II. COMPTE-RENDUS D'AUDITIONS

M. Jean-Paul Bodin, directeur de la DMPA
(Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives)

11 avril 2006

M. Jacques Baudot a précisé, en préambule, que le choix de l'objet de la mission de contrôle avait été inspiré par les réclamations d'associations faisant état du mauvais état d'entretien de certaines sépultures militaires à l'étranger, notamment en Algérie - à l'instar du carré militaire de Mers el Kébir. Il a, en conséquence, demandé à M. Jean-Paul Bodin de lui rendre compte de l'activité de ses services pour cet entretien ces dernières années et de lui dresser un bilan des actions en cours et envisagées.

M. Jean-Paul Bodin a, dans une présentation liminaire, rappelé l'historique de la création de son service, qui résultait de la fusion des services de la mémoire et de ceux dédiés à la gestion des infrastructures en 2004/2005. Il a précisé que la gestion des infrastructures relevant de la défense, à l'exception de celles de la gendarmerie, avait été regroupée sur le programme 212. Il a ajouté que ses responsabilités s'étendaient également aux archives et à l'histoire de la défense.

Il a, ensuite, présenté la gestion des lieux de mémoire, en insistant sur les deux grands projets réalisés récemment : le Centre européen du résistant déporté au le camp de Natzweiler-Struthof et le pavillon français du camp d'Auschwitz.

Abordant l'épineux problème de Mers el Kebir il a rappelé que le Président de la République s'était rendu sur place lors d'un voyage officiel, accompagné de M. Hamlaoui Mékachéra ministre des anciens combattants et que la remise en état de ce lieu de mémoire était bien une priorité de ses services. Il précisé qu'il avait dépêché une mission d'évaluation sur place l'année précédente et que si des dégradations avaient été constatées sur les croix et l'ossuaire du carré militaire le reste du cimetière civil avait, quant à lui, subi non seulement des dégradations mais également des profanations.

M. Jean-Paul Bodin a expliqué que cette situation d'abandon du carré militaire résultait de son insertion dans le cimetière civil. En effet, ces cimetières, selon le ministère des affaires étrangères (MAE), sont, tant pour la sécurité que pour l'entretien, sous la responsabilité de l'Etat algérien. Il a précisé, par ailleurs, que ce cimetière ne disposait ni de gardien, ni même de logement pour en installer un et que, de surcroît, le mur d'enceinte était détérioré au point de rendre le cimetière accessible à toute intrusion.

Le gouvernement et l'administration ne considérant pas pour autant que cette situation devait perdurer il a alors fait part des solutions envisagés : construction de locaux pour le gardiennage et l'entretien, réfection du mur d'enceinte et embauche de personnel. Il a cependant fait état des problèmes de financement de ce projet, dont le coût s'inscrivait dans une fourchette de 250.000 à 300.0000 euros, en raison des responsabilités en la matière de l'Etat algérien et du MAE. Il a également précisé que le rapatriement des corps n'était pas envisagé par le Haut conseil de la mémoire combattante. Enfin, il a rappelé que depuis les travaux de remises en état exécutés en 2005 de nouvelles dégradations étaient intervenues et s'est engagé à transmettre des documents photographiques l'attestant.

Il a précisé que les tombes de 280 marins et un ossuaire de 590 corps de marins du « Bretagne » relevaient de sa responsabilité dans ce cimetière, qui contenait également 100 caveaux familiaux. Après avoir jugé que l'absence de consulat à Oran depuis 1994 n'avait pu qu'aggraver cette situation, il a estimé que sa réinstallation envisagée permettra une surveillance plus réactive de la préservation et de l'entretien des lieux.

Après avoir rappelé l'importance et présenté la répartition des autres lieux de mémoires à l'étranger, M. Jean-Paul Bodin a ensuite rendu compte de leur état d'entretien, en précisant que le cimetière militaire du Petit-lac d'Oran était, quant à lui, gardienné et bien entretenu. Il a fait état des problèmes récurrents des cimetières de Madagascar liés, d'une part, aux aléas climatiques et, d'autre part, à l'éloignement qui faisait reposer principalement leur entretien sur les services de l'ambassade. Il a ainsi rappelé, à cette occasion, que pour l'étranger les crédits et la responsabilité de l'entretien étaient délégués aux services diplomatiques, son administrations n'ayant pas les moyens d'affecter suffisamment de permanents, ni d'effectuer des déplacements de contrôle fréquents.

