2. Les problèmes rencontrés par les assureurs

Du point de vue des professionnels du secteur, il existe quatre principaux obstacles au développement de l'assurance dépendance :


• la difficulté à sensibiliser la population

Certains acteurs du marché mettent en avant la difficulté à promouvoir les produits en raison d'une sensibilisation insuffisante et trop tardive des particuliers au risque dépendance.

La plupart des responsables commerciaux des sociétés d'assurance estime que l'offre existante en matière d'assurance dépendance est relativement simple sur le plan technique, mais difficile à vendre car le public visé éprouve des difficultés psychologiques pour se projeter en état de dépendance. Il faut donc passer du temps avec l'assuré pour lui présenter l'intérêt de ce type de produit.

Enfin, les perspectives de « couplage » des produits d'assurance vie et dépendance sont réelles mais relativement limitées au regard de l'importance de la population à couvrir : seuls 35  % des ménages ont aujourd'hui souscrit une assurance vie, pour un montant moyen de 110 000 à 120 000 euros.


• les limites de la notion de risque assurable

Les professionnels du secteur considèrent que le risque de perte d'autonomie est techniquement assurable. Mais ce dossier fort complexe suscite toujours quelques interrogations. Un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales a souligné toute la difficulté de cet exercice 203 ( * ) :

« - pour tarifer la rente, l'assureur doit estimer à la fois le nombre de personnes qui seront « dépendantes » dans son portefeuille mais également la durée de la rente qu'il aura à verser, c'est-à-dire la durée de vie des personnes en situation de perte d'autonomie ;

- le marché est trop récent pour disposer de données fiables sur le risque (très peu de prestations sont actuellement versées en raison de la jeunesse des portefeuilles souscrits dans les années 2000 et de la durée longue du risque) 204 ( * ) : les données existantes ne sont que difficilement transposables d'un assureur à l'autre ou d'un pays à l'autre en raison de la diversité des définitions de la perte d'autonomie et des politiques variables de sélection du risque, (...) ;

- il y a absence de consensus sur l'évolution future du nombre de personnes âgées en situation de perte d'autonomie (l'augmentation de l'espérance de vie s'accompagne-t-elle ou non d'une augmentation de l'espérance de vie sans incapacité ?) » .

En pratique, les assureurs savent surtout assurer le risque lourd, c'est-à-dire les Gir 1 et 2, correspondant à des durées de vie assez brèves et à des états non susceptibles d'évolution, et ne recherchent guère à se positionner sur la dépendance moyenne ou légère, de type Gir 3 et 4, qui présente des possibilités d'évolution très variables selon les individus et leurs pathologies.

Par ailleurs, la forte augmentation de la prévalence de la perte d'autonomie en fonction de l'âge des individus restreint également les possibilités d'assurer le risque de dépendance à partir d'un certain âge. La souscription d'un contrat devient prohibitive pour le client potentiel après soixante-cinq ans.


• le problème de la tarification

Sur un marché encore jeune, puisque le premier contrat n'a été commercialisé qu'en 1986, les professionnels du secteur font face à des difficultés techniques de tarification. Ils recourent donc à une politique dite « d'adaptation des tarifs » : bien que les contrats individuels soient de durée viagère, les primes sont révisables en fonction de l'évolution du coût du risque. Il en résulte une incertitude sur le prix que l'assuré devra acquitter, mais également sur la capacité des assureurs à pratiquer une hausse de tarifs sans perdre ses clients. Lorsqu'il s'agit d'un contrat collectif et de durée annuelle, le tarif est révisable chaque année.


• Le problème comptable et financier du niveau de provisionnement nécessaire

Les professionnels du secteur ont aujourd'hui recours :

- à des provisions pour risque croissant consistant à faire payer à l'assuré une prime certes constante dans le temps, mais supérieure pendant une certaine durée au coût réel du risque. Cette technique permet dans une première phase de constituer des réserves avec une fraction des primes « mises de côtés ». Par la suite, lorsque l'âge de l'assuré augmente et que la prime devient inférieure au coût du risque, les professionnels se servent de la provision déjà constituée pour compléter le montant de la prime ;

- à des provisions pour égalisation destinées à amortir les chocs imprévus comme les catastrophes ou les « mauvaises années ». Il s'agit en quelque sorte d'un matelas de sécurité.

Mais d'une façon générale, les pratiques sont très variables d'un établissement à un autre. Le risque de perte d'autonomie reste en effet encore mal connu et en constante évolution. Il n'existe pas, à l'instar par exemple de l'assurance vie, de loi statistique établie sur la probabilité de devenir dépendant. En l'absence de table réglementaire, chacun des acteurs du marché est amené à élaborer progressivement ses propres outils qui servent ensuite de support à sa politique de provisionnement.

Dans ce contexte, les autorités de régulation au niveau européen s'efforcent de faire converger les pratiques des entreprises vers ce que l'on pourrait qualifier de niveau de prudence commun. Mais il s'agit d'une démarche à moyen et long termes.

D'importants travaux sont en cours au niveau européen pour définir de nouvelles règles de solvabilité. La direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) a indiqué à ce sujet à votre rapporteur que 205 ( * ) : « l'adoption de la directive Solvabilité II modifiera largement les règles de provisionnement actuelles. Les provisions techniques devront refléter la valeur économique de l'ensemble des engagements de l'entreprise (coût que représenterait le transfert des engagements). Cette valeur sera actualisée (contrairement à aujourd'hui), ce qui signifie que les engagements futurs (au titre des contrats déjà souscrits) auront une valeur moindre que les engagements présents ; cet effet pourrait contribuer à réduire la valeur des provisions techniques en non-vie. En revanche, l'exigence en capital de Solvabilité II sera probablement supérieure à la marge de solvabilité actuelle car elle reflétera plus finement les risques auxquels l'entreprise est soumise. Le risque de souscription des engagements de santé et de dépendance fera l'objet de dispositions spécifiques afin que l'exigence en capital reflète aux mieux les particularités de ces activités. »

* 203 Rapport de l'Igas - « La dépendance des personnes âgées - éléments de travail » - Laurence Eslous - septembre 2007.

* 204 Le premier produit, conçu par AG2R, date de 1986.

* 205 Réponses écrites de la DGTPE aux questions de la mission.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page