III. CONTRIBUTION PERSONNELLE DE MME LA SÉNATRICE NICOLE BRICQ

GRAND PARIS : QUELLES FINALITÉS ? ET À QUELLES CONDITIONS ?
PAR MME NICOLE BRICQ (Soc. - Seine-et-Marne)

Une fois les élections municipales passées et analysées, il est question pour l'État de relancer le chantier du Grand Paris dans lequel le Président de la République a déclaré s'impliquer personnellement. Les réflexions ont déjà été engagées dans le cadre de la Conférence métropolitaine depuis l'été 2006. Elles se poursuivent à la mairie de Paris, à la région Île-de-France et au Sénat où, sous l'égide de l'Observatoire de la décentralisation, Philippe Dallier, élu de Seine-Saint-Denis, mène un travail sérieux d'investigation qui ne se limite pas à sa proposition iconoclaste de supprimer les départements de la première couronne parisienne.

Bien que n'étant pas membre de l'Observatoire, j'ai accepté sa courtoise invitation de l'accompagner, ainsi que le Président Puech, à Londres puis à Berlin. J'ai retenu de ces visites deux enseignements.

Le premier tient au projet qui préside à une organisation territoriale et à sa gouvernance. C'est celui des finalités. Le second revient à se poser la question de l'histoire des territoires et de la culture des responsables qui prétendent à les administrer. C'est celui des conditions.

• Les finalités

En 1997, Tony Blair accédant aux responsabilités décidait de relancer le Grand Londres pour en faire une capitale capable de rivaliser avec les plus grandes places économiques et financières dans un jeu d'acteurs mondiaux.

Au lendemain de la réunification allemande, Berlin ambitionnait de reprendre sa place de capitale et de se forger une nouvelle identité.

Dix ans après, à la veille des élections municipales qui auront lieu au printemps, Londres s'interroge. La pénurie et la cherté des logements, l'insuffisance de la qualification professionnelle des habitants qu'elle attire nuisent à son attractivité et à sa compétitivité, éléments clés de son projet.

Quinze ans après, les édiles berlinois constatent que la bonne qualité de vie, le haut niveau de qualification, les logements nombreux aux prix modérés, les très bonnes infrastructures de transport ne compensent pas l'absence de centres de décisions économiques.

Dans les deux cas, c'est le projet qui sous-tend l'action et qui légitime les corrections à apporter aux orientations suivies. Peut-on en dire autant du débat franco-français qui agite pensées et arrière-pensées à l'échelle du territoire qui serait concerné au sein de l'Île-de-France, à savoir Paris et la petite couronne ? En raisonnant a priori sur ce périmètre, est-on sûr de prendre le problème par le bon bout ?

Qui plus est, ne convient-il pas de vérifier s'il y a un projet commun porté par les acteurs de ces territoires ? Je veux croire qu'il ne s'agit pas seulement de régler des problèmes de transports ou de logements même s'ils sont prégnants. S'agit-il de réduire les fractures sociales et territoriales tout en participant à la compétition mondiale afin de créer des richesses nouvelles et de les répartir le plus justement possible ? Si c'est bien de cela dont il s'agit, alors entrent en jeu les conditions de viabilité d'un projet commun.

• Les conditions

En effet, aucune structure, aucune gouvernance n'apportera une solution miraculeuse capable de répondre à une telle ambition.

Il y faut une culture de la négociation et du compromis encore insuffisamment explorée en France. Il y faut un leadership puisant sa légitimité dans le suffrage universel direct et une assemblée capable de le contrôler. Enfin, la clarification des compétences n'allant pas de soi, il y faut des élus identifiables et non des élus à multiples responsabilités, usant et abusant du cumul des fonctions exécutives, véritable fléau de l'exercice démocratique inconnu chez nos voisins berlinois ou londoniens.

Rudes conditions commentera-t-on sans doute. Mais chercher à les réunir est un travail fécond autant que nécessaire. Sinon le risque est grand de décaler dans le temps et dans l'espace les problèmes. Elue du Grand Est francilien, dans un département qui, en Île-de-France, connaît une croissance démographique soutenue et qui plus est récepteur de populations venant de la petite couronne sans qu'elles apportent avec elles leurs emplois, je peux craindre que l'action fédératrice de la région Île-de-France perde de sa substance si on oublie finalités et conditions de viabilité d'un projet d'avenir.

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