3. Les effets pervers de la réforme de 1964

La réforme de l'administration départementale de 1964 trouve sans doute son origine dans le conflit patent dès 1959 entre le gouvernement et les élus du conseil général de la Seine à propos du rôle du District qui apparaît concurrent de l'assemblée départementale. Les élus du département font échouer cette tentative d'innovation institutionnelle en refusant de siéger dans cette nouvelle instance et précipitent l'annonce d'une réforme plus vaste en 1963 qui prévoit de supprimer le département de la Seine et celui de la Seine-et-Oise en redécoupant complètement les départements.

Cette annonce provoque une vive réaction chez les élus et notamment de la part du Président du conseil général de la Seine, Georges Dardel, qui est aussi le secrétaire général de l'Union des maires de la Seine et le maire SFIO de Puteaux. La réforme est rejetée par cent quinze des cent seize votants qui se prononcent sur le texte tandis que les vingt-sept élus UNR ne prennent pas part au vote. Certains élus gaullistes comme le député André Fanton s'opposent à la réforme au motif qu'elle donnerait au Parti communiste le contrôle sur la future Seine-Saint-Denis et peut-être sur le futur Val-de-Marne. D'autres élus derrière Alain Griotteray dénoncent les conséquences de la réforme sur les finances de la collectivité locale et sur son développement économique.

En tous les cas, les arguments avancés sur le thème de la sous-administration du département de la Seine ne convainquent pas étant donné qu'il s'agit du département le mieux desservi en équipements et en services publics. Ce qui inquiète tout particulièrement, c'est la fin du système de solidarité financière qui a uni la capitale à sa proche banlieue depuis le début du XX e siècle. La réforme, rejetée par le Sénat le 24 juin 1964, est finalement votée par l'Assemblée nationale le 29 juin 1964. Elle a pour conséquence, en morcelant le puissant département de la Seine, de renforcer l'autorité régionale du District sans remettre en cause la subordination de la ville de Paris à la double tutelle du préfet de Paris et du préfet de Police.

Le District s'avéra utile pour mettre en oeuvre, sous l'autorité de Paul Delouvrier, le SDAU de 1965 qui prévoit de nouveaux axes directeurs et la création des villes nouvelles. Pour autant, il ne met pas un terme à la polémique sur la réforme de 1964. Roland Drago s'interroge ainsi dès 1967 sur le bien-fondé de la politique de départementalisation en estimant qu'elle risque de provoquer une « véritable balkanisation de cette région » et un « égoïsme départemental relevant d'une certaine autarcie » . Il met l'accent sur le paradoxe qui a consisté à créer huit nouveaux départements à l'heure de la régionalisation avec pour conséquence un plus grand morcellement du pouvoir local. On le voit, dès la fin des années 1960, de nombreux élus et observateurs regrettaient le département de la Seine et ses 81 villes qui permettaient de constituer une entité politique où les péréquations financières, techniques et administratives avaient forgé des solidarités et une communauté d'intérêts.

Aujourd'hui, la situation de la gouvernance de l'agglomération est dans une impasse puisque la décentralisation a eu pour effet de favoriser l'esprit de clocher de chacun des conseils généraux et du conseil régional en lieu et place du pilotage stratégique établi par l'État à travers le District. Avec la désindustrialisation de l'agglomération et l'évolution sociologique et démographique, l'émergence de problèmes de la ville a mis en évidence le besoin de solidarité et de centralité au niveau de l'agglomération.

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