Il a fait état de l'intervention de ses services en 2005, pour des regroupements ou des rapatriements de corps, au Vietnam (à Phnom Penh), en Italie et, grâce à l'attaché de défense en poste localement, en Bulgarie (à Sofia).

Il a rappelé que le Souvenir français était la seule association à participer à l'entretien des lieux de mémoire et qu'il était intervenu également à l'étranger à Madagascar, sur la Grande-Ile, et en Afrique Subsaharienne, les autres associations, selon lui, s'avérant très utiles pour la remontée des informations, notamment en France. Faisant ensuite état de travaux importants à mener sur le site de Notre-Dame de Lorette il a également évoqué des projets d'aménagement concernant le camp des Milles. Il a aussi expliqué que si la responsabilité de la DMPA concernait surtout les travaux d'investissement lourds, inscrits au titre 5, certains crédits de fonctionnement lui étaient encore attribués et qu'il disposait en France pour remplir cette mission de 197 emplois.

Enfin, M. Jean-Paul Bodin, comparant l'activité en la matière des autres pays européens, a déclaré que les britanniques intervenaient sur des opérations plus ciblées et qu'en Allemagne il était organisé des camps de vacances pour réhabiliter les lieux de mémoire. Il a conclu son propos en jugeant que cette piste pourrait être développée dans notre pays dans le cadre du lien « Armée-Nation ».

Mme Liliane Block, directrice de la DSPRS
(Direction des statuts des pensions et de la réinsertion sociale)

11 avril 2006

Mme Liliane Block a tout d'abord rappelé que son service avait été transféré, début 2005, depuis l'administration des anciens combattants, pour être adossé au ministère de la défense. Elle a précisé qu'il assurait la gestion de deux programmes de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » : les programmes 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » et 158 « Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale 3 ( * ) ».

Concernant ces indemnisations, d'instauration récente, elle a répondu à M. Jacques Baudot, qui l'interrogeait sur la demande d'extension de la mesure d'indemnisation formulée par les pupilles de la Nation, que ce problème se situait sur une échelle budgétaire d'une autre ampleur eu égard au nombre des demandeurs qui s'évaluait à 200.000.

Mme Liliane Block a ensuite présenté son service. Elle a précisé qu'il se composait, au niveau national, d'une part, de l'administration centrale qui disposait de 160 personnes réparties, pour l'essentiel, sur deux sites principaux à Caen (80 personnes) et à Woippy (60 personnes) et du service des ressortissants résidants à l'étranger de Château-Chinon, et d'autre part, des 18 directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC). Elle a ajouté, qu'avec les trois bureaux de Casablanca, Tunis et Alger, le service disposait au total de 1.390 emplois et avait la responsabilité de la gestion de 3,4 milliards d'euros de crédits pour 2006.

Elle a rappelé que les crédits de paiement destinés à l'entretien des lieux de mémoire, étaient gérés par 225 personnes et s'élevaient à 1,8 million d'euros pour 2006, en précisant que tous les crédits affectés à cette mission étaient d'ordre budgétaire. Elle a souligné, cependant, que l'association « le Souvenir français » entretenait 37.000 sépultures dans les carrés communaux. Elle a indiqué que les DIAC versaient une indemnité forfaitaire de 1,22 euros par tombe et par an aux communes ou au souvenir français pour l'entretien de 40.000 tombes.

Mme Liliane Block a ensuite précisé que le contrôle de l'utilisation des crédits était effectué sur pièces, par un retour mensuel de celles-ci en provenance des DIAC, et sur place par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA). Elle a ajouté qu'étaient également prises en compte les remontées d'informations par le courrier des visiteurs ou les observations qu'ils portaient sur les livres d'or.

Mme Viviane Champagne, attachée pour les DIAC, a fait état de l'entretien de tombes, l'été dans l'est de la France, par des jeunes bénévoles. Elle a cependant regretté qu'en France, en dehors de cette action isolée, le Souvenir français était la seule association à participer à l'entretien des lieux de mémoire.

Mme Liliane Block a précisé que, pour l'entretien des lieux de mémoire à l'étranger, les crédits étaient délégués dans les ambassades ou les consulats qui sont en charge de l'entretien courant des sépultures et du fonctionnement des hauts-lieux de mémoire. Elle a reconnu, que la remontée des informations et des documents sur l'utilisation des crédits était inégale d'un poste diplomatique à l'autre, quand elle n'était pas inexistante.

