C. VIETNAM

1. Eléments d'information de portée stratégique

Les commentaires de l'AFD sur différents points soulevés dans la synthèse des observations et recommandations de M. Charasse, sont les suivants :

1) Légitimité de l'activité massive des bailleurs de fonds au Vietnam

Le rapport met en exergue un paradoxe des bailleurs de fonds, soumis à une « force d'attraction » pas forcément justifiée vers les pays émergents. Deux aspects de ce paradoxe apparent peuvent être éclairés :

a) Disponibilité de ressources nationales versus recours pourtant important aux financements des bailleurs de fonds

Le constat instantané ne retrace pas la dynamique à l'oeuvre qui légitime l'intervention des bailleurs de fonds, en termes volumétriques, si l'on considère d'une part l'ampleur des besoins du pays en matière d'investissements, publics et privés, d'autre part la capacité potentielle d'endettement du pays (et pas seulement la capacité de rembourser la dette aujourd'hui).

La marge de manoeuvre en termes quantitatifs est importante et vraisemblablement durable au Vietnam pour les bailleurs de fonds : face aux besoins, les capacités financières intrinsèques du pays, quoique non négligeables, ne suffiront pas pendant de longues années à assumer un développement de l'ordre de 5 à 10 % de croissance nette par an.

Par ailleurs, le Vietnam n'est pas un pays tributaire de l'aide publique au développement (APD) qui, selon les estimations du Plan de développement économique et social 2006-2010, ne représentera que 10 % du total des investissements du pays. L'APD, bien que non négligeable, n'est donc pas déterminante pour le développement de ce pays. Sa légitimité sera d'autant plus accrue que les bailleurs orienteront leur soutien vers un développement de plus en plus qualitatif du Vietnam.

b) Capacité d'absorption versus engagements importants

Un processus est là aussi en cours. Le développement massif des engagements au cours de la période récente (fruit surtout de l'activité de la BAsD, de la Banque mondiale et de JBIC) s'est traduit certes par un rythme de décaissement lent, traduisant une capacité d'absorption asymétrique par rapport au volume d'engagement. La lenteur des décaissements traduit aussi au Vietnam le caractère encore peu opérationnel, voire parfois contradictoire, des décrets sur les procédures de mise en oeuvre de l'APD du côté des autorités.

Enfin, le nombre élevé de provinces et le niveau d'asymétrie qui les caractérise, rend difficile la possibilité de trouver une masse critique géographique suffisante et homogène nécessaire à la bonne mise en oeuvre des projets. La communauté des bailleurs de fonds - notamment le groupe des 5 banques (dont l'AFD) - a mené un travail important avec les autorités locales afin d'améliorer la mise en oeuvre de l'APD et d'accélérer le rythme des décaissements. Les résultats devraient être visibles à court-moyen terme.

2) Stratégie sectorielle

L'action de l'AFD est concentrée dans trois secteurs principaux : développement rural, infrastructures et secteur financier. Ceci répond à la conjonction de plusieurs facteurs : besoins du pays, capacités de l'AFD à y répondre de manière adaptée, stratégie française formalisée dans le DCP.

Ce triptyque résulte d'une évolution historique depuis la création de l'AFD au Vietnam en 1994. Il présente un avantage opérationnel en permettant de lisser le rythme de décaissement, entre des projets de complexité variable.

3) Coordination des bailleurs de fonds

a) Les efforts menés en matière d'harmonisation sont effectivement très consommateurs de temps et de ressources. A l'échelle de l'AFD Vietnam, il s'agit d'un choix stratégique que de participer au groupe des 5 banques (BM, BAsD, JBIC, KFW, AFD). Ce groupe, qui concentre 85 % de l'APD dans le pays, est reconnu par le gouvernement avec lequel il travaille en partenariat. Après la phase de montée en puissance de ce groupe de travail, qui a pu justifier d'importants coûts d'entrée, il est probable que le ratio « temps passé » / impact opérationnel va s'améliorer sensiblement à court terme.

b) S'agissant de la domination des multilatéraux : elle est réelle mais relativement moins forte que le rapport de force financier entre les multilatéraux et les bilatéraux pourrait le laisser penser. En effet, la présence des bilatéraux dans ce groupe des 5 banques est souhaitée dans une certaine mesure par les multilatéraux et par les autorités vietnamiennes, au moins parce qu'elle permet de minimiser des positions qui peuvent paraître hégémoniques. Le Vietnam est à ce stade particulièrement soucieux de diversifier ses partenaires.

