C. UN CONTRÔLE RIGOUREUX ET CONTINU DE L'ACTION GOUVERNEMENTALE PAR LE BUNDESTAG

Seul le Bundestag exerce un contrôle parlementaire « classique » de l'action du gouvernement fédéral, selon des modalités diverses et peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement fédéral.

1. Une veille attentive des commissions permanentes, une faible utilisation des commissions d'enquête

La politique gouvernementale est examinée avec attention par les commissions permanentes du Bundestag .

Ce contrôle du Bundestag se traduit notamment par un droit d'auto-saisine sur des questions relevant de leurs compétences ou la possibilité d'exiger la présence d'un ministre à leurs réunions. Mais leur contrôle est cependant parfois limité par leur pouvoir de codécision émanant dans la préparation de certaines mesures gouvernementales.

La création de commissions d'enquête 164 ( * ) est en revanche une procédure peu utilisée par le Bundestag (une vingtaine de commissions d'enquête ont été instaurées depuis 1949). En principe, les travaux de ces commissions sont publics.

2. Les députés surveillent l'activité gouvernementale par leurs nombreuses questions et interpellations

Les séances du Bundestag sont aussi largement vouées au contrôle avec la possibilité pour les membres et les groupes du Bundestag d'interroger et d'interpeller régulièrement le gouvernement fédéral.

La technique des questions est assez utilisée par les députés allemands (environ 5.000 questions par an). Afin d'améliorer l'information du Bundestag et de l'opinion sur la politique gouvernementale et de renforcer le contrôle du gouvernement fédéral, des questions d'actualité (aktuelle stunde) ont été instituées une heure par semaine en 1965. La durée de la discussion est limitée à une heure et les orateurs n'ont pas le droit de parler plus de 5 minutes. En outre, depuis 1988, des questions orales peuvent être posées au gouvernement fédéral le mercredi, de 13h30 à 14h30.

Les groupes du Bundestag ou trente-quatre de ses membres peuvent interpeller le gouvernement :


• par la procédure de petite interpellation , le président du Bundestag communique les questions au gouvernement fédéral en l'invitant à y répondre par écrit dans un délai de quatorze jours. Questions et réponses sont publiées. Cette procédure a connu un certain succès (400 à 500 par an) : en effet, elle permet aux parlementaires concernés d'obtenir l'information la plus complète possible sur un dossier, le gouvernement ayant pris l'habitude de fournir des réponses détaillées ;


• par les grandes questions ou interpellations avec débat , qui constituent l'outil le plus efficace pour amener le gouvernement à informer le Bundestag de dossiers politiques importants et d'en débattre publiquement. Dès réception de la réponse du gouvernement (qui n'est liée par aucun délai), elles sont inscrites à l'ordre du jour et débattues.

3. Chaque année, un examen « animé » de la loi budgétaire au Bundestag

La loi budgétaire, qualifiée de « programme gouvernemental chiffré », est adoptée chaque année par le Parlement selon la procédure décrite auparavant. La commission du budget charge ses rapporteurs de suivre, pour la durée de la législature, des budgets particuliers au sein du budget fédéral, afin qu'ils puissent se familiariser avec le rôle et les contraintes de l'action du ministère correspondant. Au Bundesrat, c'est la commission des finances qui examine la loi budgétaire.

Si les parlementaires ne peuvent décider que de faibles augmentations et réductions de recettes et de dépenses au cours de l'examen de la loi budgétaire, cet examen en séance plénière au Bundestag est politiquement très important car il donne lieu à un débat avec la minorité sur le programme gouvernemental.

Il se traduit parfois par une lutte très serrée entre le gouvernement fédéral et les députés. A titre d'exemple, la fixation des dépenses de matériel et de fonctionnement de l'administration, pour laquelle le Bundestag a le dernier mot, donne traditionnellement lieu à des débats animés.

En complément, il convient de souligner le rôle important joué par la sous-commission instituée au sein de la commission du budget du Bundestag chargée de la vérification des comptes : compétente pour le contrôle parlementaire de la gestion budgétaire et financière, elle travaille en étroite coopération avec la Cour fédérale des comptes, qui vérifie, le plus souvent à sa demande, la bonne application de la loi budgétaire et l'avancement des projets entrepris.

