B. L'ACTION TROP DISCRÈTE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Votre rapporteur spécial a rencontré M. Sandro Cerrato, chargé d'affaires de la délégation de la Commission européenne au Laos, et lui a fait part des récriminations de certains bailleurs sur le manque de transparence et d'information sur les chiffres de l'aide communautaire . M. Cerrato a argué que le système informatique ne permettait guère de fournir des données fiables sur les décaissements annuels 102 ( * ) , que les paiements étaient effectués à Bangkok (siège de la délégation régionale) et à Bruxelles, et que le rythme de décaissement (lent la première année, élevé la deuxième, puis variable) ne permettait pas d'établir des comparaisons pertinentes.

La liste des projets achevés (incluant les cofinancements avec les autres bailleurs, le gouvernement lao et les ONG) fait néanmoins état de 27 projets depuis 1993, pour un montant global de 100,2 millions d'euros, dont 42,8 millions d'euros sur la période 2000-2006, soit une moyenne annuelle relativement faible de 6,1 millions d'euros. Le portefeuille de concours vivants représente quant à lui 39 lignes, dont environ la moitié de petit montant (inférieur à 500.000 euros) , pour un total de 42 millions d'euros 103 ( * ) . Le document de stratégie-pays pour 2007-2013 ne comporte cependant pas d'engagements chiffrés. Le rythme annuel des engagements serait en augmentation, autour de 8 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les lignes thématiques non programmables.

Le délégué de la Commission européenne a également déploré la lourdeur des procédures de validation ex ante , d'engagement et de reporting sur les projets 104 ( * ) comme le manque d'implication et de partage d'information des Etats membres. Il a reconnu que l'action de la Commission européenne n'atteignait pas le même niveau d'efficacité que la coopération bilatérale, en dépit de progrès récents.

Il a qualifié les coûts de transaction entre bailleurs de « faramineux » , compte tenu de l'harmonisation encore balbutiante des procédures, et a souligné la responsabilité des bailleurs s'agissant des coûts récurrents de formation et d'entretien, une fois les projets achevés. Une harmonisation totale est selon lui impossible , de telle sorte que l'alternative réside dans la création de nouvelles procédures approuvées par tous les bailleurs, ou dans l'appropriation par l'Etat bénéficiaire de procédures crédibles.

M. Maurice Portiche, ambassadeur de France, a pour sa part indiqué à votre rapporteur spécial que l'harmonisation entre la Commission européenne et les Etats membres était une « vue de l'esprit », et que la réunion mensuelle relevait davantage de l'échange de vues que de la coordination. Il a regretté que ne soit pas appliqué le principe selon lequel un Etat membre reconnu comme plus « en pointe » dans un secteur d'intervention soit réellement chef de file des Etats membres sur les plans organisationnel et financier.

Faisant le constat de la surabondance de projets dont l'effet réel sur le développement est souvent difficile à évaluer, comme de la difficulté de coordonner les bailleurs européens, la Commission européenne a décidé de mettre l'accent sur l'appui budgétaire en faveur de l'éducation et de la santé, qui devrait représenter 60 % de l'enveloppe programmable (la France ayant fait pression pour que cette part ne soit pas portée à 70 %) en 2007-2010.

Cet instrument, qui mobilise des sommes beaucoup plus élevées que les projets jusqu'à présent financés, suppose une avance de trésorerie par le gouvernement récipiendaire et un remboursement ex post par la délégation, après accord sur les indicateurs de suivi. Le solde portera sur le développement rural (25 % de l'enveloppe globale), le commerce et le développement économique (10 %), et la gouvernance et les droits de l'homme (5 %).

Votre rapporteur spécial émet des réserves sur cette orientation en faveur de l'aide budgétaire, qui paraît prématurée compte tenu du niveau de développement du pays. En outre, cet instrument permet certes d'améliorer le niveau de décaissement, mais pas nécessairement l'influence européenne, et peut contribuer à évincer l'aide bilatérale et à mettre en place un financement « en circuit fermé » , par lequel l'aide budgétaire se trouve « recyclée » dans des remboursements de prêts concessionnels de la Banque mondiale et de la BAsD. L'approche française projetée, qui consisterait à « tester » cette procédure de manière plus ciblée à partir de 2009, sur l'utilisation des revenus créés par le barrage de Nam Theun 2, paraît plus prudente et appropriée.

* 102 Le logiciel CRIS donnerait des facturations par projet, sans ventilation annuelle.

* 103 Le document de stratégie-pays pour 2007-2013 mentionne cependant le chiffre de 64 millions d'euros...

* 104 De fait, votre rapporteur spécial a pu constater, dans les documents qui lui ont été remis, que le délai entre la décision de lancer le projet et la signature de la convention approchait parfois 4 ou 5 ans...

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