IV. L'AVENIR DE L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE

A. MODIFICATION DE LA CHARTE DE L'ASSEMBLÉE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

Se plaçant dans la continuité du traité d'Amsterdam mais également du projet de traité constitutionnel, le traité de Lisbonne reconnaît toujours à l'Union de l'Europe occidentale une place particulière au sein de la politique européenne de sécurité et de défense appelée à devenir politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Le protocole n°11 du traité modificatif, reprenant la rédaction des protocoles n°1, annexé au traité d'Amsterdam, et n°24, annexé au projet de traité constitutionnel, prévoit, en effet, la mise en oeuvre d'arrangements entre l'Union européenne et l'Union de l'Europe occidentale « visant à améliorer la coopération entre elles ».

Le cadre de cette coopération reste néanmoins à définir tant les conditions de 1997 ne semblent plus du tout réunies, la plupart des organes subsidiaires de l'UEO disposant de moyens d'action concrets, ayant vu leur compétences transférées vers l'Union européenne (Organisation de l'armement de l'Europe occidentale - OAEO, Institut d'études de sécurité et Centre satellitaire) ou leurs activités cesser (Groupe armement de l'Europe occidentale - GEAO, cellule recherche de l'OAEO). L'Assemblée de l'UEO considère désormais qu'elle est la plus à même d'incarner cette coopération en se présentant comme un laboratoire d'idées pour les gouvernements en matière de sécurité et de défense.

L'Assemblée entend justifier cette ambition par une légitimité découlant à la fois de sa composition et de sa spécialisation, mais également de la volonté réitérée des États membres de ne pas renforcer le rôle du Parlement européen en la matière. L'Assemblée de l'UEO réunit en effet des membres des parlements nationaux, qui votent dans leurs pays les crédits affectés aux budgets de défense et autorisent, le cas échéant, l'envoi de troupes. L'Assemblée estime, à cet égard, rejoindre l'ambition du projet de traité constitutionnel puis du traité de Lisbonne de conférer un plus grand rôle aux parlements nationaux dans le processus d'élaboration de la norme européenne. Elle va même au-delà en incarnant de manière partielle une représentation collective de ceux-ci.

L'article 10 du protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne laisse néanmoins la possibilité à l'actuelle conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) d'organiser, à l'avenir, des conférences interparlementaires autour des questions de politique étrangère et de sécurité commune. En l'absence de précision sur les modalités d'organisation de ces conférences, il convient de constater qu'elles ne bénéficient pas, a priori, de l'expérience et de la permanence de l'Assemblée de l'UEO voire de sa spécialisation, matérialisée par le six commissions qui la composent.

Par ailleurs, la possibilité laissée par le traité modificatif au Parlement européen de formuler des recommandations et de tenir deux débats annuels consacrés à la PESC, y compris la PSDC, n'équivaut pas à un renforcement de son rôle dans ce domaine, comme le souligne la déclaration n°14 annexée au traité.

Au regard de ce qu'elle considère comme des opportunités en vue de renforcer son rôle, l'Assemblée de l'UEO a choisi en décembre dernier de procéder à une révision de sa Charte et de son règlement, et conférer de la sorte plus de lisibilité à sa composition et à son action. La directive votée en ce sens lors de la session précédente conduit principalement à simplifier le statut des délégations nationales. Initialement réparties au sein de 8 collèges, créés au fur et à mesure de l'ouverture à l'Est et de l'élargissement de l'Union européenne, les 39 délégations sont désormais réparties en trois catégories :

• Les membres de l'assemblée sont les 27 États membres de l'Union européenne ;

• Les États associés, au nombre de trois (Islande, Norvège et Turquie) sont tous membres de l'OTAN ;

• Les partenaires, au nombre de neuf (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, ex-République yougoslave de Macédoine, Moldova, Monténégro, Fédération de Russie, Serbie et Ukraine) ne sont ni membres de l'Union européenne ou ni liés à l'OTAN.

