Rapport d'information n° 229 (2007-2008) de Mme Josette DURRIEU , fait au nom de la délégation à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, déposé le 13 mars 2008

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N° 229

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 8 février 2008

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe (1) sur les travaux de la délégation française à cette Assemblée au cours de la première partie de la session ordinaire de 2008, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par Mme Josette DURRIEU,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : M. Denis Badré, Mme Josette Durrieu, MM. Francis Grignon, Jacques Legendre, Jean-Pierre Masseret et Philippe Nachbar, délégués titulaires ; MM. Laurent Béteille, Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-François Le Grand, Yves Pozzo di Borgo et Roland Ries, délégués suppléants.

INTRODUCTION

L'ordre du jour de la première partie de la session 2008 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, organisée du 21 au 25 janvier derniers à Strasbourg, a permis de s'interroger une nouvelle fois sur les missions de l'institution et son périmètre d'activités.

Confronté à l'émergence de l'Agence européenne des droits de l'Homme de l'Union européenne, le Conseil de l'Europe n'aura d'avenir que s'il se concentre sur ses valeurs cardinales - droits de l'Homme, démocratie, primauté du droit - et leurs traductions concrètes, telles qu'elles sont élaborées au sein du comité de prévention contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants, de la commission de Venise, ou en matière d'actions contre la peine de mort.

Une telle option ne doit pas empêcher pour autant une actualisation de ce triptyque au regard de l'évolution du monde contemporain. Cette partie de session s'intègre parfaitement dans cette dynamique, tant elle a permis de proposer un certain nombre de thématiques nouvelles : développement durable, sport, disparition de nouveau-nés, aux implications multiples en matière de droits de l'Homme.

Institution garante des libertés fondamentales, le Conseil n'en est pas moins une organisation européenne, soucieuse par conséquent de la stabilité du continent. Les débats sur le Kosovo, la Russie ou la Géorgie comme la réception de chefs d'État et de gouvernement albanais et hongrois participent de cet intérêt. L'inquiétude née de l'émergence de l'Union européenne sur la question des droits de l'Homme ne peut, pour autant, inciter le Conseil, dans sa quête de singularité, à se muer en organisation des Nations unies à l'échelle européenne alors qu'il ne possède pas l'autorité de celles-ci. Le débat sur le Kosovo a, à cet égard, été symbolique de cette orientation. Le texte qui en a découlé révèle plus un sentiment d'impuissance qu'il n'apporte de solution au blocage actuel.

C'est bien plus sur la voie de la complémentarité avec l'Union européenne que doit s'orienter le Conseil de l'Europe. Son prestige, son expérience, l'étendue du territoire qu'il couvre comme les partenariats qu'il entend nouer à terme avec le bassin méditerranéen ou l'Asie centrale en font un instrument essentiel pour transmettre les principes démocratiques. Son absence de parti pris géopolitique lui permet d'être un espace nécessaire de dialogue entre toutes les tendances du continent européen et lui confère une légitimité incontestable en matière de droits de l'Homme.

L'élection de son nouveau président, M. Lluís Maria de Puig (Espagne - SOC), à l'occasion de cette partie de session, marque la volonté de l'Assemblée parlementaire de renforcer cette légitimité. En écartant la candidature russe à ce poste, elle manifeste son souhait de ne pas troubler l'image de l'institution en plaçant à la tête de celle-ci le représentant d'un État dont l'attitude en matière de droits de l'Homme demeure sujette à caution.

La délégation parlementaire française entend accompagner quant à elle l'évolution du Conseil de l'Europe en maintenant ce souci d'exigence et de précision qui l'a toujours animée, à l'image des interventions de ses membres lors de cette partie de session.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO, identique, comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants) .

Composition de la délégation au 1 er octobre 2007

Membres titulaires

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l'Europe

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC-UDF

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Claude GREFF

Député

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Député

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Noël MAMÈRE

Député

GDR

GUE

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

Membres suppléants

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l'Europe

Mme Brigitte BARÈGES

Député

UMP

NI

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Guy BRANGER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

SOC

SOC

M. Paul GIACOBBI

Député

SRC

SOC

M. Michel HUNAULT

Député

NC

GDE

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Dominique LE MÈNER

Député

UMP

NI

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC-UDF

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. Roland RIES

Sénateur

SOC

SOC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

La composition du Bureau de la délégation est la suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée
pour l'UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

SOC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

M. François LONCLE

Député

SRC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

À l'occasion du renouvellement du Bureau de l'Assemblée parlementaire et des commissions qui la composent, M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) a été réélu président de la sous-commission de la jeunesse et des sports au sein de la commission de la culture, de la science et de l'éducation. Au sein de cette même commission, M. Philippe Nachbar (Meurthe-et-Moselle - UMP) a, quant à lui, accédé à la présidence de la sous-commission du patrimoine culturel, dont il occupait jusqu'ici la vice-présidence.

Le mandat de M. Jacques Legendre (Nord - UMP) à la tête de la commission de la culture arrivant à terme, la délégation française ne dispose plus de présidences de commissions. À l'occasion de la réunion du Bureau de la délégation, le 21 janvier, M. Jean-Claude Mignon , Président, a réitéré ses voeux de voir les parlementaires français s'impliquer encore davantage dans le travail des commissions afin d'obtenir les responsabilités concomitantes et renforcer ainsi le poids de la France au sein de l'Assemblée parlementaire.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. PROGRAMME DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2008

Lundi 21 janvier 2008

- Élection du Président de l'Assemblée ;

- Observation des élections en Russie et en Géorgie ;

- Intervention de M. Robert Fico, Premier ministre de Slovaquie ;

- Intervention de M. Frans Timmermans, ministre des Affaires européennes des Pays-Bas.

Mardi 22 janvier 2008

- Élection de juges à la Cour européenne des droits de l'homme ;

- Développement concernant le statut futur du Kosovo ;

- Intervention de M. Ferenc Gyurcsány, Premier ministre de Hongrie ;

- Communication du Comité des ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par M. Ján Kubi, ministre des affaires étrangères de Slovaquie, Président du Comité des ministres ;

- Communication de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe ;

- Discussion commune sur les questions environnementales.

Mercredi 23 janvier 2008

- Listes noires du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'Union européenne ;

- Discours de M. Bamir Topi, Président de l'Albanie ;

- Discussion commune sur les relations extérieures de l'Assemblée parlementaire ;

- Lignes directrices procédurales sur les droits et devoirs de l'opposition dans un parlement démocratique.

Jeudi 24 janvier 2008

- Disparition de nouveau-nés aux fins d'adoption illégale en Europe ;

- Discours de M. Michel Platini, Président de l'Union des associations européennes de football (UEFA), suivi d'un débat sur la préservation du modèle sportif européen ;

- Intervention de M. Mikheil Saakachvili, Président de la Géorgie, suivie d'un débat sur le respect des obligations et engagements de la Géorgie ;

- Projet de protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine relatif aux tests génétiques à des fins médicales.

Vendredi 25 janvier 2008

- La coopération transfrontalière ;

- Vidéosurveillance des lieux publics.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe distingue trois types de textes, les avis, les recommandations et les résolutions :

- aux termes de l'article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l'Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en oeuvre échappe à la compétence de l'Assemblée mais relève des gouvernements ;

- définie à l'article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l'Assemblée sur une question de fond, dont la mise en oeuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n'engage que sa responsabilité ;

- les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l'Assemblée par le Comité des ministres concernant l'adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l'Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en oeuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques

Développements concernant le statut futur du Kosovo

Rapporteur : Lord Russell-Johnston (Royaume-Uni - ADLE)

• Résolution n°1595

• Recommandation n° 1822

Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb

Rapporteur : Mme Josette Durrieu (France - SOC)

• Résolution n°1598

• Recommandation n°1825

La situation dans les républiques d'Asie centrale

Rapporteur : M. Murat Mercan (Turquie - PPE/DC)

• Résolution n°1599

• Recommandation n°1826

Le Conseil de l'Europe et les États observateurs : situation actuelle et perspectives

Rapporteur : M. David Wilshire (Royaume-Uni - GDE)

• Résolution n°1600

• Recommandation n°1827

Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme

Liste noires du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'Union européenne

Rapporteur : M. Dick Marty (Suisse - ADLE)

Résolution n°1597

• Recommandation n°1824

Vidéosurveillance des lieux publics

Rapporteur : M. Yuri Sharandin (Russie - GDE)

Résolution n°1604

• Recommandation n°1830

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Disparition de nouveaux nés aux fins d'adoption illégale

Rapporteur : Mme Ruth-Gaby Vermot-Mangold (Suisse - SOC)

Recommandation n°1828

Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Nécessité de préserver le modèle sportif européen

Rapporteur : M. José Luís Arnaut (Portugal - PPE/DC)

Résolution n°1602

Projet de protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine relatif aux tests génétiques à des fins médicales

Rapporteur : M. Wolfgang Wodarg (Allemagne - SOC)

Avis n°267

Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales

Réchauffement climatique et catastrophes écologiques

Rapporteur : M. Alan Meale (Royaume-Uni - SOC)

Recommandation n°1823

Protection de l'environnement dans la région arctique

Rapporteur : M. Vladimir Grachev (Russie - GDE)

Résolution n°1596

La coopération transfrontalière

Rapporteur : M. Ivan Popescu (Ukraine - SOC)

Recommandation n°1829

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Lignes directrices procédurales sur les droits et devoirs de l'opposition dans un parlement démocratique

Rapporteur : M. Ivan Popescu (Ukraine - SOC)

Résolution n°1601

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe

Respect des obligations et engagements de la Géorgie

Rapporteurs : MM. Mátyás Eörsi (Hongrie - ADLE) et Kastriot Islami (Albanie - SOC)

Résolution n°1603

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 21 janvier 2008

- Observation des élections en Russie : M. Jean-Guy Branger.

Mardi 22 janvier 2008

- Développement concernant le statut futur du Kosovo : Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Guy Branger et Jean-Paul Lecoq ( au nom du groupe GUE ) ;

- Communication du Comité des ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par M. Ján Kubi, ministre des affaires étrangères de Slovaquie, Président du Comité des ministres : M. Laurent Béteille ;

- Discussion commune sur les questions environnementales : amendement présenté par M. Jean-Guy Branger.

Mercredi 23 janvier 2008

- Listes noires du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'Union européenne : MM. Michel Dreyfus-Schmidt ( au nom du groupe socialiste ) et Michel Hunault ;

- Discours de M. Bamir Topi, Président de l'Albanie : M. Jean-Guy Branger ;

- Discussion commune sur les relations extérieures de l'Assemblée parlementaire : Mme Josette Durrieu ( rapporteure) , MM. Jean-Guy Branger, Laurent Béteille, Michel Dreyfus-Schmidt ( amendement ), Francis Grignon, Jean-Paul Lecoq et François Rochebloine.

Jeudi 24 janvier 2008

- Disparition de nouveau-nés aux fins d'adoption illégale en Europe : M. Yves Pozzo di Borgo ;

- La préservation du modèle sportif européen : MM. François Rochebloine et André Schneider ;

Vendredi 25 janvier 2008

- La coopération transfrontalière : Mme Arlette Grosskost et M. Roland Ries ;

- Vidéosurveillance des lieux publics : M. Laurent Béteille.

III. LES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE

Observation des élections en Russie

Les réserves exprimées par le rapport de M. Luc van den Brande (Belgique - PPE/DC) sur le scrutin de décembre dernier n'ont pas suscité de position unanime de l'Assemblée. Certains membres du groupe GDE, principalement composé de parlementaires issus du parti « Russie Unie » du président Vladimir Poutine, se sont en effet contentés d'appeler à quelques améliorations tout en dénonçant une assimilation entre irrégularités et défaite de l'opposition, légitimant de facto les dérogations aux valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe. Cette politisation de l'enjeu reste toutefois l'expression d'une minorité. Elle justifie a posteriori la démarche entreprise par les groupes d'écarter la candidature de M. Mikhail Margelov, président russe du groupe GDE, à la présidence de l'Assemblée parlementaire.

M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) a souhaité rappeler, dans son intervention, les principales conclusions du rapport de la commission ad hoc et relativiser les justifications trouvées aux écarts constatés avec les principes fondamentaux du Conseil :

« La Fédération de Russie a procédé à des élections législatives, le 2 décembre dernier, avant d'élire son président, en mars prochain. Ce cycle électoral intervient dans un pays en profonde mutation. Alors que la Russie avait été confrontée, dans les années 1990, à une situation anarchique marquée par la déliquescence de l'État et l'effondrement de l'économie, elle connaît, depuis le début du siècle, un important et indéniable redressement, caractérisé par un taux de croissance vigoureux, un excédent budgétaire, un quasi plein emploi et une hausse sensible du niveau de vie, tandis que l'autorité de l'État a été restaurée.

Les Russes, qui aspiraient à ce retour à la stabilité, soutiennent très largement leurs dirigeants. Le Président Poutine serait ainsi crédité de 80 % d'opinions favorables, et le parti Russie Unie, qui soutient la politique gouvernementale, avec 64,3 % des suffrages, a obtenu 315 sièges sur 450 à la Douma lors des élections législatives du 2 décembre 2007.

Pourtant, la lecture du rapport de notre collègue Luc Van den Brande ne peut manquer de nous laisser dubitatifs sur la sincérité de ces élections et de leurs résultats au regard des valeurs et des principes du Conseil de l'Europe. Du reste, la tâche de notre Assemblée n'a pas été facilitée par les autorités russes, qui avaient décidé de limiter de manière drastique le nombre d'observateurs électoraux étrangers, « ce qui ne s'était jamais vu » selon le rapport, à tel point que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme de l'OSCE a dû renoncer à assurer une mission d'observation de longue durée sur place.

Les conclusions du rapport de notre collègue ne sont pas bonnes pour la Russie : « Si on peut dire que les législatives de 2007 ont été en grande partie libres du point de vue des options de vote, elles n'ont absolument pas été loyales » .

En effet, ces élections n'ont pas été équitables ni conformes aux engagements et normes fixés par le Conseil de l'Europe :

- dans une véritable démocratie, l'État doit rester impartial au cours du processus électoral ; or, l'organisation des élections législatives russes, délibérément transformées en plébiscite sur le chef de l'État et sa politique, a illustré la confusion de l'État et d'un parti politique, rappelant l'époque et les pratiques du PCUS. Il est troublant de constater que le parti victorieux a bénéficié de la mobilisation des ressources administratives ;

- les médias, les chaînes de télévision en particulier, ont fait campagne pour le parti au pouvoir ; les partis d'opposition n'ont pas pu faire connaître leur programme ou ont été dénigrés ;

- le code électoral a été modifié depuis les précédentes élections de 2003 dans un sens favorable au parti au pouvoir, de telle sorte que l'émergence et la représentation parlementaire de nouveaux partis politiques, confrontés par ailleurs à de multiples tracasseries administratives, sont quasiment impossibles ;

- les partis d'opposition et leurs responsables ont été harcelés : le rapport et ses annexes fournissent de nombreux exemples de ces méthodes inacceptables dans un État de droit : rassemblements réprimés, détentions arbitraires, menaces, ...

Dans ces conditions, la grande majorité des électeurs russes pouvait-elle faire autrement que voter pour le parti du pouvoir ?

Ces pratiques ne sont pas admissibles de la part d'un État membre du Conseil de l'Europe. Elles ne sont d'ailleurs guère compréhensibles, puisque le respect de pratiques électorales plus loyales n'aurait assurément pas empêché la victoire du parti soutenant le gouvernement.

Selon moi, l'indulgence pour les méthodes d'un pays longtemps dépourvu de traditions démocratiques n'est pas bonne conseillère en matière électorale. Certes, la Russie a connu un régime autocratique pendant des siècles, puis une dictature communiste pendant sept décennies, alors que les États démocratiques ne se sont évidemment pas construits du jour au lendemain. Mais la recherche légitime de la stabilité politique et économique ne saurait justifier une remise en cause des principes démocratiques les plus élémentaires, parmi lesquels figure la tenue d'élections libres, loyales et pluralistes. Alors que la démocratisation d'un pays se mesure à des avancées progressives, les élections législatives russes du 2 décembre 2007 n'ont malheureusement permis de constater, de ce point de vue, qu'un retour en arrière. »

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe n'entend pas pratiquer l'exclusion ou l'isolement de ses États membres. Elle souhaite avant tout accompagner les procédures de modernisation des systèmes électoraux afin que les droits fondamentaux puissent être garantis et respectés. Aussi dures soient les conclusions du rapport ad hoc , elles doivent avant tout être envisagées comme des pistes de réflexion pour le scrutin présidentiel de mars 2008. Celui-ci nécessitera une vigilance accrue de l'Assemblée. L'absence d'amélioration tangible serait un coup porté à la portée de son message et au-delà, à la respectabilité même du Conseil de l'Europe. Une réaction adaptée devra alors être trouvée. Il convient de rappeler, à cet effet, que l'Assemblée parlementaire ne répond pas à la logique diplomatique du Comité des ministres et peut réaffirmer sans complaisance les valeurs du Conseil. Il en va de sa crédibilité.

Développements concernant le statut futur du Kosovo

Présenté comme un des événements majeurs de cette partie de session, le débat sur le rapport de Lord Russell-Johnston (Royaume-Uni - ADLE) n'a pas, logiquement, permis de dégager une position consensuelle au sein de l'Assemblée parlementaire quant à l'avenir du Kosovo. En reprenant à son compte les préconisations du plan Ahtisaari, le projet de résolution ne pouvait que susciter l'hostilité d'un certain nombre de parlementaires, issus notamment des délégations serbe et russe, mais aussi tchèque ou azérie. Un tel clivage était déjà apparu en octobre 2006, à l'occasion d'un précédent rapport sur le même sujet, écarté sous la pression du groupe GDE.

Le projet de résolution écarte toute solution alternative à l'indépendance du Kosovo en condamnant tout statu quo et en n'abordant pas les propositions serbes d'autonomie substantielle. Ce parti pris est doublé d'un appel à l'Union européenne d'adopter une position coordonnée sur le sujet, la Serbie devant par ailleurs choisir la voie européenne. Reflet de l'échec des négociations menées sous l'égide des Nations unies, le rapport tel que présenté aux parlementaires contient un addendum résumant la position serbe sur l'avenir du Kosovo, en contradiction avec les principaux arguments du rapporteur.

Sans remettre en cause ceux-ci, qui sont d'ailleurs partagés par la France, M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) s'est interrogé sur les conséquences d'un tel débat sur l'image du Conseil de l'Europe et de l'efficacité concomitante de son intervention sur une question relevant principalement des Nations unies :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, l'excellent rapport de notre collègue Lord Russell-Johnston présente de façon claire et extrêmement précise les incertitudes qui subsistent sur l'avenir du Kosovo à l'issue du processus de négociation de Vienne. Au-delà de la qualité du travail effectué, je m'interroge néanmoins quant à l'opportunité pour l'Assemblée parlementaire de se prononcer sur le futur statut de la province, qui ne recueille ni l'unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies ni celle des vingt-sept États membres de l'Union européenne.

Soyons clairs, je ne vois pas d'autre alternative pour le Kosovo que l'indépendance, encadrée cependant par un certain nombre de principes au sein desquels le maintien d'une protection internationale des minorités fait figure de priorité. Il me semble que la position de notre rapporteur rejoint également ce point de vue. Une telle option doit cependant recueillir un consensus de la communauté internationale, impossible à l'heure actuelle, comme en témoignent les débats dans cet hémicycle. Que souhaitons-nous : ajouter à la division de l'Onu et de l'Union européenne sur cette question celle du Conseil de l'Europe ?

L'avenir du Kosovo peut se passer de la position de principe de notre Assemblée sur son futur mandat. En effet, sans remettre en cause le poids de notre institution, elle ne me semble pas la plus à même d'influer sur ce dossier. Pouvons-nous enjoindre l'Union européenne à adopter une position unanime alors que nous ne pouvons l'atteindre ici même ?

Évitons l'incantation et privilégions une réflexion sur le développement d'un projet politique, économique et social ambitieux pour le Kosovo, apte à répondre aux urgences qui se font depuis trop longtemps jour sur ce territoire. Le Conseil de l'Europe n'aura-t-il pas, en effet, un rôle plus important à jouer après l'adoption du nouveau statut, quand il s'agira d'accompagner les nouvelles autorités kosovares sur la voie de la garantie effective des droits de l'Homme ?