Elle a cependant souligné qu'au Maghreb la situation était plus aisément contrôlable grâce à la présence, dans les ambassades d'Alger, de Casablanca et de Tunis, de directeurs de l'administration centrale des anciens combattants.

Elle a conclu son propos en précisant que le coût de l'entretien des sépultures de guerre à l'étranger en 2005 s'était élevé, hors salaires, à 375.000 euros.

Général de Percin, président du Souvenir français

9 mai 2006

Le général de Percin, après avoir rappelé que le Souvenir français agissait en complémentarité des services du ministère pour l'entretien des lieux de mémoire, a dressé un bilan de l'état des cimetières où reposent des morts pour la France sur le territoire national et à l'étranger.

Il s'est montré satisfait de la situation en Italie, au Maroc et en Tunisie. En revanche, après avoir rappelé que les lieux avaient reçu la visite de M. Hamlaoui Mékachéra ministre des anciens combattants, à Madagascar, il a reconnu que certains de nos cimetières ne pouvaient que souffrir de la comparaison avec le bon état d'entretien de leurs lieux par les britanniques. Il a relevé que l'Etat avait pris en charge, à Diégo-Suarez, les tombes des anciens combattants morts après les combats.

Il a ajouté que 5.000 francs (avant 2000) avaient été attribués par le Souvenir français pour une intervention dans ces cimetières, l'état ayant participé pour le même montant. Il a précisé que l'association « Enfants du soleil » s'occupait sur place d'enfants, de mères et accessoirement de tombes et que le Souvenir français avait soutenu son action par plusieurs dons dont le montant total atteignait 6.000 euros.

Le général de Percin a précisé qu'en ex-RDA les cimetières étaient bien entretenus, mais a signalé quelques problèmes dans quatre cimetières de garnison de la partie ouest. Il a rappelé qu'au cimetière franco-musulman de Bobigny seules 17 tombes relevaient de la DMPA et que Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sénatrice représentant les Français de l'étranger, était parfaitement au fait de ce problème. Plus généralement, il s'est inquiété du défaut de gardiennage de certains de nos lieux de mémoire dans le monde.

Il a déclaré qu'à Elbeuf le Souvenir français avait versé 5.000 euros pour la réfection des 120 tombes de soldats morts pour la France mais que l'Etat n'avait pas effectué l'entretien de ces tombes qui relevaient de sa charge. Il a, ensuite, mis en évidence l'importance de son association pour l'entretien des tombes dispersées, précisant que nombre de monuments familiaux incluaient un mort pour la France. Il a expliqué que les ressources du Souvenir français provenaient de cotisations, de dons, de legs, des abonnements à la revue de l'association et d'apports résultant d'amendements non reconductibles votés en loi de finances.

Après avoir soulevé les problèmes d'hébergement rencontrés par l'association, lors de missions en Allemagne, le général de Percin a terminé son propos en citant l'exemple de russes ayant fait le déplacement en France le temps de rénover les tombes de 3 de leurs soldats.

Entretien avec M. Tahar Sekran, Wali d'Oran à la wilaya

14 septembre 2006

M. Tahar Sekran a précisé qu'une partie des dégradations des sépultures résultait de pillages, pouvant, pour une part, avoir été commis juste après l'indépendance et dus à la croyance selon laquelle les européens seraient inhumés avec leurs bijoux.

S'agissant du cimetière de Mers el Kébir, il a annoncé que les autorités algériennes avait procédé à l'installation d'un éclairage et qu'elles apportaient le soutien de leur administration au soutien des opérations de remise en état et de sécurisation entreprises par la France. Il a ajouté que les problèmes concernant l'alimentation en eau et électricité de la maison du gardien, en construction, ferait l'objet d'un accord avec la wilaya.

MM. Bernard Koelsch et Joël Martel ont fait état de dommages au mur d'enceinte de la nécropole du Petit-Lac occasionnés par l'adossement d'habitations construites illicitement ainsi que des problèmes liés à la suppression, sans explications, de l'alimentation électrique, notamment des conséquences pour l'arrosage.

M. Tahar Sekran s'est montré surpris de ces problèmes et s'est engagé à intervenir pour qu'une solution y soit apportée.

* 3 Ce programme ne relève plus actuellement de la DSPRS. Sa responsabilité n'incombe plus au secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, depuis le 1 er janvier 2007, mais au secrétaire général du Gouvernement.

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