AUDITION POUR SUITE À DONNER À L'ENQUÊTE DE LA COUR DES COMPTES SUR LES PENSIONS MILITAIRES

Audition de MM. Jean Hernandez, président de la 2 ème chambre de la Cour des comptes, Jacques Feytis, conseiller social au cabinet du ministre de la défense, Jacques Roudière, directeur des ressources humaines du ministère de la défense, et Stéphane Bonnet, conseiller technique pour la rémunération, les retraites et la masse salariale au cabinet du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

mardi 25 mars 2008

(réunion ouverte aux membres de la commission des affaires étrangères et à la presse)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, nous sommes réunis afin d'effectuer le suivi d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF sur l'évolution des retraites militaires depuis la professionnalisation des armées.

Nous devons cette enquête à la demande de nos rapporteurs spéciaux Yves Fréville et François Trucy, chargés de la mission « Défense ». Ceux-ci avaient relevé dans leurs fascicules budgétaires successifs la difficulté de connaître le montant des crédits alloués aux pensions militaires pour la mission « Défense » d'une part, et la dégradation de la cotisation « employeur » versée par l'Etat au compte d'affectation spéciale « Pensions » au titre des retraites militaires d'autre part.

Nos rapporteurs spéciaux notaient lors de l'examen de la loi de finances pour 2008 que le nombre de pensionnés militaires -ayants-droit et ayants-cause- avait progressé, de 1998 à 2005, de 4,2 %, puis diminué de 0,5 % en 2008. Dans le même temps, le montant des pensions versées a continué d'augmenter entre 2005 et 2007, de 3,1 % en euros courants et 0,08 % en euros constants, pour s'établir à 8,4 milliards d'euros courants en 2007.

Vos rapporteurs spéciaux soulignaient dès l'année dernière que le rapport entre militaires actifs et militaires pensionnés était assez défavorable, soit 0,8 actif pour un militaire pensionné en 2007, et 0,7 actif en 2010. Le rapport démographique pour les personnels civils se dégrade également. En conséquence, les taux de « contribution employeur » de l'Etat au compte d'affectation spéciale « Pensions » ont augmenté, passant de 49,9 % en 2006 à 55,71 % en 2008 au titre des personnels civils, et de 100 % en 2006 à 103,5 % en 2008 au titre des personnels militaires. Les enjeux financiers sont donc essentiels pour les comptes de l'Etat.

Saisie le 3 octobre 2006, la Cour des comptes a remis son rapport le 16 octobre 2007. La communication de la Cour des comptes s'inscrit dans un contexte particulier relatif à la fois à la professionnalisation des armées et à la refonte des retraites des personnels civils et militaires de la fonction publique datant de 2003.

Afin d'avoir une vision complète du sujet, la Cour des comptes a donc porté ses investigations sur la procédure et sur le fond du sujet. Elle a articulé ses observations en s'intéressant tout d'abord aux procédures complexes de liquidation des pensions, puis, en examinant, dans un second temps, les procédures d'affiliation rétroactive. Dans un troisième temps, elle a examiné les particularités des pensions de retraites militaires : départs précoces, bonifications, etc. Enfin, la Cour des comptes a procédé à des comparaisons internationales

Il est apparu que les procédures mises en oeuvre pouvaient faire l'objet de simplification, de fiabilisation et de gains de productivité.

De plus, la Cour des comptes souligne que le système de pensions militaires existant représente un enjeu majeur pour les finances de l'Etat, et qu'il semble avantageux lorsqu'on le compare aux systèmes allemand, anglais et américain.

Dans la perspective du « rendez-vous » de 2008 sur les retraites, l'enquête de la Cour des comptes sur les pensions militaires doit être examinée avec la plus grande attention. La présente audition, comme les précédentes qui ont été organisées après livraison d'enquêtes de la Cour des comptes, a pour objet principal de faire en sorte que les travaux réalisés et les rapports publiés connaissent une suite effective, ce dont nous souhaitons nous assurer.

Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Jean Hernandez, président de la 2 ème chambre, M. Bruno Rémond, conseiller maître, M. Jean-Luc Vivet, conseiller maître, ainsi que M. Christophe Bigand, rapporteur extérieur de la 1 ère chambre.

Le ministère de la défense est représenté par M. Bruno Bordone, conseiller technique pour les affaires budgétaires, M. Olivier Baour, conseiller technique pour les affaires sociales, M. Jacques Feytis, conseiller social au cabinet du ministre et M. Jacques Roudière, directeur des ressources humaines.

Le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique est représenté par M. Stéphane Bonnet, conseiller technique pour la rémunération, les retraites et la masse salariale au cabinet du ministre. M. François Carayon, sous-directeur à la direction du budget, est excusé.

Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires de la Cour des comptes et des administrations concernées se limitent aux observations principales, sachant que l'enquête de la Cour des comptes a déjà été diffusée aux membres de la commission.

Ensuite, je donnerai prioritairement la parole à nos rapporteurs spéciaux. Enfin, chaque commissaire qui le souhaitera, pourra librement poser ses questions. Je tenais à saluer tout particulièrement la présence de M. André Dulait, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui aura sans doute également d'intéressantes remarques à apporter au débat.

Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.

Pour commencer, je donne la parole à MM. Jean Hernandez et Jean-Luc Vivet, pour présenter les points principaux de l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur l'évolution des retraites militaires depuis la professionnalisation des armées.

M. Jean Hernandez , président de la 2 ème chambre - Merci.

Tout d'abord, quelques chiffres-clés sur les retraites militaires.

Il y a 345.000 militaires en activité dont 123.000 ayant un droit ouvert, c'est-à-dire une ancienneté supérieure à 15 ans et 514.000 pensionnés dont 362.000 ayants-droit. Ceci représente 7,4 milliards d'euros de charges annuelles pour l'Etat, le taux retenu pour le calcul de la part employeur étant de 101,5 % par rapport à la masse salariale -la solde de base- contre 51,5% dans le cas des civils.

Enfin, le montant des pensions versées est de 8,5 milliards d'euros, soit un ensemble d'enjeux non négligeable.

Nous allons évoquer successivement les structures de gestion des pensions, le régime des pensions militaires proprement dit et ses conditions d'application.

Le ministère de la défense compte trois niveaux de traitement, un niveau élémentaire situé dans les corps de troupes, bases aériennes, etc., représentant 600 bureaux environ, six organismes gestionnaires concentrant les informations de chaque armée, la sous-direction des pensions localisée à La Rochelle et rattachée à la direction des ressources humaines du ministère de la défense 11 ( * ) , qui a pris le relais du service de pensions des armées créé en 1965.

La sous-direction des pensions (SDP) a pour correspondant le service des pensions du ministère de l'économie et des finances implanté à Nantes. La SDP préliquide 14.000 dossiers de pensions proprement dites sous diverses formes -liquidation de retraites, soldes de réforme, soldes de réserve, révisions et réversions. Ces opérations sont assez lourdes et caractérisées par une informatisation aujourd'hui incomplète. Le déploiement du système PIPER -production d'informations sur les personnels- est aujourd'hui incomplet.

Des difficultés existent, en particulier, la fusion des données, soldes et ressources humaines génère souvent des conflits de données au niveau des différentes armées qui n'en sont pas au même stade d'informatisation, ce qui conduit à des solutions transitoires. La fiabilité des traitements en est affectée et la SDP est amenée à effectuer un travail de rectification et de vérification important.

J'en arrive au régime de pensions civiles et militaires proprement dit. Tout d'abord, ce régime répond à des sujétions particulières qu'il ne faut pas ignorer quand on analyse le sujet. Au-delà des risques physiques inhérents au métier des armes, il faut signaler la disponibilité et les mutations multiples qui ont des effets en matière de revenus et de constitution de patrimoine. Il faut ajouter à cela, ce qui est particulier aux pensions militaires, que le régime des pensions militaires est un moyen de gestion des carrières, peut-être plus que pour les pensions civiles.