N'en doutons pas, notre aide sera plus pertinente et efficace tant elle contribuera à la mise en place d'un projet commun, apte à rallier des minorités, qu'il s'agisse des Serbes bien évidemment, mais aussi des Roms, des Ashkalis, des Égyptiens, des Goranis, des Turcs, des Croates ou des Bosniaques, vivant tous sur le territoire du Kosovo. Le vouloir vivre ensemble doit être au coeur de ce programme. Le philosophe français Ernest Renan disait de la nation qu'elle devait être un plébiscite de tous les jours. Le Kosovo ne saura trouver sa légitimité internationale que s'il parvient à faire de cette maxime sa devise.

Nous devons dès aujourd'hui réfléchir à l'émergence d'un nouveau contrat social au Kosovo, garantissant à chacun l'exercice de ses libertés fondamentales et la sécurité légitime à laquelle il a droit. Cette double exigence apparaît en effet comme la charpente nécessaire à la solidité du futur statut du Kosovo. »

Le projet de recommandation répond à une telle ambition en insistant sur le rôle des institutions provisoires d'auto-administration dans l'application des normes garantissant les libertés fondamentales. Il appelle également le Kosovo à devenir un espace multiethnique sûr, reconnaissant les droits des minorités. Le texte invite par conséquent le Comité des ministres à accompagner les autorités kosovares en matière de protection des droits de l'homme et des minorités, de décentralisation, de protection du patrimoine culturel et religieux. L'indépendance et l'efficacité de la justice, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée apparaissent également comme des priorités de travail.

Le texte ne dissipe pas pour autant l'impression d'échec de la communauté internationale sur ce dossier, sentiment partagé par plusieurs parlementaires au cours des débats. Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a souhaité, pour sa part, souligner la corrélation entre exacerbation des revendications des minorités ethniques et absence de grand dessein européen :

« Certains disent que le Kosovo est «la dernière pièce du puzzle» . Une phrase du rapport sonne comme un glas : «Toutes les possibilités de parvenir à un compromis ont été épuisées.» On a envie de dire : encore les Balkans! Je suis historienne et, en tant que telle, je ne peux m'empêcher de dérouler le fil à nouveau.

La solution serait imposée par la communauté internationale. Nous savons déjà qu'elle ne sera pas la bonne. Nous avons échoué au niveau des protectorats et des statu quo. Ce noeud, avons-nous l'impression, ne peut être dénoué. Nous avons échoué - et c'est plus grave -, en termes de logique et de cohérence politiques. Vous avez fait référence à la guerre intervenue voilà huit ans. Nous nous y sommes engagés, parce que nous refusions un État ethnique serbe et que nous voulions un Kosovo multiethnique. Et nous allons finir par sanctuariser un État ethnique albanais ! À l'évidence, nous sommes dans une incohérence absolue, dans une situation intellectuelle et politique ingérable.

Aujourd'hui, un élément vient s'ajouter : le Kosovo est devenu un enjeu majeur. De nouvelles tensions internationales continuent de s'exercer entre les deux grands. Une nouvelle menace se dessine au niveau de la région et de l'Europe. Le Kosovo ou les Balkans seraient de nouveau pris en otage. Personnellement, je dis non !

Incontestablement, la Serbie est le grand perdant. Le spectre ethnique hante l'Europe. C'est terrible. Nous sommes tous membres d'une ethnicité. Nous avons tous vécu ces problèmes dans nos pays, essayé de changer les États-nations et tenté d'éviter le nationalisme. Hier, au cours d'un débat que j'ai beaucoup apprécié, quelqu'un a mis en garde contre ce "monde tribal" que nous mettons en place. Nous sommes dans l'impasse. Prenons garde au concept de "minorité". La théorie des minorités s'est inversée en Belgique, elle s'est inversée au Kosovo. Personnellement, je vais me retrancher derrière mes fondamentaux qui sont les valeurs supérieures universelles : l'Homme. Je défendrai l'Homme, quel qu'il soit, quelles que soient sa valeur, son origine, qu'il soit majoritaire ou minoritaire, car demain sera différent. Je défendrai l'Homme universel.

Et je défendrai l'Europe. Nous sommes confrontés à un déficit d'Europe. Si l'Europe ouvrait de réelles perspectives aux peuples, aux régions, aux États, si l'Europe proposait à la jeunesse un grand dessein, de vastes perspectives, nous n'en serions pas là. Que faire pour éviter le pire ? Je l'ignore.

J'ai, moi aussi, des idéaux, deux dans l'immédiat : la paix et l'Europe. Je préférerais que ce soit la communauté européenne qui s'en empare ; en tout cas, je m'en remets à elle. Ma pensée a évolué. Ainsi, je pense que la situation est extrêmement compliquée et que nous n'avons pas évité le pire, dans la mesure où la sagesse n'est pas un fondement de la nature humaine. »

L'une des principales objections au rapport et à son appui indirect à une déclaration d'indépendance unilatérale consiste en ce que celle-ci créerait un précédent, favorable aux démarches sécessionnistes observables en Ossétie du sud, en Abkhazie ou en Transnistrie. M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) a relayé cette crainte dans l'intervention qu'il a prononcée au nom du groupe GUE :

« Selon le rapport présenté, le scénario «le plus réaliste» serait une action unilatérale de déclaration d'indépendance du Kosovo, hors même le cadre multilatéral onusien, pire : contre celui-ci. Le rapport est encore plus préoccupant lorsqu'il affirme que toutes les possibilités de négociation ont été épuisées. La Gauche unie européenne ne partage pas ces conclusions hâtives, manichéennes et précipitées.

La question du statut définitif du Kosovo est une affaire délicate et sensible -  voire explosive - et doit être abordée avec la prudence et la responsabilité requises.

La situation au Kosovo n'est ni «unique» , ni «spéciale» , ni «particulière» , au contraire de ce que dit le rapport, elle est juridiquement encadrée par les Nations unies.

La Gauche unie européenne rappelle que la Résolution 1244 de 1999, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies (Onu), «garantit la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie» , tout en reconnaissant la nécessité d'une large autonomie pour le Kosovo. De plus, la résolution «exige que tous les États de la région coopèrent pleinement à l'application de la présente résolution sous tous ses aspects» . Hors tout doute raisonnable, c'est dans le cadre multilatéral onusien que se trouve l'instance compétente pour se prononcer sur le statut définitif du Kosovo.

L'Union européenne, l'Otan et certains de ses États membres sont en train de jouer avec le feu car ils vont créer un précédent de scission extrêmement dangereux pour la sécurité internationale, pour les relations internationales et pour le droit international. Le choix de la solution unilatérale ne fera qu'attiser les tensions, provoquer d'autres conflits régionaux avec toutes les conséquences prévisibles, y compris les dangers d'une extension à d'autres pays européens. Est-ce vraiment de l'intérêt des peuples européens et de l'Europe de se lancer dans une telle aventure ?

Nous devons nous demander si la solution unilatérale ne répondrait pas plutôt à des intérêts particuliers, ceux des États-Unis, avec leur politique de division et de morcellement de notre continent.

Il est impératif que cette situation soit résolue par une solution juste et durable pour toutes les parties. Notre Groupe reconnaît sans aucune ambiguïté la nécessité pour le Kosovo de jouir de la plus large autonomie. Cependant, le Conseil de l'Europe ne peut se soustraire à ses obligations internationales, sous prétexte «d'urgence» ou de situation «unique» . Les négociations ne sont pas épuisées. Elles doivent se poursuivre dans le respect strict et rigoureux de la Résolution 1244. Les négociations sont la seule garantie du plein respect des droits humains et des droits des minorités, qui, en fin de compte, sont les éléments essentiels pour guider toute quête de solution.

La solution unilatérale n'est pas la seule envisageable. Notre Groupe ne peut que rejeter cette prétention. »

Les amendements adoptés par la commission politique au terme de la nouvelle procédure en la matière ont permis de préciser l'ambition du texte en complétant les demandes adressées aux parties en présence ou à la communauté internationale de références explicites aux missions du Conseil de l'Europe, telle que la protection des droits de l'Homme ou l'accès à la Cour européenne des droits de l'Homme. Les amendements débattus et adoptés en séance ont, quant à eux, insisté sur des objectifs essentiels du Conseil, pourtant écartés des projets de résolution et de recommandation. L'appel au renforcement des garanties entourant le droit au retour des réfugiés et des personnes déplacées a ainsi été sanctuarisé au sein de la résolution. L'intérêt particulier pour la situation des Roms au Kosovo ou la nécessité pour le TPIY d'y exercer ses missions ont également été réaffirmés. La recommandation a également été amendée dans le même sens.

Au-delà de ces précisions, l'absence de consensus sur le projet de résolution s'est révélée cruciale dans l' adoption d'un amendement revenant sur l'un des objectifs fondamentaux du texte : enjoindre les États membres du Conseil de sécurité des Nations unies à « imposer une solution » face à l'impasse des négociations. La nouvelle rédaction telle que proposée par des membres des délégations serbe, russe, britannique, espagnole, néerlandaise, chypriote, grecque écarte cette optique volontariste pour inviter lesdits États membres à « trouver le moyen de parvenir en temps utile à un compromis, seul fondement garanti de la paix et de la stabilité dans la région » .

Ce changement implicite d'orientation n'a sans doute pas été sans conséquence pour permettre à l'Assemblée d'adopter le projet de résolution, confirmant tacitement la position délicate dans laquelle se trouve le Conseil de l'Europe lorsqu'il aborde ce type de questions, qui concernent directement l'un ou plusieurs de ses États membres. Si sa légitimité dans l'accompagnement des transitions démocratiques ne peut être remise en cause, il ne saurait se substituer au Conseil de sécurité des Nations unies à l'échelle européenne.

Intervention de M. Bamir Topi, Président de l'Albanie

L'intervention de M. Bamir Topi, Président de l'Albanie, revêtait un intérêt particulier pour le Conseil de l'Europe à l'heure où son Assemblée parlementaire se penchait sur l'avenir du Kosovo. Son discours modéré et réformateur apparaît, en outre, aux yeux de l'Assemblée comme un gage de modernisation pour l'Albanie, membre du Conseil depuis 1995, sur la voie du respect plein et entier des engagements qu'elle a souscrits lors de son adhésion. La consolidation des institutions démocratiques locales passe notamment par une réforme électorale ambitieuse et la poursuite de la lutte contre le crime organisé et la corruption. La perspective d'une adhésion prochaine à l'Union européenne, en dépit des réserves exprimées par la Commission récemment, ne deviendra réelle que si ces objectifs sont remplis.

Le rôle de soutien aux jeunes démocraties de l'Est européen, assumé par le Conseil de l'Europe au début des années 90, a été mis en exergue par M. Topi, qui considère cette institution comme une véritable antichambre pour l'Union européenne. L'Albanie souhaite travailler de concert avec les deux institutions pour moderniser son système judiciaire, tout en continuant à profiter de l'aide de la Commission de Venise pour adapter sa législation électorale. Le président albanais entend, par ailleurs, rendre effective la convention-cadre pour la protection de minorités sur son territoire.

L'adhésion à l'Otan va de pair, aux yeux de M. Topi, avec l'intégration européenne. La question de la sécurité du continent européen prend toute sa signification, selon lui, au regard de l'évolution actuelle du Kosovo. L'Albanie souhaite à cet effet que la province puisse accéder à l'indépendance, sans partition, le plan Ahtisaari représentant le seul cadre possible pour lui garantir un avenir. La mise en place d'un gouvernement de coalition à Pristina est un signe tangible de l'orientation démocratique des pouvoirs locaux et ne saurait être bouleversée par le maintien du statu quo . Au-delà, l'Albanie entend jouer pleinement un rôle en matière de coopération régionale au sein des Balkans.

Rappelant son souhait de contribuer à la mise en place d'une Europe libre, débarrassée des conflits ethniques ou religieux, M. Topi a mis en avant un modèle albanais de cohabitation harmonieuse entre islam, catholicisme et orthodoxie.

À l'occasion des échanges avec l'hémicycle, M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) a souhaité interroger le président albanais sur les réformes en cours destinées à respecter les standards du Conseil de l'Europe :

« Monsieur le Président, la France apprécie tout particulièrement à la fois la politique étrangère de l'Albanie et le courage dont elle fait preuve pour mener à bien l'indispensable et douloureuse réforme intérieure. Notre Assemblée, dans un passé récent, avait appelé l'attention sur le caractère trop souvent conflictuel de la vie politique albanaise marquée par les confrontations et «l'obstructionnisme». Par ailleurs, l'Albanie doit impérativement poursuivre la réforme de son système judiciaire. La réforme de la justice est sans aucun doute la plus difficile à conduire. Quelles mesures concrètes votre pays a-t-il déjà prises ou prendra-t-il pour avancer sur ces deux points cruciaux, la pacification de la vie politique et la réforme de la justice ? »

Sans préciser ses intentions en matière judiciaire, M. Topi a souhaité insister sur la modernisation de la vie politique albanaise :

« La classe politique albanaise s'est assagie au fil des ans et est aujourd'hui plus mûre. Elle se concentre sur les vraies questions comme celle de la réforme du système judiciaire. Les partis représentés au Parlement ont manifesté une réelle volonté d'aboutir à cette réforme et ils y travaillent avec les experts étrangers et ceux du Conseil de l'Europe. Je me félicite de cette coopération. C'est une grande chance pour l'Albanie de pouvoir coopérer avec les plus grandes institutions européennes. Le pays pourra ainsi se hisser au niveau des normes élevées qui sont celles de l'Europe. »

La situation en Géorgie

Le rapport d'observation de l'élection présidentielle du 5 janvier 2008, l'intervention de M. Mikheil Saakachvili, Président de la Géorgie, et l'examen du respect par Tbilissi de ses obligations et de ses engagements à l'égard du Conseil de l'Europe ont placé la Géorgie au coeur des débats de la première partie de la session 2008. Les manifestations de l'opposition et l'instauration concomitante de l'état d'urgence en novembre 2007 ont contribué à brouiller l'image de ce pays et de son gouvernement, pourtant unanimement salué lors de la « révolution des roses » quatre ans plus tôt. L'omnipotence du parti présidentiel, le MND, au Parlement géorgien se conjugue aujourd'hui avec l'affaiblissement de la presse. L'option pro-occidentale affichée par le Président Saakashvili, héros des événements de novembre 2003, ne saurait masquer un durcissement de son régime, dont les premières victimes sont aujourd'hui ses anciennes figures de proue.

Invité dans le cadre de l'examen par l'Assemblée du rapport de suivi des engagements et obligations de son pays, M. Saakashvili a rappelé sa volonté d'instaurer des institutions démocratiques solides en Géorgie, citant en exemple l'élection présidentielle du 5 janvier dernier. L'amélioration du dialogue avec l'opposition ou du régime électoral, la mise en place d'un système juridique garantissant effectivement droits de l'Homme et libertés fondamentales, comme la transparence dans les médias apparaissent à cet égard comme des priorités. Elles vont de pair avec la modernisation des structures économiques que connaît la Géorgie depuis quatre ans. Celle-ci ne saurait néanmoins occulter l'importance de la pauvreté dans le pays, et qui se trouve à la source des manifestations du 28 septembre 2007.

Sur le plan géopolitique, le président géorgien a rappelé son souhait de mettre fin aux violations des droits de l'Homme perpétrées en Abkhazie et en Ossétie, entendant par là même trouver des solutions « européennes » à ces conflits gelés. Par delà, il entend instaurer une nouvelle politique de dialogue avec la Russie et s'inscrire dans une dynamique régionale aux côtés de l'Ukraine, de l'Azerbaïdjan, de l'Arménie et des républiques d'Asie centrale.

Les échanges avec l'Assemblée ont permis de mesurer la déception des parlementaires à l'égard de l'orientation de la politique du président géorgien, loin des espoirs qu'avait pu susciter la « révolution des roses ». Ce désappointement se retrouve dans la rédaction balancée du rapport de suivi des engagements et obligations. La recherche d'un équilibre en vue de ne pas totalement désavouer le pouvoir en place est, à cet égard, perceptible. L'élection présidentielle du 5 janvier, en grande partie libre et équitable, contrebalance ainsi les violations des droits de l'Homme observables en novembre 2007. Le rapport doit, de fait, servir de base de travail à l'équipe en place. Il rappelle également la nécessité de parvenir à une solution aux conflits gelés qui divisent la Géorgie. Le respect des engagements et des obligations à l'égard du Conseil de l'Europe passe par d'importantes réformes, touchant tous les domaines de la vie publique. La nécessité de celles-ci témoigne du caractère relativement fragile de la démocratie géorgienne.

IV. L'AVENIR DES MODÈLES DÉMOCRATIQUES EUROPÉENS

Lignes directrices procédurales sur les droits et devoirs de l'opposition dans un parlement démocratique

Le projet de résolution présenté devant l'Assemblée parlementaire résulte d'échanges tenus à l'occasion d'un séminaire organisé en décembre 2004 sur le statut de l'opposition dans les Parlements nationaux. Conçu comme le reflet de bonnes pratiques, le texte présente quelques lignes directrices, excluant toute intention d'harmonisation en la matière au regard des différences notoires entre les systèmes constitutionnels des 47 États membres du Conseil.

Trois principes fondamentaux doivent régir le statut de l'opposition : le contrôle de l'action du gouvernement, la participation sur un pied d'égalité aux travaux législatifs et la possibilité de vérifier la constitutionnalité des textes adoptés. Comme le souligne le rapport, la mise en oeuvre effective de ces lignes directrices dépend également de la volonté des parlementaires concernés d'en disposer pleinement. Par ailleurs, elles se doivent d'être envisagées comme participant d'un effort d'amélioration de l'efficacité du Parlement. Elles ne peuvent, selon le rapporteur, que concourir à la mise en place d'une opposition responsable et effective.

Sans remettre en cause le bien-fondé de ce projet, adopté à l'unanimité par les parlementaires, il convient de s'interroger sur son opportunité. Loin de contester l'idée de la nécessité d'un statut de l'opposition, par ailleurs au coeur de la réforme des institutions entreprise en France, l'enceinte comme la forme choisies pour en débattre n'est pas sans susciter quelques interrogations. En soulignant d'emblée l'ambition limitée du texte, la commission du Règlement et des immunités tend à réduire sa portée à celle d'un simple catalogue de pratiques vertueuses, sans garantie de les voir pleinement appliquées. La prise en compte de ces critères par la commission pour la démocratie par le droit, dite « commission de Venise », lorsqu'elle accompagne les processus de transition démocratique, apparaîtrait à cet égard plus pertinente et efficace. L'intégration de tels standards dans les observations effectuées par la commission de suivi à l'égard des nouveaux États membres du Conseil de l'Europe serait également un moyen de conférer à cette ambition une réelle perspective d'avenir. En l'absence de précisions à ce sujet au sein de la résolution, on ne peut que craindre de voir un nouveau texte adopté par le Conseil sans réelle suite.

La coopération transfrontalière

Le renforcement de la paix, la protection des minorités ou son intérêt pour le développement de la démocratie locale motivent la réflexion du Conseil de l'Europe en matière de coopération transfrontalière depuis l'organisation, par ses soins, de la première conférence européenne sur ce sujet en 1972. Plusieurs textes ont suivi cette rencontre, qu'il s'agisse de la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, dite Convention de Madrid, adoptée en 1980 et amendée en 1995 et 1998, ou, plus récemment, des déclarations de Vilnius sur la coopération régionale et la consolidation de la stabilité démocratique dans la Grande Europe en 2002 et de Chisinau de 2003 sur la coopération transfrontalière et interterritoriale entre États dans l'Europe du sud-est. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ou la Charte européenne de l'autonomie locale sont également des instruments au service du Conseil en faveur de la coopération transfrontalière.

Le projet de recommandation présenté à l'Assemblée s'inscrit dans cette tradition et appelle à une poursuite de la décentralisation pour pouvoir faire aboutir de tels projets. Rappelant le caractère protéiforme de ce type de collaboration, le texte invite les États membres du Conseil à la développer avec les États non membres potentiellement concernés. Il souligne, en outre, la nécessité de renforcer les dispositifs existants de type Eurorégion ou Eurodistrict (Lille, Mulhouse, Colmar et Strasbourg participent déjà à ce type de coopération), notamment sur le plan juridique.

Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin - UMP) a insisté sur le rôle moteur de la coopération transfrontalière en matière de construction européenne tout en appelant à un renforcement de la complémentarité entre les collectivités concernées :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de féliciter notre collègue, M. Popescu, pour son excellent rapport sur la coopération transfrontalière, qui fait un point complet sur le sujet.

