier).

Au-delà, pour réaliser les objectifs très ambitieux de l'horizon 2020, des ruptures technologiques déjà identifiées seront nécessaires dans des secteurs aussi variés que :

- le contrôle actif fluidique, l'aspiration sur les aubages ;

- le pilotage actif de combustion (plasma, injection pulsée...) ;

- le contrôle actif de bruit ;

- les matériaux et les revêtements nano-structurés ;

- les échangeurs à très haute efficacité ;

- les structures allégées ;

- et les intégrations motrices innovantes, etc.

• Les avions

Aucune rupture technologique majeure n'est envisageable dans l'avionique, parce que les contraintes de manoeuvre au sol de l'avion s'y opposent et que la conception de nouvelles familles d'avions est incrémentale compte tenu des coûts de développement.

Cependant, les recherches technologiques aéronautiques sont réelles et se concentrent sur plusieurs domaines :

- les changements de cambrure de la voilure qui permettraient d'économiser 1 à 2 points de consommation par an ;

- l'intégration du moteur dans la cellule (afin de diminuer le bruit des réacteurs, on a accru la surface des moteurs qui sont donc plus difficiles à intégrer dans la cellule, ce qui produit des contraintes aérodynamiques et un accroissement de la consommation) ;

- l'introduction croissante de matériaux composites pour créer des économies de masse, étant précisé que cette intégration ne peut être que progressive, car les coûts de recherche sont très élevés alors que les quantités unitaires sont relativement faibles.

On notera également qu'en matière de vitesse, les possibilités concrètes de réduction de la consommation sont restreintes du fait des caractéristiques de l'exploitation. Par exemple, sur les longs courriers réduire la vitesse aboutit à un accroissement du nombre des équipages requis.

Des possibilités non négligeables existent aussi dans le domaine du mobilier. Paradoxalement, alors que les ingénieurs aéronautiques multiplient les innovations pour limiter le poids des aéronefs, le poids du mobilier n'a pas évolué depuis les années soixante-dix.

Pour un Airbus A380, le poids de ce mobilier est de l'ordre de 25 à 30 tonnes, suivant les modules d'équipement, pour un poids total de 360 tonnes, soit 5 % de l'ensemble. Autre illustration, le poids total de ces équipements (fauteuil, chariots, nourriture) est de 210 kg, pour un passager de classe affaires sur un long courrier .

• La navigation aérienne

Les gains d'émission de CO2 qui pourraient résulter d'une amélioration de la gestion de la navigation aérienne sont évalués entre 5 et 15 %.

Un rapport d'Eurocontrol estime qu'en comparant les technologies de 2020 et celles d'aujourd'hui les marges de progrès seraient de :

- 4 % pour la phase de croisière « en route »,

- 2 % grâce au respect des trajectoires par les compagnies aériennes,

- et 2 % grâce à une optimisation des « tactiques » du contrôle aérien.

Par ailleurs, une meilleure attention portée aux phases préalables au décollage pourrait faire l'objet d'économies de carburant :

- le roulage sur piste : le tractage des avions par des tracteurs électriques ou l'implantation de moteurs autonomes dans les trains d'atterrissage diminuerait l'utilisation des moteurs d'avions pendant cette phase ;

- une meilleure gestion des mises en route des avions au départ permettrait de diminuer les attentes au sol moteurs en route ;

* 34 Les Français font, dans leur habitation individuelle, 3 000 € de travaux par an.

* 35 Le bois brûlé émet du CO 2 mais qui a été antérieurement capté par la photosynthèse. On peut juste estimer sur ce plan qu'il y a une anticipation de la restitution du CO 2 qui aurait, de toute façon, été réémis dans l'atmosphère du fait de la décomposition des arbres.

* 36 Dans le cas de production d'électricité par des centrales thermiques traditionnelles.

* 37 Le déploiement du réseau TGV constitue une offre nouvelle qui fait qu'il est difficile de mesurer ce qui ressort de la substitution au trafic routier et au trafic aérien et ce qui relève d'un « effet d'aubaine » permettant d'aller, par exemple, de Paris à Marseille en trois heures.

* 38 avec peut-être le risque provisoire d'un goulet d'étranglement sur les batteries lorsque la production mondiale d'automobiles hybrides atteindra un niveau significatif (180 000 véhicules en 2005)

* 39 Dans l'Union européenne, cette utilisation directe au-delà de 10 % d'incorporation est interdite pour des motifs environnementaux et sanitaires car elle augmente la volatilité du produit.

* 40 Cette étude montre également que l'utilisation des biocarburants est beaucoup moins intéressante en matière d'émissions de gaz à effet de serre que l'utilisation directe de la biomasse pour produire de la chaleur. Ce qui est exact, mais ne répond pas aux problèmes posés par l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre dans les transports.

* 41 En gros, en France le territoire rural se partage entre 1/3 de cultures, 1/3 de prairies et 1/3 de bois.

* 42 Des villes comme La Rochelle ont mis en place des bornes publiques de recharge qui donnent 20 km d'autonomie en 10 minutes.

* 43 Dans les années 1900, les utilisateurs d'automobiles emportaient leur combustible avec eux- mêmes pour couvrir de moyennes distances.

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