Quelles sont les caractéristiques du système des pensions militaires ? Tout d`abord, une similitude entre les systèmes de pensions civiles et militaires : le droit à pension est ouvert après 15 ans de service. Il existe deux particularités pour les pensions militaires. En premier lieu, l'entrée en jouissance de la retraite est immédiate pour les militaires qui ont accompli 15 ans de service pour les sous-officiers et 25 ans pour les officiers, sans âge minimum donc. En second lieu, le poids des bonifications est significatif dans le calcul des pensions militaires et dans la base de liquidation.

On peut distinguer deux catégories de militaires pour lesquels les conditions de gestion aussi bien que la charge sont différentes : les militaires dont l'ancienneté est inférieure à 15 ans de service qui n'ont pas droit à une pension militaire et les militaires dont l'ancienneté est supérieure, qui relèvent du code des pensions civiles et militaires de retraite, quels que soient leur statut, carrière ou contrat.

Les militaires dont l'ancienneté est inférieure à 15 ans suivent le régime de droit commun avec une affiliation rétroactive à la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) et à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC). C'est probablement la catégorie qui a été le plus influencée par la professionnalisation des armées. Le nombre des militaires radiés sans droit à pension est passé de 10.000 environ à près de 20.000 entre 2000 et 2005. Il s'agit principalement de militaires du rang, dont les effectifs évoluent selon la politique de recrutement des différentes armées.

La moyenne de l'ancienneté de service des militaires du rang est d'un peu plus de 5 ans. Une partie de ces militaires a vocation à intégrer le statut de sous-officier engagé, et le passage de la limite de 15 ans de service représente un enjeu considérable pour les intéressés et pour les finances publiques.

La charge pour l'Etat de l'affiliation rétroactive au régime général s'est établie en 2005 à 117 millions d'euros de versement à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et 29 millions d'euros à l'IRCANTEC.

Les effectifs des militaires dont l'ancienneté est supérieure à 15 ans sont en progression. Au 31 décembre 2006, 123.000 militaires avaient acquis un droit à pension contre 119.000 au 31 décembre 2004. Par grade, au 31 décembre 2006, 62,6 % des officiers avaient une ancienneté supérieure à 15 ans et 50,8 % des sous-officiers, ce qui crée des droits à pension non négligeables.

Des projections ont été demandées par la Cour au ministère de la défense sur les effectifs et les entrées futures dans le régime des pensions militaires ainsi que sur le nombre des pensionnés. Selon les estimations, les hypothèses sont prudentes. Les départs en retraite augmenteraient de 20 % environ entre 2007 et 2020 mais, compte tenu du stock existant, on aurait une certaine stabilisation du nombre de pensionnés aux alentours de 516.000 en 2017.

Ces projections ont été articulées prudemment compte tenu de la révision en cours des statuts particuliers des militaires et des choix en cours d'élaboration sur le format futur des armées. Deux éléments doivent être relevés, la faible incidence à une échéance proche de la réforme des retraites et l'évolution des bonifications.

La réforme des retraites n'aura qu'un impact limité à moyen terme puisque ne sont pas concernés les personnels ayant un droit à retraite déjà ouvert au 31 décembre 2003. En 2006, 22 % des officiers et 40 % des sous-officiers ne sont pas concernés par les nouvelles dispositions de la loi. En 2006, seulement 34 % des dossiers ont été liquidés sur la base des nouvelles dispositions.

Un autre élément est susceptible de jouer sur le montant des pensions. Il s'agit de l'évolution des bonifications dont on a vu qu'elles constituaient un élément important du régime des pensions militaires. Les bonifications les plus importantes sont bien connues : la bonification du 5 ème qui majore tous les services militaires, la bonification pour campagne qui trouve notamment à s'appliquer dans le cadre des opérations extérieures (OPEX). En 2006, les bonifications liquidées en moyenne à ce titre s'élèveraient à 2,8 ans pour 7.562 militaires. La bonification pour service aérien, aquatique ou subaquatique se serait élevée à 5,2 ans en 2006 pour 7.949 personnes. Après écrêtement, l'ensemble des bonifications a permis d'accroître le nombre des annuités liquidables de 7,5 ans en 2001. L'impact des mêmes bonifications a été de 8,5 ans en 2003.

Les conséquences de ce dispositif sont de deux ordres : tout d'abord, le niveau de retraite est peu affecté par la brièveté de l'activité. Un militaire partant en moyenne à la retraite à 46 ans avec une ancienneté de 26 ans dispose d'une pension équivalente à celle d'un fonctionnaire civil dont l'âge et l'ancienneté sont plus élevés de 10 ans, soit un départ à 57,5 ans. Quant au montant moyen de la retraite, il est de 17.300 euros pour le militaire contre 17.000 euros pour le personnel civil. Le système des pensions militaires est conçu pour favoriser des départs précoces : l'âge moyen de départ d'un officier est de 50 ans avec une ancienneté de service de 30 ans, l'âge moyen de départ d'un sous-officier est de 46 ans avec une ancienneté de 26 ans.

Nous avons essayé de réunir quelques indications sur les systèmes étrangers. Il ne s'agit pas d'une étude systématique faite par la Cour mais de renseignements fournis par les attachés de défense des pays concernés. Il nous a semblé que le système allemand était moins favorable que le système français. Seuls les militaires de carrière sont concernés. L'âge de départ est fixé à 60 ans et le calcul de la pension est limité à 71,75 % de la solde d'activité qui intègre en contrepartie le complément familial.

Le système américain est contrasté : il est globalement plus favorable pour les militaires ayant plus de 20 ans de service mais les modalités de calcul sont pénalisantes. Enfin, le système anglais paraît plus favorable. Le niveau de la solde d'activité est supérieur et un pécule est versé lors du départ à la retraite.

Ces comparaisons sont intéressantes dans la mesure où elles montrent que tous les systèmes de pensions militaires ont des particularités qui leur sont propres ; en second lieu, peut-être les différents systèmes montrent-ils des conceptions un peu différentes de la condition militaire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Je vous remercie de cette présentation. La parole est maintenant au ministère de la défense.

M. Jacques Feytis, conseiller social au cabinet du ministre de la défense - J'apporterai tout d'abord une première réponse synthétique à l'exposé de la Cour et j'introduirai mon propos en vous remerciant de nous donner l'occasion d'aborder à cette période-ci le sujet des pensions du personnel militaire.

La présentation faite par la Cour semble indiquer que notre dispositif de retraite présente quelques avantages pour le personnel militaire ; du reste, le communiqué de presse de votre assemblée signifiait que ces retraites semblaient particulièrement favorables.

En effet, cette première analyse peut être menée ; toutefois, au total, il faut remarquer que le taux de remplacement constaté par l'application de notre système de retraite s'établit, pour les militaires, à une hauteur de 48 % quand, pour le personnel de l'ensemble de la société française, il s'élève à 70 %. Mais notre système de retraite, tel que présenté par le Haut comité d'évaluation à la condition militaire, dans son premier rapport transmis aux assemblées il y a à peine plus d'un an, est avant tout bâti pour permettre de conserver une armée jeune. Ce n'est pas son application qui aboutit à des départs précoces mais c'est bien parce que nous devons avoir des départs précoces que ce système a été bâti.

Par ailleurs, les activités militaires, depuis que les armées se sont professionnalisées, se sont accrues sur les théâtres extérieurs et les bonifications pour campagnes et activités spécifiques se sont également accrues du fait de l'accroissement de ces opérations extérieures.

Quant aux comparaisons extérieures internationales, le rapport du Haut comité d'évaluation les met bien en perspective, notant il est vrai quelques avantages particuliers du système des pensions militaires français mais notant aussi quelques désavantages pour ce qui concerne le régime de rémunération des militaires.