Les bassins de vie transfrontaliers sont à la fois lieux de convergence et d'échange des politiques nationales et creuset de la citoyenneté européenne, constituant un enjeu national de cohésion sociale. Ils sont également un atout pour le développement économique des régions transfrontalières, mais ils doivent pour cela être mieux intégrés dans les politiques nationales d'aménagement du territoire.

Les territoires transfrontaliers sont devenus, au fil de la dernière décennie, de véritables laboratoires de la construction européenne, en cela confortés par des dispositions juridiques qui ont permis la mise en oeuvre de nouveaux instruments tels que le groupe européen de coopération territoriale.

Les espaces aux frontières entrent dans une logique de coopération, voire d'intégration transfrontalière, à la faveur de développement des actions conjointes, mais également d'une réalité économique et sociale. Ainsi, les frontières françaises sont traversées chaque jour par près de 300 000 personnes qui vont travailler dans un pays voisin tout en résidant en France, ou inversement. Ces flux quotidiens illustrent l'existence de bassins de vie transfrontaliers interdépendants sur le plan économique, mais également dans d'autres domaines : urbanisme, habitat, environnement, santé, commerce, culture, loisirs, etc.

Ces bassins de vie correspondent de plus en plus aux limites du territoire administratif comme aux exigences de la vie quotidienne des habitants. Cela est particulièrement marqué sur les points tels que l'incontrôlable hausse des cours de l'immobilier et du foncier de part et d'autre de la frontière. Il existe un véritable marché en conséquence.

D'où la dégradation des paysages périurbains frontaliers, la saturation croissante des infrastructures routières, les discordances administratives et l'emboîtement des compétences entre collectivités locales sans financement propre, sans financement pérenne, sans fiscalité propre.

Vous l'aurez compris, il s'agit de mettre en place des partenariats réels pour passer d'une logique de concurrence entre les territoires à une logique de complémentarité, à l'instar de ce qui a été mis en place en Alsace - en tant qu'Alsacienne vous me permettrez de le relever - région aux trois frontières, avec la mise en place du Conseil rhénan.

Cet organisme fonctionne en totale concertation politique rassemblant en son sein tous les niveaux d'élus français, allemands et suisses, lesquels activent leurs gouvernements respectifs pour oeuvrer dans le cadre des réformes communautaires en cours à la mise en place de moyens financiers au profit d'une véritable politique de réseaux ferroviaires transfrontalière. Il en est ainsi, je me permets de le rappeler, pour le TGV Rhin-Rhône où, naturellement, l'Allemagne dans le cadre du Conseil rhénan se concerte actuellement avec les élus français pour permettre la connexion des deux TGV. »

M. Roland Ries (Bas-Rhin - SOC), intervenant au nom du groupe socialiste, a souhaité, quant à lui, mettre en avant l'extrême variété des coopérations transfrontalières et leur rôle important en matière de paix :

« Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Président, de cette introduction, mais je ne voudrais pas transposer le débat des élections municipales dans notre enceinte. Il est d'autres lieux pour s'exprimer à ce sujet.

Monsieur le Président, mes chers collègues, pour les représentants des collectivités locales dont je fais partie, l'un des principaux apports de l'intégration européenne reste le développement des coopérations transfrontalières. La multiplication des accords en la matière depuis le début des années 70 souligne à quel point cette formule est désormais entrée dans les habitudes des collectivités ou autorités territoriales. Il existe même, en France, une mission opérationnelle transfrontalière, la MOT, comme on l'appelle, que j'ai présidée à l'époque où j'étais maire de cette ville, et qui est destinée à faciliter les échanges d'expérience en la matière et à promouvoir cette coopération.

J'en profite également pour dire aussi à notre collègue que, si les liaisons entre Strasbourg et l'autre côté du Rhin, en particulier la ville de Kehl, ne sont pas aujourd'hui totalement satisfaisantes - et encore moins avec Baden-Baden - elles devraient s'améliorer avec la construction du nouveau pont sur le Rhin qui permettra au TGV d'être véritablement un axe, non pas simplement entre Paris et Strasbourg, mais bien entre Paris, Strasbourg, d'un côté, et Stuttgart, Munich et Budapest de l'autre. Mais il nous faut reconstruire un pont sur le Rhin qui soit à la hauteur de cette ambition.

L'excellent rapport de notre collègue Ivan Popescu met en avant l'extrême variété des cadres juridiques dont disposent les pouvoirs locaux pour mettre en oeuvre ce type de coopération. J'attends beaucoup, comme la plupart de mes collègues, des réflexions en cours entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe quant à la création de groupes eurorégionaux de coopération, qui permettraient de faire travailler ensemble collectivités et pouvoirs centraux des États membres de l'Union et de leurs voisins.

À cet égard, la coopération transfrontalière me paraît être à la croisée des chemins. Initialement conçue comme un instrument de mise en commun d'infrastructures, elle a progressivement acquis une autre dimension dépassant le simple cadre économique. Son volet culturel en est aujourd'hui un des éléments les plus séduisants : les projets montés dans le cadre de l'Eixo atlantico, initiative hispano-portugaise, ou de la grande région réunissant la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, en sont des exemples manifestes.

Elle doit aujourd'hui s'affirmer dans le champ du développement durable - cela a été excellemment dit par ma collègue Mme Grosskost - tant le concept de frontière étanche m'apparaît plus que relatif dans ce domaine. De l'échange de bonnes pratiques à la stratégie commune en matière de lutte contre la pollution, la coopération transfrontalière m'apparaît le cadre idéal pour mettre en oeuvre des politiques efficaces et adaptées à l'environnement géographique.

La coopération transfrontalière doit, en outre, renouer avec la mission première qui lui a été assignée, autour du Rhin notamment : dépasser les antagonismes historiques, tourner la page des conflits au travers de politiques et d'actions concrètes communes. Cet aspect est essentiel. Lorsque des difficultés existent au niveau interétatique, c'est bien souvent au niveau local que l'on peut prendre le relais pour les surmonter.

Je me souviens d'une époque où j'avais lancé en matière de transports publics un réseau de villes européennes auxquelles nous avions associé la ville de Tel Aviv et la ville de Gaza. Dans le cadre de ce réseau de coopération entre collectivités locales, c'était la première fois qu'un responsable, premier adjoint de la ville de Tel Aviv, venait à Gaza rencontrer d'ailleurs à l'époque le Président Yasser Arafat. On voit bien, même si cela n'a pas débouché sur des solutions concrètes, que la coopération au niveau local peut avoir des incidences positives pour les relations entre les États.

Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est important de développer les coopérations entre collectivités locales transfrontalières, mais plus généralement entre les collectivités locales. Il existe un aspect fort de reconstitution de liens entre États à partir de la coopération locale. C'est la raison pour laquelle j'y suis particulièrement attaché. »

La France a toujours eu certaines réticences à l'égard de la démarche du Conseil de l'Europe sur la question des collectivités locales. La Charte européenne de l'autonomie locale adoptée en 1985 par le Comité des ministres n'a ainsi été ratifiée qu'en 2006. Les difficultés juridiques qu'elle a longtemps posées n'ont pu être levées qu'avec la poursuite de la décentralisation et l'adjonction au texte de trois déclarations interprétatives du gouvernement, précisant sa portée. La France ne participe pas, par ailleurs, aux eurorégions vantées par la recommandation. Il convient, enfin, de rappeler les objections relevées par la délégation française sur la recommandation de l'Assemblée sur la régionalisation en Europe, adoptée en octobre dernier. La reconnaissance, sans nuance, du mouvement régionaliste ou la critique implicite de l'État central, jugé incapable de garantir les droits fondamentaux des minorités, apparaissaient en complet décalage avec notre tradition institutionnelle.

Si le texte sur la coopération transfrontalière, tel qu'adopté, ne souffre pas des mêmes défauts, on regrettera cependant qu'il ne mentionne pas explicitement les risques de noyautage des projets par les revendications régionalistes, dont le message parfois radical et abstrait ne semble pas en phase avec le principe de réalité contenu dans toute forme de coopération.

V. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

Questions environnementales

L'examen simultané des textes concernant le réchauffement climatique et catastrophes écologiques, d'une part, et la protection de l'environnement dans la région arctique, d'autre part, confirme l'émergence d'une conception moderne des droits de l'Homme, élargissant les droits sociaux à la question du développement durable.

Le projet de recommandation sur le réchauffement climatique et les catastrophes écologiques fait ainsi état des conséquences potentielles des pénuries d'eau liées à la désertification sur l'agriculture et la pêche en Afrique, en Asie du Sud-Est et dans les îles du Pacifique. Celles-ci seront particulièrement touchées par l'élévation du niveau de la mer induite par la fonte des glaciers : tourisme et infrastructures seront ainsi les principales victimes d'un tel phénomène. Face à ces menaces, la solution pour les populations concernées consiste en la migration vers des terres plus accueillantes ; un milliard de réfugiés sont ainsi attendus d'ici 2050, avec toutes les incidences que de tels déplacements de populations supposent. Le cas des « réfugiés écologiques » des îles Tuvalu, confrontées à l'érosion côtière, à l'infiltration des eaux salines et aux cyclones, apparaît, à cet égard, annonciateur : leur fuite vers l'Australie ou la Nouvelle-Zélande ne se fait pas sans heurts.

La recommandation, telle qu'adoptée, prévoit deux types de mesures. L'intégration de la dimension écologique dans les politiques d'aménagement du territoire ou de développement rural apparaît comme une priorité. Elle doit être relayée par une série de dispositions concrètes en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Rappelant les objectifs de Kyoto, celles-ci doivent permettre l'innovation technologique en faveur d'énergies propres et encourager les échanges de quotas d'émissions de dioxyde de carbone. M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) a souhaité amender le texte en vue de mentionner l'importance de l'énergie nucléaire dans la lutte contre le réchauffement climatique (1 ( * )) :

« La France est, ainsi en Europe, et parmi les pays de l'OCDE, le pays qui émet le moins de dioxyde de carbone par habitant. Cette situation résulte exclusivement de son option électrique puisque mon pays est comparable à ses voisins s'agissant des autres sources d'émission.

Grâce à l'énergie nucléaire, la France évite chaque année l'émission dans l'atmosphère de 41 millions de tonnes de carbone, soit 151 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Une étude commandée par la Commission européenne en 1999 démontrait déjà que le respect des engagements de Kyoto serait quasiment impossible à obtenir si la part du nucléaire dans le bouquet énergétique européen n'était pas au moins maintenue à l'horizon 2025.

L'amendement tend donc à compléter le projet de recommandation qui ne mentionne pas l'apport de l'énergie nucléaire à la lutte contre le réchauffement climatique qui vient, tout naturellement, compléter des énergies renouvelables, que je connais fort bien, tant l'énergie solaire que l'énergie éolienne. Il n'y a aucune opposition entre ces deux sources énergétiques. »

Ce complément a été accepté par l'Assemblée parlementaire, après l'adoption d'un sous-amendement présenté par la commission.

Le projet de résolution relatif à la protection de l'environnement dans la région arctique rappelle, quant à lui, les dangers que le réchauffement climatique fait porter aux sociétés locales, menaçant également la biodiversité spécifique au pôle nord. Le texte relie directement ce phénomène à l'intensification de l'activité économique dans la région au travers des industries pétrolières, gazières et minières qui s'y sont implantées.

Afin de répondre à ce défi, le texte de la commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales propose de développer toutes les formes de coopération en la matière, bilatérales, multilatérales ou intergouvernementales. Elle préconise également le développement de stratégies de gestion durable des ressources naturelles visant tout à la fois l'industrie et le tourisme.

Loin de contester au Conseil de l'Europe une quelconque légitimité dans les débats sur l'avenir de la planète, il convient néanmoins de s'interroger sur la portée réelle de ses travaux tant la solution passe là encore par une enceinte beaucoup plus large. Celle-ci n'apparaît pas pour autant comme un gage de réussite, comme en témoignent les difficultés à faire émerger une conscience écologique mondiale commune à tous les États, au travers notamment du processus de Kyoto. De fait, le risque d'un tel débat à Strasbourg est celui de résumer les débats de l'Assemblée parlementaire au catalogue de bonnes intentions, voire à l'incantation. L'absence d'unanimité sur ces questions - le projet de recommandation sur le réchauffement climatique n'a pas suscité l'adhésion de la totalité des membres de l'Assemblée - fragilise de surcroît la portée du message et la vision humaniste qu'il entendait faire passer. On regrettera de fait qu'en lieu et place d'une liste, forcément incomplète, des techniques envisageables pour lutter contre le réchauffement climatique, le Conseil de l'Europe ne se soit pas contenté d'un texte posant les bases d'un principe de précaution à l'échelle européenne et servant de matrice à un véritable droit de l'environnement.

Listes noires du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'Union européenne

La lutte contre le terrorisme a vu ces dernières années la mise en place par le Conseil de sécurité des Nations unies et le Conseil de l'Union européenne de sanctions ciblées visant personnes physiques et groupes liés ou supposés l'être avec le terrorisme. La résolution 1267 des Nations unies adoptée le 15 octobre 1999 constitue la première initiative en la matière. Le texte était destiné, à l'époque, à combattre le régime taliban en Afghanistan. Les sanctions prennent la forme de restrictions des déplacements et de gel des avoirs.

Le Conseil de l'Union européenne a adopté un dispositif semblable dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 (positions communes 2001/930/PESC et 2001/931/PESC). Si les objectifs des listes sont identiques, le règlement n° 2580/2001, adopté par l'Union européenne le 27 décembre 2001, permet a celle-ci d'établir sa propre liste, indépendante des orientations des Nations unies. Des déclinaisons nationales ont également été mises en oeuvre.

Loin de contester l'utilité de tels instruments, la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme s'interroge sur l'utilisation de ceux-ci, à la lumière d'un certain nombre de recours portés devant la Cour européenne de justice, le Tribunal de première instance des Communautés européennes ou la Cour européenne des droits de l'Homme. Le projet de résolution pointe ainsi l'absence de respect des normes minimales de procédure et de sécurité juridique. Les droits d'être avisé et informé des accusations et de la décision, d'être entendu et de pouvoir assurer sa défense, de pouvoir faire appel de la décision et, le cas échéant, d'être indemnisé, ne sont ainsi pas garantis.

Revenant sur le cas spécifique des Moudjahidin du peuple d'Iran, M. Michel Dreyfus-Schmidt (Territoire de Belfort - SOC) a souhaité rappelé la nécessité pour les institutions concernées de respecter les décisions de justice les déjugeant :

« Je connais son engagement en faveur de la défense des droits de l'homme et de la prééminence du droit et nous lui en rendons hommage. Sa dénonciation des graves lacunes dans les procédures applicables aux sanctions ciblées - visant certaines personnes physiques ou entités liées, ou soupçonnées de l'être, au terrorisme, en particulier Al-Qaïda et les Talibans - a d'ailleurs rencontré un large écho dans les médias, et appelé ainsi l'attention sur la qualité des travaux de notre Assemblée. C'est assez rare pour être souligné.

Le rapport illustre les dérives auxquelles donne lieu la «guerre contre le terrorisme». Or, celle-ci ne peut pas tout justifier. Elle doit en particulier être menée dans le respect des droits fondamentaux. Ni les listes noires, ni Guantanamo, ni la légitimation du recours à la torture n'ont malheureusement pu empêcher la survenue de nouveaux attentats terroristes. Tout au plus confortent-ils Al-Qaïda et les autres mouvements terroristes dans leur tentative d'ébranler l'État de droit. Lorsque la peur amène les États démocratiques à fouler aux pieds leurs principes les plus sacrés, c'est qu'ils sont devenus bien faibles.

Selon moi, le point le plus grave soulevé par le rapport reste le refus du Conseil de l'Union européenne d'exécuter la décision du tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 décembre 2006 concernant l'organisation des Moudjahidin du peuple d'Iran. Selon le tribunal, les preuves en faveur du maintien de cette organisation sur la liste noire étaient insuffisantes. Cette organisation figurait aussi sur la liste noire nationale britannique, mais celle-ci prévoit un recours devant une instance juridictionnelle, laquelle, le 30 novembre dernier, a déclaré illégale sa mise à l'index parce qu'elle lutte pour l'établissement de la démocratie en Iran et n'a plus aucune activité «militaire» depuis 2001. Le refus du Conseil de l'Union européenne d'obtempérer doit conduire à adopter l'amendement que j'ai déposé, tendant au respect des décisions de justice.

Le caractère attentatoire aux libertés des textes communautaires à l'origine des listes noires avait été très critiqué, à l'époque, par le Parlement européen, mais aussi par certains parlements nationaux. Ainsi, la délégation pour l'Union européenne du Sénat français avait, dès 2001, estimé que la proposition présentée par la Commission européenne était inutile et qu'elle soulevait d'importantes difficultés juridiques et institutionnelles.

La violation des droits fondamentaux que recèlent les listes noires commence d'ailleurs à être dénoncée par la justice. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, le 16 janvier dernier, l'avocat général de la Cour de justice des Communautés européennes a recommandé d'annuler l'inscription d'un ressortissant saoudien au motif que ses droits ont été bafoués. Mais il y a eu appel et nous pouvons le regretter.

La lutte contre le terrorisme passe plutôt par la prévention des attentats et par la résolution des conflits politiques qui en sont à l'origine. N'oublions pas que plus de 95 % des victimes du terrorisme sont originaires de pays du Sud.

On constate que l'échange d'informations en matière de lutte contre le terrorisme est très imparfait. Pourtant, il s'agit sans doute du moyen le plus efficace pour prévenir les attentats. Or la coopération entre les services de renseignement nationaux, en dépit d'efforts récents, reste insuffisante, en particulier entre pays du Sud. Du reste, l'organisation des agences de renseignements considérées comme les plus performantes a montré de nombreuses lacunes - je pense, bien entendu, à la CIA et au FBI -, alors que le fonctionnement d'Europol et d'Eurojust, au niveau européen, est très critiqué. De ce point de vue, les initiatives législatives, surtout lorsqu'elles se traduisent par un recul des droits de l'Homme, sont parfois moins utiles que la conduite d'actions efficaces.

Par ailleurs, il me paraît indispensable d'engager des actions en vue de lutter contre la radicalisation et de poursuivre et approfondir le dialogue des civilisations, qui doit être prioritairement orienté vers la jeunesse, de façon à prévenir le terrorisme. De ce point de vue, l'initiative espagnole d'Alliance des civilisations, engagée pour dépasser les incompréhensions entre cultures et religions, qui a tenu son premier forum à Madrid, la semaine dernière, est particulièrement bienvenue et doit être soutenue ».

L' amendement déposé par M. Dreyfus-Schmidt a été adopté (2 ( * )) . La recommandation telle qu'adoptée invite en conséquence les États membres du Conseil de l'Europe siégeant au Conseil de sécurité des Nations unies ou adhérant à l'Union européenne, à respecter les décisions de justice relatives à l'inscription sur les listes noires.

M. Michel Hunault (Loire-Atlantique - NC) a également tenu à appuyer la démarche de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, tout en regrettant l'absence de débat spécifique sur le gel des avoirs :

« Monsieur le président, après beaucoup d'autres, je salue M. Dick Marty pour son remarquable travail. Nous débattons ce matin d'un sujet très important. Depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme est un défi pour l'humanité entière. On sent clairement la volonté de l'opinion publique et des gouvernements de tout faire pour lutter efficacement contre le terrorisme. Mais, et je rejoins là le rapporteur, que cette lutte doit être conduite dans le respect le plus élémentaire des droits dont nous sommes ici les dépositaires.

Au sein de l'Assemblée parlementaire, nous nous sommes penchés depuis six ans, par le biais de plusieurs rapports relatifs à la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l'Homme, sur l'exigence de lutter avec efficacité, certes, contre le terrorisme, mais dans le respect de la légalité. Le rapport sur les listes noires présenté ce matin par M. Marty est fondamental puisque, nous le voyons bien, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, des organisations, des hommes et des femmes, voient non seulement leur réputation, mais encore leur liberté, mises en cause.

Ce rapport est une contribution importante. Il rappelle que notre assemblée est une institution essentielle pour veiller à ce que la lutte contre le terrorisme soit conduite dans le respect de la légalité et des principes dont nous sommes dépositaires. Je suggère toutefois à M. Marty que la sous-commission chargée de la lutte contre le terrorisme soit un instrument pour harmoniser dans la légalité la lutte contre le terrorisme à travers le monde. Il a mis en avant l'opposition entre l'organisation des Nations unies et la Convention européenne des Droits de l'Homme. Tout le monde a le droit d'exercer des recours en cas d'inscription sur les listes noires. J'aurais donc souhaité que le débat soit élargi à la problématique du gel des avoirs puisqu'on sait très bien que la lutte contre le terrorisme englobe la lutte contre le financement du terrorisme. C'est un élément important puisque l'inscription sur la liste noire implique le gel des avoirs.

