b) Les structures d'accueil collectives : un mode minoritaire
Les structures collectives sont fortement sollicitées par les parents, car elles sont notamment considérées comme un mode de socialisation intéressant. Cependant, le recours à ce type de mode de garde reste minoritaire en France, même lorsque les deux parents exercent une activité professionnelle à temps complet.
L'assistante maternelle agréée constitue le mode d'accueil le plus utilisé (34 %), tandis que les établissements d'accueil de jeunes enfants (crèches) sont utilisés par 20 % des enfants de moins de trois ans dont les deux parents travaillent .
La proportion des parents qui recourent à un mode d'accueil payant augmente nettement en fonction des ressources des familles. Le type d'agglomération influe aussi sur le mode de garde.
Différentes études montrent qu'il existe un décalage entre le souhait des parents et les pratiques qu'ils sont contraints d'adopter à l'égard des modes de garde.
(1) L'école maternelle, un mode d'accueil spécifique
Au sens de la recherche internationale, l'école maternelle est un mode d'accueil parmi d'autres, que sont les crèches, les jardins d'enfants, les haltes-garderies et les modes d'accueil individualisés. Cette acception ne recouvre pas la réalité de la situation française dans la mesure où la totalité des enfants de trois ans sont aujourd'hui scolarisés.
Toutefois, en France, elle est une institution singulière parmi les services d'accueil et d'éducation de la petite enfance . Elle a été développée par le pôle de l'instruction et non de l'hygiène et des soins physiques. Elle est ainsi placée sous l'autorité du ministère en charge de l'éducation nationale et se veut un premier lieu de scolarisation.
Cependant, elle fournit également une réponse sociale et subventionnée à un besoin des familles pour la garde et l'éducation de leurs jeunes enfants pour un temps donné, notamment en l'absence de structures innovantes et spécifiques pour la tranche d'âge de transition que constituent les deux-trois ans.
Placer l'école maternelle au regard d'un questionnement sur les modes de garde du jeune enfant souligne le rôle parfois ambigu qu'elle joue actuellement dans notre société, qui tend à osciller entre lieu d'apprentissage et lieu d'accueil et de soins . Force est de rappeler que l'école maternelle doit mettre en oeuvre des objectifs éducatifs et pédagogiques.
Article L. 321-2 du code de l'éducation « Sans rendre obligatoire l'apprentissage précoce de la lecture ou de l'écriture, la formation qui est dispensée dans les classes enfantines et les écoles maternelles favorise l'éveil de la personnalité des enfants. Elle tend à prévenir des difficultés scolaires, à dépister les handicaps et à compenser les inégalités. La mission éducative de l'école maternelle comporte une première approche des outils de base de la connaissance, prépare les enfants aux apprentissages fondamentaux dispensés à l'école élémentaire et leur apprend les principes de la vie en société. L'État affecte le personnel enseignant nécessaire à ces activités éducatives. » |
Les écoles maternelles sont réparties sur l'ensemble du territoire . Les autres modes d'accueil, même s'il existe une offre diversifiée, ne sont pas aussi accessibles, notamment à l'ensemble des milieux sociaux. Certaines personnes auditionnées par le groupe de travail ont souhaité attirer notre attention sur le fait que les parents de milieu défavorisé sont plus enclins à scolariser leur enfant qu'à l'inscrire dans une autre structure d'accueil collective.
Cette école accueille tous les enfants de deux à six ans, quelles que soient leurs langues, familles et conditions de ressources. Partie prenante de l'école primaire et intégrée dans l'éducation nationale, elle est porteuse pour la Nation de valeurs d'unité et de cohésion sociales.
L'entrée à l'école maternelle ne résout pas généralement les problèmes de garde, les horaires de l'école ne coïncident que rarement avec ceux des parents. Elle ne fonctionne que 140 jours par an, avec un niveau d'accueil périscolaire très variable.
(2) Un taux de couverture des besoins insuffisant
On compte en moyenne 47 places d'accueil pour 100 enfants de moins de trois ans pour l'ensemble des modes de garde, y compris l'école maternelle , sur l'ensemble du territoire (France métropolitaine). Les deux tiers de l'offre sont assurés par les assistants maternels. Les disparités géographiques peuvent être importantes, le potentiel d'accueil pouvant varier de 20 à 81 places pour 100 enfants selon les départements.