Enfin, avant de laisser la parole à Jacques Roudière, qui pourra démontrer l'équilibre général de ce dispositif, je voudrais souligner que le ministère de la défense et les institutions militaires en général ont, au cours des dernières années, connu nombres d'évolutions significatives, toutes orientées autour d'une question fondamentale : sommes-nous parfaitement adaptés à ce que la Nation attend de nous ?

A ce titre, en 1996, a été initiée par le Président de la République de l'époque la professionnalisation des armées. Cette professionnalisation n'est pas totalement achevée. Certes, nous avons remplacé le personnel appelé par du personnel engagé ; c'est une étape significative mais ce n'est pas la dernière du processus de professionnalisation.

Nous avons également engagé en 2004 une réforme du statut général des militaires pour savoir s'il était adapté. Il a été réformé. Le système militaire s'est interrogé et a apporté une réponse. D'ailleurs, l'une des réponses majeures apportée lors de l'examen du statut général des militaires a été d'organiser une plus grande cohésion entre les militaires, quel que soit leur lien au service, qu'ils soient contractuels ou de carrière.

Dans la suite de ces travaux, les statuts particuliers sont également rénovés pour savoir si nos armées disposent des outils statutaires adaptés aux missions que l'on attend d'elles ; nous allons, dans le cadre de ces nouveaux travaux, accroître la sélectivité des parcours, leur différenciation et tâcher d'améliorer leur attractivité.

Mais en 2003, au milieu de l'ensemble de ces travaux, les retraites ont été retouchées pour l'ensemble de la communauté nationale et la communauté militaire n'a pas été exonérée. Les évolutions ont été significatives ; l'une d'entre elles a concerné les limites d'âge, contribution importante pour la communauté militaire puisqu'elle contrevenait d'une certaine manière au principe général énoncé que nous avons besoin de militaires jeunes pour effectuer leurs missions.

Aujourd'hui, le ministère est engagé, comme l'ensemble de l'appareil d'Etat, dans une vaste révision générale des politiques publiques ; à nouveau, l'ensemble de ces travaux s'articule autour de la question de savoir si nous sommes correctement organisés pour répondre aux missions qui sont les nôtres.

Je vous propose que l'ensemble de ces échanges -ce sera en tout cas la contribution de la défense- s'organise autour de cette question : notre dispositif de retraite est-il organisé pour permettre aux armées de répondre aux missions qui leur sont confiées ?

M. Jacques Roudière, directeur des ressources humaines - Je pourrais ajouter que ce qui caractérise la gestion des ressources humaines (GRH) des militaires, par rapport à celle que l'on trouve dans le reste de la fonction publique, c'est la notion de gestion de flux. Nous sommes la seule fonction publique à gérer nos personnels en flux. Nous embauchons 30.000 personne par an, nous remettons sur le marché 30.000 personnes par an. Personne d'autre ne le fait. C'est une caractéristique essentielle de notre GRH et je crois que toute la clé de compréhension du système est dans cet élément.

Si l'on veut bien comprendre que, pour gérer nos personnels, nous devons avoir des flux entrants et des flux sortants, on comprend tout de suite comment fonctionne le système de pensions.

D'ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que ce système a été mis en place en 1814 et 1923, à des moments où il fallait que les effectifs des armées puissent baisser rapidement et dans de bonnes conditions, à la fois de décence pour les gens concernés et à la fois sur le plan plus général d'attractivité et de facilitation sociale de ce type de dispositif.

Aujourd'hui, nous n'avons qu'un seul mot pour désigner les deux concepts fondamentalement différents que sont l'avantage vieillesse que l'on donne à des gens qui partent à leur limite d'âge dans leur carrière et l'instrument de solde différée que l'on remet aux militaires pour leur permettre une seconde carrière, afin de favoriser ces flux sortants. Nous souffrons beaucoup de ce mot unique parce qu'il attire parfois des jugements trop rapides -mais ils ne résistent pas longtemps à l'analyse.

Ce système de pension a beaucoup évolué en 2003 puisqu'il figure dans le même code que celui de la fonction publique. Nous avons en effet allongé la durée de cotisations et mis en place un système de décote pour carrière courte et pour carrière longue, ce qui est un non-sens par rapport aux objectifs de départs rapides et de renouvellement que nous souhaitions. Il est en effet totalement contradictoire d'avoir une décote pour carrière courte et de vouloir faire partir des gens très tôt pour maintenir une moyenne d'âge relativement basse. En revanche, la décote pour carrière longue, après 50 ans, s'assimile à ce que l'on peut trouver par ailleurs.

Ce système est adapté à trois impératifs vraiment forts dans notre système de gestion en flux, étant entendu que nous agissons surtout sur les flux sortants. Pourquoi pas sur les flux entrants ? Parce que ce sont des jeunes gens qui, à la sortie des grandes écoles ou au recrutement, vont dans les opérations. C'est donc un système qui nous aide à maintenir la moyenne d'âge des armées à un peu plus de 30 ans. C'est le premier objectif. Ce n'est pas le cas de toutes les armées avec lesquelles nous avons fait des comparaisons. Certaines sont plus âgées. Il faut donc savoir quel modèle on veut avoir et ce qu'on attend de lui.

Le second objectif est l'attractivité du métier militaire. Ne nous trompons pas : une armée professionnelle, ce n'est pas une armée de conscription ; elle ne recrute pas par le fait de la loi, elle recrute par le fait de son attractivité et nous sommes aujourd'hui le premier recruteur sur le marché de l'emploi, qui n'est pas un marché très facile, surtout dans les spécialités dont on peut avoir besoin. Aujourd'hui, nous avons quelques inquiétudes sur nos systèmes de recrutement. Le taux de présentation aux portes des casernes pour l'armée de terre est ainsi passé d'un peu plus de 2 à 1,8 et nous sommes alertés par cet état de fait. Nous ne voulons en effet pas avoir les difficultés de recrutement d'autres pays qui ont professionnalisé en même temps que nous.

Le troisième objectif est une espèce de compensation différée des contraintes militaires. Il est intéressant, quand on fait la comparaison avec le modèle britannique, de comparer les masses salariales. La masse salariale de l'armée française, pensions comprises, n'est pas supérieure à la masse salariale, pensions comprises, de l'armée britannique -au contraire, elle est inférieure pour un effectif quasiment égal.

Ces retraites que nous versons à des jeunes gens qui ont autour de la trentaine jusqu'à leur décès constituent une compensation différée ; si, au lieu de le donner à ce moment là, on le mettait dans la solde active, on arriverait à des sommes comparables à celles payées à nos camarades britanniques. Il ne faut pas juger ce système à l'aune du système d'assurance vieillesse ou de retraite qui est celui du reste de la fonction publique. C'est un système différent, avec des concepts différents.

Nous avons des outils pour mettre cela en place. Ce sont des limites d'âge basses, 74 % des militaires ont une limite d'âge à 57 ans, un droit à liquidation anticipée inventé en 1914 et en 1923, des possibilités de cumuls entre un salaire et une pension, ce qui montre bien qu'il s'agit plutôt d'un élément de salaire différé, et enfin des bonifications qui sont orientées autour de trois grands outils. Il s'agit d'une bonification du 5 ème qui concerne tout le service actif dans la fonction publique, de bonifications de campagnes qui existent aussi dans la fonction publique sous le nom de bonifications de dépaysement et de bonifications pour risques qui concernent essentiellement les pilotes et les sous-mariniers.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Merci. Le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique a-t-il des observations ?