L'entrée en vigueur de ce nouveau cadre était prévue à l'orée de cette partie de session. L'impossibilité rencontrée par l'Autriche et l'Irlande pour faire valider en temps voulus cette modification par leurs chambres a conduit à reporter celle-ci à la prochaine partie de la session. M. Jean-Pierre Masseret (Moselle - SOC), Président de l'Assemblée de l'UEO a, au cours, de son discours d'ouverture de la session, tenu à rappeler la nécessité pour l'Assemblée de se réformer pour mieux s'affirmer et être en adéquation avec le projet européen de défense et de sécurité communes :

« Nous avons, en Commission permanente, adopté à l'unanimité une nouvelle Charte et un nouveau Règlement. Rien d'extraordinaire dans cette observation : en fait, nous faisons précisément évoluer les mots vers la réalité. Notre Assemblée est bien la seule à réunir des représentants de nos parlements nationaux autour de questions de défense et de sécurité. Se dire et se désigner sous l'appellation « Assemblée européenne de sécurité et de défense » est somme toute légitime ! Ce titre fait écho tout simplement à un principe démocratique selon lequel les parlementaires élus par le peuple ont la responsabilité d'exercer un contrôle sur ce qui concerne la vie de nos concitoyens, de leurs concitoyens. Sur les questions de défense et de sécurité, les politiques intergouvernementales ont toujours fait l'objet d'un suivi interparlementaire, que ce soit l'OTAN et l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, que ce soit l'OSCE et l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, ou que ce soit l'Assemblée parlementaire à l'origine de l'Union de l'Europe occidentale, ce que nous sommes encore, même si nous en avons fait évoluer le périmètre de participation.

Cette responsabilité, ce socle du contrôle démocratique, mes chers collègues, ne sont pas remis en cause par le Traité de Lisbonne, bien au contraire. Ce sont toujours les parlementaires nationaux qui votent les budgets de défense ; ce sont toujours les parlementaires nationaux qui décident de l'envoi des troupes vers les missions européennes ou internationales, c'est-à-dire qui exercent quasiment un droit de vie, éventuellement de mort, sur des hommes et des femmes qui consacrent leur action à défendre les intérêts de chacun des États souverains.

Notre Assemblée, au fil du temps et de l'évolution de l'Europe, s'est toujours efforcée de s'ouvrir aux parlementaires des États désireux d'apporter leur concours à la sécurité de l'Europe. Elle est ainsi devenue un lieu de réflexion, un lieu d'analyse, d'échanges, dans lequel les parlementaires nationaux des États européens, membres ou non de l ' UEO , qui fournissent une contribution à la PESD , à sa capacité opérationnelle, peuvent ici exposer leur analyse, leurs convictions et en débattre et donner un certain nombre d'orientations. Il ne s'agit pas de sanctionner les exécutifs : il s'agit simplement de pouvoir échanger, de mieux comprendre et de mieux coordonner nos actions et nos réflexions.

Nous nous sommes fixés pour objectif essentiel d'accorder à tous les parlementaires issus des États membres de l ' UE l'égalité de statut. On ne donne pas le statut de membre fondateur de l ' UEO , il s'agit simplement qu'à l'intérieur de cet hémicycle, les membres de l ' UE puissent tous voter, s'exprimer et disposer des mêmes possibilités, mais il ne s'agit pas d'intégrer parmi les membres fondateurs de l ' UEO l'ensemble des membres de l ' UE . C'est un autre débat. Nous ne discutons que de ce qui nous concerne ici et ce que nous voulons, c'est que chaque membre de l ' UE dispose des mêmes droits à l'intérieur de cet hémicycle. Être membre de cette Assemblée ne signifie pas être membre fondateur de l'Union de l'Europe occidentale. Que ces choses-là soient bien comprises pour ce qu'elles sont : il s'agit de bénéficier d'un droit de vote symétrique à celui dont disposent les gouvernements au sein des instances pertinentes de l ' UE , en particulier au sein du Comité politique et de sécurité. Ainsi, la dimension interparlementaire représentée par l'Assemblée est désormais le fidèle reflet de ce qui se pratique au niveau intergouvernemental.