En conclusion, je saluerai l'excellent travail de notre collègue, son exigence de faire triompher, quelles que soient les difficultés, quels que soient la complexité et l'enjeu de la lutte contre le terrorisme, le respect des droits les plus fondamentaux, la liberté et les droits du recours. Ce rapport marque un pas essentiel vers le respect de cette exigence. Je tenais à l'en remercier ».

La résolution, telle qu'adoptée, appelle à une révision des régimes de sanctions ciblées de l'ONU et du Conseil de l'Union européenne en vue de mieux garantir les normes minimales de procédure et respecter ainsi le principe de prééminence du droit. Elle rappelle également à tous les États membres que la Convention européenne des Droits de l'Homme et ses Protocoles s'applique tout naturellement en ce qui concerne la mise en oeuvre des sanctions édictées par les Nations unies et l'Union européenne.

Disparition de nouveau-nés aux fins d'adoption illégale en Europe

Le projet de recommandation de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille s'appuie sur deux missions d'enquête sur le trafic de nouveau-nés en Ukraine et en Moldavie. Aux termes de celles-ci, il semble possible de tracer les contours de trafics de nouveau-nés : ceux-ci sont enlevés dès l'accouchement, la mère se voyant présenter un enfant mort-né pour écarter tout soupçon, avec la complicité évidente du corps médical. L'absence de règles précises en matière d'état-civil permet de vendre ces enfants ou de les placer en familles d'accueil, lorsque celles-ci reçoivent des subventions. La Roumanie, également touchée par ce type de trafic dans les années quatre-vingt-dix, a adopté, pour sa part, plusieurs dispositions restreignant l'adoption internationale, favorisant le maintien dans les familles et accompagnant l'enfant en cas de dégradation de la situation parentale. Cet exemple de renforcement de la législation souligne la possibilité pour les États de juguler ces trafics.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC-UDF) a souhaité dépasser le cadre de l'Europe de l'Est pour souligner les moyens mis en oeuvre dans les hôpitaux français pour juguler ce phénomène, appelant de fait à une coopération en la matière à l'échelle des Nations unies :

« La presse française a signalé, il y a quelques semaines, le souhait d'une maternité d'une commune de la banlieue parisienne de glisser au poignet ou à la cheville des nourrissons un petit bracelet hypoallergénique surmonté d'un boîtier étanche de 20 grammes dans lequel serait contenue une carte d'identité informatique du nouveau-né. Un tel dispositif est censé prévenir l'enlèvement des nouveau-nés. Le système envoie en effet chaque seconde un signal radio qui permet de localiser l'enfant dans un périmètre de dix mètres. En dehors de celui-ci, une alarme se déclenche. La balise peut être néanmoins paramétrée pour des sorties provisoires à des fins médicales. Toute tentative de retrait ou d'arrachage conduit également au déclenchement de l'alarme. Ces bracelets électroniques vont de pair avec l'installation de la vidéosurveillance à l'entrée de la maternité et un contrôle d'accès par badge. Une cinquantaine de maternités en France songerait également à mettre en oeuvre un tel système, à la lumière d'expériences similaires en Angleterre, en Allemagne, en Australie, à Dubaï ou en Malaisie.

La mise en place d'un tel dispositif, aussi rassurant soit-il, traduit bien la généralisation du problème de la disparition des nouveau-nés aux fins d'adoption illégale à l'ensemble du continent, pays supposés riches compris. Reste l'image détestable d'hôpitaux forteresses, pour le moins incompatible avec la joie procurée par la naissance. Elle répond néanmoins à la carence des États en matière de protection juridique des nouveau-nés.

L'excellent rapport de notre collègue Ruth-Gaby Vermot-Mangold doit agir, à cet égard, comme une piqûre de rappel pour l'ensemble des États membres de cette Assemblée. La batterie de dispositions proposées constitue, à mon sens, la seule réponse viable et doit permettre d'éviter au nourrisson de se voir affubler d'un bracelet électronique, à l'instar d'un délinquant sexuel ou violent récidiviste.

L'une des mesures les plus intéressantes proposées par la commission des questions sociales, de la santé et de la famille me semble être la mise en place d'agences gouvernementales entièrement consacrées à ce sujet. La France a ainsi mis en place une Agence française de l'adoption le 18 mai 2006, doublée d'une Autorité centrale pour l'adoption internationale. Ces organismes sont chargés de faciliter et sécuriser les démarches des adoptants à l'étranger. L'autorité centrale est destinée à s'imposer comme un instrument de veille et d'expertise juridique quand l'Agence disposera du réseau consulaire pour intervenir directement dans les pays étrangers.

Un tel dispositif ne sera pour autant efficace que s'il dispose d'équivalents au sein de l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe, mais également des pays les plus touchés par les enlèvements d'enfants en Afrique, en Asie ou en Amérique latine.

C'est une véritable coopération internationale en la matière qu'il faut organiser. Nous ne pouvons nous passer d'un vaste réseau légal d'adoption internationale, qui permettrait de faire coïncider désir d'enfant et droits de l'enfant. Le Conseil de l'Europe a bien évidemment tout son rôle à jouer dans un tel projet. Son action devra cependant être relayée à l'échelle des Nations unies pour rendre ce système de protection à la fois crédible et efficace.

Je ne veux pas croire au caractère utopique d'une telle ambition tant le sort des enfants me semble susceptible d'emporter l'adhésion de toutes les parties en présence. Le bracelet électronique ne peut avoir d'avenir dans les États dont l'équipement sanitaire demeure réduit. Or, nous ne pouvons nous permettre de créer un fossé de plus, surtout lorsqu'il concerne l'enfance ! »

Le rapport n'écarte pas les raisons sociales pouvant expliquer les abandons volontaires en vue de vente et appelle la communauté internationale à porter son attention sur les enfants victimes de catastrophes naturelles, réduits à la mendicité ou issus d'un viol. Le cas des enfants nés de parents toxicomanes ou de prostituées est également alarmant.

Rappelant l'illégitimité d'un droit à l'enfant, la recommandation, adoptée à l'unanimité, préconise de réviser la Convention sur l'adoption internationale des enfants en vue d'arriver à une harmonisation et un assouplissement des règles d'adoption. Elle prévoit également d'encadrer la création d'agences spécialisées pour l'adoption des enfants et de renforcer le suivi des familles désirant recourir à l'adoption internationale. Le texte encourage également les États membres à signer et ratifier la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que le protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants. La recommandation invite, en outre, à la mise en place de plannings familiaux accessibles à tous ou de centres d'accueil dans les pays qui n'en disposent pas.

La préservation du modèle sportif européen

Débattre de l'avenir du sport européen au sein de l'Assemblée des droits de l'Homme en présence de M. Michel Platini, président de l'Union des associations européennes de football (UEFA), pouvait apparaître décalé, d'autant plus lors d'une partie de session où les enjeux planétaires, Kosovo, Asie Centrale, listes noires, Maghreb, élections en Russie ou réchauffement climatique dominaient l'ordre du jour. Cette perception doit être modifiée au regard des dérives pointées par le rapport de la commission de la culture, de la science et de l'éducation. La présence de réseaux mafieux dans le sport par l'intermédiaire des paris, l'addiction au dopage, les phénomènes racistes et xénophobes ou la traite des jeunes athlètes sont autant de sujets qui doivent nous mobiliser tant ils sont attentatoires à la liberté individuelle.

L'intérêt déjà ancien du Conseil de l'Europe pour le sport s'est matérialisé en mai 2007 par la mise en oeuvre d'un accord partiel élargi sur le sport (APES) réunissant 16 États membres, dont la France. Il répond à une triple ambition : promouvoir un sport sain, établir des normes internationales et développer un cadre pour une plateforme paneuropéenne de coopération intergouvernementale sportive. M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP), président de la sous-commission de la jeunesse et du sport, a tenu, au cours du débat, à rappeler l'apport du Conseil sur cette question :

« En tant que président de la sous-commission de la jeunesse et du sport de notre Assemblée, ce sujet me tient particulièrement à coeur. Je félicite mon collègue, M. Arnaut, pour son rapport qui souligne la nécessité de préserver le modèle sportif européen face aux menaces qui pèsent sur lui.

Oui, cher M. Platini, notre sous-commission s'investit beaucoup, et c'est son champ de compétences, dans la démarche que vous venez de nous exposer avec brio et à laquelle j'adhère entièrement. En effet, il existe bien un modèle européen, même si chaque pays a sa législation propre. Ce modèle est fondé sur une organisation démocratique, de structure pyramidale. Il permet une solidarité entre clubs sportifs, entre amateurs et professionnels et une ouverture des compétitions.

Or ce modèle est en danger. Les activités sportives de haut niveau sont devenues l'enjeu d'âpres rivalités commerciales. Transferts médiatisés de joueurs pour des sommes importantes, droits de retransmission audiovisuelle conséquents, apparition de la publicité dans les enceintes sportives sont des pratiques courantes. Entaché par des accusations de dopage qui touchent tous les sports, l'intérêt pour les compétitions diminue.

À cette longue liste, il convient malheureusement d'ajouter l'apparition de la violence et d'actes racistes dans l'enceinte des stades. C'est bien dommage car le sport est un formidable instrument d'intégration. Il participe à l'éducation de la jeunesse, aux valeurs de solidarité, de respect et d'effort. Vous l'avez parfaitement exprimé, M. Platini, je ne m'y attarderai donc pas.

Les valeurs du sport contribuent à promouvoir les valeurs que défend le Conseil de l'Europe. C'est pourquoi il s'est impliqué de longue date pour élaborer des documents visant à préserver le modèle européen. Je tiens à souligner que le Conseil de l'Europe a été pionnier dans ce domaine.

Dès 1975, il a adopté une Charte européenne du sport pour tous, afin d'inciter les États membres à établir un cadre et des principes communs pour les politiques sportives nationales.

Ce document a été suivi par l'adoption, en 1985, de la Convention européenne sur la violence des spectateurs, à la suite du drame du Heysel. La Convention prévoit des conditions contraignantes : présence d'un service d'ordre, séparation des supporters rivaux, contrôle de la vente des billets, interdiction de vente de boissons alcoolisées afin d'éviter tout débordement. Elle ne se limite pas à cet aspect répressif, elle permet également une coopération policière et judiciaire entre États parties.

Enfin, en 1989, est adoptée ici la Convention européenne contre le dopage, qui impose notamment à chaque partie signataire de renforcer les contrôles, d'améliorer les techniques de dépistage et de garantir des sanctions effectives.

Je tiens à préciser que la France est signataire de tous ces textes. Il est du devoir de notre Assemblée de veiller à préserver le modèle européen fondé sur des valeurs de démocratie, d'égalité entre tous, petits et grands clubs sportifs, joueurs amateurs ou professionnels. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à apporter votre soutien au projet de résolution contenu dans l'excellent rapport présenté par notre collègue, M. Arnaut ».

Le projet de résolution présenté devant l'Assemblée s'attache à souligner la spécificité d'un modèle sportif européen, fondé sur les principes jumeaux de solidarité financière et d'ouverture des compétitions (promotion et relégation, opportunités pour tous). La préservation de ce modèle apparaît indispensable au regard du développement de la dimension économique de certains sports professionnels.

Invité à intervenir au cours du débat, M. Michel Platini a tenu à associer d'autres principes au modèle sportif européen, au premier rang desquels se trouve le bénévolat, qui concerne 99 % des clubs et organisations sportives en Europe. Selon l'ancien capitaine de l'équipe de France de football, le bénévolat permet la transmission des valeurs fondamentales du sport tout en participant à la sauvegarde des identités locales, régionales et nationales. Le rôle des associations et des fédérations sportives est également primordial pour permettre au sport de conserver une vocation sociale et éducative. Par delà, M. Platini considère le sport comme un facteur de brassage et d'intégration ethnique.

Loin de céder à l'angélisme, le président de l'UEFA reconnaît les difficultés rencontrées par le sport pour s'affranchir des maux de la société, qu'il s'agisse du racisme, de la violence ou des tricheries. L'ancien sélectionneur français relie partiellement ceux-ci au travestissement du sport en spectacle, dénonçant l'influence de l'argent et la commercialisation de certaines disciplines. Une telle évolution pose la question de la spécificité du sport en Europe, qui ne saurait se voir appliquer, au nom de sa financiarisation croissante, les règles de la concurrence classique, indépendamment des décisions de la Cour de justice européenne en la matière. La nouvelle dimension acquise par le sport à travers le traité de Lisbonne incite à plus d'optimisme. Le traité modificatif relaye de fait une initiative franco-néerlandaise en vue de reconnaître la spécificité du sport sur le plan financier. Les échanges avec l'hémicycle ont permis à M. Platini d'appeler à la création, à terme, d'une véritable police européenne, apte à répondre aux dérives constatées.

M. François Rochebloine (Loire - NC) a souhaité insister sur cette nouvelle approche du sport par l'Union européenne :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de saluer avec amitié Michel Platini, qui a beaucoup apporté à l'équipe de France de football et, durant un temps, à un club qui est cher à mon coeur, l'AS Saint-Étienne, les Verts.

Comme le fait la revue «France Football» dans le numéro de cette semaine, je veux remercier Michel Platini pour le travail accompli à la tête de l'UEFA : réorganisation interne, relations restaurées ou approfondies avec tous les membres de la famille du football, contacts permanents avec la Fifa et les autorités de Bruxelles, etc.

J'en viens au rapport, pour féliciter M. Arnaut pour la qualité du travail présenté. Le sport est multiple, il est universel, il est ouvert à tous. C'est d'abord une discipline personnelle, une activité qui permet de se réaliser et de se dépasser. C'est l'occasion de faire, sans y être contraint de l'extérieur, l'apprentissage de la vie collective, de ses règles, du respect mutuel. C'est aussi un ensemble de grandes compétitions qui suscitent l'enthousiasme mais qui, également, mobilisent beaucoup de ressources financières et attirent la spéculation.

Dans les valeurs communes de l'Europe, la place du sport n'a jamais été ignorée. Les réflexions de notre Assemblée sur la politique de l'éducation, incluant l'éducation sportive, en tiennent compte. Mais la construction européenne a, si j'ose dire, pris les activités sportives à rebours, par une sorte d'enchaînement mécanique des procédures communautaires.

En effet, l'Europe a commencé d'exister en assurant le respect des principes fondamentaux du marché unique : liberté de circulation, liberté d'établissement, liberté des échanges. L'arrêt Bosman, qui condamne les clauses limitatives de nationalité restreignant l'embauche de joueurs européens par les clubs professionnels, a mis crûment à jour le fait que ces clubs sont, autour d'enjeux sportifs, et quel que soit leur statut juridique, des entreprises économiques. Cet arrêt a suscité à l'époque beaucoup d'émotion, parce qu'il semblait négliger ou écarter d'autres aspects tout aussi importants de l'activité de haute compétition, et notamment son lien avec les autres partenaires du sport. Cette méconnaissance apparente de l'unité profonde du mouvement sportif était l'absence dans les instances communautaires d'une action politique coordonnée à propos des activités sportives, au-delà de leur aspect strictement économique.

Aujourd'hui, l'Union européenne se voit offrir, avec le traité de Lisbonne, une chance nouvelle de concrétiser cet objectif. Je m'en réjouis. L'intégration globale du sport dans la perspective européenne, sous les aspects divers que je rappelais au début de mon intervention, va permettre une approche plus équilibrée. En particulier, sans remettre en cause le principe de libre engagement des sportifs européens, il devient possible de promouvoir une régulation européenne des flux financiers entourant la vie des clubs de haut niveau, de faire prévaloir un principe d'équité dans la compétition, d'intégrer dans la réflexion européenne commune sur l'éducation et la formation la définition d'objectifs de formation communs pour les jeunes sportifs. Le développement de la cohésion européenne passe aussi par la reconnaissance de la triple dimension sociale, éducative et culturelle du sport.

La discussion sur ces thèmes dépasse le cadre des procédures communautaires. Notre Assemblée parlementaire, par la liberté de parole qu'elle permet, est un lieu tout à fait adapté pour la conduite des échanges sur un sujet qui intéresse des millions d'Européens dans et hors les frontières de l'Union européenne » .

La résolution, telle qu'adoptée à l'unanimité, rappelle les fondements du modèle sportif européen et invite les États membres à reconnaître sa spécificité et protéger l'autonomie des fédérations sportives. Elle reconnaît également le rôle des volontaires dans ce domaine et s'interroge sur les modalités de soutenir leur contribution.

On regrettera néanmoins que le texte ne soit pas encore plus précis et appelle expressément les gouvernements à se saisir des problèmes dénoncés et mettre en place une coordination intergouvernementale à l'échelle européenne. Le volontarisme politique est une des clés du succès de l'Agence mondiale antidopage. Il doit également être de mise pour lutter contre la traite des jeunes athlètes notamment. On s'interrogera enfin sur le fait qu'un tel débat n'ait pas été l'occasion d'aborder la question de la dimension politique du sport. L'Assemblée parlementaire aurait pu s'enorgueillir d'une position, fut-elle de principe, quant à la tenue des Jeux olympiques à Pékin à l'été prochain.

Projet de protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif aux tests génétiques à des fins médicales

La convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe a été adoptée le 4 avril 1997. À l'instar de 25 autres États membres, la France ne l'a toujours pas ratifiée. Elle a depuis été complétée par trois protocoles visant l'interdiction du clonage d'êtres humains, la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine et la recherche biomédicale.

Le projet de protocole additionnel présenté devant l'Assemblée parlementaire prend acte de la généralisation des tests génétiques dans la pratique médicale. Ceux-ci permettent de poser ou de confirmer un diagnostic, mais également d'identifier les mutations génétiques responsables d'une pathologie à venir. Cet aspect préventif reste pour autant limité. Un tel développement n'est pas sans susciter d'interrogations sur le plan éthique, qu'il s'agisse des risques potentiels de discriminations, de la protection des données, de l'accès du patient à celles-ci ou de l'utilité clinique des dépistages.

Le protocole additionnel, tel que présenté à l'Assemblée, pose, en conséquence, un certain nombre de principes :

- interdiction de toute forme de discrimination reposant sur des critères génétiques ;

- accès équitables à des services génétiques de qualité ;

- utilité clinique des tests ;

- supervision médicale individualisée ;

- droit à l'information et aux conseils d'ordre génétique ;

- consentement libre et informé au dépistage, susceptible d'être retiré à tout moment ;

- protection des personnes dans l'incapacité d'émettre un consentement.

La commission de la culture, de la science et de l'éducation a tenu à insister sur la nécessaire implication d'un médecin dans les procédures de dépistage. L'encadrement médical apparaît, en effet, indispensable au regard de la complexité des informations en jeu et de l'accompagnement psychologique que celles-ci peuvent induire.

Le projet d'avis a recueilli l'unanimité de l'Assemblée. Un volet spécifique relatif au développement d'une offre commerciale en matière de tests génétiques est, par ailleurs, en préparation.

Vidéosurveillance des lieux publics

La vidéosurveillance fait aujourd'hui partie de l'arsenal de mesures nécessaires en vue de prévenir et détecter la criminalité. L'augmentation du sentiment d'insécurité et la prise en compte du risque terroriste ont grandement contribué à banaliser son usage. Tout aussi légitime que soit cette évolution, elle n'est pas sans susciter certaines interrogations quant aux atteintes aux droits de l'Homme qu'elle peut générer et les risques de contrôle social, voire politique qu'elle comporte.

Les projets de recommandation et de résolution de la commission des questions juridiques tentent, à cet égard, de prendre la mesure des possibilités techniques offertes par la vidéosurveillance pour en encadrer l'usage. Ces textes répondent, de la sorte, aux missions fondamentales du Conseil de l'Europe. Ils refusent pour autant une vision anxiogène de cet instrument en proposant une vision équilibrée du sujet, la pratique ayant démontré l'efficacité de tels systèmes.

La résolution, telle qu'adoptée, prône ainsi un certain nombre de mesures d'adaptation des législations en vigueur en vue d'y intégrer les potentialités offertes par la technologie pour renforcer les droits fondamentaux : pratique du chiffrement des données vidéo ou définition de zones privées au moyens de logiciels adaptés. Elle propose de créer une voie de recours juridique en cas d'allégation d'utilisation abusive. Elle réaffirme, par ailleurs, un certain nombre de principes - légalité, proportionnalité, finalité, publicité, contrôle, accès et sécurité des données - devant impérativement être rappelés par les législations nationales en la matière.

