II. LES POLLUANTS D'USAGE COURANT DANS L'AIR INTÉRIEUR

« Des produits que nous côtoyons tous les jours sans vraiment les connaître »

Vincent LAFLÈCHE, Directeur général adjoint de l'INERIS, Président du BERPC

Cette seconde saisine de l'Office a pour origine le Groupe socialiste du Sénat qui a souhaité que l'Office puisse procéder à « L'évaluation scientifique des émissions de polluants des produits de grande consommation ».

Qu'est-ce qu'un produit de grande consommation émettant des polluants ?

Lors de l'examen de l'étude préalable en 2006, l'Office a retenu les substances contenues dans des produits utilisés quotidiennement dans les environnements autres que professionnels et entraînant des effets dangereux sur la santé humaine .

Le nombre de ces substances étant très élevé, il a été décidé d'emblée d' exclure les aliments et les médicaments du champ du rapport de l'Office . De même, n'ont été retenus que les polluants les plus largement utilisés et entraînant les effets sanitaires les plus graves.

Afin de respecter l'esprit de la saisine sur les polluants d'usage courant, y compris bien sûr les éthers de glycol, et de lui conserver un champ raisonnable, l'Office a choisi d'écarter de ses investigations les polluants absorbés par l'homme à travers la chaîne alimentaire alors même que s'y retrouvent, par exemple, des concentrations de métaux toxiques (mercure, cadmium, plomb) ou des perturbateurs endocriniens, comme les phtalates, migrant des contenants au contenu. Ce point, rappelé ici pour mémoire, ne sera pas traité dans le présent rapport d'autant qu'un précédent rapport de l'Office a traité des métaux trace toxiques (dits lourds) et un autre rapport de la veille sanitaire.

Les métaux trace toxiques se retrouvent dans le milieu domestique , hors de l'alimentation . C'est le cas du mercure (dans les thermomètres et, surtout, dans les baromètres, toujours à l'air libre, et dans certains désinfectants), du plomb (certaines canalisations, peintures anciennes à la céruse, jouets) et du cadmium (contaminant apporté par les fertilisants, à savoir les phosphates).

Pour les mêmes raisons, la présence de polluants dans les médicaments ou les effets polluants de médicaments après usage (les rejets humains d'antibiotiques se retrouvent dans les bassins hydrologiques) ont été également écartés d'autant qu'un précédent rapport de l'Office a traité de la qualité de l'eau et un autre, déjà mentionné, de la veille sanitaire.

En revanche, les produits phytosanitaires (biocides, insecticides, fongicides) , demeurés en dehors du périmètre que la loi de 1998 a déterminé pour l'AFSSA et dont le risque est évalué par la Direction générale de l'agriculture et de l'alimentation (DGAL), pourraient figurer dans le rapport de l'Office dans la mesure où ces produits sont largement utilisés par le jardinier amateur .

De même les produits cosmétiques et d'hygiène se trouvent dans le champ d'investigation du présent rapport, d'abord, comme cela a été vu plus haut, parce que certains d'entre eux contiennent des éthers de glycol et, ensuite, parce que nombre de ces produits sont émissifs dans l'air intérieur .

A. LA PORTÉE DE LA SAISINE DE L'OPECST

L'intitulé de la saisine de l'OPECST mentionne les émissions de polluants des produits de grande consommation sans opérer de distinction quant à leur date de mise sur le marché ni quant aux quantités produites, ce qui constitue des motifs d'exclusion dans le système REACH.

Le champ de la saisine de l'OPECST sur les polluants d'usage courant est donc bien plus large que celui de REACH.

De plus, l'articulation de cette saisine avec celle relative aux éthers de glycol conduit aux remarques suivantes : actuellement, seuls quarante éthers de glycol sur environ quatre-vingt ont été exploités. L'exploitation des quarante autres suppose une évaluation au sens de REACH au-dessus d'un certain tonnage ; peut-être certains d'entre eux seront-ils alors classés comme dangereux ?

Le schéma suivant fait ressortir l'articulation entre les deux saisines de l'OPECST et REACH par rapport à l'évaluation des substances :

Situation en 1981

Situation en 2007

avant REACH

après REACH

100.000

substances chimiques

non évaluées

97.000

substances chimiques

non évaluées

(critère d'exclusion chronologique : mise sur le marché antérieure à 1981)

70.000

substances chimiques

non évaluées

(critère d'exclusion quantitatif : produite en quantité inférieure à une tonne)

saisine éthers de glycol

saisine polluants

d'usage courant

80 éthers de glycol

dont 40 éthers de glycol exploités

9 nocifs démontrés

3.000 substances chimiques évaluées

dont les polluants organiques persistants

30.000 substances chimiques évaluées

Devant l'impossibilité pratique d'évaluer les 100.000 substances chimiques actuelles , des critères d'exclusion ont été imaginés pour REACH.