COUVERTURE DE LA CAPACITÉ THÉORIQUE D'ACCUEIL DES ENFANTS DE MOINS DE TROIS ANS À FIN 2005
Nombre de places |
Pour 100 enfants |
Total en nombre de places |
Accueil collectif |
11 |
256 800 (265000 fin 2006) (1) |
Service d'accueil familial |
3 |
62 100 (63 000 fin 2006) |
Assistante maternelle |
30 |
- 689 000 places disponibles estimées auprès de 263 000 assistantes employées, - 1 million de places théoriques pou 399 000 assistantes agréées |
École maternelle (ratio rapporté à l'ensemble des enfants de moins de trois ans) |
3 |
167 500 (rentrée 2007) |
Capacité théorique d'accueil totale |
47 |
999 500 (à comparer aux 2,287 millions d'enfants de moins de trois ans au 1 er janvier 2005, dont environ 9 % pris en charge au titre du congé maternité) |
Capacité totale, y compris valorisation des places en accueil collectif |
51 |
La place en accueil collectif est occupée en moyenne par 1,3 enfant du fait des gardes à temps partiel. |
(1) Source : Études et résultats n° 608 - novembre 2007 - DREES
Sources : chiffres DREES-PMI-2005, l'accueil du jeune enfant en 2006, Observatoire national de la petite enfance - CNAF automne 2007.
Les établissements d'accueil collectif de la petite enfance, regroupent diverses catégories d'établissements qui ont en commun d'être spécialement conçus et aménagés pour recevoir dans la journée, collectivement, de façon régulière ou occasionnelle les enfants de moins de six ans.
PRÉSENTATION DES DIFFÉRENTS MODES
D'ACCUEIL COLLECTIF
Les établissements et les services d'accueil, outre leur fonction d'accueil, ont pour mission de veiller à la santé, à la sécurité, au bien-être des enfants qui leur sont confiés ainsi qu'à leur développement (décret du 1 er août 2000 relatif aux établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans). La création de ces établissements est préalablement soumise à l'autorisation du président du conseil général pour les structures de droit privé, et à avis pour celles créées par les collectivités publiques, notamment les communes. La prise en charge des enfants est assurée par une équipe pluridisciplinaire composée notamment d'éducateurs(trices) de jeunes enfants, d'auxiliaires de puériculture, sous la direction d'un médecin, d'un(e) puériculteur(trice) ou, pour les structures de 40 places au plus, d'un éducateur de jeunes enfants. Une gestion principalement assurée par les communes La gestion des établissements d'accueil collectif relève pour l'essentiel des collectivités territoriales (principalement les communes) ou des associations du type loi de 1901. Les caisses d'allocations familiales ou d'autres organismes tels que les organismes privés à but lucratif, les mutuelles et les comités d'entreprise peuvent également intervenir dans ce domaine, mais le font plus rarement. En 2005, les crèches de quartier sont ainsi gérées à 81 % par des collectivités territoriales (72 % par des communes et 9 % par les départements) et, dans 18 % des cas, par des associations. Les communes sont aussi, à plus de 85 %, responsables de la gestion des crèches familiales. Sur 10 haltes-garderies traditionnelles, 5 sont gérées par des communes et 4 par des associations. De leur côté, 52 % des établissements multi-accueil traditionnels relèvent des communes et 41 % des associations. En revanche, les structures parentales adoptent dans leur quasi-totalité un mode de gestion associatif. Les crèches collectives (établissements d'accueil régulier d'enfants de moins de 3 ans) Les crèches collectives, conçues pour recevoir dans la journée, de façon régulière, des enfants de moins de 3 ans regroupent : - les crèches traditionnelles de quartier, implantées à proximité du domicile de l'enfant, ont une capacité d'accueil limitée à 60 places (fermées la nuit, dimanche et jours fériés) ; - les crèches traditionnelles de personnel implantées sur le lieu de travail des parents adaptent leurs horaires à ceux de l'entreprise ou de l'administration (par exemple l'hôpital). Leur capacité d'accueil est également de 60 places maximum ; - les crèches à gestion parentale sont administrées par les parents qui, regroupés en association de type loi 1901, s'occupent à tour de rôle des enfants de moins de 3 ans. Leur capacité d'accueil, de 20 places au maximum, peut, à titre exceptionnel, être portée à 25 places par dérogation. Les haltes-garderies (établissements d'accueil occasionnel) Les haltes-garderies accueillent ponctuellement des enfants de moins de six ans. Elles permettent d'offrir aux enfants de moins de trois ans des temps de rencontre et d'activité communs avec d'autres enfants, les préparant progressivement à l'entrée à l'école maternelle. On distingue les haltes-garderies traditionnelles