M. Laurent Béteille (Essonne - UMP), intervenant au nom du groupe PPE, a souhaité appuyer cette démarche tout en proposant de les compléter de façon informelle :

« Je voudrais d'abord saluer l'excellent travail, le travail tout à fait remarquable et de grande qualité réalisé par notre collègue M. Sharandin. Son rapport extrêmement documenté et illustré de nombreux exemples pertinents donne une vision exhaustive du sujet en abordant l'ensemble des questions qui se posent et en allant au fond de celles-ci pour essayer d'apporter des réponses.

Issue du progrès technique en matière d'optique et d'informatique, la vidéosurveillance a connu ces dernières années un développement considérable. Les nouvelles menaces liées au terrorisme ou au grand banditisme ainsi que les attentes de nos concitoyens en matière de sécurité donnent à penser que ces installations vont se multiplier et sans doute se perfectionner.

Elles offrent, en effet, des moyens considérables, qui sont cités dans le rapport : champ de vision à 360°, zoom permettant de lire une plaque minéralogique à 300 mètres, détecteur d'anomalies telles que fumées ou mouvements brusques ; reconnaissance automatique des visages, infrarouge permettant de voir à travers des obstacles, etc. La liste est longue et elle a toutes chances de s'allonger, car la technique ne cesse de progresser.

Ces performances sont accrues par rapport à la surveillance que pourrait assurer une personne physique, ce qui peut s'avérer d'une grande utilité.

En contrepartie, il n'échappera à personne que ce dispositif peut être lourd de menaces pour le respect de la vie privée et des libertés publiques. Il a été fait référence à Big Brother ; sans aller jusque là, confrontés aux développements en cours, nous sommes inquiets.

Pour autant, nous ne croyons pas que la vidéosurveillance soit liberticide en soi. La technologie permet d'assurer des mesures protectrices, telles que le codage des images ou le masquage de certaines zones privées permettant de soustraire à l'observation de la caméra des zones privées, ce que l'observation directe par l'oeil humain n'autoriserait pas.

Nous sommes donc pleinement d'accord avec le rapporteur lorsqu'il insiste sur l'impérieuse nécessité d'apporter des garanties juridiques, procédurales et techniques afin d'assurer que le recours à la vidéosurveillance soit conforme aux dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Parmi ces garanties, je cite : le principe de proportionnalité, car on ne surveillera pas de la même façon une zone sensible comme des installations nucléaires et un quelconque hall d'immeuble ; l'obligation de signaler les zones surveillées ; le respect de la vie privée en masquant les zones concernées ; la possibilité de recours devant l'autorité judiciaire pour tout manquement à ces règles.

Enfin, sur un sujet aussi sensible que celui-là, il convient que la législation des États membres bénéficie d'un échange de bonnes pratiques afin de parvenir, dans la mesure du possible, à des dispositions partout respectueuses de l'exercice des libertés publiques et individuelles.

L'idée d'une conférence organisée sous l'égide du Conseil de l'Europe, associant organismes gouvernementaux et structures non gouvernementales, paraît aller dans le bon sens » .

VI. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE EN DÉBAT

Élection du nouveau président de l'Assemblée parlementaire

La délégation française s'était émue dans son précédent rapport l'éventualité de l'élection d'un délégué russe à la présidence de l'Assemblée parlementaire. Loin de remettre en cause les compétences de M. Mikhaïl Margelov, l'accession de la Russie à cette haute responsabilité n'était pas sans susciter quelques interrogations, au regard notamment de la non ratification par Moscou des protocoles n° 6 (abolition de la peine de mort) et n° 14 (réforme de la saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme) à la Convention européenne des droits de l'Homme. Celles-ci ont été renforcées dans la foulée par les réserves exprimées par le Conseil de l'Europe sur le déroulement des élections législatives russes de décembre dernier.

L'élection de M. Margelov, président du Groupe Démocrate Européen (GDE), était rendue automatique par l'application d'une convention instaurant une rotation des présidents des groupes parlementaires à la tête de l'Assemblée. Celle-ci traduit le poids pris par les groupes dans le fonctionnement de l'Assemblée, qui limite en conséquence toute option diplomatique en faveur d'une candidature plus conforme aux valeurs du Conseil de l'Europe.

La décision prise par les groupes politiques, le 10 janvier dernier, de mettre en place une nouvelle rotation, repoussant la candidature du président du groupe GDE à l'horizon 2010, a finalement permis de concilier paramètres politiques et objectifs diplomatiques. Aux termes de cette décision, la présidence de l'Assemblée est ainsi revenue à M. Lluís Maria de Puig (Espagne - SOC).

Membre le plus ancien de l'Assemblée parlementaire, M. de Puig, 62 ans, sénateur et ancien député, a présidé la délégation espagnole de 1993 à 1997. Il est parfaitement francophone. Souhaitant placer son mandat dans la continuité de son prédécesseur, M. René van der Linden (Pays-Bas - PPE/DC), le nouveau président a rappelé l'action de ce dernier pour préserver l'autonomie de l'Assemblée à l'égard du Conseil des ministres et sa volonté de moderniser l'institution. La mise en place en son sein d'un débat interconfessionnel a également été soulignée.

La variété est, d'ailleurs, aux yeux de M. de Puig, le mot clé de l'identité européenne. La singularité du Conseil de l'Europe, institution paneuropéenne associant jeunes démocraties et pays dotés d'une culture ancienne de la liberté, le confronte à de multiples défis et le conduit à s'adapter inlassablement aux mutations culturelles, économiques, politiques et sociales. De sa capacité à appréhender la nouveauté dépendra la lisibilité de son action aux yeux des citoyens européens. Parallèlement, la globalisation des enjeux ne peut que renforcer sa légitimité, les frontières s'avérant fragiles devant l'évolution démographique, les changements climatiques, les questions énergétiques ou les nouvelles menaces en matière de sécurité. De tels sujets impliquent, par ailleurs, une nécessaire coopération de l'Europe avec les autres continents au travers d'un dialogue institutionnalisé, qu'il s'agisse du Parlement panafricain ou de l'Union interparlementaire latino-américaine. La recherche d'une véritable complémentarité avec l'OSCE et les Nations unies doit également aboutir.

Sur le continent européen, le nouveau président appelle à une poursuite du renforcement de la coopération avec l'Union européenne. L'accent a été mis sur les apports du traité de Lisbonne qui permettent, par l'intermédiaire de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme, de créer un véritable espace juridique européen commun.

Le fonctionnement de l'Assemblée sera également au coeur du mandat du nouveau président. Souhaitant renforcer les synergies avec les autres organes du Conseil, Secrétariat général, commission de Venise, centre Nord-Sud, M. de Puig entend parallèlement défendre ses positions face au Comité des ministres. L'Assemblée devra, à cet effet, s'appuyer sur le travail des commissions, qualifiées d'âme de l'Assemblée par le nouveau président.

Intervention de M. Robert Fico, Premier ministre de Slovaquie

La Slovaquie, succédant à la Serbie, exerce, depuis le 1 er janvier 2008, la présidence du Comité des ministres. À cette occasion, le Premier ministre slovaque a été invité par l'Assemblée parlementaire à présenter les priorités du mandat de son pays.

M. Fico a souhaité rappeler l'engagement de son gouvernement dans la lutte contre la discrimination, le chauvinisme et la xénophobie. Cette politique se traduit notamment par un travail de mémoire autour de l'Holocauste, sans que celui-ci ne soit instrumentalisé. Elle s'incarne également dans les mesures spécifiques adoptées en faveur des douze minorités nationales présentes sur le sol slovaque. L'accent a particulièrement été mis sur la mise en place d'un système d'éducation à destination de ces groupes, symbolisé par l'université de langue hongroise, dont les subventions ministérielles ont été réévaluées de près d'un tiers. Le chef du gouvernement slovaque a, néanmoins, tenu à insister sur la nécessité pour les minorités de pratiquer la langue officielle du pays.

Aux yeux du Premier ministre, la question des Roms dépasse le simple cadre national, indépendamment des mesures spécifiques adoptées par son gouvernement en matière d'éducation et de formation. C'est au travers de stratégies paneuropéennes que les problèmes d'intégration sociale des Roms et de participation à la vie publique seront résolus. M. Fico a ainsi appuyé la démarche entreprise par le Conseil de l'Europe au travers du Forum sur les Roms et les gens du voyage européens. Celle-ci devrait trouver un écho dans les débats sur cette question actuellement en cours au Parlement européen.

Revenant sur la présidence du Conseil de l'Europe, le chef du gouvernement slovaque entend accompagner la modernisation, qu'il juge nécessaire, de l'institution. Celle-ci passe par une rationalisation de ses activités et l'accent mis sur la défense de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de l'Homme. Une révision du statut du Conseil de l'Europe apparaît à cet égard indispensable. Au-delà, le Premier ministre slovaque a tenu à insister sur le nécessaire consensus qui devrait émerger des débats au sein du Conseil, refusant toute mécanique géopolitique ou « partitocratique », susceptible de compliquer ou de retarder l'aboutissement des projets.

L'amélioration du fonctionnement du Conseil de l'Europe implique également de repenser le rôle de la Cour européenne des droits de l'Homme. La ratification rapide du protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l'Homme ou le suivi de l'application des arrêts de la Cour apparaissent, à cet égard, comme des priorités. La question de ses ressources financières est tout aussi cruciale, M. Fico appelant de ses voeux une obligation de financement pour les États ne remplissant pas leurs engagements en matière de protection des droits de l'Homme.

Les échanges avec l'hémicycle ont permis au Premier ministre slovaque de réaffirmer son souhait de ne pas mésestimer le rôle de l'Assemblée parlementaire au sein du Conseil de l'Europe. Interrogé à plusieurs reprises sur l'intégration de son pays au sein de l'Union européenne, le chef du gouvernement a rappelé les sacrifices opérés par les Slovaques pour respecter les critères de Maastricht et adhérer l'année prochaine à la zone euro. L'entrée de la Slovaquie dans l'espace Schengen ne doit pas, par ailleurs, conduire à la mise en oeuvre d'un nouveau rideau de fer à l'Est de l'Union.

La question régionale a également été abordée au travers d'interrogations formulées sur l'avenir et l'absence de perspectives du groupe de Visegràd qui réunit Hongrois, Polonais, Slovaques et Tchèques. Le déploiement d'un système de défense anti-missile américain en Pologne et en République tchèque n'est pas sans conséquence sur ce groupe, la Slovaquie ayant manifesté son opposition à un tel projet. Elle souhaite, à cet égard, que cette question relève d'un débat au sein des Nations unies mais également du Conseil de l'Europe.

Intervention de M. Frans Timmermans, ministre des Affaires européennes des Pays-Bas

L'invitation adressée à M. Timmermans s'inscrit dans le cadre des réflexions menées par l'Assemblée parlementaire quant au renforcement de la coopération entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Le cadre d'une telle collaboration a été tracé, il y a près de deux ans, par le rapport du Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. La mise en oeuvre du traité modificatif de Lisbonne augure d'une nouvelle évolution de ces relations, au travers notamment de l'adhésion rendue possible de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. L'audition d'un ministre néerlandais a d'autant plus de poids que les Pays-Bas sont, à l'instar de la France, membre fondateur à la fois du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne. M. Timmermans est de surcroît un ancien membre de la délégation hollandaise auprès de l'Assemblée parlementaire.

La question de la diffusion du message européen a été au coeur de l'intervention du ministre néerlandais. Opposant les langages tenus à Bruxelles d'un côté et à Strasbourg de l'autre par les mêmes gouvernements, et dénonçant le manque de relais des textes du Conseil de l'Europe auprès des parlements nationaux, M. Timmermans a plaidé pour une coopération interinstitutionnelle dépassant les clivages et refusant tout double emploi. À l'image de la procédure mise en place aux Pays-Bas, le ministre souhaite la mise en place de communications gouvernementales régulières auprès des assemblées nationales sur l'exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme.

L'adhésion éventuelle de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme n'est pas sans renforcer la complexité du système actuel de protection des droits : deux Cours de justice, l'une à Luxembourg, l'autre à Strasbourg, deux textes : la Convention et la Charte européenne des droits fondamentaux, et une Agence européenne des droits de l'Homme. Interrogé sur ce sujet lors des échanges avec l'hémicycle (3 ( * )) , le ministre néerlandais a écarté tout risque de concurrence ou de conflit de compétences.

Rappelant le triple objectif du Conseil de l'Europe - droits de l'Homme, démocratie, primauté du droit - et ses traductions concrètes : comité de prévention contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants, commission de Venise, action contre la peine de mort relayée par les Nations unies, le ministre a souhaité présenter les nouveaux défis qui se présentaient à lui, qu'il s'agisse de la question de la situation des Roms en Europe centrale et orientale ou de la dimension politique du sport. M. Timmermans a souhaité insister sur l'égalité de droits pour les homosexuels, très importante aux yeux de son gouvernement, déniant toute possibilité de compromis en la matière. Cette intervention prend un relief particulier avec la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme, rendue publique le lendemain, de condamner la France pour discrimination et donner ainsi raison à une femme dont la demande d'adoption avait été rejetée en raison de son homosexualité.

Le ministre a, enfin, rappelé la vocation interculturelle du Conseil de l'Europe. Celle-ci n'écarte pas pour autant toute politique d'intégration, tant l'équilibre entre droits et obligations demeure une nécessité. L'apprentissage de la langue comme du fonctionnement du pays d'accueil apparaît à cet égard indispensable.

Les échanges avec les parlementaires ont permis, en outre, à M. Timmermans de préciser sa position quant à la Russie dont il a souligné la vocation à devenir un pays européen, estimant néanmoins difficile l'adhésion rapide à l'ensemble des valeurs du Vieux Continent. La sécurité énergétique, les relations commerciales ou les défis induits par la lutte contre le réchauffement climatique impliquent néanmoins le maintien de relations étroites entre l'Union européenne et la Russie.

Intervention de M. Ferenc Gyurcsàny, Premier ministre de Hongrie

La Hongrie est le premier pays d'Europe de l'Est à avoir adhéré au Conseil de l'Europe, le 6 novembre 1990. Elle a, de la sorte, lancé le mouvement d'unification du continent au sein de l'institution. Moins de vingt ans plus tard, ce pays est désormais membre de l'Union européenne et adhère à l'espace Schengen. Invité à s'exprimer devant l'Assemblée parlementaire, le Premier ministre hongrois a souhaité revenir sur cette mutation rapide du continent et les désillusions qu'elle a pu générer.

La perte d'espérance en la démocratie et les droits de l'Homme de la part d'un certain nombre des habitants des pays de l'ancien bloc soviétique en est une des manifestations les plus criantes. La dissociation entre liberté et économie prospère est à la source de ce désenchantement. L'incapacité des gouvernements à expliquer la nécessité des réformes et leurs incidences vient renforcer cet état d'esprit. L'absence de tradition démocratique dans ces pays n'est pas, non plus, sans conséquence et facilite, aux yeux du Premier ministre, le recours aux mouvements radicaux, y compris en Hongrie. Le rôle du Conseil de l'Europe est à cet égard crucial tant il favorise l'émergence d'une véritable culture des droits de l'Homme et des valeurs démocratiques. L'absence de lisibilité de son action comme la difficulté à appréhender les résultats tangibles de la construction européenne relativisent néanmoins la portée de son action. L'abolition des frontières dans le cadre de l'espace Schengen pourrait cependant inverser cette tendance.

Misant sur la complémentarité entre les deux institutions, M. Gyurcsàny espère toutefois que la coopération renforcée du Conseil avec l'Union européenne ne mésestime pas le rôle de l'institution paneuropéenne. Celle-ci ne pourra s'affirmer que si elle dispose de moyens budgétaires conséquents. Le Premier ministre hongrois souhaite s'associer à toute initiative réunissant une majorité d'États membres et visant à augmenter de façon substantielle les crédits qui lui sont accordés.

Aux yeux du chef du gouvernement hongrois, deux défis attendent le Conseil de l'Europe : la question du Kosovo et les relations avec la Russie. Le renforcement de la démocratie et la mise en oeuvre d'engagements en matière de protection des minorités au Kosovo impliquent une coordination entre Union européenne et Conseil de l'Europe sur ce sujet. Cette action ne pourra être efficace si elle se heurte à la Russie. La poursuite d'un dialogue avec Moscou apparaît à cet égard comme une priorité, en dépit de divergences manifestes quant au respect des valeurs démocratiques.

Communication du Comité des ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par M. Ján Kubi, ministre des Affaires étrangères de Slovaquie

La modernisation du Conseil de l'Europe est la principale priorité de la présidence slovaque. L'adaptation du Conseil de l'Europe aux nouveaux enjeux passe par un resserrement de ses activités autour de sa mission fondamentale : la protection des droits de l'Homme. La présidence slovaque souhaite à ce titre s'inscrire dans le cadre des conclusions du Sommet de Varsovie, qui a réuni les chefs des États membres du Conseil de l'Europe les 16 et 17 mai 2005. Le plan d'action adopté à cette occasion prévoit une réforme des structures organisationnelles et des méthodes de travail du Conseil qu'entend appliquer la présidence slovaque.

Les recommandations du rapport Juncker fournissent, quant à elles, des pistes en vue d'une coopération efficace avec l'Union européenne. Saluant les progrès réalisés dans les domaines couverts par les recommandations n° 3 (rôle central du commissariat aux droits de l'Homme), n° 5 (dispositif commun de promotion et de renforcement de la démocratie), n° 6 (mise en place d'un espace juridique et judiciaire paneuropéen) et n° 7 (coopération en matière de politique européenne de voisinage) en 2007, la présidence slovaque souhaite donner corps à la recommandation n° 13 relative à la participation accrue des ministres des Affaires étrangères au travail du Conseil de l'Europe. La mise en oeuvre du mémorandum d'accord entre le Conseil et l'Union, adopté le 10 mai 2007, devrait préciser la mise en oeuvre de cette coopération.

Le ministre slovaque appelle de ses voeux des traductions concrètes de ce texte en matière d'assistance préélectorale, notamment, mais également en faveur de la démocratisation de la Biélorussie. La collaboration du Conseil de l'Europe à l'élaboration de la politique européenne de voisinage de l'Union européenne représente une autre piste de travail commun. Un projet d'accord de coopération entre l'Agence fondamentale des droits de l'Homme et le Conseil devrait, par ailleurs, être élaboré afin de clarifier les rapports entre les deux institutions et renforcer leur complémentarité.

L'association de l'Union à l'initiative du Conseil en faveur d'une « Journée européenne contre la peine de mort » , fixée au 10 octobre de chaque année, souligne à quel point les synergies sont possibles. La question de la peine de mort appelle à cet égard une réflexion sur les relations entre le Conseil de l'Europe et les Nations unies. Le soutien au projet de résolution des Nations unies en vue d'un moratoire sur la peine de mort illustre la qualité des rapports entre les deux institutions. Une implication plus large du Conseil dans les activités du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies apparaît désormais nécessaire.

Plusieurs thèmes seront, par ailleurs, privilégiés par la présidence slovaque : la protection des minorités, les détentions secrètes et illégales, le renforcement de la démocratie, les questions de cohésion sociale et le dialogue interculturel. On s'interrogera néanmoins sur l'adéquation entre cette vision large et la volonté concomitante de la présidence slovaque de concentrer les activités du Conseil sur la défense des droits de l'Homme et de la primauté du droit.

Les échanges avec l'hémicycle ont permis à la présidence slovaque de revenir sur la situation politique dans le Caucase ou en Asie centrale et de dénoncer les menaces y pesant sur les droits de l'Homme. M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) est intervenu pour interroger la présidence slovaque sur l'assassinat d'un journaliste au Kirghizstan :

« Le 23 octobre dernier, Alicher Saïpov, un jeune journaliste de 26 ans, père d'une petite fille de deux mois, était froidement abattu dans les rues d'Och, la deuxième ville du Kirghizstan. Il avait reçu des menaces anonymes à plusieurs reprises. En dépit de son jeune âge, Alicher Saipov était un journaliste indépendant reconnu. Il travaillait comme correspondant pour Voice of America et collaborait à des sites web couvrant l'actualité de l'Asie centrale. Il avait fondé, au printemps 2007, l'hebdomadaire de langue ouzbek Siyosat, dont il était le rédacteur en chef.