M. Stéphane Bonnet, conseiller technique pour la rémunération, les retraites et la masse salariale au cabinet du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique - Quelques remarques liminaires, d'une part pour souligner la qualité des travaux de la Cour des comptes concernant ce rapport, et d'autre part son utilité pour permettre au Parlement d'arrêter une position sur la question des retraites, en vue de la réforme qui s'ouvre prochainement à l'occasion du rendez-vous de 2008.

Ce rapport doit être effectivement examiné à l'aune de deux éléments, d'une part la gestion des âges, et d'autre part la manière dont les armées étrangères, qui ont la même problématique mais n'y ont pas nécessairement répondu de la même manière que la France, ont traité ce sujet. Ces travaux comparatifs permettent de voir comment, le cas échéant, faire évoluer le système français. Comme l'a fait remarquer le ministère de la défense, les pensions militaires recouvrent deux objets, un objet retraite et un objet allocation de remplacement et de réinsertion dans la vie civile, ce qui donne un caractère hybride à la pension de retraite militaire par rapport à une pension de retraite civile standard.

Ce caractère hybride se traduit néanmoins par des dépenses assez importantes. Comme l'a rappelé la Cour des comptes, on a 10,5 milliards d'euros pour la masse salariale des actifs militaires et environ 8,6 milliards d'euros pour celle des retraités militaires. Le budget de la défense sert donc à peu près autant d'argent aux retraités qu'aux actifs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Finalement, cela fonctionne bien ! J'ai souvenirs d'un rapport sur le service des pensions qui était assez critique : on comptait 3.000 salariés pour les pensions versées par l'Etat ; or, de l'aveu même des responsables, il y avait au moins 1.200 postes en trop !

Dans cet ensemble des pensions, ceux qui participent au service des pensions militaires sont-ils à ce point efficaces, compétitifs que les sureffectifs ne concerneraient que le régime des pensions civiles ?

M. Jean Hernandez - Nous n'avons pas eu tout à fait cette position !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Il y a des gains de productivité mais je ne l'ai pas entendu dans votre rapport.

M. Jean Hernandez - J'ai essayé d'être bref ! Ces points-là n'ont pas été contestés par le ministère de la défense. Je crois que sur le plan de la gestion, et c'est développé dans le rapport, il y a des gains de productivité assez importants à réaliser, d'autant qu'un certain nombre de prestations qui existaient autrefois, soldes de réversions et autres, ne sont plus véritablement une charge pour la SDP.

L'un des problèmes qui a été assez largement souligné par le rapport, c'est aussi la difficulté à mettre en place un système informatisé de gestion des pensions à l'heure actuelle au sein des armées. Ceci tient à un certain nombre de problèmes de saisie d'informations à la base. Tout ceci fait que je crois que le système de gestion des pensions pourrait être très sérieusement amélioré.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Le ministère de la défense en est-il conscient ?

M. Jacques Feytis - Depuis que le premier rapport a été rédigé, les choses ont beaucoup évolué. Nous n'avons plus 1.200 agents dans notre service des pensions, ce qui montre que nous avons sans cesse recherché l'optimisation et celle-ci le sera toujours, notamment autour de l'amélioration de notre système d'information. Cela étant, le traitement technique et administratif des pensions ne doit pas nous amener à porter un jugement d'ensemble sur le régime lui-même.

M. Jacques Roudière - Le SDP de La Rochelle compte 375 personnes aujourd'hui. Il a une particularité : à ma connaissance, c'est le seul qui ait fait certifier ISO 9001 sa chaîne de traitement des pensions militaires. En outre, ce service traite 360.000 pensions militaires d'invalidité ainsi que les maladies professionnelles et les accidents du travail.

Cela dit, ce service a souffert comme tous les autres des difficultés d'informatisation qui ont marqué la fonction pensions. Nous avons beaucoup d'espoir aujourd'hui, avec la mise en place du compte individuel de retraite (CIR), de pouvoir recourir à des dispositifs dématérialisés qui aillent des systèmes d'information de chacune des armées vers le service des pensions de l'Etat. Ceci nous permettra de finir cette réforme commencée en 1962. Certes, les choses ne vont pas vite mais l'essentiel est qu'elles évoluent dans le bon sens !

Nous aurons de ce fait des CIR qui pourront être en contact direct avec la SDP de l'Etat, même s'il ressort des travaux interministériels conduits aujourd'hui que nous ne pourrons pas nous passer d'une structure ministérielle, chargée au moins de coordination, de vérification des données et d'expertise.

La reconsidération des activités de la sous-direction des pensions notamment eu égard à ses missions, en matière de pension de retraite, avec la création du compte individuel retraite, et l'adaptation de ses effectifs en termes de soutien pourraient conduire à une économie de 116 postes sur ses effectifs actuels.

Il y a dans cette matière, qui se prête beaucoup à la dématérialisation des flux, un certain nombre d'espoirs de rationalisation qui sont devant nous même si, depuis plusieurs années, nous n'avons cessé de faire progresser ces systèmes. Nous avons, au ministère de la défense, plus d'une dizaine de systèmes d'information différents. Bien sûr, nous pouvons évoluer vers un système d'information unique -et c'est le chemin que nous avons pris mais...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Très bonne idée !

M. Jacques Feytis - J'attire votre attention sur le fait que les Britanniques, qui ont professionnalisé en 1962, n'ont mis au point un système d'information des ressources humaines unique qu'en 2004. J'espère que nous ferons mieux : c'est notre ambition !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Nous n'étions pas inquiets mais nous sommes heureux de vous entendre confirmer ces engagements. La parole est aux rapporteurs spéciaux.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial - Nous sommes parfaitement conscients que nous avons avec les pensions militaires un système tout à fait différent du système des pensions civiles. Je ne poserai donc pas de questions sur la comparaison des systèmes civils et militaires. Je resterai dans l'optique militaire.

La première observation que je me permets de faire -vous y avez d'ailleurs partiellement répondu tout à l'heure- c'est que nous avons au fond un système de pension qui paraît relativement robuste face aux chocs qui ont été ceux de la professionnalisation et de la loi sur les retraites, conçu pour pouvoir supporter le choc de réductions d'effectifs.

Cependant, je ne sais si l'on peut dire que le système est figé et j'aimerais que l'on puisse voir dans quelle direction il peut aller sur le plan de la professionnalisation. Le rapport de la Cour des comptes a indiqué qu'il y avait un effet de seuil considérable de 3.600 à 7.200 euros de pension selon que le départ en retraite se fait à quinze ans, moins ou plus un jour. Ce système dual peut-il fonctionner de façon satisfaisante ? Ceci conduit naturellement les services de gestion à faire en sorte de ne pas poursuivre les engagements au-delà de 10 ou 11 ans, sous peine de passer à un système infiniment plus coûteux pour les finances publiques. Cet effet de seuil est-il donc justifié ? L'autre choc est celui de la loi de 2003. Actuellement, dites-vous, cette loi ne s'applique pas aux personnels qui bénéficient de l'ancien système. Lorsque cet effet disparaîtra, pourra-t-on conserver le système actuel ?

Ma seconde observation porte sur l'évolution du coût de la cotisation employeur pour le budget de la défense, qui est évalué à 8 milliards d'euros. Quelle signification donne-t-on au taux de la cotisation employeur ? Qu'arriverait-il si l'on avait une baisse des effectifs militaires ? J'entends dire que c'est une éventualité qui pourrait être mise à l'étude. Naturellement, la cotisation employeur augmenterait mécaniquement mais je me demande si le mode de calcul doit reposer sur la cotisation employeur. Comment le ministère de la défense envisage-t-il le cycle de vie militaire, de manière à avoir d'autres méthodes de calcul que cette méthode extrêmement grossière ? Comment l'impact sur les retraites est-il pris en considération dans les prévisions qui sont actuellement faites sur l'évolution des effectifs militaires ? De façon plus générale, j'aimerais connaître les prévisions d'évolution à court et moyen termes du volume de cette cotisation employeur.