pouvant offrir au maximum 60 places et les haltes-garderies à gestion parentale de taille limitée à 20 places (25 places par dérogation). Les jardins d'enfants (établissements d'accueil régulier d'enfants de 3 à 6 ans) Conçus comme une alternative à l'école maternelle, ces établissements doivent assurer le développement des capacités physiques et mentales des enfants par des exercices et des jeux. Ils peuvent éventuellement recevoir des enfants dès l'âge de deux ans. Leur capacité d'accueil peut atteindre 80 places. Les crèches familiales (services d'accueil familial) Les crèches familiales regroupent des assistantes maternelles agréées qui accueillent les enfants à leur domicile, sans regrouper l'ensemble des enfants dans un même lieu. Elles sont supervisées et gérées comme les crèches collectives. Les assistantes maternelles y travaillant sont rémunérées par la collectivité locale ou l'organisme privé qui les emploie. La capacité d'accueil des crèches familiales ne peut être supérieure à 150 places. Les établissements «multi-accueil» Les établissements multi-accueil proposent différents modes d'accueil d'enfants de moins de six ans au sein d'une même structure. Ils offrent fréquemment une combinaison de plusieurs modes d'accueil collectif de type crèche, jardin d'enfants, halte-garderie et/ou des places d'accueil polyvalent (utilisées selon les besoins tantôt à de l'accueil régulier, tantôt à de l'accueil occasionnel). Ces structures peuvent être gérées de façon traditionnelle ou être à gestion parentale, leur capacité d'accueil est, dans le premier cas, de 60 places et dans le second de 20 places (25 par dérogation). Mais certains de ces établissements assurent à la fois de l'accueil collectif et de l'accueil familial et, dans ce cas, leur capacité globale d'accueil est limitée à 100 places. Source : Bailleau G., 2007, « L'accueil collectif et en crèches familiales des enfants de moins de 6 ans en 2005 », Etudes et résultats, n°548, janvier, Drees. |
(3) Le déclin des jardins d'enfants
Le jardin d'enfants est une structure d'éveil ouverte aux enfants, de deux à six ans, avant l'âge de la scolarité obligatoire . L'encadrement est assuré par des éducateurs de jeunes enfants. Il correspond historiquement à l'émergence de courants pédagogiques, de représentations et de pratiques différentes à l'égard des jeunes enfants. Il est parfois conçu comme une structure de transition entre la famille, la crèche et l'école.
Ce type de structure est devenu marginal avec la généralisation de l'école maternelle à trois ans. Selon les données du ministère en charge des affaires sociales, leur nombre a chuté à 187 en 2006 contre 217 en 2002. Ils n'accueillent plus que 7 834 enfants dans quelques départements. Pourtant, ils ont bénéficié d'une adaptation de leur cadre réglementaire.
Le décret n° 2007-230 du 20 février 2007 13 ( * ) a ainsi réservé l'appellation de jardins d'enfants aux « établissements d'accueil collectif qui reçoivent exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans non scolarisés ou scolarisés à temps partiel » . Le nombre d'enfants accueillis dans une structure peut atteindre 80 et l'effectif du personnel placé auprès de ces enfants est calculé de manière à assurer la présence d'un professionnel pour quinze enfants en moyenne. Le même décret a par ailleurs ouvert la possibilité de confier la direction d'un jardin d'enfants à une personne ayant exercé comme instituteur ou professeur des écoles justifiant de trois ans d'expérience professionnelle auprès de jeunes enfants.
(4) Un cloisonnement des structures
Au cours des auditions du groupe de travail, de nombreux interlocuteurs ont regretté que la question de l'éducation à la petite enfance soit traitée de manière trop cloisonnée.
L'accueil des enfants de deux à trois ans est ainsi partagé entre des institutions, des structures et des personnels de formations et de cultures différentes . Il est également traversé par un clivage entre deux tutelles - affaires sociales et éducation nationale.
L'école maternelle se pense en référence à l'école élémentaire, mais semble ignorer les autres institutions qui concourent également à l'accueil des enfants. L'école maternelle a sa place au sein du modèle éducatif français, mais ne doit pas prendre toute la place, comme l'indiquent les programmes de 2002 : « Tout en gardant sa liberté d'action et ses spécificités, l'école maternelle joue un rôle pivot dans le réseau des institutions de la petite enfance pour mettre en place les synergies possibles et éviter les incompatibilités et les surcharges » .
* 13 relatif aux établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans et modifiant le code de la santé publique.