Par ailleurs, il faut souligner la valeur ajoutée de l'AFD et sa participation à l'élaboration de documents et textes de référence, ce qui lui confère une capacité positive d'influence dans le débat, reconnue par ses pairs et par les autorités vietnamiennes.

c) La coordination des bailleurs européens est une préoccupation que nous partageons. La coordination au Vietnam est d'ores et déjà étroite entre l'AFD et la KFW, mais elle n'est pas assez structurée au-delà. Elle pourrait progresser, sous les auspices de la délégation de la Commission chargée de mettre en oeuvre le « code de conduite » validé par les 27 Etats-membres et globalement d'accroître la coordination et la visibilité européenne, en ligne avec les options du commissaire Louis Michel, soutenues par la France.

Sur le contenu, cette coordination se heurte à des clivages stratégiques importants au sein des pays de l'Union qui opèrent en APD au Vietnam (sur les objectifs, les produits, les méthodes). Pour cette raison, l'objectif de définir des « chefs de file » sectoriels au sein de la communauté des bailleurs européens paraît encore loin de pouvoir être atteint au Vietnam.

4) Prospective : accession du Vietnam au statut de PRITI et sortie de la ZSP

L'AFD a intégré dans sa réflexion et anticipe dans son action la sortie future du pays de la ZSP et son accession au statut de pays intermédiaire. Notre volonté de prêter davantage à des conditions moins concessionnelles, et à des contreparties non souveraines, est sans ambiguïté et s'inscrit dans une trajectoire de soutien d'une croissance de qualité, respectueuse en matière d'environnement et de social. A ce stade, compte tenu des volumes d'APD très concessionnels engagés par les multilatéraux, cette stratégie est difficile à traduire dans les faits. Une inflexion devrait toutefois intervenir assez rapidement.

2. Eléments d'information ponctuels

1) Décaissements

a) Le constat émis sur les faibles décaissements et retards de certains projets est la plupart du temps partagé par l'agence. Sur un plan général, le taux de décaissement de l'AFD Vietnam atteint 43 % à fin août 2007 sur l'ensemble du portefeuille. Grâce aux efforts menés au cours des trois dernières années, le ratio de décaissement a atteint 18 % des restes à verser en moyenne annuelle au cours de cette période, ce qui est proche de l'objectif de décaissement des projets en cinq ans.

Compte tenu du contexte, de la nature de l'intervention de l'AFD (aide-projet surtout) et comparativement aux principaux bailleurs de fonds, ce résultat paraît honorable. Par ailleurs, le fait de ne pas décaisser à tout prix peut être interprété comme un signe de rigueur dans l'exécution des projets. Enfin, l'impact de la dépréciation du dollar face à l'euro a joué défavorablement sur les décaissements au cours de la période récente (pour les projets dont l'engagement est intervenu avant la dépréciation du dollar).

b) Sur les points particuliers soulevés, le taux de décaissement global d'un des projets (BVADR 3) dépasse 83 % si l'on additionne les deux composantes (5 millions d'euros + 50 millions d'euros), dont la première en effet n'est décaissée qu'à hauteur de 17 %. S'agissant des projets de développement rural, leur rythme de décaissement structurellement lent renvoie d'une part aux capacités des maîtrises d'ouvrage qui font l'objet de toute notre attention et au caractère opératoire des montages des projets, qui pourraient sans doute anticiper davantage les profils de décaissement et les analyses des risques afférents. Cela reste un exercice difficile.

Enfin, concernant le 3 e projet d'eau potable en cofinancement avec la BAsD, le taux de décaissement a progressé de plus de 10 points depuis la mission (de 3,6 % à 14,4 %) et les perspectives après revue sont satisfaisantes puisqu'un montant de 8 millions d'euros devrait être décaissé sur le reliquat de 11,5 millions d'euros.

2) Aide budgétaire

En matière d'aide budgétaire, qui figure parmi les orientations françaises en matière d'APD au niveau international, les principaux bailleurs de fonds au Vietnam ont le souci de la développer, dans des conditions de sécurité et de performance satisfaisants. Les deux aspects (soutien budgétaire / soutien à la réforme de l'exercice budgétaire) sont liés - l'AFD en est particulièrement convaincue.

L'exercice de révision et d'appui aux réformes des finances publiques, dans une optique de transparence et de fiabilité, est mené notamment par la Banque mondiale et fait l'objet de travaux publics. La marge de progrès ( i.e . l'effet de levier de l'appui des bailleurs sur l'amélioration de la gestion budgétaire) reste importante, mais un processus est en cours.

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