II - MISSION EN ASIE DU SUD-EST - MARS/AVRIL 2007
PREMIÈRE PARTIE - CAMBODGE

Principales données socio-économiques

Population (estimation 2005)

13,8 millions

Superficie

181.035 km 2

PIB / habitant (estimation 2005)

500 dollars

Taux de croissance démographique (2004)

1,8 %

Espérance de vie

56,2 ans

Taux de mortalité infantile

11,4 %

Taux de croissance économique (2005)

13,5 %

Taux d'inflation

6,5 %

Solde exportations / importations françaises

- 32 millions d'euros

Communauté française

3.500 (dont 2.625 inscrits)

Source : ministère des affaires étrangères

I. ÉLEMENTS DE CONTEXTE ÉCONOMIQUE

A. UN DÉVELOPPEMENT EN ACCÉLÉRATION MAIS QUI DEMEURE DÉSÉQUILIBRÉ

1. Une croissance élevée et soutenable depuis 1999

Le Cambodge reste un pays essentiellement rural mais connaît un réel « décollage » depuis 1999 et la plus forte croissance de la région depuis trois ans, avec 13,5 % en 2005 et 10,6 % estimé en 2006 47 ( * ) .

Malgré l'étroitesse du socle de croissance 48 ( * ) et sa dépendance à l'égard des aléas climatiques, ses principaux moteurs se révèlent plus solides et pérennes qu'escompté et le textile-habillement poursuit sa progression (les carnets de commandes sont pleins, du moins à court terme), en dépit d'une concurrence intense, de la baisse des prix et des inquiétudes liées à l'arrivée à échéance de l'Accord multifibres et à l'entrée du Vietnam à l'OMC 49 ( * ) . Le secteur de la construction est également dynamique et constitue un canal de blanchiment . L'attrait des pays voisins pour l'espace libre et les ressources peu exploitées du pays comme le dynamisme du sud-est asiatique contribuent massivement aux investissements immobiliers, industriels et agro-alimentaires.

Les grands équilibres macro-économiques sont préservés , avec une inflation maîtrisée (ce qui a permis un doublement du revenu par habitant entre 1994 et 2005), un déficit public contenu à moins de 2 % du PIB et une balance des paiements courants excédentaire (170 millions de dollars en 2006). Les recettes fiscales ont augmenté de 38 % en 2006 mais demeurent modestes. La formalisation de l'économie progresse, mais le secteur bancaire contribue peu au financement de l'investissement , avec des dépôts très supérieurs aux prêts pour les 19 banques nationales, des taux d'intérêt dépassant 15 %, et des garanties exclusivement assises sur le foncier.

2. La persistance de symptômes de sous-développement

Malgré certaines caractéristiques de pays pré-émergent, le Cambodge - qui a adhéré à l'ASEAN en 1999 et à l'OMC en septembre 2003 - connaît encore des handicaps majeurs :

- un taux de pauvreté supérieur à 30 % , mais sur le fondement d'un seuil de 0,45 dollar par jour, inférieur au seuil retenu dans les Objectifs du millénaire pour le développement - OMD (1 dollar par jour). L'écart entre la capitale et les zones rurales est élevé, la croissance profitant avant tout aux catégories aisées ;

- des OMD dont la réalisation paraît très compromise d'ici 2015 : éducation, santé maternelle, accès à l'eau potable en zone rurale ;

- de sérieuses lacunes dans les infrastructures d'énergie et de transport , en dépit d'une aide chinoise massive au nord et à l'est du pays. Le réseau d'alimentation en eau potable de Phnom Penh est moderne, mais ne comporte pas de système d'évacuation des eaux usées, ce qui pourrait à terme se révéler très problématique ;

- les faibles moyens et capacités de l'Etat , dont les ressources s'établissent à seulement 11,5 % du PIB après avoir plafonné à 15 % en 1999, compte tenu notamment de l'exonération des activités agricoles 50 ( * ) (soit 37 % du PIB) et de la législation favorable aux investissements étrangers, d'ailleurs perçue par la Banque mondiale comme trop généreuse. La sous-fiscalisation au regard de la croissance économique , symptôme récurrent dans les pays en développement, est aggravée par une évasion notoire - le manque à gagner étant évalué à 7 % du PIB - et par des prélèvements occultes sur les revenus non fiscaux. La rémunération de la grande majorité des 165.000 fonctionnaires est insuffisante et les contraint à multiplier les activités parallèles.

Lors de son entretien avec M. Keat Chon, ministre de l'économie et des finances, votre rapporteur spécial a souligné que les bailleurs internationaux pourraient se montrer moins conciliants si la faiblesse des ressources fiscales venait à perdurer , et que le moindre « trou d'air » dans la croissance du pays risquerait de compromettre gravement l'équilibre des finances publiques.

Faisant référence au succès des projets PARAF 51 ( * ) dans d'autres pays partenaires de la France, notamment africains, il a aussi considéré que l'administration des douanes était moins difficile à réformer que l'assiette de l'impôt et que la France pouvait apporter une assistance décisive dans ces domaines , dans le cadre du Public Finance Management System , introduit fin 2004 et sur lequel la Banque mondiale porte une meilleure appréciation que sur la réforme de la fonction publique. Votre rapporteur spécial a également insisté sur la nécessité de mettre en place une unité de caisse de tous les collecteurs d'impôts et taxes.

3. De nouvelles marges de manoeuvre financières à moyen terme

Les perspectives de moyen terme sont dominées par la réduction possible de la dette et le début de l'exploitation off shore du pétrole et du gaz en 2009 . La dette extérieure globale est passée des deux tiers du PIB en 2002 à moins de 50 % en 2006, et pourrait encore diminuer si un programme de réduction de la dette multilatérale - aujourd'hui en partie hypothéqué 52 ( * ) par la question de la dette américaine et russe - et un accord en Club de Paris venaient à aboutir.

L'exploitation du pétrole et du gaz pourrait multiplier par trois les recettes actuelles de l'Etat , soit une manne équivalant à près de 30 % du PIB, mais les évaluations sont encore discordantes. Selon une problématique commune à nombre de pays néo-pétroliers, et que votre rapporteur spécial avait déjà constatée en Mauritanie en février 2004 à l'occasion d'une mission de contrôle, cette perspective accentue la nécessité d'une modernisation de l'Etat pour améliorer les garanties d'une utilisation transparente et sécurisée de ces recettes , sans en préempter exagérément le produit.

Votre rapporteur spécial considère que ces recettes pétrolières et minières devraient être affectées en priorité au paiement du service de la dette plutôt qu'aux dépenses courantes, ne serait-ce que pour que l'Etat n'acquière pas la « mauvaise habitude » de leur utilisation discrétionnaire.

* 47 Le FMI juge ces statistiques fiables ; il est vrai qu'il a largement contribué à leur mise en place...

* 48 Le bâtiment, le tourisme et l'habillement représentent près de la moitié du PIB, la confection environ 90 % des exportations.

* 49 L'effondrement du secteur du textile annoncé par les experts en 2005 ne s'est pour l'instant pas produit.

* 50 Une proposition de taxe foncière a été rejetée par le Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

* 51 Programme d'appui à la réforme des administrations financières.

* 52 La Banque mondiale n'a pas annulé sa créance à l'égard du Cambodge, mais le FMI a procédé à une annulation pour 82 millions de dollars.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page