Ma troisième observation porte sur la productivité de l'organisation des pensions dans l'armée. Si j'ai bien compris, on avait envisagé il y a quelques années de se passer du niveau 2 de traitement des pensions. Je comprends très bien que nous ayons des systèmes très différents au niveau des unités mais ce niveau 2 est-il nécessaire ? La suppression du calcul des pensions de réversion et des systèmes de révision aurait dû permettre d'obtenir une amélioration de la productivité de 40 %, ceci n'a pas été obtenu. Un effort de mutualisation pourrait-il permettre de réduire les coûts ?

M. Jacques Feytis - M. le rapporteur spécial nous interroge pour connaître la plasticité qui demeure et vers quel type d'évolution on pourrait aller à partir de ce système. J'ai envie de répondre que le système tel qu'il est aujourd'hui nous permet déjà d'envisager avec une relative sérénité les évolutions d'organisation de notre ministère. J'indiquais que nous n'avions pas totalement achevé la professionnalisation. L'étape qui reste devant nous est une étape d'organisation. Lorsque la professionnalisation a eu lieu, nous avons réduit le volume de nos forces, notamment dans le domaine opérationnel, avec la fermeture d'une centaine de régiments. Cet effort a porté principalement sur les forces opérationnelles parce que c'est là qu'étaient les appelés que nous avons dû remplacer par des militaires du rang engagés.

Demain -et, à cet égard, la révision générale des politiques publiques nous y aide- nous allons rationaliser nos soutiens. C'est un engagement du ministre de la défense. Notre dispositif de pensions militaires de retraite nous aide à avoir une armée jeune. Pour encourager les volumes de militaires qui pourraient être concernés par la rationalisation des services de soutien et qui restent à déterminer, nous aurons demain à inciter un certain nombre de nos personnels à se reconvertir et notre dispositif de pensions militaires de retraite sera utile.

Nous avons donc d'ores et déjà un outil qui en lui-même est nécessaire pour envisager la fin de la professionnalisation dans sa phase organisationnelle. La césure autour des 15 ans, à ce stade, ne nous paraît pas un motif de blocage, au contraire : si nous avons besoin d'une armée jeune, nous avons besoin de garder nos militaires quelques années avant de les rendre à la vie civile, ne serait-ce que pour rentabiliser l'effort important de formation, sans quoi votre commission, sans doute, nous en ferait-elle reproche. Si nous avons une limite à 15 ans, nous avons la possibilité avant 15 ans d'utiliser nos jeunes militaires du rang. Je pense que le système tel qu'il est aujourd'hui nous permet d'appréhender l'avenir de notre organisation et son évolution avec le sentiment de disposer de bons outils.

S'agissant de la loi de 2003, la légère avancée en matière de limite d'âge est effectivement, en première analyse, un peu contradictoire avec cet impératif de jeunesse souligné par tout le monde, mais nous avons la possibilité de régler la part de militaires de carrière que nous souhaitons conserver, qui pourront servir de soutiens et de conserver, sur un vaste périmètre très opérationnel, les militaires contractuels qui représentent aujourd'hui une part très importante de notre effectif et qui, demain, pourront représenter une part encore plus importante.

M. Jacques Roudière - M. Yves Fréville posait la question du modèle contrat-carrière. Ce modèle est aujourd'hui à 55-60 % contractuel. On peut faire un peu plus. La séparation entre militaires contractuels et militaires de carrière peut être ajustée. La seule contrainte est de rester attractif. Les jeunes qui entrent dans les armées savent qu'ils doivent passer par une phase de contractualisation mais ce qui les intéresse quand même, au bout d'un certain temps, c'est de pouvoir entrer dans ce système de carrière. La moitié de nos sous-officiers viennent des militaires du rang et la moitié de nos officiers viennent des sous-officiers. Le taux de 55-60 % a fait ses preuves. On peut le faire évoluer. Cela fait partie des réflexions que l'on peut avoir dans le cadre du Livre blanc.

Par ailleurs, la communauté militaire ne comprend pas très bien qu'on lui fasse reproche de n'appliquer la loi de 2003 qu'au moment où les droits à retraite sont acquis. Ce n'est-ce pas une mesure catégorielle qui a été prise pour être favorable aux militaires mais un principe général qui dit que les droits à retraite sont appréciés au moment où ils sont acquis. C'est vrai à 55 ans pour tous les gens du service actif dans la fonction publique et à 60 ans pour tous les fonctionnaires. Il se trouve que, dans le système militaire, les droits à retraite sont acquis à d'autres moments. Ce n'est pas une manoeuvre pour ne pas se voir appliquer les règles de la loi de 2003, bien au contraire. Les règles de la loi de 2003 ont été appliquées aux militaires comme au reste de la fonction publique. La communauté militaire souffre un peu de la présentation que certains peuvent faire de cette application.

Vous avez souligné le problème du coût pour l'employeur qui est égal à la masse salariale indiciaire servie aux militaires et du danger de voir évoluer défavorablement ce taux de couverture avec la baisse des effectifs d'active. Comme je l'ai dit, nous avons une approche globale de la masse salariale et non une approche qui oppose salaire d'active et pension. Certes, le taux de contribution est le double de ce qui existe dans la fonction publique mais notre modèle est ainsi fait. Ce qui compte, c'est de savoir si nos armées sont capables de répondre aux missions qu'on leur assigne. Il existe une solution beaucoup plus radicale qui est de basculer la totalité de la masse salariale sur les salaires d'active. Cela permettrait à nos militaires d'être payés comme leurs camarades britanniques et cela serait pour nous une situation plus confortable. Je précise que les pensions des Britanniques leur sont quand même servies ensuite.

Vous avez également abordé le point de la productivité. Nous avons la volonté, grâce à l'informatique, d'améliorer la productivité de ce système de pensions. Vous avez souligné les charges en moins ; permettez-moi de souligner les charges en plus qui ont été prises en charge, notamment du fait de la loi sur la décristallisation qui provoque des tombereaux de courriers en provenance de pays amis qui demandent à que l'on décristallise un certain nombre de pensions. Bien évidemment, les services qui en ont la charge n'ont pas bénéficié d'effectifs supplémentaires. Nous avons également mis en oeuvre le droit à l'information sur les pensions sans moyen supplémentaire. Ceci a été pris sur les enveloppes de personnel, dont je conviens qu'elles sont importantes aujourd'hui et qu'on peut les faire évoluer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - S'agissant de la question relative au coût des pensions et au pourcentage que représente le taux de contribution au compte d'affectation spécial « Pensions », la question ne se poserait pas si l'Etat constituait une provision pour charges de retraites et s'il y avait une « dette pour retraites à servir ». Si l'on avait l'équivalent d'une caisse de retraite, il faudrait chaque année passer un taux de cotisation qui ne varierait pas en fonction du nombre de cotisants ou d'actifs mais qui tiendrait compte des droits acquis par chacun des bénéficiaires, qu'ils soient en activité où à la retraite.

M. Yves Fréville - Je voudrais avoir une réponse plus précise à ma question sur les coûts. Supposons que nous réduisions les effectifs militaires de 10.000 personnes. Vous avez dit que nous avions un système à la fois robuste et flexible. Le ministère de la défense est-il aujourd'hui capable de dire quelle serait la réduction des soldes d'activité d'activité et les conséquences sur les pensions militaires, sachant qu'il existe deux hypothèses suivant que l'on touche aux engagés ou aux militaires de carrière ?

