5. Sur le long terme, le vieillissement de la population rendra indispensable une réforme structurelle de l'assurance vieillesse
La prochaine réforme des retraites sera inévitablement dominée par le souci d'introduire des mesures à effet rapide. En effet, en termes actuariels, retarder de cinq ans l'entrée en vigueur d'une mesure se traduit in fine par un doublement des efforts à accomplir. Pourtant, au-delà de l'horizon à très court terme de l'année 2008, il conviendrait d'engager une réflexion à plus long terme sur les contours d'une réforme systémique à l'horizon 2012 .
Jusqu'à présent, les différentes réformes des retraites réalisées en France ont privilégié une approche paramétrique, progressive et étalée sur longue période, de la gestion des problèmes de l'assurance vieillesse. Or, la question de la refonte globale de notre système de retraite se posera à nouveau nécessairement tôt ou tard compte tenu du vieillissement de la population.
a) L'amorce d'une approche globale et prospective du coût du vieillissement de la population
Dans un rapport récent 43 ( * ) , la Mecss a souhaité que les pouvoirs publics engagent une analyse prospective, à un horizon de quarante ans, des dépenses, des recettes et des besoins de financement de chacune des branches de la sécurité sociale, mais aussi de la charge prévisible de la politique du handicap et de la prise en charge du coût de la dépendance.
De fait, les informations à ce sujet existent, mais demeurent encore rares et dispersées. Une première synthèse a été réalisée dans le cadre du premier rapport du conseil d'orientation des finances publiques, car la question des conséquences du vieillissement de la population concerne aussi bien les finances publiques que les différents aspects des finances sociales.
Le troisième rapport du Cor sur les projections des régimes de retraite, publié le 29 mars 2006 44 ( * ) , permet d'appréhender les conséquences de l'évolution des facteurs démographiques pour les régimes de retraite. Dans le scénario central retenu et sur la base d'une étude la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), le Cor a ainsi estimé que le poids des pensions rapporté au Pib devrait passer de 12,8 % en 2003 à 13,7 % en 2020, pour atteindre 16 % en 2050. Le besoin de financement (hors transferts éventuels de l'assurance chômage) serait ainsi de 0,8 % en 2020 et 3,1 % en 2050.
Dépenses de retraite et besoin de financement |
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en % du PIB |
|||
2003 |
2020 |
2050 |
|
Masse des cotisations |
12,8 |
12,9 |
12,9 |
Dépenses de retraite |
12,8 |
13,7 |
16,0 |
Besoin de financement |
0,0 |
-0,8 |
-3,1 |
(calculés à partir de la maquette de la Drees |
L'OCDE a mené à bien des travaux comparables pour estimer les dépenses de santé et de dépendance à l'horizon 2050. Deux scénarios ont été envisagés. D'une façon générale, l'OCDE chiffre l'impact du vieillissement de la population à cette échéance, à une augmentation comprise :
- entre 1,9 % et 3,7 % de Pib pour les dépenses de santé ;
- entre 1,3 % et 2,2 % de Pib pour les dépenses liées à la dépendance.
En définitive, les résultats des prévisions disponibles sont très variables 45 ( * ) mais, ainsi que le souligne fort justement le conseil d'orientation des finances publiques, dans un rapport récent 46 ( * ) , la perspective d'une hausse importante des dépenses sociales est une certitude :
« Dans le pire des scénarios, c'est même un surcoût supplémentaire de plus de sept points [de Pib] qui pourrait être constaté. De telles projections sont évidemment entourées d'une part d'incertitude importante, liées à la démographie, l'environnement macroéconomique et aux comportements. Mais au final, elles font consensus sur un point : le vieillissement de la population va engendrer des dépenses supplémentaires importantes, et il ne faut pas compter sur la diminution du chômage, ou la baisse des dépenses d'éducation, pour en absorber le coût. Par conséquent, ces projections montrent la nécessité d'agir au plus vite pour assurer la soutenabilité de nos finances publiques. »
b) Seule une réforme systémique permettra de résoudre la crise de confiance croissante des assurés sociaux
Menacé par la perspective d'un déficit structurel croissant, notre système d'assurance vieillesse nécessiterait un véritable « électrochoc » , seul à même de conjurer le phénomène de crise de confiance massive qui touche de plus en plus d'assurés sociaux. De fait, les actuelles générations de quinquagénaires liquident leurs pensions dès qu'ils le peuvent, beaucoup arrivant en quelque sorte « usés » à l'âge de la retraite. Une large partie des jeunes actifs se demande même, avec une part de résignation mêlée de cynisme, si le système actuel survivra jusqu'à leur propre départ en retraite.
Dans ce domaine aussi, il conviendrait d'établir un « choc de confiance » , en renforçant la contributivité du système. Cette démarche pourrait prendre la forme d'une réforme structurelle en deux étapes :
- l'adoption dès 2008, par la Cnav et les régimes alignés, du mode de gestion utilisé par points ;
- puis, dans un second temps, par exemple en 2012, la mise en oeuvre d' un système à cotisations définies sur le modèle des comptes notionnels suédois complété par un mécanisme d'ajustement. Ce délai de quatre ans supplémentaires laisserait un recul suffisant pour préparer l'opération sur le plan technique et pour informer la population.
Plutôt que d'ajuster tous les quatre ou cinq ans les paramètres de l'assurance vieillesse, sans doute vaudrait-il mieux refonder une fois pour toutes le cadre général de l'assurance vieillesse, tel qu'il a été conçu en 1945 47 ( * ) . Une telle réforme mériterait assurément les qualificatifs de « structurelle » ou de « systémique ». Il faudrait pour cela concevoir un ensemble de dispositions permettant tout à la fois de garantir la stabilité financière du régime par répartition au cours des prochaines décennies et de disposer de mécanismes de pilotage efficaces. Le système des comptes notionnels suédois présente ces avantages et permet d'éviter que, comme aujourd'hui en France, le poids des ajustements financiers nécessaires soit principalement mis à la charge des générations futures. Dans notre pays, en effet, le pacte entre les générations est en quelque sorte rongé par le doute et la mauvaise gouvernance intrinsèque du mode de gestion par annuités.
En s'inspirant de la réforme menée en Suède, notre pays adopterait un système fondé sur la notion de contributivité et se fixant pour objectif la préservation d'un haut niveau de retraite à l'avenir. A l'instar de la plupart de nos partenaires, la variable d'ajustement principale serait l'âge de départ en retraite des assurés sociaux et, dans une moindre mesure le taux de progression des pensions, plutôt que le niveau des cotisations sociales.
Compte tenu de l'ampleur du déficit actuel de l'assurance vieillesse, il est probable que l'option d'une nouvelle réforme paramétrique s'imposera dans les prochains mois. Si tel devait être le choix du Gouvernement, du moins faudrait-il prévoir un examen approfondi, d'ici à 2012, de la problématique et de la faisabilité d'une réforme d'ensemble car la dégradation des comptes posera la question de la capacité du système des annuités à faire face au vieillissement de la population.
* 43 Rapport précité sur la Suède.
* 44 Troisième rapport du Cor : « Retraites : perspectives 2020 et 2050 ».
* 45 Voir également le rapport de la Cour des comptes de juin 2007 sur la situation et les perspectives des finances publiques (pages 59 à 62).
* 46 Premier rapport du Conseil d'orientation des finances publiques - février 2007.
* 47 Voir également les pages 41 à 54 du rapport n° 59 (2006/2007) fait par Dominique Leclerc au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur l'assurance vieillesse (projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ; tome IV).