II. QUELLE PORTÉE ATTRIBUER À LA SURVEILLANCE DES SITUATIONS BUDGÉTAIRES À PARTIR DES PERSPECTIVES DE DETTE PUBLIQUE ?

L'Union européenne a construit son espace économique et monétaire intégré sur l'idée qu'une dette publique équivalant à 60 points de PIB dans chacun des Etats représentait un niveau acceptable d'endettement public .

Le niveau ainsi retenu semble n'avoir été dû qu'à une situation essentiellement circonstancielle. Il s'agissait de la moyenne de la dette publique observée au moment des négociations du futur « Traité de Maastricht ». Ce choix semble donc n'avoir pas traduit une réflexion économique particulièrement approfondie .

Pourtant, il manifeste des arbitrages implicites importants :


• le premier d'entre eux consiste à s'accorder sur l'importance de la dette publique comme indicateur de situation économique du nouvel ensemble ;


• le second revient à fixer une norme pour la politique budgétaire .

Par ailleurs, le souci de surmonter les difficultés liées à la surveillance des positions budgétaires à partir de la seule norme relative aux soldes publics a été pour beaucoup dans la proposition de s'attacher davantage à la situation, présente et à long terme, de la dette publique .

Cette dernière est sans doute susceptible de déboucher sur des analyses plus riches mais il faut reconnaître que la fixation d'une norme d'évolution de la dette publique porte, en elle, de façon implicite une norme de déficit public puisque, aux opérations financières près, la dette publique varie en fonction du besoin de financement public. En ce sens, la surveillance des politiques budgétaires fondée sur le critère de la dette publique, renvoie aux modalités traditionnelles de surveillance basées sur le déficit public.

De fait, la surveillance de la position budgétaire des Etats au regard des perspectives de la dette publique aboutit essentiellement à formuler des recommandations quant au niveau souhaitable de leur solde public .

La programmation financière à l'horizon 2012 associée au projet de loi de finances pour 2008 témoigne d'une étroite conformité avec les analyses de soutenabilité de l'endettement public publiées par la Commission européenne . En particulier, la réduction de la dette publique qu'elle décrit peut être vue comme résultant de la mise en oeuvre de ces recommandations.

Or, la surveillance des positions budgétaires conduite à partir des perspectives de dette publique, pour utile et stimulante qu'elle soit, est assise sur quelques approximations qu'il faut identifier et comporte des risques macroéconomiques non négligeables .

A. LA ROBUSTESSE RELATIVE DE LA SURVEILLANCE DES POSITIONS BUDGÉTAIRES À PARTIR DES PERSPECTIVES DE LA DETTE PUBLIQUE

La surveillance des positions budgétaires à partir des perspectives d'endettement public est plus ou moins robuste. Des scénarios alternatifs permettent de mesurer ces aléas auxquels elle est soumise.

1. La méthode de la Commission

La méthode développée par la Commission consiste à construire des indicateurs quantitatifs (dénommés S1 et S2) mesurant l'écart entre la position budgétaire présente appréciée à partir du niveau du solde public primaire structurel et ce qu'elle devrait être pour satisfaire à des objectifs alternatifs de stabilisation de la dette publique à 60 points du PIB (en 2050 ou à un horizon infini), compte tenu des contraintes résultant de l'effet du vieillissement démographique sur la dynamique spontanée des finances publiques 88 ( * ) .

La méthode décompose l'indicateur en trois éléments distincts :


• le premier élément est relatif à l' écart entre le solde primaire 89 ( * ) structurel actuel et le solde primaire structurel qui permettrait de stabiliser le poids relatif de la dette publique sur longue période ;


• le deuxième élément mesure l'effort à réaliser en matière de solde public primaire pour atteindre un ratio « dette publique/PIB » de 60 points en 2050 ; plus un pays est initialement éloigné de ce ratio plus l'effort à entreprendre est important ;


• le troisième élément résulte du calcul de l'impact sur la position budgétaire des perspectives liées aux changements démographiques susceptibles d'intervenir dans la période sous revue.

La dynamique de certaines dépenses publiques dépend étroitement de facteurs démographiques . Une population plus âgée suppose, à structure de dépenses constante, davantage de dépenses de pension et de santé. Lorsque la population jeune diminue, les dépenses d'éducation sont moins nécessaires. Enfin, si la population active régresse, les perspectives de chômage peuvent devenir moins fortes, laissant augurer une réduction des dépenses consacrées à pallier les conséquences du non-emploi.