Son tort a sans doute été de s'intéresser de trop près à la situation en Ouzbékistan, son pays d'origine. Il avait en particulier abordé le sujet délicat des événements meurtriers commis en mai 2005 à Andijan, qui auraient fait des centaines de victimes, mais aussi celui des activités des services de sécurité ouzbeks sur le territoire kirghize ou encore celui de la lutte contre le terrorisme islamiste. Bref, c'était un gêneur.

L'inquiétude demeure sur le caractère indépendant et impartial de l'enquête ouverte par les autorités kirghizes. Les locaux de Siyosat ont été placés sous scellés, les ordinateurs saisis, la maison familiale perquisitionnée, les proches de la victime suspectés et Alicher Saïpov lui-même accusé d'être proche des mouvements islamistes interdits.

Élucider l'assassinat d'Alicher Saïpov serait sans doute le meilleur service à rendre au respect de la liberté d'expression. De quelle façon le Comité des ministres entend veiller à ce que les autorités kirghizes assurent la qualité de l'enquête ? »

La réponse de M. Kubi permet de souligner les limites de l'action du Conseil de l'Europe à l'égard des pays non membres :

« Le cas tragique évoqué par l'honorable parlementaire ne peut évidemment laisser indifférent. L'assassinat de ce jeune journaliste est malheureusement à ajouter à la longue liste des professionnels des médias qui, parfois au prix de leur vie, paient leur engagement à informer le public librement. Selon l'organisation non gouvernementale «Reporters sans frontières», pas moins de treize journalistes et quatre collaborateurs des médias à travers le monde ont perdu la vie dans l'exercice de leur fonction en 2007. Cela est intolérable et doit être dénoncé.

Comme l'a souligné à maintes reprises le Comité des ministres, mais aussi la Cour européenne des droits de l'Homme, il ne peut y avoir de véritable démocratie sans liberté d'expression et d'information.

Tout en étant conscient que le Kirghizistan n'est pas membre du Conseil de l'Europe, j'entreprendrai une démarche auprès des autorités kirghizes pour demander que l'enquête sur l'assassinat de M. Saïpov soit menée avec diligence et transparence de manière à appréhender les auteurs de ce crime et les déférer à la justice le plus rapidement possible » .

Ajoutant qu'il saisirait l'occasion de sa visite au Kirghizistan à cette fin, le ministre slovaque s'est déclaré favorable au renforcement des liens entre le Conseil de l'Europe et les pays d'Asie centrale. La commission de Venise intervient activement dans beaucoup d'entre eux et il semble possible d'octroyer au Kirghizistan le statut d'observateur auprès de l'Assemblée. On s'interrogera néanmoins, au regard des faits dénoncés par la délégation française mais également des conclusions du rapport du Conseil de l'Europe sur la situation politique dans les républiques d'Asie centrale, sur l'opportunité d'accorder un tel statut.

Communication de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe

Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est nommé par l'Assemblée parlementaire sur proposition du Comité des ministres. Son mandat est de cinq ans. Il peut être renouvelé pour une période déterminée par l'Assemblée et le Comité.

Le Secrétaire général assume la responsabilité de l'orientation stratégique du programme de travail et du budget du Conseil de l'Europe.

Le Secrétaire général présente chaque année une communication sur l'état du Conseil de l'Europe, au cours de laquelle il dresse un bilan de l'exercice précédent. La création de l'Agence européenne des droits fondamentaux par l'Union européenne, le 15 février, a été une source d'interrogations quant à l'avenir du Conseil de l'Europe. Souhaitant dépasser cette difficulté, le Secrétaire général a préféré insister sur l'opportunité que représente une adhésion potentielle de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. M. Davis y voit le signe de l'influence croissante du Conseil de l'Europe sur la poursuite de la construction européenne. Elle permet également d'envisager à moyen terme la mise en oeuvre d'un véritable espace juridique européen.

Une telle ambition ne repose pas pour autant sur l'adoption de nouvelles conventions, mais davantage sur l'application de recommandations. Le Secrétaire général appelle à cet effet une révision des conventions actuelles, cent vingt sur deux cents n'étant toujours pas ratifiées ou désormais obsolètes.

Si l'écho médiatique des travaux du Conseil semble, aux yeux du Secrétaire général, de plus en plus grand, il convient néanmoins de s'interroger sur leur traduction concrète pour les citoyens et leur lisibilité aux yeux de l'opinion publique. L'appel à une plus grande prise en compte des décisions de la Cour de justice est une piste retenue pour répondre à cette difficulté. Une plus grande synchronisation de l'activité des institutions du Conseil apparaît également prioritaire. Le succès des campagnes de sensibilisation, à l'instar de celle opérée autour des violences domestiques, démontre à quel point les actions mobilisant l'ensemble des organes du Conseil peuvent être utiles.

Intervenant à l'orée de la session 2008, déjà marquée par les débats autour de la candidature russe à la présidence de l'Assemblée parlementaire, le Secrétaire général a tenu, en propos conclusifs, à rappeler que le Conseil de l'Europe ne pouvait pas être envisagé comme « un club de démocraties parfaites » , l'absence de tradition libérale chez certains États membres pouvant légitimer quelques retards ou décalages. Sans remettre en cause la réalité des rattrapages en cours, notamment à l'Est de l'Europe, on s'étonnera néanmoins des propos du Secrétaire général qui tendent à normaliser certains manquements aux valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe et fragilisent la fonction de contrôle de l'Assemblée parlementaire. Les souhaits exprimés plus tôt par la présidence slovaque quant à une meilleure prise en compte par la Géorgie des observations effectuées lors du scrutin présidentiel apparaissent de fait plus que relatifs.

Discussion commune sur les relations extérieures de l'Assemblée parlementaire

Trois rapports de la commission des questions politiques étaient inscrits à l'ordre du jour afin de débattre sur l'avenir des relations extérieures de l'Assemblée parlementaire. À l'heure où la question d'une Union de la Méditerranée prend corps au sein de l'Union européenne, le Conseil de l'Europe entend, en effet, donner une nouvelle dynamique en vue de partenariats avec les pays du bassin méditerranéen. Assemblée des droits de l'Homme, elle entend également jouer un rôle non négligeable dans l'avènement de structures démocratiques viables dans les pays d'Asie centrale. Ces deux ambitions s'inscrivent, par ailleurs, dans le cadre d'une révision du statut d'État observateur auprès du Conseil.

Renforcement de la coopération avec les pays du Maghreb

Le débat sur le renforcement de la coopération de l'Assemblée avec les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) était précédé d'une intervention de M. Abdelaziz Ziari, Président de l'Assemblée populaire nationale d'Algérie. Celui-ci a souhaité insister sur le partenariat déjà effectif entre le Conseil de l'Europe et l'Algérie, au travers notamment de la collaboration entre le Conseil constitutionnel algérien et la commission de Venise. Il voit dans celle-ci le gage d'une démocratisation de l'Algérie, confortant l'engagement de son pays en faveur d'une coopération privilégiée avec l'Europe.

M. Ziari a souhaité rappeler l'ambition de son pays d'apparaître dans le peloton de tête des pays émergents. La modernisation des structures économiques de l'Algérie s'est ainsi accompagnée d'importantes réformes en matière de justice, d'éducation ou de droit civil. De tels projets n'ont de sens, selon le Président de l'Assemblée populaire, que s'ils permettent de consolider l'État de droit. Aux yeux de M. Ziari, la liberté dont bénéficie la presse et l'importance prise par les femmes au sein de la société algérienne témoignent des progrès enregistrés dans ce sens. Les retards encore observables seraient, pour leur part, principalement imputables à la priorité accordée pendant une décennie à la lutte contre le terrorisme. Si la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée par référendum en septembre 2005, témoigne d'une ère nouvelle, elle ne saurait néanmoins occulter la persistance du phénomène terroriste.

Le Président de l'Assemblée populaire a tenu à insister sur la nécessité d'adapter le modèle démocratique aux réalités nationales, réfutant l'idée d'un système uniforme applicable à l'ensemble des États. Il a, à ce titre, défendu l'idée d'un approfondissement du processus démocratique, progressif et tributaire de l'exigence de sécurité du peuple algérien.

Aux yeux de M. Zaïri, deux points sont essentiels dans le cadre d'une coopération entre le Conseil de l'Europe et les trois pays du Maghreb : la question des migrations et la nécessité de mettre en oeuvre un véritable dialogue interculturel. Celui-ci est d'autant plus aisé à instaurer qu'il pourrait s'appuyer sur un certain nombre de traits communs et de proximités tant géographiques qu'historiques ou religieuses. La coopération avec le Conseil de l'Europe n'aura, par ailleurs, de force au Maghreb que si elle s'appuie sur place sur une union régionale des pays arabes, apte notamment à dépasser l'épineuse question du Sahara occidental.

Aux termes du rapport de la commission des questions politiques, la coopération du Conseil de l'Europe avec les pays du Maghreb est envisagée sous deux angles : favoriser la stabilité du bassin méditerranéen et promouvoir les valeurs démocratiques au sein de systèmes politiques où le pluralisme n'est pas garanti. Mme Josette Durrieu (Pyrénées-Atlantiques - SOC), rapporteur des projets de résolution et de recommandation, a souhaité présenter les enjeux d'une telle coopération :

« Ce rapport, initié par la commission des questions politiques, porte sur le renforcement de la coopération avec les pays du Maghreb, qui sont trois États bien connus de nous tous : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie. Plus de trois millions de kilomètres carrés, plus de 80 millions d'habitants, la rive sud de la Méditerranée, cet espace est aussi le nôtre ; cette Méditerranée qui sert de lien, mais qui, malgré tout, depuis un certain temps, nous a amenés à prendre une certaine distance par rapport à vous.

Présenter ces pays, c'est présenter trois États qui, selon le regard que nous portons d'ici et selon les normes qui sont les nôtres, ont des régimes que nous qualifions de «personnels», même si ces régimes sont engagés dans la voie de la démocratie. Nous les qualifions assez souvent d'«autoritaires», soit qu'ils s'engagent dans la voie de la démocratie, soit qu'ils voient cette marche vers la démocratie et vers un État de droit prendre du temps.

Le pluralisme politique s'installe doucement. Est-il une réalité dans les trois États ? La réponse est non. Est-il plus avancé dans certains ? En ce qui concerne le Maroc, la réponse est oui. Nous avons pu noter que l'alternance politique et le consensus s'installaient doucement dans ce pays.

Les trois pays bougent insuffisamment, eu égard à la perception que nous en avons d'ici.

Des réformes sont engagées. Elles sont parfois profondes, au niveau tant de la réconciliation, en Algérie et au Maroc, que pour les femmes, dans les trois pays - et depuis longtemps dans certains. Malgré tout, cette vie politique dans son ensemble et cette vie démocratique ne nous semblent pas, dans l'immédiat, avoir encore pris toute la dimension que nous souhaiterions. Le taux de participation étant de plus de 60 %, nous nous disons qu'effectivement, ce sont des pays qui, comme les nôtres hier ou avant, ont sans doute besoin d'être accompagnés et d'être confrontés à nos difficultés pour mieux analyser les leurs et, dans tous les cas de figure, s'il y a des progrès, les accélérer.

Naturellement, nous sommes inquiets à cause de l'islam et du terrorisme, plus précisément à cause de l'islam radical et de l'islamisme - et non par l'islam en lui-même. Le drame vécu par l'Algérie, la crise des années 90 à 99, les différents soubresauts, les attentats nous inquiètent et nous nous posons la question de savoir si l'islamisme radical politique - je ne sais quelle est votre expression - est maîtrisé. La réponse, semble-t-il, est négative. Nous sentons que des questions se posent dans tous vos pays, qui sont parfois déjà tranchées ou en train de l'être ; en tout cas elles nourrissent la réflexion. L'islam, faut-il l'affronter, l'intégrer ou l'associer à la vie démocratique ? C'est une très bonne chose que ce processus de réflexion s'engage.

Un problème semble, en tout cas, peser lourdement sur les trois pays : celui du règlement du problème du Sahara occidental. Nous souhaitons que, dans le cadre de l'Onu et de ses résolutions, des solutions soient apportées dans les plus brefs délais. Nous sentons à quel point ce problème fige l'évolution du processus régional.

La Méditerranée vous appartient, elle nous appartient, elle est notre berceau culturel commun. Je pense que le rapprochement entre le Conseil de l'Europe et ses quarante-sept États et ces trois États est impératif. Tout d'abord, parce que nous devons nous ouvrir ; ensuite parce que nous devons être solidaires et puis parce que nous avons aussi une politique de voisinage qui peut prendre un certain nombre d'orientations ; celle-là est impérative.

À vos pays, à l'Algérie, Monsieur le Président, nous tendons la main. Nous pouvons faire beaucoup de chemin ensemble vers le progrès tant nous avons besoin, les uns et les autres, nous comme vous, d'avancer vers cette démocratie qui reste un idéal. Mais le réel est plus difficile à gérer... »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a souhaité insister sur la mise en oeuvre d'un travail de mémoire sur la période coloniale, commun aux deux rives de la Méditerranée et seul capable de garantir des bases saines à tout dialogue structuré :

« La région méditerranéenne tout entière est secouée par une profonde crise où les problèmes historiques ne sont pas résolus : l'occupation israélienne de la Palestine et la politique d'Apartheid qui est menée, l'occupation du territoire irakien par les troupes nord-américaines et européennes, l'augmentation de la pauvreté, du chômage et de la misère généralisée, et d'autres non moins graves concernant les violations des droits humains. Et les récents attentats perpétrés en Algérie ne sont pas faits pour apaiser les tensions.

Le rapport évoque le rôle d'Hassan II dont le règne serait marqué par la consolidation de l'intégrité territoriale. Faut-il comprendre que les «marches vertes» permettant l'occupation du Sahara occidental, la guerre et l'exil forcé de milliers de Sahraouis seraient considérés par le Conseil de l'Europe comme une consolidation territoriale ? C'est inacceptable pour notre Groupe. Et rien n'est dit sur le traitement des personnes dans les territoires occupés.

Notre Groupe est d'ailleurs très frappé par la précipitation avec laquelle on prône une solution unilatérale pour le Kosovo et le peu d'empressement pour exiger du Maroc le respect du droit à l'autodétermination ou le silence sur les violations israéliennes du droit international.

Faut-il rappeler que le Maroc a obstinément refusé et refuse toujours l'exercice de l'autodétermination du peuple sahraoui en dépit de plus de 70 résolutions de l'Onu, non respectées par les assaillants ?

«Deux poids, deux mesures» ou la politique de l'arbitraire, pire encore, d'allégeance à la politique nord-américaine.

Notre groupe ne peut accepter une telle discrimination qui, dans les faits, légitime l'occupation d'un territoire. Le Conseil de l'Europe doit aider à la mise en oeuvre de l'autodétermination du peuple sahraoui comme contenu dans les résolutions des Nations unies.

Le rapport «oublie» également d'analyser la politique économique néolibérale mise en place par l'Union européenne dans le cadre du processus de Barcelone. Nous savons tous que l'Union européenne et ses États membres, relayés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, participent au pillage des ressources naturelles dans ces pays en imposant les plans d'ajustement structurels, avec les conséquences sociales et politiques qu'ils entraînent.

Faut-il encore rappeler que ces peuples ont été victimes du colonialisme européen qui leur a imposé un système de violences, de spoliation et d'humiliation. Et que les politiques actuelles ne sont que la prolongation de cette spoliation sous d'autres habillages qui les rendent plus acceptables, peut-être.

Il convient aussi de créer les conditions pour aider à l'écriture partagée (entre ex-colonisateurs et ex-colonisés) de l'histoire commune. Cette question est tout aussi importante pour l'évolution de la coopération car elle participera au respect des peuples. Les pays colonisateurs doivent évidemment des excuses mais ils doivent aussi réparation.

Et la migration? Notre groupe constate également que le rapport «oublie» que, si migration il y a vers l'Europe, elle n'est que l'effet, la conséquence directe des politiques antisociales, antidémocratiques et contraires aux droits humains qu'elle impose. Voilà la vraie racine des problèmes !

Quant à la réponse européenne aux ravages qu'elle-même contribue à provoquer, aucune mention dans le rapport ! Nulle part on ne parle de la répression, des balles, des fils barbelés, des centres d'enfermement - en France, on dit : «rétention» -, de la stigmatisation des migrants, des lois répressives, voire xénophobes et racistes, comme l'a souligné le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu.

Toute coopération renforcée avec le Maghreb est souhaitable parce qu'elle générera, nous l'espérons, un partage des valeurs du Conseil de l'Europe. Mais ne pensez-vous pas, chers collègues, que, notamment dans le cas que nous soulignons, il reste un long chemin à parcourir ?

On entend dire que les choses avancent. Tant mieux, mais est-ce suffisant pour nous ? Nous ne le pensons pas car il doit y avoir, pour coopérer avec le Conseil de l'Europe, des conditions minimales à respecter en ce qui concerne les droits des peuples et les droits de l'homme. L'analyse doit se faire au cas par cas.

Nous n'en sommes pas là aujourd'hui. Ainsi, toute coopération future doit se faire au niveau nécessaire et suffisant pour impulser une démarche de progrès rapide de partage de valeurs pour les différents pays en fonction de leur situation particulière, mais pas plus. Le Conseil de l'Europe détient sa crédibilité de sa non complaisance à l'égard des atteintes aux droits humains. Nous proposons donc que, dans un premier temps, la coopération ne s'engage qu'avec la commission politique et seulement avec elle. »

M. François Rochebloine (Loire - NC) s'est montré, quant à lui, plus sceptique sur la viabilité d'une telle coopération tant les conditions politiques semblent insuffisamment réunies pour mettre en avant un partage réelle des valeurs démocratiques :

« La famille politique de centristes à laquelle j'appartiens a toujours été attachée au dialogue des peuples et des cultures. C'est pourquoi je partage sans réserve l'objectif de coopération avec les pays du Maghreb mis en avant par la commission des questions politiques. Ma conviction est naturellement nourrie par la mémoire de notre histoire nationale. Elle s'inscrit plus largement dans la conscience de l'importance des relations euro méditerranéennes pour l'équilibre et la paix entre les nations.

En toute logique, la réflexion qui nous est aujourd'hui proposée suggère de fonder la coopération politique en cause sur le terrain propre au Conseil de l'Europe, c'est-à-dire notre conception commune des droits de l'Homme, des conditions individuelles et collectives de leur promotion et de leur garantie. Pour autant, la description par le rapport de la situation actuelle des pays du Maghreb n'incite guère à penser que les conditions politiques d'un dialogue fructueux soient aujourd'hui réunies. Je souscris aux lignes de force de cette description : conception autoritaire du pouvoir central, pluralisme politique «insuffisant» en Tunisie, «balbutiant» en Algérie et au Maroc, atteintes répétées à la liberté de la presse, présence, par nature difficile à quantifier, mais bien réelle, de mouvements terroristes. En contrepartie, des avancées sont relevées, notamment dans la promotion des droits de la femme et dans certains domaines institutionnels. Elles relèvent le plus souvent, cependant, d'initiatives juridiques formelles, qu'il ne faut pas négliger mais dont la pratique de la vie sociale peut réduire considérablement la portée concrète.

Le rapport met en lumière une autre source de difficultés à surmonter. Si le droit du Conseil de l'Europe à intervenir est affirmé sur le fondement de sa vocation universelle de promotion des droits de l'Homme, il est ensuite indiqué, non sans franchise, que le Conseil de l'Europe est «méconnu, voire absent» sur le continent africain. L'ambition affichée est noble et légitime ; ce n'est malheureusement pas une raison suffisante pour qu'elle soit reconnue par l'autre. Il faut, de plus, qu'aucun malentendu ne subsiste sur les termes du dialogue que le Conseil devra engager pour donner consistance à son intervention. C'est là que les difficultés commencent. Le rapport les laisse voir clairement.

Le projet de recommandation préconise de poursuivre «le dialogue entre les religions et les cultures» . Si l'on se réfère au développement qui, dans le rapport, soutient cette préconisation, on constate que, du côté des pays du Maghreb, le «dialogue interculturel et interreligieux» est surtout interreligieux, puisque les interlocuteurs tunisiens de notre collègue Josette Durrieu ont déclaré qu'ils adhéraient à l'idée de dialogue «afin de mieux connaître l'islam et sa philosophie». Cette position est, de leur point de vue, parfaitement cohérente, mais elle dénote un décalage de références. Elle révèle la difficulté du dialogue en même temps qu'elle en illustre la nécessité.

