C. UNE SOLIDARITÉ FINANCIÈRE A RÉINVENTER AU NIVEAU MÉTROPOLITAIN

Une des principales raisons de construire le Grand Paris tient à l'augmentation des inégalités que l'on constate dans l'agglomération entre ses habitants et, parallèlement, à l'accroissement des différences de ressources entre les collectivités qui augmente encore les disparités. Plus les habitants d'une commune sont pauvres, plus celle-ci a des ressources limitées et plus elle est sollicitée pour fournir des services publics et plus ses taxes locales sont élevées. La pauvreté nourrit la pauvreté. Pour cela il est devenu indispensable d'instaurer une véritable péréquation si l'on souhaite apporter une réponse au naufrage des territoires de banlieue déjà à la dérive.

Evoquer la question de la péréquation, c'est ouvrir à coup sûr un débat qui fâche. Votre rapporteur a pu le constater lors de ses échanges avec certains élus de Paris et des Hauts-de-Seine, toutes tendances politiques confondues, qui ont parfaitement compris que l'un des objectifs du Grand Paris consistait précisément à mieux répartir la richesse produite dans l'agglomération et donc à partager le « trésor » de ces deux collectivités.

Par ailleurs, afin de proposer une réforme réaliste, votre rapporteur a choisi de se fixer comme principe que le Grand Paris ne devrait pas solliciter de nouveaux financements budgétaires afin de ne pas pénaliser les autres collectivités territoriales. Il s'agit donc de réfléchir pour l'essentiel à niveau de ressources constant et de se poser les questions suivantes : comment améliorer la péréquation ? Comment ne pas porter atteinte à l'attractivité ? Ces deux principes amènent, notamment, à privilégier une réflexion sur la création d'une taxe professionnelle unique.

Afin de préciser le contour des ressources dont pourrait disposer le Grand Paris, votre rapporteur a souhaité mobiliser le Comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation afin de pouvoir bénéficier d'estimations sur les ressources de la future collectivité.

1. La relative inefficacité de la péréquation actuelle

Si la création d'une nouvelle entité qui porterait le nom de « Grand Paris » et couvrirait Paris et les trois départements de la petite couronne semble une urgence aujourd'hui, c'est essentiellement parce que l'émergence d'une collectivité territoriale sui generis adaptée à ce territoire porte, outre l'espoir d'une meilleure gouvernance, celui d'une meilleure péréquation sur le territoire métropolitain.

L'Île-de-France, et plus particulièrement le Grand Paris tel qu'il a été défini ici, est une région fiscalement riche. Chacun sait que le potentiel fiscal moyen de la région figure en tête du classement national en raison naturellement de la concentration de logements, d'activités et de sièges sociaux dans et autour de la capitale. Il est donc regrettable que cette richesse fiscale soit inégalement répartie. On constate que parmi les communes de plus de 10 000 habitants, les dix communes les plus riches disposent d'un potentiel financier cinq fois plus important que les 10 communes les plus pauvres. Ces différences s'expliquent essentiellement par la plus ou moins grande présence d'entreprises sur le territoire communal concerné, mais aussi par les disparités de revenus des habitants. Ce sont des réalités qu'il faut reconnaître et qui ne peuvent être modifiées que très progressivement.

En attendant, cette situation de départ conduit les communes les moins riches à pratiquer des taux d'imposition élevés pour compenser la faiblesse de leurs bases et elles justifient cette pression fiscale élevée par la nécessité d'offrir à la population les mêmes services collectifs que ceux des communes plus riches avoisinantes.

Pourtant, depuis presque 60 ans, la métropole bénéficie de mécanismes de redistribution et de péréquation qui, visiblement, ne s'avèrent pas suffisamment efficaces. Aujourd'hui, la région Île-de-France bénéficie des mécanismes de péréquation de droit commun comme la DSU (dotation de solidarité urbaine), la DSR (dotation de solidarité rurale) et la DNP (dotation nationale de péréquation) auxquelles s'ajoute le mécanisme propre à la région du FSRIF (Fonds de solidarité de la région Île-de-France).

Ce fonds a été créé en 1991 et il est destiné à « contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines d'Île-de-France supportant des charges particulières au regard des besoins sociaux de leur population sans disposer de ressources fiscales suffisantes ». L'existence de ce fonds partage les communes d'Île-de-France en communes contributives, communes bénéficiaires et communes non concernées.

Les communes contributives au titre d'un premier prélèvement sont celles dont le potentiel financier par habitant est supérieur de 25 % à la moyenne régionale. Ce prélèvement ne peut pas dépasser 5 % des dépenses de fonctionnement de la commune contributive.

En 2007, cette première part se chiffre à 154 millions d'euros acquittés par 68 communes dont la ville de Paris qui verse à elle seule 103 millions d'euros. Un second prélèvement est opéré sur les communes dont les bases de taxe professionnelle par habitant excèdent 3 fois la moyenne nationale. Cette seconde part représente 31 millions d'euros prélevés sur 15 communes.

Les communes bénéficiaires sont au nombre de 147 parmi les 244 communes de plus de 10 000 habitants et 110 communes de 5 000 à 10 000 habitants. Ces communes sont classées en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges décroissant qui tient compte du potentiel financier par habitant de la commune, du revenu déclaré à l'IRPP, du nombre de logements sociaux et du nombre de bénéficiaires d'aides au logement.

On constate depuis plusieurs années que les ressources du FSRIF diminuent au fur et à mesure que se développent l'intercommunalité à taxe professionnelle unique. En effet, il s'agit d'un autre effet pervers de l'intercommunalité en Île-de-France : les communes membres d'un EPCI à TPU sont dispensées du second prélèvement du FSRIF . On sait donc qu'outre la certitude de capter davantage de DGF, la création d'un EPCI à TPU en Île-de-France apporte l'avantage, non négligeable pour les communes contributives du FSRIF, de les libérer de la seconde part du versement .

Si on laisse de côté la relative inefficacité du FSRIF, il convient de lever une hypothèque dans le cas de la création d'un Grand Paris dont le périmètre couvrirait la capitale et les trois départements de la petite couronne.

En effet, en aucun cas, la création de cette nouvelle entité ne doit avoir pour conséquence de supprimer ni pour but de réserver les bénéfices du mécanisme au Grand Paris. La solidarité sur ce point restera entière d'autant qu'il est connu de tous que la plupart des communes bénéficiaires se trouvent dans la grande couronne.

En outre, il convient de rappeler que le Grand Paris ne recevrait que la part départementale de la taxe professionnelle et que la suppression des EPCI à fiscalité propre libérerait automatiquement une marge importante pour la seconde part du versement FSRIF.

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