4. Le Bundestag peut manifester sa défiance à l'encontre du gouvernement fédéral

Elu par le Bundestag et responsable devant lui, le chancelier fédéral peut faire l'objet d'une motion de défiance constructive 165 ( * ) , signée par au moins un quart des députés , qui exprime le mécontentement des députés à l'encontre de la politique gouvernementale : à la majorité des voix de ses membres, le Bundestag peut élire un successeur au chancelier , en demandant au président fédéral de le révoquer. Le président doit alors faire droit à cette demande.

Cette procédure garantit la stabilité des institutions fédérales en contraignant l'opposition à s'unir afin de présenter une alternative crédible pour la direction du gouvernement fédéral.

Par ailleurs, il peut arriver qu'une motion de confiance proposée par le chancelier n'obtienne pas la majorité des voix du Bundestag . Le président peut alors dissoudre ce dernier sur proposition du chancelier, dans un délai de 21 jours. Le droit de dissolution s'éteint dès que le Bundestag a élu un autre chancelier fédéral à la majorité de ses membres 166 ( * ) .

Ces deux procédures sont toutefois d'usage exceptionnel. Par ailleurs, la motion de confiance a pu être détournée de son objet à des fins tactiques par certains chanceliers. Ainsi, Helmut Kohl, chancelier fédéral depuis la constitution d'une coalition CDU-CSU/FDP à l'automne 1982, a organisé un vote de défiance à son encontre et provoqué la dissolution du Bundestag pour obtenir une majorité plus confortable.

De même, en 2005, Gerhard Schröder a provoqué le rejet d'une motion de confiance qu'il présentait, afin de dissoudre le Bundestag et de permettre la tenue d'élections législatives anticipées pour retrouver une majorité soudée.

5. Bundestag et Bundesrat assurent le respect de l'état de droit

Outre leur pouvoir de nomination des hauts responsables judiciaires et administratifs, le Bundestag et le Bundesrat :

- élisent chacun la moitié des 16 membres du Tribunal constitutionnel fédéral , juridiction la plus importante pour l'exercice de la justice constitutionnelle 167 ( * ) (articles 94 et 95 de la Loi fondamentale) ;

- peuvent mettre le Président fédéral en accusation devant le Tribunal pour violation délibérée de la Loi fondamentale ou d'une autre loi fédérale, à la majorité des voix.

En outre, un tiers des députés peut faire un recours devant le Tribunal contre les décisions du gouvernement fédéral (exemple de l'envoi de troupes hors d'Allemagne) ou d'autres organes constitutionnels, afin de faire respecter leurs compétences respectives ou la délimitation du droit fédéral et du droit des Länder 168 ( * ) . Sur ce dernier point notamment, cette possibilité de recours est fréquemment utilisée.

De plus, au Bundestag, des organes de contrôle permanent garantissent les libertés individuelles contre d'éventuelles dérives des services gouvernementaux. Le principal est l'organe de contrôle parlementaire, composé de 9 députés choisis par le Bundestag, responsable du contrôle des services de renseignement de la Fédération pour la durée de la législature ; sous l'appellation de « commission G10 », il assure aussi une mission de contrôle sur les restrictions apportées au secret de la correspondance.

* 164 Dans son domaine de compétences, la commission de la défense jouit des prérogatives d'une commission d'enquête.

* 165 Article 67 de la Loi fondamentale. 48 heures doivent s'écouler entre le dépôt de la motion et le vote.

* 166 Article 68 de la Loi fondamentale. 48 heures doivent s'écouler entre le dépôt de la motion et le vote.

* 167 Dans chaque Land, le contrôle de constitutionnalité des lois est assuré par une juridiction constitutionnelle spécifique, à l'exception du Schleswig-Holstein qui a confié cette tâche à la cour constitutionnelle fédérale.

* 168 Article 93 de la Loi fondamentale.

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