b) Elle soutient la convergence des modalités de prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie et des personnes handicapées pour autant qu'elle soit légitime

Dans ce cadre général, la mission est favorable à la convergence des modalités de prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, pour autant que cette convergence soit légitime .

Deux questions doivent être, en effet, clairement distinguées : d'une part, celle de l' évaluation de la perte d'autonomie ; d'autre part, celle du poids de la solidarité nationale dans le financement de la prise en charge de la perte d'autonomie en fonction des situations considérées.

• La mission est favorable à une harmonisation de l'évaluation des besoins des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées

La mission est tout d'abord favorable à une harmonisation de l'évaluation des besoins des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, passant par la mise en place d'une grille d'évaluation fiabilisée, accompagnée de l'instauration de modules de formation garantissant que son utilisation sera homogène, quel que soit le professionnel chargé de l'appliquer.

- La nécessité d'une évaluation plus objective implique une révision de la grille Aggir

* Une nouvelle grille permettant une évaluation plus objective et prenant mieux en compte les maladies neurodégénératives

Le constat des limites de la grille Aggir - insuffisante prise en compte des maladies neurodégénératives, particulièrement en phase initiale, et surtout grande variabilité des résultats -, présentées dans le détail précédemment, conduit la mission à recommander soit une sérieuse adaptation de celle-ci, soit la mise en place d'un nouvel outil d'évaluation de la dépendance et, plus largement, de la perte d'autonomie.

Elle prend note, à ce sujet, de la publication récente du guide d'utilisation de la grille Aggir 210 ( * ) élaboré par la Cnam et en attend des améliorations décisives.

Cet instrument devrait permettre de progresser dans la direction d'un maniement de la grille permettant d'obtenir des résultats plus fiables, reproductibles et objectifs. Ce dernier aspect apparaît essentiel à la mission : sans outil d'évaluation fiable et reconnu par l'ensemble des acteurs, il n'est pas envisageable de mettre en place un financement maîtrisé et harmonieux de la prise en charge de la dépendance, faisant intervenir des garanties assurantielles aux côtés de la solidarité nationale.

L'équité et la lisibilité pour nos concitoyens de l'action menée requièrent la mise en place de cet encadrement plus strict des modalités de remplissage de la grille : il s'agit donc d'une priorité.

Si l'on devait aboutir au constat de la nécessité de recourir à une nouvelle grille, la mission ne nie pas ce que serait alors l'ampleur du chantier - il a fallu trois ans pour élaborer le nouveau guide d'utilisation de la grille Aggir : concevoir ce type d'instrument suppose effectivement la conduite de nombreux travaux d'experts, publics comme privés, pour parvenir à élaborer des critères d'évaluation aussi satisfaisants que possible. Elle estime donc nécessaire que se manifeste une volonté politique forte, seule susceptible de constituer l'aiguillon nécessaire à un traitement rapide de ce problème.

* La mise en place d'une formation nationale à l'utilisation de cette grille : un corollaire indispensable

La création d'une nouvelle grille ou la diffusion de règles plus satisfaisantes et objectives de remplissage de la grille existante ont pour corollaire la nécessité de former ceux qui auront à appliquer ces instrument afin de permettre une interprétation homogène des indicateurs d'évaluation sur l'ensemble du territoire national, et, partant, d'assurer la nécessaire équité de traitement des personnes.

La mission considère que cette formation devrait être destinée, non seulement aux équipes médicosociales des départements, mais aussi aux experts travaillant pour les assurances, les mutuelles et les institutions de prévoyance. Il s'agit d'un préalable si l'on entend, comme le souhaite la mission, bâtir un véritable partenariat public-privé et développer les mécanismes de prévoyance en matière de dépendance (cf. infra ).

- La mise en place de maisons départementales de l'autonomie et la personnalisation de la réponse

En lien avec cette question de l'évaluation et de l'harmonisation des règles d'élaboration des plans d'aide à destination des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, la mission est favorable à la mise en place de maisons départementales de l'autonomie , comme le prône le conseil de la CNSA dans son rapport annuel pour 2007 précité.

Ces structures, qui auraient vocation à absorber les actuelles maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), permettraient, en effet, de mener un travail d'harmonisation et de rationalisation des outils d'évaluation de la perte d'autonomie et apporteraient une contribution significative à la convergence des réponses apportées aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées.

Ceci implique d' accroître les moyens de pilotage des conseils généraux sur les MDPH, aujourd'hui constituées sous la forme de groupements d'intérêt public (Gip), dont le département assure la tutelle administrative et financière, en application de l'article L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles 211 ( * ) . Il convient, en effet, de renforcer la capacité d'action des présidents de conseils généraux, suivant la logique de responsabilisation des acteurs prônée par la mission.

Celle-ci, dans sa majorité, souhaite, comme la CNSA, que le fonctionnement de ces maisons et leurs personnels soient plus clairement placés sous l'autorité des présidents de conseils généraux.

Des formules nouvelles d'association ou de consultation des représentants des usagers, des partenaires sociaux et des professionnels devront alors être trouvées.


L'analyse du conseil de la CNSA
sur la création de maisons départementales de l'autonomie

« En cohérence avec la gestion de proximité, cela devrait conduire à créer des lieux d'accueil dans tous les départements pour créer les conditions optimales d'une évaluation personnalisée. C'est la raison pour laquelle dans son rapport de 2006, le conseil de la CNSA suggérait déjà « de faciliter et valoriser les expériences innovantes de rapprochement des dispositifs d'accueil (...) et d'articuler, sous l'autorité des conseils généraux, l'intervention des MDPH et des coordinations gérontologiques ou équipes médicosociales départementales pour l'évaluation des besoins des personnes de plus de soixante ans », et qu'il pourrait être envisagé de rapprocher les actuels Clic et les actuelles MDPH , en s'inspirant d'expériences déjà conduites en ce sens dans certains départements.