D'abord un critère chronologique permettant d' écarter les produits mis sur le marché avant 1981 quelle que soit leur nocivité, puis un critère quantitatif écartant les produits mis sur le marché en quantité inférieure à une tonne .

Cette observation conduit à constater qu'il existe un renoncement à tenter d'évaluer tous les produits chimiques présents sur le marché et que ce renoncement n'est pas fondé sur des critères de toxicité chimique .

Ensuite, c'est un critère quantitatif de production qui détermine l'évaluation et non un critère de toxicité des produits . Il semble être admis qu'il est plus important d'évaluer un produit abondamment diffusé plutôt qu'un autre diffusé en moindre quantité. Ce qui présuppose des toxicités équivalentes pour les deux produits ou encore une toxicité moindre du produit abondant même si la réalité est autre.

Les présupposés de ce raisonnement implicite font l'impasse sur l'extrême danger que peuvent représenter aussi des produits fabriqués ou importés en de très faibles quantités dont il n'est pas exclu qu'ils soient plus dangereux que des produits fabriqués en des quantités plus grandes.

Il apparaît que sélectionner les substances à analyser en fonction de la quantité produite est le résultat d'un compromis au cours d'une négociation et non le fruit d'un raisonnement logique. En conséquence, ce compromis risque de porter atteinte à l'efficacité de la détection de produits toxiques par le système REACH .

La présence comme le danger pour la santé humaine des émissions de polluants par les produits d'usage courant sont des réalités qu'un système fictif de détection ne saurait appréhender.

Le caractère européen de ce système fictif n'est pas de nature à faire disparaître son insuffisance intrinsèque.

Le tableau ci-dessous illustre, à partir du cas des polluants émis par l'industrie électronique et mis à l'index (le plomb, le mercure, le cadmium, le chrome hexavalent et les composés bromés) les risques, les localisations et les solutions de remplacement à évaluer, repérer et identifier.

De tels tableaux pourraient être établis pour chacun des produits de grande consommation émettant des polluants sélectionnés par le rapport de l'Office.

EXEMPLE DE POLLUANTS ÉMIS PAR LES PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION :

LES POLLUANTS EMIS PAR L'INDUSTRIE ELECTRONIQUE

Cinq produits sont mis à l'index :

PLOMB

MERCURE

CADMIUM

CHROME HEXAVALENT
(CR VI)

COMPOSÉS BROMÉS
(PBDE)* (PBB)**

Risques

Nocif par inhalation et ingestion

Accumulation dans l'organisme

Dommages sur les systèmes nerveux et circulatoire et sur les reins

Effets cancérigènes suspectés

Toxiques aussi pour les animaux et les plantes

Toxique par inhalation

Concentration dans la chaîne alimentaire par le poisson

Provoque des lésions au cerveau

Nocif par inhalation et ingestion

Accumulation dans les reins

Risque de cancer par exposition au chlorure de cadmium

Traverse les parois cellulaires

Provoque de fortes réactions allergiques et peut endommager l'ADN

Les PBDE pourraient agir comme perturbateurs endocriniens

Neurotoxiques et reprotoxiques

Transformation en composés toxiques (PBDF et PBDD) en phase d'extrusion lors du recyclage

Localisation

Soudure des circuits imprimés, revêtement des connexions de composants, billes des boîtiers BGA, verres (tubes, lampes...)

Lampes fluorescentes, relais et commutateurs, capteurs...

Tubes cathodiques, connexions de composants, visserie

Traitements de surface

Retardateurs de flamme dans les circuits imprimés, les connecteurs, les revêtements plastiques, les câbles

Solution de remplacement

Alliages à teneur renforcée en étain, argent, éventuellement en cuivre, zinc, bismuth, etc....

Bénéficie de certaines exemptions

A défaut, conception différente des produits

Composites

Nickel

Céramiques

Composites

Chrome trivalent

Céramiques

A voir au cas par cas

* Polybromodiphényléthers **Polybromobiphényles Source : Industrie et Technologies

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