M. Jacques Feytis - On dispose bien évidemment de modèles qui nous permettraient d'approcher des réponses dans ce domaine mais, aujourd'hui, notre problématique est d'adapter nos organisations. Il ne s'agit pas que le ministère soit contraint, dans ses schémas d'organisation, d'intégrer à ce stade les modalités de calcul que vous indiquez. Nous devons avant tout bâtir des organisations adaptées aux missions. J'insiste sur ce point.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - J'imagine que le pourcentage que vous appliquez tient compte de la charge de pensions qu'il faudra verser dans l'année qui vient. Le compte des pensions est à peu près équilibré...

M. Stéphane Bonnet - Le système est assez simple. On part d'une masse de pensions estimée devant être payée l'année considérée. On divise ce montant par l'assiette, ce qui donne un taux de cotisations d'équilibre de l'ensemble. On compare les charges et l'assiette des actifs. Cela donne un taux de cotisations employeur qui prend en compte les recettes des salariés en termes de cotisations.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Monsieur le rapporteur spécial, estimez-vous avoir reçu réponses aux questions que vous avez posées ?

M. Yves Fréville - Pas tout à fait !

M. Jacques Roudière - Nous avons à arbitrer entre personnels d'active et bénéficiaires d'une pension dans les choix que nous avons devant nous. 20.000 personnes sont remises chaque année sur le marché sans droit à pension. Il y a donc des marges de ce point de vue. Il est évident que si l'on baisse nos effectifs en en faisant des pensionnés, on diminue le coût des actifs et on augmente le coût de pensionnés.

Vous nous demandez une prévision de cet équilibre. Nous avons, grâce à la LOLF, une gestion de notre masse salariale qui inclut les pensions. Nous avons donc bien une approche globale et nous devons la traiter dans cette globalité. Ceci doit pouvoir répondre à votre observation.

M. François Trucy, rapporteur spécial - Je suis contrasté dans mes réactions ; du côté très positif, je retiens la qualité, la précision, le ciblage remarquables de la Cour et le mérite du ministère de la défense de nous avoir apporté beaucoup de réponses, en particulier en nous rappelant à quel point il n'est pas facile de rendre des métiers militaires attractifs, en conserver la jeunesse et compenser autant que faire se peut les multitudes de sujétions que subissent les militaires. C'est très positif et on ne peut que défendre les bonifications qui sont liées à telle ou telle sujétion, comme il en existe dans toutes les administrations et dans tous les corps de l'Etat.

La principale attractivité qui fait la qualité des forces armées française actuellement, quelle que soit l'arme mais en particulier dans l'armée de terre, c'est la participation aux OPEX. Sans elle, vous n'auriez pas la moitié des demandes d'engagements dans l'armée de terre. Il suffit de rencontrer les officiers, les sous-officiers, les hommes du rang, pour savoir à quel point c'est un élément fort qui nous permet de dire que les forces armées françaises sont aujourd'hui à un très bon niveau international de compétences et de forme.

Cependant, je n'arrive pas à comprendre pourquoi il est si difficile d'informatiser un grand système administratif tel que celui des pensions militaires. Le cas du ministère de la défense n'est pas isolé mais le parlementaire de base que je suis ne peut s'en satisfaire. Quand un système est compliqué, la passion qui devrait animer les services devrait être de le simplifier le plus vite et le mieux possible. Cela coûterait moins cher et on n'aurait pas été pris à contre-pied par la masse de travail de la « décristallisation » des pensions. Si l'informatisation avait été poussée auparavant, on aurait été mieux à même de répondre à cette demande. Quelle motivation manque-t-il donc à ce grand corps pour réaliser ce travail absolument essentiel ?

Au risque de me fâcher avec un certain nombre d'amis militaires, je retiens que le placement en deuxième section des officiers généraux se traduit par un avantage fiscal qui n'est pas négligeable. En échange, ceux-ci sont susceptibles d'être appelés jour et nuit pour reprendre du service. Je ne le conteste pas mais je pose la question : quelqu'un sait-il combien de fois, dans les dix ans précédents, il a été fait appel à quelqu'un, volontaire ou non, de la deuxième section pour reprendre du service ? C'est un élément qui me paraît intéressant. Quand un avantage fiscal, légitime, a été établi par le temps -et Dieu sait si les administrations et les corps ont de l'imagination pour dégager ces bonnes idées- il faut savoir vérifier s'il n'y a pas un décalage entre la théorie et les faits.

Les comparaisons internationales constituent un effort louable de la Cour. C'est extrêmement difficile. Vous l'avez fait ressortir vous-même et vous avez parfaitement raison. Il ne faut pas en attendre énormément de résultats. Ce n'est d'ailleurs pas un but en soi. Merci quand même de les avoir recherchées.

M. Jacques Feytis - S'agissant de l'informatisation, je vous demande de faire crédit au cabinet actuel de sa volonté ferme de rationaliser les systèmes d'information du ministère. Pourquoi l'effort n'a-t-il pas été engagé avant ? Peut-être y a-t-il autour de ces questions des enjeux de pouvoir...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Vous entendez au sein de l'Etat ?

M. Jacques Feytis - Non, sans doute pas mais l'effort est important. L'organisation financière du ministère préalable à la LOLF ne nous a pas aidés. Il y avait de grandes difficultés, ne serait-ce que pour l'organisation des marchés. Aujourd'hui, grâce aux efforts du Parlement en matière financière, grâce à la LOLF, nous avons des outils plus commodes pour passer à une étape différente. Ce sont toutefois des marchés colossaux. Il faut attendre que certains soient arrivés à terme pour pouvoir se réorganiser. Croyez que nous sommes très fermement engagés dans cette voie.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Les systèmes d'information appropriés sont encore attendus ! Il existe beaucoup de systèmes virtuels, avec des retraitements dans tous les sens qui compliquent beaucoup la tâche et qui ne doivent plus trop durer, sauf à compromettre la mise en oeuvre de la LOLF.

Combien les OPEX valent-ils de mois d'active ? Y a-t-il des bonifications ?

M. Jacques Feytis - On peut dire qu'un militaire en OPEX voit sa rémunération multipliée par deux.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Une année compte-t-elle pour deux dans ce cas ?

M. Jacques Feytis - Cela dépend des territoires. Les règles sont très différenciées.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Avez-vous des statistiques concernant le rappel des officiers généraux ?

M. Jacques Roudière - Le rappel d'un officier général en deuxième section est assez rare mais se pratique régulièrement. Environ 6.000 personnes sont en deuxième section. Pour la partie qui est relativement active, on arrive à une trentaine de jours par an et par personne. Il s'agit de faire de l'enseignement ou de remplir un certain nombre de missions d'expertise. L'avantage fiscal que vous signaliez est aujourd'hui réduit à 10 %. Il a évolué, comme pour tout le monde. C'est effectivement un avantage non négligeable. Il est important pour nous que ces officiers généraux soit mobilisables sur demande -et ils le sont. Cela dépend bien entendu des tranches d'âge. Le système nous coûte en effet 10 % de plus mais nous permet cette disponibilité et nous faisons appel à ces compétences. Il est possible que nous ayons à y faire appel de plus en plus du fait des changements qui nous attendent. Ceci ne doit pas être écarté trop vite car il s'agit d'un vrai besoin.

M. Jacques Feytis - Ce qui est important pour nous, c'est de pouvoir satisfaire le besoin et pouvoir rappeler les officiers généraux à l'activité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Au fond, tout va très bien à vous entendre !

M. Jacques Roudière - Pour répondre à votre question sur la bonification des OPEX, Monsieur le Président, nous avons aujourd'hui la demi-campagne de 18 mois pour tout ce qui se fait en Europe, notamment les embarquements ; nous avons la campagne simple -deux ans égal un an- pour l'ex-Yougoslavie, le Congo, l'Ouganda, Haïti et l'Afghanistan. Nous avons enfin la campagne double. Il n'y en a plus. Ce sont des opérations de guerre. Le dernier territoire qui y a ouvert droit était le Koweït.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Si notre collègue André Dulait avait pu rester parmi nous, il eût posé les trois questions suivantes :

« L'étude de la Cour des comptes note que l'intégration de la totalité des charges, y compris les charges de retraite, modifiera profondément les coûts standards relatifs aux charges de personnels calculées par le ministère de la défense. Cette modification influe-t-elle d'ores et déjà sur les choix, notamment en matière d'externalisation et de politique de reconversion ?