« Un tel rapprochement pourrait déboucher sur de nouvelles « maisons départementales » aux compétences élargies (MDSA - maisons départementales de solidarité pour l'autonomie - ou MDA - maisons départementales de l'autonomie).

« Dans ce cadre, certains membres du conseil estiment souhaitable que soit envisagée une révision des modalités de constitution actuellement retenues pour les MDPH , par une plus claire intégration du fonctionnement et des personnels sous l'autorité des présidents de conseils généraux, en veillant à continuer d'associer les représentants des usagers, des professionnels et des partenaires sociaux à la gouvernance ».

Source : rapport de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie,
« Construire un nouveau champ de protection sociale », 2007
Note : les termes apparaissant en gras sont soulignés par la mission

• La mission ne souhaite pas la fusion des dispositifs des prestations destinées aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées

- Les logiques de compensation du handicap et de la dépendance des personnes âgées sont différentes

La mission apporte donc un soutien sans réserve au processus de convergence des méthodes d'évaluation et d'élaboration des plans personnalisés de compensation de la perte d'autonomie des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées : la personne concernée doit être au centre du dispositif .

Pour autant, elle ne considère pas que la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes handicapées et celle des personnes âgées dépendantes doivent être identiques .

La position de la mission n'est pas justifiée par la seule analyse budgétaire , même si celle-ci entre en ligne de compte : une prise en charge de la dépendance exactement calquée sur les modalités mises en oeuvre pour le handicap entraînerait, en effet, un quasi-triplement du coût de l'Apa, et serait budgétairement insoutenable , dans un contexte de crise grave des finances publiques 212 ( * ) .

Plus encore, elle se fonde sur les logiques de compensation de la perte d'autonomie , en estimant que des différences objectives existent entre le handicap, qui revêt un caractère aléatoire et accidentel, légitimant un large recours à la solidarité nationale, et la dépendance, qui constitue un risque prévisible. Les dépenses liées à la prise en charge de cette dernière peuvent ainsi être anticipées , notamment grâce au recours aux mécanismes de prévoyance, qui pourront venir en complément de la contribution apportée par la solidarité nationale.

En outre, ainsi qu'on l'a précédemment relevé, l'observation de leur situation économique respective justifie une prise en charge publique différente selon que la compensation est apportée aux personnes âgées dépendantes ou aux personnes handicapées : il est en effet légitime que la personne atteinte d'un handicap, alors qu'elle est en âge de travailler, bénéficie d'une compensation plus importante, dans une logique d'insertion ou de reconversion visant à lui permettre d'approcher le niveau de vie dont elle disposerait si elle n'était pas handicapée. En revanche, ce problème ne concerne pas les personnes âgées dépendantes qui ont, par définition, atteint l'âge de la retraite.

Dès lors, un alignement « par le haut » des prestations accordées aux personnes âgées dépendantes sur celles dédiées aux personnes handicapées, qui serait budgétairement insoutenable pour la collectivité, ne se justifie pas .

- La question de la « barrière d'âge » de soixante ans et des aménagements éventuels de la loi du 11 février 2005

Ce principe général affirmé, se pose la question du traitement des personnes atteintes d'une certaine incapacité après l'âge de soixante ans. Deux remarques peuvent, à cet égard, être formulées :

- d'un côté, la mission approuve les dispositions, défendues en leur temps, notamment par notre collègue Paul Blanc, rapporteur de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, permettant aux personnes handicapées atteignant l'âge de soixante ans de conserver, même après leur transfert en Ehpad, le bénéfice du régime d'aide sociale à l'hébergement plus favorable qui leur était applicable en établissement spécialisé pour personnes handicapées ;

- en revanche, elle exprime des réserves à l'encontre de la disposition, figurant au second alinéa du V de l'article 18 de la même loi handicap, permettant aux personnes âgées dépendantes accueillies en Ehpad et « dont l'incapacité est au moins égale à un pourcentage fixé par décret », de bénéficier de ces mêmes dispositions plus favorables. Ainsi qu'il a déjà été rappelé, cette formule très large est susceptible de créer des effets d'aubaine, en conférant de fait le statut d'handicapé à des personnes qui ne l'étaient pas avant soixante ans, et pourrait se traduire par un surcoût significatif à la charge des conseils généraux.

La mission a pris note de la récente décision du Conseil d'Etat enjoignant le Gouvernement à prendre, sous quatre mois, le décret permettant l'application effective de cette disposition de la loi du 11 février 2005.

L'analyse formulée par Hélène Gisserot mérite toutefois qu'on s'y attarde et la mission estime, au vu des principes qu'elle a dégagés, que la question du maintien de cette disposition se pose, comme de celui de l'article 13 de la loi du 11 février 2005 précitée, même si cet article est en pratique inopérant.

* 210 « Le modèle Aggir » - Guide d'utilisation - janvier 2007. Le guide a été présenté aux professionnels concernés depuis environ un an (été 2007).

* 211 Des dispositions plus précises sur le fonctionnement des MDPH sont fixées par le décret n° 2005-1587 du 19 décembre 2005 relatif à la maison départementale des personnes handicapées et modifiant le code de l'action sociale et des familles.

* 212 Cf. deuxième partie du présent rapport - page 113.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page