Les projections démographiques pour l'Union européenne dessinent globalement un vieillissement de la population et une diminution des jeunes et des actifs. C'est dans ce contexte que la Commission européenne établit régulièrement des projections de dépenses publiques à horizon long, 2030 et 2050.

PROJECTIONS DE L'ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES ENTRE 2004 ET 2030/2050 (en points de PIB)

Retraites

Santé

Dépendance

Chômage

Éducation

Total sans "dépendance"

Total sans "Education"

Total

Niveau

Evolution/2004

Niveau

Evolution/2004

Niveau

Evolution/2004

Niveau

Evolution/2004

Niveau

Evolution/2004

Evolution/2004

Evolution/2004

Evolution/2004

2004

2030

2050

2004

2030

2050

2004

2030

2050

2004

2030

2050

2004

2030

2050

2030

2050

2030

2050

2030

2050

Belgique

10,4

4,3

5,1

6,2

0,9

1,4

0,9

0,4

1,0

2,3

-0,5

-0,5

5,6

-0,6

-0,7

4,1

5,3

5,1

7,0

4,5

6,3

Danemark

9,5

3,3

3,3

6,9

0,8

1,0

1,1

0,6

1,1

1,5

-0,3

-0,3

7,8

-0,4

-0,3

3,4

3,7

4,4

5,1

4,0

4,8

Allemagne

11,4

0,9

1,7

6,0

0,9

1,2

1,0

0,4

1,0

1,3

-0,4

-0,4

4,0

-0,8

-0,9

0,6

1,7

1,8

3,6

1,0

2,7

Grèce

-

-

-

5,1

0,8

1,7

-

-

-

0,3

-0,1

-0,1

3,5

-0,5

-0,4

-

-

-

-

-

-

Espagne

8,6

3,3

7,1

6,1

1,2

2,2

0,5

0,0

0,2

1,1

-0,4

-0,4

3,7

-0,7

-0,6

3,3

8,3

4,0

9,1

3,3

8,5

France

12,8

1,5

2,0

7,7

1,2

1,8

0,3

0,1

0,2

1,2

-0,3

-0,3

5,0

-0,5

-0,5

1,9

2,9

2,5

3,7

2,0

3,2

Irlande

4,7

3,1

6,4

5,3

1,2

2,0

0,6

0,1

0,6

0,7

-0,2

-0,2

4,1

-0,9

-1,0

3,2

7,2

4,3

8,8

3,3

7,8

Italie

14,2

0,8

0,4

5,8

0,9

1,3

1,5

0,2

0,7

0,4

-0,1

-0,1

4,3

-0,8

-0,6

0,9

1,1

1,8

2,4

1,0

1,7

Luxembourg

10,0

5,0

7,4

5,1

0,8

1,2

0,9

0,2

0,6

0,3

-0,0

-0,1

3,3

-0,5

-0,9

5,2

7,6

6,0

9,1

5,4

8,2

Pays-Bas

7,7

2,9

3,5

6,1

1,0

1,3

0,5

0,3

0,6

1,8

-0,2

-0,2

4,8

-0,2

-0,2

3,5

4,4

4,0

5,2

3,8

5,0

Autriche

13,4

0,6

-1,2

5,3

1,0

1,6

0,6

0,4

0,9

0,8

-0,1

-0,1

5,1

-0,9

-1,0

0,5

-0,7

1,8

1,2

0,9

0,2

Portugal

11,1

4,9

9,7

6,7

-0,1

0,5

0,5

0,1

0,4

1

-0,1

-0,4

5,1

0,6

-0,4

4,1

9,7

4,9

10,5

4,3

10,1

Finlande

10,7

3,3

3,1

5,6

1,1

1,4

1,7

1,2

1,8

1,5

-0,4

-0,4

6,0

-0,6

-0,7

3,5

3,4

5,3

5,9

4,7

5,2

Suède

10,6

0,4

0,6

6,7

0,7

1,0

3,8

1,1

1,7

1,1

-0,2

-0,2

7,3

-0,7

-0,9

0,3

0,5

2,0

3,1

1,3

2,2

Royaume-Uni

6,6

1,3

2,0

7,0

1,1

1,9

1,0

0,3

0,8

0,4

-0,0

-0,0

4,6

-0,5

-0,6

1,9

3,2

2,7

4,6

2,2

4,0

Rép. Tchèque

8,5

1,1

5,6

6,4

1,4

2,0

0,3

0,2

0,4

0,2

-0,0

-0,0

3,8

-0,9

-0,7

1,6

6,8

2,6

7,9

1,8

7,2

Hongrie

10,4

3,1

6,7

5,5

0,8

1,0

0,6

0,3

0,6

0,2

-0,0

-0,0

4,5

-1,0

0,7

2,8

7,0

4,1

8,3

3,1

7,6

Pologne

13,9

-4,7

-5,9

4,1

1,0

1,4

0,1

0,0

0,1

0,5

-0,4

-0,4

5,0

-2,0

-1,9

-6,1

-6,8

-4,1

-4,8

-6,1

-6,7

Suède

7,2

0,5

1,8

4,4

1,3

1,9

0,7

0,2

0,6

0,3

-0,2