Le projet de résolution rappelle que «l'islam est la religion de ces pays» et que «l'islam modéré est dominant». Je n'entrerai pas dans le débat sur le contenu de la notion d'"islam modéré", difficile à définir. Il me paraît plus important, en effet, d'insister sur la nécessité de prendre en compte la dimension essentiellement communautaire de l'islam. Elle n'empêche évidemment pas - on le voit tous les jours - nombre de musulmans de prendre leurs distances avec des comportements et des pratiques, notamment terroristes, qu'ils jugent contraires à leur foi. Mais elle condamne d'avance à l'échec toute tentative d'imposer de l'extérieur à un monde profondément solidaire une vérité universelle conçue ailleurs. C'est dans le respect mutuel, qui implique de notre part une affirmation modeste mais résolue de nos valeurs, que le dialogue peut progresser. Je le souhaite, pour ma part, de tout coeur. »

La résolution et la recommandation telles qu'adoptées trouvent un écho dans la proposition de recommandation déposée par M. Denis Badré (Hauts-de-Seine - UC-UDF), qui prévoit la mise en oeuvre d'une véritable stratégie méditerranéenne pour le Conseil de l'Europe, à l'instar du processus de Barcelone mis en place par l'Union européenne. Cette complémentarité a été rappelée par M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) lors des débats, son intervention insistant également sur le projet de l'Union de la Méditerranée défendu par la France :

« Je voudrais tout d'abord souligner la grande qualité du rapport de notre collègue Josette Durrieu. Tout le monde connaît ici son engagement en faveur à la fois du Conseil de l'Europe et du Maghreb.

Ce rapport brosse un tableau très complet de la situation politique, économique et sociale de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, sans chercher à dissimuler la réalité de ces pays. Notre collègue fait preuve d'un optimisme raisonné sur l'évolution démocratique de cette région et attend d'une relation plus étroite avec le Conseil de l'Europe un renforcement de l'État de droit au Maghreb.

Le rapport comporte de nombreux exemples de la coopération d'ores et déjà existante entre notre Assemblée et le Comité des ministres, d'une part, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, d'autre part. Comme l'indique notre collègue, cette coopération est pour l'instant essentiellement indirecte et limitée à certains pays méditerranéens. Il conviendrait donc de l'élargir et de l'institutionnaliser.

La France a pris une initiative intéressante en la matière, tout à fait complémentaire de celle de Mme Durrieu. Plusieurs membres de la délégation française ont signé une proposition de recommandation de notre collègue Denis Badré, invitant le Comité des ministres à étudier les voies et moyens d'une formalisation des relations entre le Conseil de l'Europe et les pays de la région méditerranéenne. Comme le relève notre rapporteur, l'Union européenne a mis en place le «processus de Barcelone» en 1995, puis développé une politique européenne de voisinage. Or, force est de constater que le Conseil de l'Europe est dépourvu de «stratégie méditerranéenne». S'en doter lui permettrait de promouvoir la démocratie, la prééminence du droit et le respect des droits de l'Homme au-delà des frontières actuelles des pays membres. Il me semble donc que cette proposition de recommandation devrait être renvoyée pour rapport à la commission des questions politiques, afin que des propositions concrètes en ce sens nous soient présentées.

Je souhaiterais également évoquer le projet d'Union de la Méditerranée, porté par le président de la République française, qu'il a présenté dans son discours de Tanger, le 23 octobre 2007.

Ce projet vise lui aussi à renforcer la coopération avec les pays de la Méditerranée, dont ceux du Maghreb. Il ne s'agit pas de concurrencer le partenariat Euromed, bien que celui-ci connaisse un certain enlisement à l'origine de frustrations dans les pays du Sud, mais au contraire de le relancer.

L'Union de la Méditerranée devrait être dotée d'une structure légère et fonctionner «à géométrie variable». Les partenaires et les financements seraient ainsi différents en fonction des projets concrets à mettre en oeuvre en matière de protection de l'environnement, de développement durable, d'énergie, de transports, d'eau... La société civile y sera largement associée.

Ce projet a d'abord suscité certaines réticences. C'est bien normal, compte tenu de son caractère novateur. Il est naturellement susceptible d'évoluer, en particulier en fonction des consultations auxquelles il donne lieu. Il n'en demeure pas moins qu'il a suscité un réel intérêt, en particulier de la part de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, mais aussi de l'Égypte, et qu'il a reçu le soutien de la Commission européenne.

L'Italie et l'Espagne ont également participé aux réflexions menées sur les lignes directrices du projet. Le 20 décembre dernier, leurs dirigeants ont ainsi lancé, avec le chef de l'État français, l'«Appel de Rome pour l'Union de la Méditerranée». Ils se sont mis d'accord pour inviter les chefs d'État et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée à se réunir, à Paris, avec les États membres de l'Union européenne, le 14 juillet prochain, pour définir leur vision commune. Ce sommet sera précédé, la veille, d'une réunion des seuls pays riverains.

L'Union de la Méditerranée doit représenter l'impulsion politique majeure qui faisait défaut à une coopération véritable avec les pays du Sud ».

Concluant les débats, Mme Josette Durrieu a rappelé la nécessité pour le Conseil de l'Europe de parachever le travail déjà entrepris par la Commission de Venise en vue de renforcer les valeurs démocratiques au sein des pays du Maghreb :

« Je remercie tous ceux qui ont participé à ce débat sur la coopération avec les États du Maghreb et qui ont donné leur avis sur la proposition faite par le Conseil de l'Europe à ces États.

Je reconnais, comme l'ont dit certains, notre ami M. Lecoq notamment, qu'il s'agit d'un long chemin à parcourir pour arriver à certaines conditions que nous considérons comme minimales, précisément quand c'est nous qui les considérons ainsi.

Mon rôle, ici, pour le Conseil de l'Europe, était d'établir un rapprochement, de voir quelles pouvaient être les intentions face à nos propositions. Dans la présentation que nous avions à faire de ce rapport et du résultat de nos contacts, il n'était pas question d'instruire à charge, ce n'était pas l'objectif. Ils ne sont candidats à rien.

J'ai essayé autant que je l'ai pu - et je remercie ceux qui ont saisi la nuance -d'exprimer un certain nombre de choses pas faciles à dire, en ayant l'obligation malgré tout de les rappeler. Merci à vous de l'avoir compris.

Vous avez observé majoritairement que ce dialogue était nécessaire, que ces bonnes relations, nous devions les rétablir, s'il était nécessaire, en tout cas les instaurer.

Baronne Hooper, vous avez rappelé que nous avions des expériences à partager et surtout que nous avions une coopération à établir. Cet espace méditerranéen, comme l'est aussi l'autre espace d'Asie centrale, à proprement parler l'Eurasie, c'est-à-dire un morceau de quelque chose proche de l'Europe et sûrement très proche de l'Asie, comme vous l'avez bien précisé, est un espace dans lequel nous sommes très peu présents, hier comme aujourd'hui. Tandis qu'avec la Méditerranée, nous plongeons ensemble, tous les pays riverains, tant du Nord que du Sud, dans la même histoire, dans la même culture. D'une manière générale, nous portons ensemble un même avenir.

M. Seyidov, notre collègue azéri, a parlé d'«avenir à bâtir ensemble» sur cet espace de voisinage que nous devons à partir de maintenant découvrir, pénétrer, et avec lequel, dans ce grand ensemble, le Conseil de l'Europe lui-même trouvera son propre avenir. Nous voyons les limites de l'exercice dans lequel nous sommes engagés. Beaucoup de pays membres de ce Conseil de l'Europe, nous sommes 47, s'acheminent vers l'Union européenne. À partir de ce moment, les liens ne se défont pas, mais les intérêts ne sont plus tout à fait les mêmes.

À l'évidence, il existe, dans les marches qui sont celles de la Méditerranée et de l'Asie centrale, des pays qui ont besoin de nous. Je trouve très fort comme signal que le Kazakhstan et le Kirghizstan soient membres de la commission de Venise. Ils ont su y aller ou on a su leur dire qu'il y avait cet instrument et cette institution de coopération. Le Maroc et l'Algérie sont également membres de la commission de Venise. Nous avons là un outil de référence qui a une très forte notoriété et une grande autorité. La voie est ouverte, les signaux se sont déclenchés.

Oui, le rôle du Conseil de l'Europe est d'être solidaire des problèmes de ces pays, solidaire de leur marche vers cette démocratie que nous invoquons, que nous voulons tant. Aidons les ! Nous savons à quel point le travail du Conseil de l'Europe a été déterminant dans l'évolution des pays qui étaient de l'autre côté du Mur. Nous avons eu cette volonté ici. A quel prix ? Le débat a été difficile. Nous avons eu la volonté d'ouvrir, y compris jusqu'au Caucase.

Je me souviens de débats dans cette enceinte où il y avait des atlas sur les pupitres pour voir si l'Europe s'arrêtait au Caucase, si elle incluait l'Oural, si elle incluait ou non la Russie. Notre obligation dans cette politique de voisinage, voulue, définie par le Conseil de l'Europe en direction à la fois de cette Asie centrale, de cette Méditerranée, en commençant par ces trois États du Maghreb, c'est notre mission, j'allais dire prochaine ; non, elle est immédiate. Je remercie tous ceux qui l'ont dit. »

La résolution telle qu'adoptée rappelle l'exigence pour les pays concernés de respecter les libertés fondamentales et de favoriser les réformes visant à garantir le respect des droits de l'Homme. Les parlements nationaux ont, à cet égard, un rôle crucial à jouer. Regrettant l'absence de solution à la question du Sahara occidental, le texte juge celle-ci comme un obstacle au renforcement de la coopération entre les trois pays du Maghreb. La résolution invite, enfin, l'Assemblée à développer sa coopération avec les trois parlements nationaux. Prenant en compte les observations formulées au sein de deux amendements par M. Michel Dreyfus-Schmidt (Territoire de Belfort - SOC) (4 ( * )) , ladite invitation se borne à permettre aux assemblées locales d'assister aux sessions et d'être, le cas échéant auditionnées. La rédaction initiale prévoyait la participation effective des délégations parlementaires aux sessions et aux travaux des commissions.

La situation dans les Républiques d'Asie centrale

Constatant les difficultés rencontrées par les pays d'Asie centrale (Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) en vue de respecter les valeurs fondamentales de l'État de droit, le Conseil de l'Europe propose, au travers d'une résolution et d'une recommandation, une approche constructive à l'endroit de ces pays. Elle prendrait corps autour d'un dialogue avec les parlementaires locaux, les institutions et les gouvernements en vue de favoriser l'adoption de réformes destinées à garantir le respect des droits de l'Homme et la bonne gouvernance. Les deux textes invitent par ailleurs l'Union européenne et l'OSCE à participer de cet effort.

Une telle démarche ne saurait constituer qu'une première étape, destinée à combler le manque de présence européenne dans la région, dénoncé par M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi de saluer tout d'abord le très bon rapport de notre collègue M. Mercan, qui met en relief les difficultés de tout ordre que rencontre l'Asie centrale post-soviétique, plus de quinze ans après l'accession à l'indépendance de l'ensemble des pays de la région. Le manque d'intérêt de l'Europe pour cette partie ô combien importante de l'Asie est patent. L'excuse géographique ne vaut pas au regard des efforts déployés par cette même Europe pour tenter de trouver une solution au Proche-Orient ou encore récemment en Afrique. Ce désintérêt, que dis-je, cette indifférence, est d'autant plus dommageable que ces pays mêlent à leur culture orientale initiale un certain nombre d'apports de la civilisation européenne. À l'inverse, nous savons tous que cette région a été d'une importance considérable pour le développement européen à cause de la route de la soie. Comment fermer les yeux sur l'avenir de la Transoxiane, cette terre qui a tant passionné Alexandre le Grand ? Comment détourner le regard de Khiva, Boukhara ou Samarcande, dont les mosquées bleues émerveillaient Marco Polo ? N'en doutons pas, cette région est d'une importance stratégique et l'Europe se doit, notamment au travers de ses valeurs, d'y être présente. Trois défis l'y attendent.

Premièrement, la montée d'un islamisme radical, dont le présent rapport esquisse les contours. La volonté des pouvoirs ouzbek ou kirghize de qualifier toute opposition de wahhabite ne doit pas nous tromper sur la réalité de la percée du fondamentalisme dans ces pays, sur ses liens avec l'économie parallèle et les connexions dont elles disposent avec les talibans afghans. La destruction de toute opposition par les satrapes locaux a ceci de terriblement vicieux qu'elle confine la seule alternance politique possible à l'islamisme radical, particulièrement anachronique dans ces terres d'échanges et de brassage des cultures.

Deuxièmement, la tentation russe de légitimer les pouvoirs en place au nom d'intérêts purement géostratégiques et économiques. La présence de Moscou au sein de la Communauté économique eurasienne qui réunit Ouzbékistan, Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan et Biélorussie vient couronner une entreprise de retour russe dans la région. Les liens historiques qui unissent la Russie à ces peuples ne peuvent pourtant servir d'alibi pour conférer une certaine respectabilité aux élites corrompues et autoritaires qui les dirigent. Comment ne pas s'inquiéter pour l'avenir des valeurs démocratiques de voir la Russie signer un accord bilatéral avec l'Ouzbékistan le 14 novembre 2005, aux termes duquel Moscou s'engage à soutenir Tachkent en cas de trouble et à lui fournir, à cet effet, diverses catégories d'équipement pour disperser la foule ?

Troisième et dernier défi, l'influence grandissante de la Chine dans la région, motivée notamment par les enjeux énergétiques. La mise en oeuvre d'une coopération structurée avec la Chine au travers de l'Organisation de coopération de Shangaï (OCS), qui réunit Russes, Kirghizes, Tadjiks, Kazakhs et Ouzbeks, constitue à cet égard une première étape. Initialement dévolue au développement du commerce régional et à la démilitarisation des frontières, l'OCS est aujourd'hui capable de mener des opérations antiterroristes au niveau régional.

Au regard du poids pris par les grandes puissances sur place et leur soutien implicite ou affiché aux dictatures locales, il devient urgent pour l'Europe d'agir et de prendre toute sa place dans la région, d'autant plus que les États-Unis tendent à s'en retirer. Les initiatives en la matière de l'Union européenne, au travers notamment de la conditionnalité de l'aide versée à l'Ouzbékistan, vont dans le bon sens. J'invite les États membres du Conseil de l'Europe à participer à cet effort de vigilance à l'égard des gouvernements en place mais également à accroître leurs efforts en vue de la mise en place d'alternatives démocratiques au plan local. Nos valeurs doivent s'incarner dans tous les domaines et par tous les biais, politiques, économiques ou culturels, sous peine de disparaître.

Les loups, quels qu'ils soient, ne devraient pas avoir leur place dans ces steppes. »

Sans remettre en cause l'économie générale des textes adoptés, il convient de s'interroger sur le parti pris de la commission des questions politiques d'isoler le Kazakhstan de ses voisins pour le traiter de façon séparée lors d'un débat ultérieur. Sa relative modernité et son souhait maintes fois réaffirmé de coopérer avec l'Europe auraient pu constituer un contrepoint utile pour éclairer la situation de ses voisins. Les difficultés qu'il traverse également sur le plan politique, en particulier les pressions pesant sur l'opposition, n'apparaissent pas pour autant comme des éléments aptes à le singulariser totalement.

Le Conseil de l'Europe et ses États observateurs : situation actuelle et perspectives

Les relations du Conseil de l'Europe avec des États observateurs remontent à 1957 pour l'Assemblée parlementaire (Knesset israélienne) et à 1970 pour le Comité des ministres (Saint-Siège), sans qu'aucune disposition n'entoure cette coopération. Quatre autres États ont depuis acquis le statut d'observateur : les États-Unis en 1995, le Canada et le Japon en 1996 et le Mexique en décembre 1999, seuls le Canada et le Mexique étant observateurs auprès des deux institutions du Conseil. Le cadre d'une telle coopération avait auparavant été défini par la résolution (93) 26, adoptée le 14 mai 1993.

Celle-ci ne prévoit aucun engagement officiel de la part des États concernés, si ce n'est l'acceptation des principes de démocratie, de prééminence du droit et la possibilité pour les personnes placées sous leurs juridictions de jouir des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ils ne sont de fait en aucun cas liés par les normes énoncées dans le Statut et par les principales conventions du Conseil de l'Europe.

Prenant acte de cette absence d'obligation, la commission des questions politiques propose, au travers d'un projet de recommandation, de modifier la résolution en vue de prévoir des normes spécifiques, des engagements et une procédure de suivi. Celle-ci s'appliquerait uniquement aux futurs États observateurs ou aux États observateurs actuels qui en feraient la demande. Le projet de résolution insiste, quant à lui, sur le renforcement de la participation des États observateurs aux travaux du Conseil de l'Europe et en particulier à ceux de l'Assemblée parlementaire, qu'il s'agisse des réunions de commissions et de groupes politiques mais également des débats lors des sessions.

Si le souhait de clarifier le statut d'État observateur ne souffre d'aucune contestation, M. Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP) a néanmoins souhaité relativiser l'urgence de tels aménagements et s'interroger sur les modalités d'application de ceux-ci :

« La lecture de l'excellent rapport de la commission des questions politiques sur la révision du statut d'observateur me laisse finalement assez perplexe. Loin de contester l'ambition et la légitimité des projets de résolution et de recommandation qui nous sont présentés, je m'interroge plutôt sur le renforcement de nos exigences à l'égard de nos partenaires extérieurs alors que nous ne sommes pas capables de nous appliquer celles-ci.

L'exposé des motifs de notre collègue David Wilshire souligne justement que la résolution (93) 26, qui encadre l'octroi du statut d'État observateur, ne comporte aucun engagement à respecter des normes spécifiques au Conseil de l'Europe. Le texte se borne, en effet, à indiquer que l'État concerné soit «prêt à accepter les principes de la démocratie, de la prééminence du droit et de la jouissance des droits de l'Homme et des libertés fondamentales par toute personne placée sous sa juridiction» . L'acceptation n'implique pas l'application. La constitution de la première République française adoptée en pleine Terreur ne garantissait-elle pas à tous les citoyens le droit à une justice équitable ? La constitution soviétique de 1977 ne reconnaissait-elle pas les libertés fondamentales ?

Malheureusement, et au-delà du cas des États observateurs, cette condition assez vague et en décalage même avec l'essence juridique du Conseil de l'Europe, est devenue une réalité pour certains membres du Conseil, prompts à écarter les valeurs qu'ils sont censés incarner au sein de cette Assemblée ou au Comité des ministres.

Les débats de cette session soulignent ainsi à quel point l'application des principes du Conseil de l'Europe reste à géométrie variable pour certains États membres. Avant de demander à d'éventuels États candidats au statut d'observateur d'être irréprochables, il convient de s'interroger sur le sort réservé à nos valeurs à l'occasion d'élections ou dans les relations complaisantes entretenues avec certaines dictatures. Avant d'effectuer, comme notre rapporteur, un bilan général de la performance démocratique des États-Unis, du Japon, du Canada, d'Israël ou du Mexique, il est nécessaire, me semble-t-il, d'édicter de nouvelles règles au sein du Conseil de l'Europe, et en particulier de cette Assemblée, sur le nécessaire respect par les États membres des protocoles additionnels à la Convention européenne des droits de l'Homme.

Pour en revenir au débat du jour, je m'interroge sur un point. Le rapport souligne l'absence de coopération interparlementaire avec les délégations des États observateurs. De fait, aux termes de l'article 27-3 du projet de résolution, celles-ci seraient désormais autorisées à prendre l'initiative de propositions de résolution et recommandation. Une telle démarche apparaît troublante au sein d'une enceinte dont la vocation est spécifiquement européenne.

Sans douter de la légitimité d'éventuelles propositions mexicaines ou japonaises, je m'interroge sur le cadre européen choisi pour les faire aboutir. Les Nations unies ne sont-elles pas, à ce titre, l'enceinte la plus appropriée pour des initiatives transcontinentales ? Au-delà, l'initiative ne suppose-t-elle pas un droit de vote concomitant ? Cette question n'est malheureusement pas tranchée par le projet de résolution.

Sans condamner l'ensemble du texte, l'amender paraît en conséquence nécessaire, afin que la clarification du nouveau statut appliqué aux États observateurs soit bien réelle ».

