B. QUELLE RELANCE, À QUEL ÉCHELON ?

En raison de l'impuissance des politiques monétaires à contenir l'ampleur de la crise économique actuelle et compte tenu d'une situation financière des entreprises ne permettant pas d'envisager dans l'immédiat la mise en oeuvre d'une politique des revenus, au demeurant toujours difficile à mettre en pratique, le relais simultané et massif des politiques budgétaires nationales apparaît désormais indispensable .

A quel échelon, et selon quelles modalités ?

1. Nécessité et perspective d'une relance concertée

a) Le bien fondé d'une relance concertée de la demande...

Le diagnostic est désormais partagé sur un double impératif :

- créer un véritable contrechoc d'activité pour briser les enchaînements dépressifs actuels dus aux chocs de demande que subissent toutes les économies du monde ;

- éviter aux économies désireuses d'entreprendre une relance budgétaire d'assumer, seules et au risque de les en décourager, le coût d'une impulsion économique qui, tout en leur étant profitable, profiterait aussi à leurs partenaires .

En revanche, une controverse demeure sur les modalités d'un contrechoc d'activité - via l' investissement ou la consommation ? -, et la question de la coordination des politiques économiques en Europe demeure pendante .

Avant que ne survienne la crise actuelle, le diagnostic avait été posé d'un déficit structurel de la demande, devenu critique dans la zone euro . Xavier Timbeau 36 ( * ) relevait ainsi en 2006 : « la zone euro n'a aujourd'hui comme projet que d'être plus compétitive. Or, la zone euro est une grande économie faiblement ouverte ; le coût en demande de cette recherche de la compétitivité n'est pas compensé par les gains en part de marché. Sans client, le capitalisme européen patine » 37 ( * ) .

Par exemple, la politique de compétitivité menée outre-Rhin depuis le début de la décennie a pesé sur la demande au sein de la zone euro. En France, principale partenaire commercial de l'Allemagne, cette politique a pesé sensiblement sur la croissance, qui s'est trouvée amputée d'environ un point de PIB au titre de la seule période 2004-2007 :

LES CHOCS COMPARÉS DE LA POLITIQUE ALLEMANDE,
DES PRIX DU PÉTROLE ET DES CONDITIONS DE CHANGE EN FRANCE, DE 2004 À 2008

(en moyenne annuelle, % du PIB)

Note : L'impact du prix du pétrole et du taux de change sur l'activité est un impact cumulé. Il dépend des variations aux instants t, t-1 et t-2.

Sources : OFCE, e-mod.fr de 2007 à 2008, données INSEE, comptes trimestriels

Aujourd'hui, la dégradation économique se traduit incontestablement par la perspective d'un « chômage keynésien » (tableau ci-dessous), avec une accélération du nombre de demandes d'emploi non satisfaites, tandis que le taux d'utilisation des capacités de production est en très forte baisse (graphe ci-après).

CHÔMAGE CLASSIQUE ET CHÔMAGE KEYNÉSIEN

Les théoriciens du déséquilibre* ont schématisé les différentes situations susceptibles de se présenter conjointement sur marché des biens et services et sur le marché du travail, selon le tableau suivant :

(*) Théorie économique rapprochant certaines analyses keynésiennes et néoclassiques, élaborée dans les années 1970, notamment par Edmond Malinvaud. Selon cette théorie, les prix des biens et des services ainsi que les salaires sont peu flexibles, si bien que les déséquilibres constatés aussi bien sur le marché des biens et des services que sur le marché du travail entraînent essentiellement un rationnement par les quantités.

Source : Sénat, données INSEE

Une relance de la demande constitue donc une réponse conjoncturelle adaptée à la nouvelle situation économique . Cette politique devrait apparaître localement prioritaire par rapport à la recherche d'une plus grande flexibilité du marché du travail (mieux adaptée au traitement de la composante classique du chômage), devenue moins susceptible de peser favorablement sur l'activité d'entreprises dès lors que les perspectives de débouchés demeureraient, en tout état de cause, dégradées.

Sans prétendre à l'exhaustivité, certaines prises de position et les principales initiatives tendant à une relance concertée peuvent être relevées à ce stade.

* 36 Directeur du département analyse et prévision à l'OFCE.

* 37 « Un capitalisme sans projet ? Non, un capitalisme sans client ! », Alternatives Économiques n° 243, janvier 2006.

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