B. UNE BIBLIOTHÈQUE ET UN MUSÉE DONT LE RÔLE DOIVENT ÊTRE REDÉFINIS

On a pu regretter pendant longtemps l'absence d'une stratégie identifiable au sein de l'Institut du monde arabe. Les missions assignées à l'IMA par son acte fondateur étaient claires 7 ( * ) . Il appartenait donc aux autorités dirigeantes de l'Institut de donner une plus grande consistance aux orientations esquissées. Or, au moins jusqu'à une période récente, l'IMA n'a pas vraiment tranché un certain nombre de débats de fond, ce qui a pu aboutir, dans le passé, à l'élaboration d'objectifs incertains ou contradictoires. Certains objectifs apparaissent difficiles à tenir au regard d'un monde arabe qui apparaît, à certains égards, en crise : « la réflexion en commun des Français et des Arabes sur le monde actuel et son avenir » se heurte à un certain nombre de tabous.

Mais dans la conduite du projet « politique » de l'Institut du monde arabe, celui-ci dispose d'un certain nombre d'atouts que le contrat d'objectifs et de moyens s'est efforcé de recenser : un public nombreux, une notoriété forte, des activités culturelles de qualité et des agents impliqués .

Le musée et la bibliothèque, qui sont les piliers institutionnels de l'établissement, restent les deux sujets de préoccupations principaux . Au fil des ans, ils sont entrés dans un processus de paupérisation qui a conduit l'Inspection générale des finances, en 2005, à s'interroger sur leur pérennité. A la demande de M. Dominique Baudis, la direction des musées de France et l'inspection générale des bibliothèques ont conduit des audits sur ces espaces en crise.

Or ces audits succèdent eux-mêmes à de nombreux rapports, dont l'application a toujours buté sur la difficulté des décisions à prendre. Comme l'indique le rapport du 30 octobre 2007 de l'Inspection générale des bibliothèques, « onze ans après le premier rapport établi par l'inspection générale des bibliothèques sur la bibliothèque de l'IMA, et en dépit de cette abondance de diagnostics et de recommandations émanant d'instances diverses, il est particulièrement préoccupant de constater que de nombreux dysfonctionnements subsistent en 2007 tels que décrits dans ces rapports successifs, dysfonctionnements auxquels s'ajoute un tassement sensible de la fréquentation ». Avant le rapport de 2007, une commission interne sur l'avenir de la bibliothèque avait déjà rédigé un rapport, resté sans suite face aux réactions du personnel de la bibliothèque.

Votre rapporteur spécial considère que la conclusion du contrat d'objectifs et de moyens offre de réelles perspectives pour parvenir effectivement à une modernisation de la bibliothèque, qui apparaît aujourd'hui bien peu concurrentielle par rapport à ce que proposent de nombreuses autres bibliothèques à Paris dans le domaine de la langue et de la civilisation arabe.

Le contrat d'objectifs et de moyens s'engage à définir un plan d'action pour mettre en oeuvre l'audit de l'Inspection générale des bibliothèques. Parmi les priorités figure le déploiement du nouveau système informatique de bibliothéconomie, la réouverture du prêt à domicile et la mise en ligne du catalogue, et du fonds, de la bibliothèque. Ce dernier point est essentiel, face à la forte émergence des services en ligne et à la mise à disposition de publications numériques.

S'agissant de l'offre documentaire, l'audit propose une plus grande sélectivité dans le choix des documents proposés : « la bibliothèque de l'IMA n'est pas une bibliothèque de recherche. Aujourd'hui, les recouvrements entre les acquisitions effectuées par l'IMA et celles de la bibliothèque interuniversitaire des langues orientales ou de la Bibliothèque nationale de France, voire de la Fondation nationale des sciences politiques, sont assez importants, et permettent d'envisager un partenariat précis en matière de répartition des rôles (acquisitions) et d'orientation des publics. De plus, dans le domaine de l'histoire et de la civilisation, l'IMA n'a ni les ressources financières, ni les espaces pour concurrencer ces grandes bibliothèques ». D'où la proposition d'un choix raisonné d'une collection plus restreinte , privilégiant la dimension d'actualité et offrant une place importante à l'audiovisuel. L'audit souhaite maintenir des acquisitions en langue arabe, mais en évitant d'acquérir des ouvrages de recherche ou des documents trop spécialisés ou « partisans ».

Enfin, la masse salariale du personnel de la bibliothèque doit être stabilisée, après avoir été divisée par 2 en dix ans . Elle représente aujourd'hui près de 90 % du coût du service. Sauf en ce qui concerne le chef de service, la rémunération moyenne du personnel de la bibliothèque de l'IMA est supérieure aux personnels de qualification équivalente travaillant dans la fonction publique d'Etat.

Le rapport propose le recrutement d'un professionnel très qualifié pour assumer la responsabilité de la bibliothèque : ce recrutement permettrait sans doute de produire un électrochoc salutaire, comme l'a été le recrutement d'un nouveau responsable à la tête du département des langues.

Le musée apparaît dans une position encore plus fragile. Ses responsables jouent un rôle majeur dans la préparation des expositions temporaires et leur activité apparaît reconnue. Mais faute d'avoir disposé, compte tenu des contraintes financières pesant sur l'Institut du monde arabe, d'un budget d'acquisition suffisant, tant en oeuvres du patrimoine qu'en oeuvres contemporaines, les collections du musée apparaissent limitées . Elles n'ont bien entendu aucune commune mesure avec le nouveau département des antiquités orientales du Louvre. Le musée de l'IMA offre par ailleurs une scénographie désuète, où les oeuvres apparaissent mal mises en valeur. Le renouveau du musée passera nécessairement par des investissements significatifs.

Les pistes actuelles consistent à recruter un conservateur du patrimoine pour être le chef de projet de la réforme du musée. Elles signifient ainsi que le renouvellement d'une partie de l'encadrement constitue une des clés du sauvetage de l'institution. La réforme du musée doit conduire à recentrer sa mission autour d'actions éducatives menées auprès du jeune public, en donnant une forte dimension audiovisuelle et interactive au projet muséographique .

Plus généralement, c'est le jeune public, scolaire en particulier, qui constitue un des publics cibles de l'Institut du monde arabe. Celui-ci a d'ores et déjà une compétence reconnue dans l'accueil de ce jeune public, et sa notoriété auprès des établissements scolaires, apparaît comme un élément très positif.

* 7 L'article 1 de ses statuts assigne à l'IMA quatre buts : développer et approfondir en France l'étude, la connaissance et la compréhension du monde arabe, de sa langue, de sa civilisation, de ses valeurs culturelles et spirituelles et de son effort de développement ; favoriser les échanges culturels, la communication et la coopération entre la France et le monde arabe, en particulier, dans les domaines des sciences et des techniques ; faciliter la réflexion en commun des Français et des Arabes sur le monde actuel et son avenir ; participer ainsi à l'essor des rapports entre la France et le monde arabe, en contribuant au développement des relations entre celui-ci et l'Europe.

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