c) Assouplir le régime du bénéfice mondial consolidé

Le régime du bénéfice mondial consolidé, prévu par l'article 209 quinquies du code général des impôts et accordé sur agrément du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, constitue une dérogation aux principes de territorialité de l'IS et de personnalité fiscale des filiales . Introduit en 1965, il permet aux groupes internationalisés de déterminer le résultat de la société mère imposable en France :

- en retenant l'ensemble de son résultat français et des résultats de ses exploitations directes (succursales, bureaux, comptoirs...) à l'étranger (bénéfice mondial) ;

- et en ajoutant à l'ensemble ainsi déterminé la part lui revenant dans les résultats de ses exploitations indirectes, soit les filiales françaises et étrangères dans lesquelles la société mère détient, directement ou indirectement, 50 % au moins des droits de vote (bénéfice consolidé).

Les impôts payés par les exploitations directes ou indirectes étrangères peuvent s'imputer sur le montant d'IS calculé. En application de la règle dite « du butoir », leur montant est toutefois limité, pays par pays, au montant de l'impôt français qui frapperait le bénéfice, provenant de chacun de ces pays, reconstitué selon les règles du droit français. La fraction d'impôt qui excéderait cette limite est reportable sur les résultats des cinq exercices suivants dans le pays en cause.

Vers un « Small business Act » adapté à la réalité française ?

Partant du constat que les PME françaises ont une croissance insuffisante, de nombreux responsables plaident pour l'adoption d'un « Small business Act à la française ». Loi américaine datant du 30 juillet 1953, le Small business Act, bien que modifié à plusieurs reprises depuis lors, reste la base de la politique des Etats-Unis en matière de petites et moyennes entreprises. Cette politique est mise en oeuvre par la « Small business administration » (SBA), agence fédérale unique dédiée au soutien aux PME créée par le Small business Act, ce qui constitue un facteur important de simplification de l'environnement de ces entreprises. Elle se décline essentiellement en quatre axes :

- l'accès aux marchés publics, la SBA aidant les PME américaines à obtenir, au titre de contrats directs, 23 % desdits marchés, d'autres programmes existant pour la sous-traitance, ainsi que pour certaines sous-catégories de PME (zones défavorisées...) ;

- la défense des PME, la SBA veillant à ce que leur spécificité soit prise en compte lors de l'élaboration des réglementations ;

- la formation, le conseil et l'assistance technique, la SBA proposant des programmes personnalisés aux chefs d'entreprises ;

- les aides au financement, la SBA proposant à cet effet aux PME un programme de garantie de prêts ainsi que divers programmes de prêts, incluant un dispositif de micro-crédits et un mécanisme de soutien au capital-risque.

La mission commune d'information considère qu'il est important de promouvoir le développement des PME en France, aussi bien afin de consolider le tissu économique national que pour encourager, parmi les plus performantes, l'émergence des « champions » de demain. Elle n'est donc pas opposée au concept de « Small business Act à la française ». Cependant, elle considère qu'il serait réducteur d'importer un modèle tel quel, aussi fructueux qu'aient pu être ses résultats et il lui semble nécessaire de bien prendre en compte les spécificités nationales.

Ainsi, d'une part, bien que n'ayant pas adopté de « texte fondateur », la France a avancé sur la voie d'un « Small business Act ». Ainsi, la création d'OSEO en 2005 constitue une simplification, certes sans doute insuffisante, du paysage des pourvoyeurs d'aides publiques destinées aux PME. De plus, des dispositifs comme France investissement (détaillé infra ) ou le statut de PME de croissance introduit par la loi de finances pour 2007 (qui permet aux PME dont la masse salariale a augmenté d'au moins 15 % deux années consécutives de bénéficier d'avantages fiscaux) vont dans le sens de l'encouragement des PME les plus dynamiques.

Au total, la mission commune d'information souhaite que soit poursuivie la rationalisation des structures de l'Etat dédiées aux PME afin que les entreprises françaises puissent, comme aux Etats-Unis, s'adresser à un « guichet unique ». De même, les procédures administratives doivent être encore simplifiées.

Pour ce qui concerne les marchés publics, la France doit, en liaison avec ses partenaires européens, négocier au sein de l'OMC afin d'obtenir un assouplissement des contraintes actuelles. En effet, comme l'a souligné Mme Christine Lagarde, alors ministre déléguée au commerce extérieur, le 9 mai 2007, la clé pour débloquer ce dossier est avant tout européenne, « Bruxelles [devant demander] à l'OMC [...] une dérogation pour l'accès des PME-PMI européennes aux marchés publics ». La ministre expliquait qu'il fallait en convaincre les commissaires concernés pour simplement « être à égalité avec les Américains, les Canadiens, les Coréens ou les Japonais », ajoutant que, dans ces conditions, un régime particulier pourrait être adopté avant la fin de l'année 2007. La mission commune d'information partage cet objectif, tout en considérant qu'un tel seuil pourrait, en pratique, être formulé en tant qu'objectif et non en tant qu'impératif qui risquerait de s'avérer trop contraignant pour plusieurs collectivités ou administrations.

Elle estime que dans les faits, un tel affichage permettrait d'atteindre de façon souple le but recherché grâce à son effet d'entraînement sur de nombreuses PME qui ne soumissionnent actuellement pas aux marchés publics, soit par ignorance soit par excès de « timidité ».

Dans l'immédiat, elle considère nécessaire de développer des démarches telles que le « Pacte PME » lancé fin 2005 par OSEO et le Comité Richelieu qui permet la mise en relation des grands comptes publics, comme privés, avec des PME généralement innovantes.

Ce régime offre donc le double avantage de la prise en compte des déficits subis à l'étranger par les succursales et filiales, ou à l'inverse de l'imputation sur le déficit de la société mère des bénéfices réalisés par ces entités et de l'élimination de toute double imposition. Il peut, à ce titre, permettre des économies d'impôt substantielles.

Il ne connaît cependant qu'un succès limité et a été choisi par un petit nombre de grands groupes français 413 ( * ) , bien que son périmètre se révèle plus étendu que celui des régimes étrangers du bénéfice mondial, qui ne s'applique qu'aux succursales. Outre que la technique (encadrée) des abandons de créances peut conduire à un résultat proche, il est perçu comme excessivement complexe , en particulier pour les entreprises moyennes fortement internationalisées.

La mission d'information plaide donc pour une plus grande diffusion de ce régime , soit par simplification de l'actuel (notamment la règle du butoir), soit par création d'un régime allégé pour les PME. L'extension du bénéfice mondial inciterait les entreprises françaises à prendre davantage de risques sur des marchés étrangers en forte croissance , où les investissements nécessaires lors des premières années d'implantation donnent souvent lieu à des pertes. Il serait cependant sans doute nécessaire de réviser parallèlement certaines conventions fiscales, afin d'assurer la remontée des profits.

Au-delà de ce régime spécifique, se pose la question de l'opportunité du maintien du principe de territorialité (même restreinte), que la France, avec le Danemark et la Suisse, est un des rares pays à appliquer.

Il serait utile que le Gouvernement, en s'appuyant sur de nombreuses expériences étrangères, transmette au Parlement un rapport sur les avantages et inconvénients liés à un éventuel abandon du principe de territorialité .

* 413 Dont Areva, Total, et, depuis 2004, Vivendi.

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