-0,2

3,7

-1,5

-1,3

0,1

2,3

1,8

4,1

0,3

2,9

Slovénie

11,0

3,4

7,3

6,4

1,2

1,6

0,9

0,5

1,2

0,5

-0,1

-0,1

5,3

-0,7

-0,4

3,9

8,4

5,1

10,1

4,4

9,7

EU-25

10,6

1,3

2,2

6,4

1,0

1,6

0,9

0,3

0,7

0,9

-0,3

-0,3

4,6

-0,7

-0,6

1,3

2,8

2,3

4,1

1,6

3,4

EU-15

10,6

1,5

2,3

6,4

1,0

1,6

0,9

0,3

0,7

0,9

-0,2

-0,2

4,6

-0,6

-0,6

1,6

3,0

2,6

4,3

1,9

3,7

EU-12

11,5

1,6

2,6

6,3

1,0

1,5

0,8

0,2

0,6

1,0

-0,3

-0,3

4,4

-0,7

-0,6

1,7

3,2

2,6

4,4

1,9

3,8

EU-10

10,9

-1,0

0,3

4,9

0,9

1,3

0,4

0,1

0,3

0,4

-0,2

-0,2

4,7

-1,5

-1,3

-1,8

0,0

-0,2

1,7

-1,7

0,3

EU-9

8,8

1,6

4,8

5,5

0,9

1,3

0,5

0,2

0,5

0,3

-0,1

-0,1

4,4

-1,1

-0,9

1,4

5,1

2,7

6,5

1,6

5,6

Source : Commission européenne 2005.

Au total, pour l'Union européenne à 15, le niveau relatif des dépenses publiques devrait augmenter de 3,7 points de PIB à l'horizon 2050 (1,9 point de PIB en 2030) du fait des changements démographiques, tels qu'ils sont prévus.

Les dépenses de pension s'accroîtraient de 2,3 points de PIB (+ 1,5 point dès 2030) ; les dépenses de santé de 1,6 point de PIB (+ 1 point en 2030) et les dépenses liées à la dépendance de 0,7 point de PIB (+ 0,3 point en 2030).

Dans le sens contraire, les dépenses de chômage seraient allégées de 0,2 point de PIB et les dépenses d'éducation de 0,6 point de PIB .

Les projections pour la France tablent sur des changements d'un peu plus faible ampleur. Le total des dépenses publiques liées à l'âge augmenterait de 3,2 points de PIB (- 0,5 point par rapport à la moyenne de l'Union européenne à 15).

Les retraites gagneraient 2 points de PIB en 2050 (+ 1,5 point en 2030). Les dépenses de santé progresseraient de 1,8 point de PIB et celles liées à la dépendance de 0,2 point de PIB .

Les indemnités de chômage et les dépenses d' éducation se replieraient quant à elles de 0,4 et 0,6 point de PIB respectivement.

Certains pays de l'Union européenne connaîtraient des évolutions considérables des dépenses publiques liées à l'âge : la Belgique (+ 6,3 points de PIB) ; le Danemark (+ 4,8 points de PIB), l'Espagne (+ 8,5 points de PIB) ; l'Irlande (+ 7,8 points de PIB) ; le Luxembourg (+ 8,2 points de PIB) ; les Pays-Bas (+ 5 points de PIB) ; le Portugal (+ 10,1 points de PIB) et la Finlande (+ 5,2 points de PIB).

Des quatre grands pays de l'Union européenne, le Royaume-Uni serait celui qui ferait face à la variation la plus importante (+ 4 points de PIB). Les trois autres (France, Allemagne et Italie) figurent au rang des pays où les évolutions seraient les plus modérées .

* 88 Techniquement, il s'agit d'identifier à quel niveau de capacité de financement, il conviendrait de se situer à court terme pour que la dette publique soit respectueuse du plafond de 60 points de PIB à long terme.

* 89 On rappelle que le solde public primaire est égal aux recettes moins les dépenses publiques hors charges d'intérêt.

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