3. La recherche de météorites en Antarctique

Si c'est en 1912 que fut trouvée la première météorite, c'est seulement en 1969, après la découverte simultanée de quatre météorites, que l'on comprit que l'Antarctique était un formidable collecteur. En effet, les météorites emprisonnées par la glace de manière statistique 25 ( * ) sont progressivement concentrées par les grands glaciers et resurgissent dans certaines zones, notamment lorsque la glace remonte en raison du relief.

Deux tiers de la collection mondiale est aujourd'hui originaire de l'Antarctique !

Sur Concordia, il ne s'agit pas seulement d'en collecter en grand nombre mais au contraire d'en découvrir de nouveaux types. En effet, le site de Concordia subit très peu de mouvements horizontaux, raison pour laquelle il a été choisi pour le forage glaciaire.

Cette caractéristique exploitée pour la datation de la carotte est aussi un grand avantage pour permettre de mesurer le flux de météorites et sa composition au cours du temps sur notre planète et éventuellement montrer des variations.

Le site de Concordia permet ensuite d'accéder à des météorites qui n'ont été que peu transformées au cours de leur chute à travers l'atmosphère, en raison des particularités de celle-ci aux pôles.

La campagne d'été 2006 a été un grand succès avec la collecte de 1 500 grains de 20 à 50 micromètres de diamètre .

Enfin, la pureté du lieu et son caractère très préservé permettent de trouver des météorites de très petite dimension - submillimétrique ou micrométrique - puisque le milieu de recueil n'est constitué que de neige. Ces météorites sont aussi dans un excellent état de conservation par rapport à leur séjour sur terre puisqu'elles ne sont pas contaminées par d'autres poussières, compte tenu de l'éloignement de Concordia de tout courant de transport. L'équipe de recherche française, dirigée par Jean Duprat, espère pouvoir montrer l'existence de micrométéorites cométaires, c'est-à-dire issues du système solaire externe. Elles devraient pouvoir donner des informations sur les conditions de formation des planètes, il y a 4,5 milliards d'années.

4. La mesure du rayonnement cosmique

La France a installé depuis 1964 des moniteurs à neutrons à Kerguelen, et depuis 1968 en terre Adélie, avec une interruption pour celle-ci de 1977 à 1982. Ils servent à mesurer les particules de haute énergie émises par le soleil et venant des autres étoiles. Ces observatoires sont intégrés dans un réseau international (International Space Environment Service - ISES).

(Source : Observatoire de Paris-Meudon - LESIA)

Au plan français, l'objectif serait de les transformer en ORE pour stabiliser l'activité de recherche.

Les instruments placés dans les bases françaises servent à compter les particules permettant de surveiller leur provenance et leur énergie.

Les particules primaires du rayonnement cosmique (85 % de protons) n'atteignent pas le sol. Leurs collisions avec les particules de l'atmosphère créent des particules secondaires, des composantes nucléoniques formées de protons et de neutrons. Elles peuvent être détectées au sol si l'énergie cinétique des particules d'origine dépasse 0,5 Gev.

Avant d'atteindre l'atmosphère, les rayons cosmiques sont déviés par le champ magnétique terrestre. Celui-ci forme une « coupure géomagnétique » qui limite la capacité qu'a une particule d'atteindre le sol. Les moins énergétiques n'atteignent la surface qu'aux hautes latitudes.

Chaque station est aussi caractérisée par une « direction asymptotique », c'est-à-dire la déviation que subit la particule, en fonction de son énergie, pour arriver verticalement à la station. Par exemple, les particules de basse énergie arrivant verticalement aux Kerguelen viennent de régions de la sphère céleste situées au-dessus du Brésil. La propagation est tellement complexe que deux stations proches comme McMurdo et Dumont d'Urville ont des directions asymptotiques opposées.

Ces moniteurs à neutrons donnent des indications précieuses sur l'activité du soleil. Car le rayonnement cosmique en est très dépendant. Une forte activité solaire provoque sa réduction en raison d'un phénomène de répulsion provoqué par le champ magnétique héliosphérique (échelle de temps d'un an), une réduction temporaire en raison d'éjections de particules (échelle de temps d'un jour) et enfin par la production de certaines particules relativistes pendants certaines éruptions (échelle de quelques minutes) 26 ( * ) .

Ces observations magnétiques sont directement utiles pour la santé humaine car l'exposition au rayonnement naturel est maintenant surveillée, notamment celle du personnel naviguant des compagnies aériennes . Cette surveillance est organisée par la directive européenne n°96-29 EURATOM du 13 mai 1996 sur l'exposition aux rayonnements ionisants. Ces données sont consignées en France dans le système SIEVERT (Système informatisé d'évaluation par vol de l'exposition au rayonnement cosmique dans les transports aériens). Ce service mis en place par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) au profit des professionnels est aussi disponible à titre informatif et pédagogique pour tous. Les routes aériennes les plus exposées sont celles passant par le grand Nord, c'est-à-dire celles en direction de l'Amérique du Nord ou de l'Asie en partance de l'Europe. Les occupants des bases polaires sont aussi exposés.

Dans le futur, la mesure du rayonnement sera aussi importante pour protéger les avions des pannes électroniques .

De manière plus fondamentale, la connaissance des modulations du rayonnement solaire et la mesure de l'isotope 10 du béryllium ( 10 be) dans les carottes de glace devraient permettre de progresser dans la restitution de l'activité solaire du passé.

Ainsi, l'Antarctique se révèle une zone d'observation scientifique tout à fait exceptionnelle. Cela amène votre rapporteur à trois conclusions sur ces aspects :

- Il est souhaitable de soutenir et de pérenniser les activités d'observation sur nos bases car elles sont essentielles à la compréhension de notre planète. Le trou de la couche d'ozone n'a-t-il pas été découvert au hasard de mesures habituelles de la stratosphère ? Ces activités n'ont d'ailleurs de sens que si elles sont permanentes, sans interruption et d'un niveau scientifique international permettant de s'intégrer dans les réseaux d'information .

- Notre pays doit prendre toute sa part dans le travail scientifique sur l'ozone stratosphérique dans les régions polaires car le succès du protocole de Montréal, dont on fêtera les 20 ans à l'occasion de l'API, en fait un modèle pour la gestion commune de problèmes globaux . Son objectif de retour aux émissions naturelles en est le symbole. Il devrait inspirer la gestion de la question du changement climatique .

- Enfin, la France et l'Italie doivent pleinement prendre conscience des qualités exceptionnelles du site de Concordia pour l'astronomie et développer une stratégie de montée en puissance en deux phases : programmes visant à l'excellence scientifique mais peu gourmands en logistique, puis positionnement de la station pour l'accueil de grands instruments européens avec une logistique adaptée à un horizon de 10-15 ans, tout en tenant compte des opportunités déjà offertes sur Pôle Sud et la concurrence possible du site du Dôme A .

* 25 Il tombe 5 à 6 000 tonnes de météorites par an sur Terre.

* 26 Votre rapporteur se réfère ici à un article de MM Pierre Lantos et Christophe Marqué (CNRS, Observatoire de Paris-Meudon, Laboratoire de physique du Soleil et de l'héliosphère) et à une présentation de M. Karl Ludwig Klein du LESIA.

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