III. CRISE FINANCIÈRE : QUELS ENSEIGNEMENTS ?

A. SUBPRIME, TITRISATION, MARCHÉ INTERBANCAIRE, SOLVABILITÉ

La crise financière en cours est une crise du surendettement privé . Occasionnée par la crise de soutenabilité du crédit hypothécaire à risques (« subprime mortgage ») aux Etats-Unis, elle est née des déséquilibres engendrés par les excès du « levier d'endettement 10 ( * ) » et de la nécessité où le système financier s'est trouvé de rétablir sa solidité en inversant ce mécanisme.

Depuis les années quatre-vingt-dix, des ménages américains peu solvables peuvent bénéficier d'un crédit immobilier hypothécaire. La valeur de marché du bien emprunté vient en garantie de l'emprunt, dont une partie est libellée à taux variable. Ce crédit immobilier à risques est dit « subprime », c'est-à-dire de moindre qualité. L'équilibre de ces créances dépendait d'une hausse sans fin du prix de l'immobilier qui était illusoire.

Les banques prêteuses, afin de minimiser leur exposition au risque, ont revendu leurs créances à des structures financières émettant en contrepartie des titres (technique de « titrisation ») adossés au portefeuille d'actifs immobiliers (mortgage backed securities - MBS). Les années 2004-2007 ont été marquées par l'essor de la titrisation, qui a eu pour avantage (il ne faut pas l'oublier) d'élargir l'accès au financement et d'en diminuer les coûts.

Le développement des produits dits « structurés » (« collateralized debt obligations », CDO) a consisté à rassembler au sein d'un même véhicule des produits hétérogènes, aux risques a priori non corrélés. Dans ce système, où le volume des prêts compte davantage que leur qualité, l'incitation à contrôler la solvabilité de l'emprunteur est affaiblie , ce qui n'est pas anormal puisque ce mécanisme s'apparente à un système de mutualisation 11 ( * ) .

La perte brutale de valeur de ces titres engendrée par la montée des défauts a été amplifiée par la défiance qu'ils ont inspirée si bien que l'ensemble du refinancement interbancaire s'est trouvé « grippé » . La crise de liquidité a dégénéré en crise de solvabilité puisqu'il a fallu inverser le « levier d'endettement » , la perte des valeurs d'actifs amplifiant les besoins en fonds propres.

Cette inversion du levier a un impact d'autant plus fort que les portefeuilles sont évalués en « mark to market » , c'est-à-dire à leur valeur de marché. Les bilans ne sont donc pas seulement affectés par les pertes directement liées à la crise du crédit « subprime ». I ls subissent l'ensemble des baisses de prix d'actifs. La restructuration de ces bilans (« deleveraging ») implique, au passif, de lever de nouveaux capitaux et de trouver des sources de financement plus diversifiées et plus durables. A l'actif, elle suppose un amoindrissement du risque qui aura nécessairement des effets sur la distribution du crédit.

LES MÉCANISMES DE LA CONTAGION FINANCIÈRE

La détérioration du marché hypothécaire américain ne suffit pas à expliquer totalement la crise. En effet, l'encours total des crédits hypothécaires à risque à taux variable est inférieur à 1.000 milliards de dollars et l'évaluation initiale des pertes était comprise dans une fourchette entre 100 et 200 milliards de dollars. La technique de la titrisation a permis de répartir le risque, en sorte, qu'à première vue le capital des institutions financières pourrait paraître en mesure d'absorber le choc. La crise ne résulte donc pas simplement d'un « effet de domino » engendré par les défauts de paiement. Elle a d'autres ressorts, liés à la modernisation financière.

Outre les défauts de paiement, il faut en effet prendre en compte l'effet des variations des prix et des risques sur les bilans . Or l a valeur nette des bilans est d'autant plus sensible à ces variations que l'effet de levier a été utilisé.

Les ajustements opérés par les acteurs aggravent le processus : les intermédiaires ajustent leur bilan de manière à ce que le levier soit important en période de croissance et faible en période de récession, ce qui en fait un instrument procyclique, amplifiant les cycles financiers.

Source : Adrian et Shin (Bulletin de la Banque de France, février 2008)

* 10 Mécanisme qui aboutit à ce que les engagements des opérateurs excèdent de beaucoup leurs fonds propres.

* 11 Mais une mutualisation très incomplète puisque, au niveau individuel, les emprunteurs finaux (les ménages) n'en bénéficiaient pas s'ils se trouvaient en défaut.

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