C. UNE AGGLOMÉRATION À LA RECHERCHE DE SA COHÉSION SOCIALE

1. Une marge de manoeuvre des conseils généraux limitée dans le social

Les lois de décentralisation de 1982 avaient pour objectif initial de spécialiser les échelons administratifs en transférant des blocs de compétence. Dans cette perspective, le département avait vocation à assumer une mission de solidarité et de péréquation à travers la gestion des services d'aide sociale et par une redistribution des moyens financiers entre les communes.

Même si les conseils généraux ne se sont pas limités à agir dans le champ du social du fait, en particulier, de leur clause de compétence générale, ils ont vu leur rôle dans le champ du social conforté par la loi de 2004 qui leur a transféré notamment la gestion des minimas sociaux (RMI-RMA) ainsi que les crédits correspondants, soit 5 milliards d'euros.

La marge des conseils généraux dans la mise en oeuvre de ces compétences apparaît toutefois limitée puisque, par exemple, la loi ne remet pas en cause le caractère national du RMI. Par ailleurs, les Caisses d'allocations familiales (CAF) et les Caisses de mutualité sociale agricole (MSA) demeurent les organismes gestionnaires du paiement de l'allocation et leur rôle a été renforcé dans la mise en oeuvre des politiques d'insertion. Dans ces conditions, les conseils généraux voient leur marge de manoeuvre bornée au renforcement des contrôles et à la définition de priorités en matière d'insertion professionnelle. Ce dernier aspect est toutefois largement tributaire de la situation du marché du travail au niveau local.

En somme, il apparaît que la décentralisation de certaines politiques sociales est toute relative, certains considérant même que « dans les faits, il ne s'agit pas d'une décentralisation, le RMI n'étant, à ce stade, qu'un instrument de déconcentration de l'État » 34 ( * ) . Non seulement le conseil général ne peut modifier les aspects essentiels de prestations qui sont, pour certaines, définies au niveau national mais il est tributaire d'autres acteurs comme les CAF et les communes dont les centres communaux d'action sociale (CCAS) constituent des interlocuteurs privilégiés des usagers. La question peut, dès lors, se poser de savoir si, dans les zones denses urbaines, les communes ne seraient pas les mieux à même de mettre en oeuvre ces politiques, compte tenu de la proximité qui les caractérise dans leurs relations avec les bénéficiaires.

2. Une évolution possible des politiques sociales vers plus de proximité

Près de 62 % des maires de la petite couronne qui ont répondu à l'enquête de l'Observatoire de la décentralisation 35 ( * ) sur le Grand Paris estiment que la compétence du « social » pourrait être mieux exercée au niveau de la commune.

Ce résultat ne remet pas en cause l'utilité du conseil général au niveau national et tout particulièrement en zone rurale où il conserve un rôle essentiel. Il signifie simplement que, dans le coeur de l'agglomération parisienne, les communes ont une taille suffisante pour exercer elles-mêmes certaines compétences sociales qui tiennent à la lutte contre l'exclusion, à l'insertion et à la prise en charge de la dépendance.

Or, les transferts de compétences dont ont été l'objet les conseils généraux dans le domaine social ont été extrêmement contraints par le législateur. S'ils disposent de latitudes, elles sont techniques et organisationnelles, pas politiques. Dans ces conditions, le chercheur Philippe Estèbe a raison de considérer que « ces transferts n'apportent pas aux conseils généraux de pouvoirs supplémentaires. Bien au contraire, ils tendraient à les réduire » 36 ( * ) . Ce dernier observe que les transferts réalisés dernièrement avaient tendance à éloigner « encore plus la représentation politique cantonale d'une administration centralisée hautement technique, directement rattachée aux Présidents et aux directeurs généraux des services. Pour la plupart d'entre eux, les conseillers généraux sont marginalisés dans la décision politique départementale, celle-ci étant d'ailleurs de moins en moins « politique » et de plus en plus « technique ». » .

Dans ces conditions, une évolution possible serait « l'agencification » des départements, autrement dit la transformation en agences départementales chargées d'administrer différentes prestations au public, sur la base des compétences actuelles. Comme le souligne Philippe Estèbe, « un simple établissement public, avec un conseil d'administration regroupant des élus, des professionnels et des représentants des usagers devrait suffire. Une sorte de super centre communal d'action social. » .

Dans la petite couronne de l'agglomération parisienne, les compétences sociales des conseils généraux pourraient être exercées à la fois par le Grand Paris chargé d'assurer la péréquation et la programmation des investissements et par les communes qui auraient la responsabilité de suivre individuellement les bénéficiaires et d'instruire les dossiers.

* 34 « Les conseils généraux dans la décentralisation du RMI », par Philippe Warin et Cyprien Avenel, in Pouvoirs Locaux, n° 75 IV/2007, p. 61.

* 35 Les résultats complets de cette enquête sont publiés en annexe du présent rapport.

* 36 « Du conseil général à l'agence départementale ? », Philippe Estèbe, in Pouvoirs locaux, n° 75 IV/2007, p. 120 et suivantes.

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