« Quelle est la nature des effets attendus de la réforme des statuts particuliers ? Le calendrier de cette révision est-il maintenu ?

« Quel est le nombre d'officiers atteints pas la limite d'âge concernés par le maintien temporaire en première section ? ».

M. Jacques Feytis - Je reviens à l'argumentation développée au préalable. Dès lors que nous avons à gérer notre masse salariale, qui n'ignore pas le poids des pensions, nous intégrons ce paramètre dans nos calculs, dans nos schémas, dans les modèles que nous faisons tourner. C'est un paramètre. Il y en a d'autres, comme la répartition entre contractuels et engagés ou la durée de service que nous voulons voir suivre pour nos militaires. C'est un paramètre que nous intégrons. Ce n'est pas le paramètre central mais l'un des paramètres majeurs qui intervient dans la gestion de la masse salariale.

M. Jacques Roudière - S'agissant des statuts particuliers, les textes ont fait l'objet d'un arbitrage interministériel favorable le 24 janvier et ont été présentés au Conseil d'Etat le 4 mars. Ils font l'objet aujourd'hui d'un examen en section. Huit groupes de travail ont été créés par le Conseil d'Etat et nous attendons qu'il rende son avis et nous renvoie ces textes. Nous avons émis le voeu que cela puisse intervenir avant le 1 er juillet prochain parce qu'il faudrait que ces textes puissent être publiés à la fin du premier semestre ou au début du second pour permettre aux gestionnaires de les mettre en oeuvre au 1 er janvier prochain. Je n'ai pas retiré, de tous les contacts que j'ai eus au Conseil d'Etat, l'idée que ce calendrier puisse ne pas être tenu.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - La mise en oeuvre est donc prévue en 2009 ?

M. Jacques Roudière - Au 1 er janvier 2009, c'est exact.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Quel est le nombre d'officiers atteints par la limite d'âge concernés par le maintien temporaire en première section ?

M. Jacques Roudière - J'avoue que je suis embarrassé. A mon avis, extrêmement peu. Je pensais tout à l'heure au rappel en première section. C'est moins d'une dizaine, j'en suis sûr. Ceux qui sont maintenus en première section sont ceux qui sont maintenus entre 57 ans et 61 ans. J'imagine qu'il s'agit des officiers généraux. Je n'ai pas ce chiffre en tête. Je vous le communiquerai dès mon retour au ministère.

M. Jacques Feytis - Il me semble que l'ordre de grandeur doit être de la dizaine.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - Vous nous ferez parvenir votre réponse lorsque vous aurez le chiffre précis.

M. Yves Fréville - Le général Joffre avait remplacé après la bataille des frontières environ un tiers des officiers généraux par des officiers de deuxième section. Mais c'était il y a assez longtemps !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances - La parole est maintenant aux commissaires.

M. Eric Doligé - Je n'ai pas bien vu la prospective sur un certain nombre d'années des engagements financiers potentiels, avec des hypothèses différentes selon des choix qui pourraient être faits au niveau du ministre, et je le regrette vivement.

Mon autre question concerne les sapeurs pompiers professionnels. Ceux de Paris et de Marseille sont des militaires. Sont-ils dans la même situation et bénéficient-ils des mêmes avantages de pension que les militaires du rang classiques ?

Autre question : j'ai découvert que les formations des sapeurs-pompiers civils étaient rémunérées. Cela fait-il partie de leur solde normale ou touchent-ils une solde complémentaire à cette occasion ?

M. Jacques Feytis - Les sapeurs-pompiers sont traités comme les autres militaires. J'ai insisté dans mon propos liminaire sur l'objectif de cohésion de la communauté militaire. Nous y sommes fermement attachés, quelles que soient les spécialités. Bien évidemment, les statuts particuliers de tel ou tel corps peuvent répondre à des objectifs particuliers mais, globalement, nous sommes très attachés au principe de cohésion et les sapeurs-pompiers professionnels, pour nous, sont des militaires comme les autres.

M. Jacques Roudière - Il existe trois sortes de pompiers, des pompiers militaires qui sont environ 12.000, des pompiers professionnels qui sont dans les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et des volontaires. Vous parlez ici des pompiers professionnels, qui sont différents de ceux qui sont dans les unités d'intervention de sécurité civile, situées à Nogent-le-Rotrou, Brignoles, etc.

Les pompiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ont le même régime militaire que les militaires de l'armée de terre. Ils sont d'ailleurs gérés par elle. Ils ont un petit avantage de pension, qui est peu connu, et une grille indiciaire un peu décalée par rapport au reste des militaires. Quant aux marins-pompiers du bataillon de Marseille, ils n'ont pas le même avantage de pension, essentiellement pour des raisons historiques. Leur rémunération est un peu décalée par rapport à celle des autres militaires.

En ce qui concerne la formation, tous les fonctionnaires comme tous les militaires qui exercent des activités d'enseignement dans le cadre d'un décret de 1956 peuvent être indemnisés à l'occasion de cet enseignement. Il faut que les écoles soient définies dans le texte des arrêtés qui ont été pris en application des décrets et que les enseignements délivrés y soient également définis. Si on remplit ces conditions, une rémunération leur est effectivement accordée.

M. Eric Doligé - Les pompiers militaires de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris s'engagent en général pour 5 ans. Ils ne font donc pas 15 ans moins un jour ou 15 ans plus un jour. Lorsqu'ils partent au bout de 5 ans, touchent-ils leur pension dès leur départ ou à l'âge de la retraite ?

M. Jacques Roudière - La présentation qui consiste à parler de 15 ans plus un jour ou de 15 ans moins un jour ne correspond pas à notre réalité de gestion. Ce que nous voulons, c'est fidéliser nos militaires durant 8 ans. Quand on a mis en place la professionnalisation, c'était l'objectif à atteindre. Aujourd'hui, on est plutôt à cinq ans et demi. On a un vrai problème de fidélisation.

Si on les fidélise, se pose ensuite le problème de savoir si on va les conduire jusqu'à 15 ans ou non. On ne les y conduit qu'en passant par la promotion dans le corps des sous-officiers. Il est très rare que l'on amène à plus de 15 ans un militaire du rang. Il y a très peu de militaires du rang pensionnés. Dans l'armée de terre, on doit être à 2.100 pensionnés sur 70.000 militaires. C'est extrêmement peu. On a vocation à être carriérisé en devenant sous-officier.

Au bout de 5 ans bien sûr, on n'a pas acquis de droits à pension de retraite et on se retrouve dans la situation qui a été fort bien décrite par la Cour : on doit faire valider ses services vis-à-vis du régime général -sauf si l'on devient fonctionnaire, auquel cas c'est vis-à-vis du code des pensions civiles et militaires de l'Etat. Ce faisant -c'est là un point que nous avons essayé de solutionner l'année dernière mais on n'a pas trouvé d'accord avec la direction du budget- nos militaires perdent toutes les bonifications qu'ils ont pu acquérir ! Il faut arriver à 15 ans pour pouvoir les voir liquider. Avant, on les perd directement.

A 5 ans, pour répondre très précisément à votre question, on fait valider les 5 années. Nous demandons toutefois à nos militaires de cotiser à l'IRCANTEC. Malheureusement, et c'est une situation qui ne nous satisfait pas, certains préfèrent, plutôt que de fournir 1.000 euros en moyenne pour affiliation rétroactive, ne pas s'affilier du tout. C'est un système qui, de ce point de vue, n'est pas satisfaisant.