Cette nouvelle édition de notre Charte et de notre Règlement respecte pleinement les droits et responsabilités acquis de nos membres associés et de nos pays partenaires qui, pour un grand nombre d'entre eux, participent régulièrement aux opérations civiles et militaires conduites par l ' UE. Ainsi, les parlements nationaux disposent désormais, grâce à cette initiative, d'un outil à peu près sans équivalent dans le domaine sérieux, vital et important de la sécurité et de la défense européennes. Cette démarche est en parfait accord avec les dispositions du Traité de Lisbonne. Cette initiative contribue largement à combler l'inacceptable déficit démocratique dont nous parlons tous toujours, en toute occasion, et dont nous avons souffert pendant tant d'années au niveau européen. Quand on participe aux différents rassemblements européens, on constate régulièrement que chacun y va de son propos sur le déficit démocratique, sur l'idée qu'il faut toujours mieux associer les citoyens à la compréhension de la politique européenne. Pourtant, nous sommes là pour ça !

Il existe un paradoxe entre le discours qui appelle à davantage de contrôle démocratique, davantage de moyens en vue d'associer nos concitoyens à la connaissance des politiques de l'Europe et le fait de dire qu'au fond, cette Assemblée interparlementaire serait face à la chronique d'une mort annoncée. Il serait bon que les politiques puissent mettre leurs propos en accord avec les réalités et que les discours soient suivis d'actes concrets. Sinon, cela crée de la discordance et il ne faut pas s'étonner ensuite que les citoyens finissent par ne plus croire dans la parole des hommes politiques. Quand on veut davantage de participation des citoyens dans des domaines aussi essentiels que ceux de la défense et de la sécurité et que l'on dispose d'une assemblée interparlementaire qui associe des représentants des parlements nationaux pour discuter de ces questions, il y a comme une contradiction entre le discours sur le déficit démocratique et le fait de vouloir, éventuellement, la disparition de cette Assemblée ! Ce serait une stupidité démocratique. Mais, après tout, chacun est assez grand pour assumer ses responsabilités ! Pour notre part, nous continuons d'avancer et nous continuerons à dire ce qui nous paraît utile au bon fonctionnement démocratique des politiques européennes... et nous verrons bien. »

Le refus exprimé par les Irlandais de ratifier le traité de Lisbonne et l'incertitude qui pèse désormais sur celui-ci contrastent de fait avec l'anticipation opérée par l'Assemblée de l'UEO, mue par une volonté manifeste de continuer à exister. Cette modernité affichée contraste, en effet, avec l'incertitude juridique qui entoure l'Union de l'Europe occidentale elle-même, dont le traité constitutif est arrivé à échéance il y a quatre ans. La réflexion que l'Assemblée a elle-même engagée sur son champ d'action et ses orientations mériterait d'être désormais suivie d'un véritable débat au niveau intergouvernemental sur les opportunités que pourrait présenter l'UEO en matière de sécurité et de défense sur l'ensemble du continent européen . A titre d'exemple, le partenariat avec la Russie, maintes fois débattu au sein des instances européennes, trouve ici un cadre concret pour exister. L'UEO renvoie par ailleurs à la question de l'autonomie à l'égard de l'OTAN en proposant à neuf États européens une véritable alliance. La clause de solidarité demeure en outre unique, tant celle de défense mutuelle introduite par le traité de Lisbonne peut être sujette à interrogation quant à sa réalisation concrète : l'obligation d'assistance pouvant, en effet, être tempérée par les accords passés au sein de l'OTAN qui demeurent privilégiés ou par la neutralité de certains États que la clause entend respecter.

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