Les deux amendements déposés par M. Francis Grignon et plusieurs de ses collègues visaient, d'une part, à rappeler que les États observateurs ne disposaient pas de droit de vote en commission et, d'autre part, à supprimer la possibilité pour les délégations parlementaires de prendre l'initiative de résolutions et de recommandations (5 ( * )) . Alors que la commission puis l'Assemblée avaient été enclines à circonscrire le champ d'intervention des délégations parlementaires des pays du Maghreb lors du débat précédent, elles n'ont, cette fois-ci, pas suivi la même option et n'ont pas adopté les amendements. Les textes tels qu'adoptés maintiennent par conséquent une certaine ambiguïté.

Au-delà de la session : modifications du règlement de l'Assemblée parlementaire

Réunie le 23 novembre 2007, à Bratislava, la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire a adopté trois résolutions modifiant son règlement. L'amélioration de la participation des membres aux sessions plénières, le respect du principe d'égalité des sexes au sein de l'Assemblée et les modes de désignation aux présidences de commissions sont au coeur de cette réforme.

L'une des principales innovations concerne la procédure d'examen des amendements. Ceux-ci sont déclarés adoptés par l'Assemblée s'ils sont approuvés à l'unanimité à l'occasion de leur examen en commission. Cette nouvelle règle a bénéficié, au cours de cette session, à l'amendement déposé par M. Michel Dreyfus-Schmidt et plusieurs de ses collègues concernant les listes noires du Conseil de sécurité des Nations unies et du Conseil de l'Union européenne.

Par ailleurs, aux termes du nouveau règlement, les candidats aux fonctions de président ou de vice-président de commission doivent appartenir au groupe politique auquel la présidence ou une vice-présidence de ladite commission a été attribuée, sur la base d'un accord conclu entre ces groupes au sein du Comité des présidents. Une telle modification confirme le poids pris par les groupes pour les nominations aux postes les plus importants, seuls les vice-présidents de l'Assemblée parlementaire échappant à la tutelle des groupes politiques

Les modifications telles qu'adoptées n'abordent pas, au-delà de la question du temps de parole, les modes d'intervention en séance plénière. Il est en effet regrettable qu'un membre d'une même délégation nationale ne puisse relayer un orateur inscrit se trouvant dans l'impossibilité d'intervenir en séance publique. La limitation à trois interventions par membre de délégation sur l'ensemble de la partie de session mériterait également d'être révisée. On s'étonnera, enfin, de la pertinence de maintenir sur cinq jours la durée de la partie de session tant les débats de la dernière demi-journée se déroulent devant une assemblée clairsemée, la présente partie ayant été l'occasion pour le président de séance d'appeler ses collègues à intervenir à leur guise, faute d'inscrits.

ANNEXES

Annexe 1 - Proposition de Recommandation déposée le 23 janvier 2008 par M. Denis Badré (Hauts-de-Seine - UC-UDF) et plusieurs de ses collègues - Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l'Europe

(Proposition de Recommandation n° 11507)

La présente déclaration écrite n'engage que ses signataires

1.       La coopération entre les deux rives de la Méditerranée revêt une importance cruciale tant pour assurer le développement économique durable des pays de la région que pour favoriser leur sécurité et leur stabilité.

2.       Une telle coopération a été considérablement renforcée par l'Union européenne qui, à compter de 1995, a mis en place, dans le cadre du « processus de Barcelone », un partenariat euro-méditerranéen (Euromed) poursuivant trois objectifs : la définition d'une aire commune de paix et de stabilité grâce au renforcement du dialogue politique et de sécurité ; la construction d'une zone de prospérité partagée grâce à un partenariat économique et financier et l'établissement d'une zone de libre-échange ; le rapprochement des peuples grâce au partenariat social, culturel et humain, destiné à encourager la compréhension des cultures et les échanges entre sociétés civiles. Les relations euro-méditerranéennes ont ainsi reçu un cadre institutionnel, complété par la création de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) en 2004. Par ailleurs, les pays du sud de la Méditerranée sont également concernés, à des titres divers, par la politique européenne de voisinage. Enfin, le 23 octobre 2007, à Tanger, le président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, a prononcé un discours consacré au projet d'Union de la Méditerranée, qui a relancé le débat des relations entre les deux rives de cette mer.

3.       Le Conseil de l'Europe gagnerait à se doter d'une telle politique afin de faire de la Méditerranée une zone de dialogue et de coopération garantissant la paix, la stabilité et la prospérité. En se dotant d'une «stratégie méditerranéenne» le Conseil de l'Europe, conformément à ses missions, contribuerait à propager les valeurs démocratiques, la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme, au-delà des frontières de l'Europe.

4.       Certes, le Conseil de l'Europe a déjà noué des relations avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. En particulier, l'Assemblée examine des questions concernant cette région, par les travaux de ses commissions ou en participant aux Conférences interparlementaires des bassins de la Méditerranée et de la Mer noire.

5.       Le partenariat entre le Conseil de l'Europe et les pays méditerranéens gagnerait toutefois à être approfondi et institutionnalisé, de manière à entretenir un dialogue régulier et concret sur des problèmes communs tels que, par exemple, la gestion de l'eau, le dialogue interculturel et interreligieux ou encore les migrations. De surcroît, l'Assemblée pourrait développer ses relations avec les parlements nationaux des États méditerranéens. Une telle politique contribuerait à développer les relations extérieures du Conseil de l'Europe, mais devrait naturellement être coordonnée avec les actions menées par l'Union européenne au titre d'Euromed ou de sa politique européenne de voisinage.

6.       Dans ce but, l'Assemblée invite le Comité des ministres à étudier les voies et moyens d'une formalisation des relations entre le Conseil de l'Europe et les pays de la région méditerranéenne.

Signé:

BADRÉ Denis, France, ADLE

ABURTO BASELGA Fátima, Espagne, SOC

ALAY FERRER Vicenç, Andorre, SOC

BARTUMEU CASSANY Jaume, Andorre, SOC

BATET LAMAÑA Meritxell, Espagne, SOC

BLANCO GARCÍA Jaime, Espagne, SOC

BARÈGES Brigitte, France, NI

CLIVETI Minodora, Roumanie, SOC

CORTAJARENA ITURRIOZ Elvira, Espagne, SOC

COUSIN Alain, France, PPE/DC

DURRIEU Josette, France, SOC

FARRÉ SANTURÉ Joan Albert, Andorre, ADLE

GARCÍA PASTOR Eva, Andorre, ADLE

GROSSKOST Arlette, France, PPE/DC

HUNAULT Michel, France, GDE

KARAMANLI Marietta, France, SOC

KONEÈN Albrecht, Autriche, SOC

LEGENDRE Jacques, France, PPE/DC

Mana BLATNIK, Autriche, SOC

MEREUÞ Mircea, Roumanie, ADLE

MIGNON Jean-Claude, France, PPE/DC

MUTTONEN Christine, Autriche, SOC

NEUGEBAUER Fritz, Autriche, PPE/DC

POZZO di BORGO Yves, France, PPE/DC

PREDA Cezar Florin, Roumanie, PPE/DC

SCHIEDER Andreas, Autriche, SOC

WURM Gisela, Autriche, SOC

Annexe 2 - Déclaration écrite déposée le 24 janvier 2008 par M. Roland Ries (Bas-Rhin - SOC) et plusieurs de ses collègues - Pour un dialogue interculturel réaliste et crédible

( Déclaration écrite n° 407 )

La présente déclaration écrite n'engage que ses signataires

Les soussignés,

1.       Considérant que le développement d'un dialogue interculturel et interreligieux dans le cadre du Conseil de l'Europe n'a de sens et de crédibilité que s'il reflète les principes et valeurs démocratiques inscrits au Statut du Conseil de l'Europe et permet de les promouvoir efficacement au niveau international ;

2.       Regrettant que plusieurs initiatives récentes du Conseil de l'Europe, reflètent une démarche hasardeuse étrangère tant à la culture qu'aux pratiques démocratiques ;

3.       Notent que de telles initiatives risquent de valoriser inutilement ceux qui en font l'objet, sans servir pour autant la cause et la raison d'être fondamentales du Conseil de l'Europe, bien au contraire ;

4.       Invitent solennellement toutes les instances et autorités responsables au Conseil de l'Europe à veiller scrupuleusement à éviter tous contacts officiels avec des personnalités, gouvernements ou organisations allant directement ou indirectement à l'encontre des textes et valeurs fondatrices du Conseil de l'Europe ;

5.       Expriment le souhait qu'un vaste débat inter-institutionnel, puisse rapidement s'instaurer au sein du Conseil de l'Europe afin de recentrer le dialogue interculturel et interreligieux dans la perspective originaire de l'Organisation telle qu'inscrite au Statut et dans la Convention européenne des droits de l'homme.

Signé:

RIES Roland, France, SOC

BERCEANU Radu Mircea, Roumanie, PPE/DC

BIBERAJ Aleksandër, Albanie, PPE/DC

BLUM Roland, France, PPE/DC

BRANGER Jean-Guy, France, PPE/DC

ÇULI Diana, Albanie, SOC

DREYFUS-SCHMIDT Michel, France, SOC

DURRIEU Josette, France, SOC

ERR Lydie, Luxembourg, SOC

GARDETTO Jean-Charles, Monaco, PPE/DC

GROSSKOST Arlette, France, PPE/DC

HUSS Jean, Luxembourg, SOC

ISLAMI Kastriot, Albanie, SOC

MIGNON Jean-Claude, France, PPE/DC

MILO Paskal, Albania, SOC

PAPADOPOULOS Antigoni, Chypre, ADLE

PERNASKA Lajla, Albanie, PPE/DC

POURGOURIDES Christos, Chypre, PPE/DC

PREDA Cezar Florin, Roumanie, PPE/DC

REISS Frédéric, France, PPE/DC

REYNAUD Marie-Line, France, SOC

ROCHEBLOINE François, France, ADLE

ROUQUET René, France, SOC

SCHNEIDER André, France, PPE/DC

Aux termes de l'article 53 du Règlement, les déclarations écrites, d'une longueur maximale de 200 mots, portent sur des sujets entrant dans le domaine des compétences du Conseil de l'Europe. Elles doivent avoir recueilli les signatures d'au moins vingt représentants ou suppléants appartenant à quatre délégations nationales et deux groupes politiques.

Elles ne peuvent contenir de la propagande à des fins commerciales ou en faveur de personnes ou d'associations dont les idées ou activités sont contraires aux principes du Conseil de l'Europe, sous peine d'être déclarées irrecevables par le Président de l'Assemblée parlementaire.

La déclaration déposée par M. Roland Ries s'inscrit dans le contexte de la dernière partie de la session 2007, à l'occasion de laquelle une invitation à venir s'exprimer devant l'Assemblée avait été adressée à M. Gholamali Haddad Adel, Président de l'Assemblée consultative islamique d'Iran et Président de l'Assemblée parlementaire asiatique. La mobilisation des parlementaires avait finalement contribué à annuler sa venue et à son remplacement par M. Agung Laksono, Président de la Chambre des représentants indonésienne et appelé à succéder à M. Haddad Ali à la tête de l'Assemblée parlementaire asiatique. Pour autant, les réponses évasives, voire ambiguës du parlementaire indonésien sur la position iranienne à l'égard de la Shoah n'avaient pas été sans créer un certain malaise au sein de l'hémicycle.

Annexe 3 - Résolution n° 1595 (2008) - Développements concernant le futur statut du Kosovo

1.       L'Assemblée parlementaire considère que la solution du processus de définition du statut du Kosovo est un élément fondamental pour assurer la paix et la stabilité à long terme en Europe. La détermination du statut futur du Kosovo est une question politique extrêmement délicate, qui comprend des volets juridiques et relatifs aux droits de l'homme, lourde en conséquences à l'échelon régional et international, qui pose un défi à la communauté internationale. L'Assemblée insiste également sur le besoin pressant d'assurer l'application pleine et entière des normes dans le domaine de la démocratie, des droits de l'homme et de la prééminence du droit pour toutes les personnes vivant au Kosovo, quelle que soit leur origine ethnique.

2.       Plus de deux années se sont écoulées depuis que le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a décidé que les conditions étaient réunies pour entamer le processus de définition du statut du Kosovo. En 2005, le CSNU a appuyé la nomination de Martti Ahtisaari, ancien président de la Finlande, comme Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le processus concernant le statut futur du Kosovo. Après quinze cycles de discussions, M. Ahtisaari a finalisé un projet de proposition globale pour un règlement de la question du statut du Kosovo, qui a été accepté par Pristina et rejeté par Belgrade. Lorsqu'il a ensuite présenté la proposition globale finale au CSNU, il l'a accompagnée d'un rapport recommandant l'indépendance sous supervision comme futur statut du Kosovo.

3.       En août 2007, la perspective d'une nouvelle résolution du CSNU étant bloquée en raison des opinions divergentes des États disposant du droit de veto sur les propositions de M. Ahtisaari, le Secrétaire général de l'ONU a confié à une troïka émanant du Groupe de contact le mandat de faciliter une nouvelle période de négociation de 120 jours. Après six cycles de discussions directes, la troïka a conclu que les parties n'avaient pas pu trouver un compromis.

4.       L'Assemblée déplore profondément, qu'à ce stade, aucune solution mutuellement acceptable n'ait été trouvée. Le dialogue engagé durant cette période a été précieux pour mieux comprendre dans quelle mesure il était possible de parvenir à un accord, notamment sur des questions telles que la protection des minorités nationales, la protection du patrimoine culturel et religieux et la décentralisation. Cependant, les positions des deux parties en ce qui concerne le statut restent inchangées.

5.       L'Assemblée regrette que la nécessité de trouver des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées du Kosovo, qui était initialement une condition préalable aux négociations sur le statut du Kosovo, ne soit plus une priorité dans le contexte actuel. En dépit de certaines améliorations, les conditions de sécurité demeurent très précaires et partiellement imprévisibles, ce qui exclut un retour durable. Jusqu'à présent, seul un très petit nombre de personnes déplacées a été en mesure de prendre le chemin du retour.

6.       Dans ses Résolutions 1453 (2005) et 1533 (2007) sur la situation actuelle au Kosovo, l'Assemblée a affirmé l'importance de parvenir à une solution mutuellement acceptable concernant le statut. Cependant, elle s'est toujours souciée de souligner que l'indétermination du statut actuel du Kosovo faisait planer l'incertitude sur la poursuite de la stabilisation politique de l'ensemble de la région, y inclus sur ses perspectives d'intégration européenne; cette situation compromet son relèvement économique, influe négativement sur la consolidation d'une autorité politique pleinement responsable et redevable et entrave la pleine application des « Normes pour le Kosovo » , ainsi que l'accès des individus à la Cour européenne des Droits de l'Homme.

7.       Par conséquent, l'Assemblée conclut que, l'étape la plus récente des négociations n'ayant pas débouché sur un compromis, il convient d'envisager d'autres moyens de poursuivre les discussions sur la base de la Résolution 1244 du CSNU et de parvenir à une solution fondée sur un compromis dans un avenir proche, en vue d'empêcher que le Kosovo ne se transforme en poudrière et ne devienne à terme un conflit gelé dans les Balkans. Dans ce contexte, l'Assemblée invite les États membres du CSNU à faire tout leur possible pour surmonter les différences et trouver le moyen de parvenir en temps utile à un compromis, seul fondement garanti de la paix et de la stabilité dans la région.

8.       L'impossibilité de trouver un compromis pendant la durée d'engagement de la troïka ouvre une période de grande incertitude: parmi les scénarios possibles, il n'est pas à exclure que l'Assemblée du Kosovo décide de recourir à une déclaration unilatérale d'indépendance.

9.       Dans ce contexte, l'Assemblée est de plus en plus préoccupée par la situation des Serbes et des autres communautés minoritaires au Kosovo, notamment la communauté des Roms, Ashkali et Égyptiens (RAE). Elle s'inquiète également de la situation des réfugiés, des personnes déplacées et des apatrides du Kosovo - dont le nombre pourrait augmenter à la lumière des développements futurs ayant trait à la définition du statut - ainsi que des retours forcés au Kosovo. Elle réitère que des solutions durables devraient être assurées à tous ceux qui souhaitent revenir de leur plein gré, dans la sécurité et la dignité, ainsi qu'à ceux qui n'en expriment pas le désir.

10.       L'Assemblée invite instamment les parties intéressées à poursuivre leur action de manière responsable, à maintenir leur engagement à préserver la paix et le dialogue en toutes circonstances, à s'abstenir de toute incitation à la violence et à pleinement respecter les normes du Conseil de l'Europe relatives à la prééminence du droit, aux droits de l'homme et aux droits des minorités nationales.

11.       En outre, l'Assemblée invite instamment les parties intéressées, y compris la communauté internationale :

11.1.       à respecter pleinement, et si nécessaire, à protéger les droits des Serbes et des autres populations en situation minoritaire au Kosovo, quelle que soit leur appartenance ethnique ;

11.2.       à accorder de nouveau aux « Normes pour le Kosovo » toute l'attention nécessaire et, dans tous les cas, à développer la coordination entre tous les acteurs impliqués dans la mise en oeuvre des Normes ;

11.3.       à définir une stratégie claire en faveur de la prééminence du droit et des droits de l'homme et la mettre en oeuvre sans plus tarder ;

11.4.       à traiter les dysfonctionnements bien connus du système judiciaire au Kosovo, ainsi que la question des institutions serbes parallèles au Kosovo, qui portent profondément atteinte à la prééminence du droit dans la région ;

11.5.       à renforcer l'obligation de rendre compte en cas de violations des droits de l'homme, y compris si ces violations sont le fait des « internationaux » au Kosovo ;

11.6.       à renforcer les mécanismes de protection des droits de l'homme au Kosovo, en particulier l'Institution du Médiateur qui jouit d'une grande confiance au sein de la population du Kosovo et dont l'indépendance doit être préservée.1

12.       Enfin, l'Assemblée réitère l'appel lancé aux parties intéressées à coopérer pleinement avec le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), à assurer la protection des témoins et à garantir que toutes les violations des droits de l'homme au Kosovo - commises avant et après la mise en place de la mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) - font l'objet d'enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes et de poursuites afin de favoriser la vérité et la justice et ouvrir la voie à la réconciliation.

13.       Étant donné que le Kosovo est et doit rester une priorité politique pour l'Europe et compte tenu des défis qu'il pose pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'Union européenne, l'Assemblée invite ses États membres qui sont également membres de l'Union européenne à tout mettre en oeuvre pour adopter une position unique sur la question du statut futur du Kosovo ainsi que sur l'attitude à prendre envers une éventuelle déclaration unilatérale d'indépendance de la part de l'Assemblée du Kosovo.

14.       Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord de réadmission signé entre l'Union européenne et la République de Serbie, et entré en vigueur le 1er janvier 2008, on s'attend à ce que 50 000 à 100 000 personnes, y compris un grand nombre de personnes déplacées originaires du Kosovo, fassent l'objet de mesures de retour. L'Assemblée réitère sa position énoncée dans la Recommandation 1633 (2003) sur les retours forcés de Roms et dans la Recommandation 1802 (2007) sur la situation des réfugiés et personnes déplacées de longue date en Europe du Sud-Est, selon laquelle les États membres de l'Union européenne doivent s'abstenir de procéder à des retours forcés de personnes originaires du Kosovo tant que la situation au Kosovo, en matière de sécurité, ne permet pas leur retour.

15.       L'Assemblée appelle par ailleurs ses États membres qui sont également membres de l'Union européenne à maintenir leur position de principe en faisant de la pleine coopération de la Serbie avec le TPIY une condition préalable indispensable du processus de pré-adhésion et d'adhésion à l'Union.

16.       L'Assemblée réitère son engagement ferme à oeuvrer de concert avec la Serbie pour en consolider la démocratie, réconcilier le pays avec son passé, l'aider à devenir un élément de stabilité à long terme dans la région et l'assister sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne.

* (1) L'amendement était cosigné par Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SRC) et MM. Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP), Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais - SRC) et Jacques Legendre (Nord - UMP).

* (2) L'amendement a été cosigné par MM. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP), Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP), Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais - SRC), Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) et Philippe Nachbar (Meurthe-et-Moselle - UMP).

* (3) Seul un orateur par groupe était autorisé à poser une question au ministre.

* (4) Ces amendements étaient cosignés par MM. Georges Colombier (Isère - UMP), Michel Hunault (Loire-Atlantique - NC), Jacques Legendre (Nord - UMP) et René Rouquet (Val-de-Marne - SRC).

* (5) Les deux amendements étaient cosignés par MM. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP), Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais - SRC), Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), Jacques Legendre (Nord - UMP), Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SRC) et M. Philippe Nachbar (Meurthe-et-Moselle - UMP).

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