M. Jacques Feytis - Cette réalité n'est pas bien vécue par les militaires du rang. Les bonifications dont ils ne pourront bénéficier correspondent à de vraies contraintes. Elles ne sont pas virtuelles.

M. François Trucy - Les polémiques marseillaises sur les sapeurs-pompiers n'ont pas faiblies avec le siècle. Qui les rémunère actuellement ?

M. Jacques Feytis - C'est la mairie de Marseille qui les rémunère et qui perçoit elle-même pour l'essentiel une dotation globale qui prend cet aspect en compte.

M. Michel Mercier - Elle ne paie pas les charges sociales !

M. Jacques Feytis - Certainement pas la totalité mais une bonne partie. Je confirme que la polémique n'est pas éteinte.

M. Eric Doligé - Vous savez que, dans le cadre du transfert des personnels de l'Etat vers les collectivités locales, la retraite des personnels de l'Etat est prise en charge par les collectivités locales. Lorsque des militaires ont un droit à retraite -comme les sapeurs-pompiers- qu'ils ont acquitté leur 1.000 euros et entrent dans la fonction publique territoriale c'est elle qui, lorsqu'ils prendront leur retraite, devra payer toute l'ancienneté plus le temps qu'ils ont passé dans l'armée.

M. Stéphane Bonnet - Ce n'est pas aussi simple. Au moment du transfert des effectifs de fonctionnaires de l'Etat vers des employeurs territoriaux, l'Etat transfère une assiette de revenus auprès des collectivités locales qui correspond à la masse salariale des intéressés. A cette masse salariale, l'Etat a rajouté au moment du transfert le « taux de cotisations CNRACL ». Ont donc été transférés aux collectivités à la fois des engagements de retraites et une masse salariale pérenne. Les deux allaient ensemble.

M. Michel Mercier - La question est celle des droits acquis et du déficit qui sera ainsi créé !

M. Stéphane Bonnet - C'est un régime par répartition jusqu'à preuve du contraire. Lorsque vous transférez une masse salariale, vous transférez également les engagements retraites rattachés à cette masse salariale. Si le financement se fait par capitalisation, c'est encore plus simple : vous transférez des engagements retraites avec, en face, une assiette de cotisations non pérennes, puisqu'il s'agit de recettes provisoires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président - La logique voudrait que l'Etat transfère ce qu'il a perçu pour les répartitions à venir, sinon le régime est forcément déséquilibré au détriment des collectivités territoriales.

M. Stéphane Bonnet - Non, car dans ce cas-là, il faut aller jusqu'au bout de la logique...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président - Tout cela serait mieux réglé si l'on provisionnait les charges de retraites !

M. Stéphane Bonnet - Non, parce que l'Etat garde les retraités.

M. Yves Fréville - Je voudrais faire deux observations.

On a parlé de la productivité de la SDPmais il y a des choses qui me semblent devoir être précisées. J'ai l'impression que si le système d'informatisation ne fonctionne pas tellement bien, c'est d'abord parce qu'il s'agit d'un système d'une effroyable complexité : il y a 194 ou 196 primes dans la marine. Je n'ai pas compté le nombre de primes, sans doute différentes, dans l'armée de l'air, etc. Cela pose un problème.

En second lieu, on n'a pas le droit d'utiliser le numéro national d'identification. Une des difficultés de la gestion des personnels et de leurs pensions vient du fait que le ministère de l'éducation nationale a son numéro d'identification, la défense a son numéro d'identification et que l'on n'a pas le droit d'utiliser le numéro de sécurité sociale ou d'INSEE, selon les décisions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Enfin, dans le cas des militaires, il faudrait arriver à supprimer la veille tradition -je crois que c'est en cours- qui consiste à distinguer dans les unités des bureaux militaires et des bureaux administratifs. Comme le dit la Cour des comptes, les bureaux militaires gèrent la totalité de façon imprécise et les bureaux administratifs gèrent très bien une partie des problèmes de façon précise, mais seulement une partie ! Je crois que les armées, de façon générale, devront arriver à fusionner à la base leurs bureaux administratifs et militaires pour n'avoir qu'une seule source d'informations cohérentes.

Ma seconde observation porte sur l'organisation générale du système des carrières militaires par rapport aux carrières civiles. Dans les carrières civiles, on a une gestion cylindrique : tout le monde va jusqu'à 60 ans environ. Dans les carrières militaires, vous devez avoir une organisation pyramidale. En d'autres termes, vous avez des gens qui partent au bout de cinq ans, de dix ans, de quinze ans, etc. Ma question est la suivante : on voit très bien que le système pyramidal fonctionne mal avec le système administratif français de façon générale. Vous avez supprimé le conditionnalat ; or, il constituait une aide...

M. Jacques Feytis - Le Parlement nous y a aidés !

M. Yves Fréville - Ce n'est pas la question. Je me demande comment organiser un système de pensions cohérent avec un système de gestion pyramidale. C'est le défi sur lequel il faudrait que nous améliorions nos outils d'analyse économique en voyant, sur le cycle de vie, les différentes hypothèses possibles.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président - J'aurais une ultime question sur les régimes de retraite. Il y a un rendez-vous prévu en 2008 sur les régimes de pensions et de retraites. En quoi ce rendez-vous implique-t-il le ministère de la défense et les pensions militaires ?

M. Jacques Feytis - Les pensions militaires relèvent du code des pensions civiles et militaires. Si ce code est réexaminé, les pensions militaires le seront avec celles des agents publics. Les grands paramètres de notre régime sont les mêmes que les grands paramètres des pensions des agents publics, ceux de la fonction publique de l'Etat notamment.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président - On a vu que la réforme de 2003 n'avait eu un impact que très limité et retardé sur les pensions militaires.

M. Jacques Feytis - Non, la loi a fixé une règle qui a une application particulière pour les militaires mais la règle est valable pour l'ensemble des agents publics.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président Les carrières étant courtes, cela ne s'applique naturellement pas.

M. Jacques Feytis - C'est la loi qui l'a fixé ainsi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président Repart-on sur la même logique de dérogation ou d'exception avec le rendez-vous 2008 ?

M. Jacques Feytis - La volonté du ministère de la défense est d'examiner ce dossier en même temps qu'il sera examiné pour l'ensemble des agents de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président - Mes chers collègues, si vous n'avez plus d'autres questions, nous allons pouvoir conclure nos débats.

Je voudrais remercier les représentants de la Cour des comptes, ceux du ministère de la défense, du ministère du budget et chacun d'entre vous.

C'est un éclairage qui a été apporté à la demande de nos rapporteurs spéciaux. Nous avons compris qu'il y a des spécificités, qu'elles ont sans doute compliqué l'informatisation, qui s'accommode mal d'une telle diversité de dispositions si originales. La voie de l'informatisation est bien engagée et c'est la volonté du ministère. Il y a encore des marges de progression significative devant vous, Messieurs !

Enfin, il faudra peut-être, lorsque viendront devant le Parlement les dispositions nouvelles sur une réforme des régimes de retraite, bien mesurer l'impact que cela peut avoir sur les pensions militaires.

Nous devons nous prononcer sur la publication du rapport. Je me tourne vers nos collègues rapporteurs spéciaux, pour leur demander s'ils ont des observations.

M. Yves Fréville - Aucune qui interdirait la publication ! Mais, sur le fond, je reste « un peu sur ma faim », et j'estime qu'il faudra suivre avec la plus grande attention l'évolution de ce dossier !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, président - Ceci sera mentionné dans le compte rendu de nos échanges. Il est vrai que certaines réponses sont restées très floues et imprécises.

La commission est unanimement favorable à la publication du rapport d'information.

* 11 Cette direction était auparavant la direction de la fonction militaire et des personnels civils.

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