D. RENFORCER LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DES ÉLUS LOCAUX

La réforme envisagée ne peut faire l'économie d'un renforcement de la démocratie locale tirant toutes les conséquences des évolutions récentes de la vie des territoires.

1. Favoriser une meilleure représentativité des conseils d'intercommunalité

Les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont composés actuellement de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres 124 ( * ) .

Or, comme on l'a vu précédemment, à la fois les progrès de l'intercommunalité à fiscalité propre, qui couvre aujourd'hui 92 % du territoire, et la part, toujours plus importante, que prennent ces structures à la gestion et à la fiscalité locales, imposent d'associer plus directement les citoyens à cette désignation. C'est ce qui a conduit de nombreux intervenants à se prononcer en faveur d'une réforme du mode d'élection des membres des conseils de communautés (communautés de communes, communautés d'agglomération et communautés urbaines).

• Une première proposition pourrait consister à élire au suffrage universel direct le président de l'exécutif intercommunal , dans un scrutin séparé de l'élection municipale. Dans son rapport sur les « métropoles d'avenir » 125 ( * ) , M. Dominique Perben a suggéré cette formule pour les présidents des communautés urbaines et ceux des communautés d'agglomération de plus de 500 000 habitants. Une telle proposition présente cependant deux inconvénients majeurs. En effet, ainsi que l'ont souligné plusieurs personnalités entendues par la mission, notamment notre collègue et ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, il peut être souhaitable de conserver un caractère de collégialité à la direction des EPCI. De plus, l'élection au suffrage universel du président de l'intercommunalité serait susceptible de donner à celui-ci une légitimité concurrente à celle des délégués communautaires, au risque de créer un niveau et une légitimité supplémentaires dans le « millefeuille » institutionnel.

• Une autre proposition consisterait plutôt à transposer aux intercommunalités le mode de scrutin utilisé actuellement pour l'élection municipale à Paris, Lyon et Marseille (scrutin de type « PLM ») : les membres des conseils d'intercommunalité seraient parmi les candidats élus sur les listes des élections municipales, selon une technique communément désignée comme un « fléchage » vers l'intercommunalité.

Ce mode de scrutin présenterait les avantages suivants :

- les conseillers communautaires seraient désignés au suffrage universel direct parmi les conseilles municipaux des communes membres : les électeurs seraient donc en mesure d'évaluer, en votant à l'élection municipale, les conséquences de leur choix sur la composition du conseil de la communauté. De plus, les enjeux propres à l'intercommunalité trouveraient ainsi un écho dans le débat électoral ;

- la circonscription électorale pour l'élection des conseillers intercommunaux demeurerait la commune , ce qui permettrait de préserver le lien entre les municipalités et l'EPCI auquel elles délèguent leur compétence.

• Retenir cette option rendrait toutefois nécessaire de procéder à un certain nombre d'adaptations du mode de scrutin municipal afin de permettre à la plus grande part, sinon la totalité, des communautés d'être élue selon cette nouvelle modalité. En effet, le « fléchage » des candidatures est difficilement conciliable avec la pratique du « panachage » et il ne fonctionne convenablement que dans le cadre d'un scrutin de liste.

Il a ainsi été suggéré, notamment par M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), de baisser à 500 habitants le niveau en-dessous duquel le panachage est autorisé, voire de le supprimer.

Pour aller plus loin, il pourrait être envisagé d'abaisser à 500 habitants le seuil au-delà duquel serait appliqué le scrutin de liste à deux tours aujourd'hui en vigueur dans les communes de 3 500 habitants et plus. Par ailleurs, les candidatures gagneraient à être rendues obligatoires dans toutes les communes, y compris celles de moins de 500 habitants . En effet, indépendamment de tout dispositif de fléchage, il est apparu à la mission qu'une telle obligation de candidature répond à une exigence démocratique de transparence, et a d'ailleurs fait l'objet de propositions de loi de certains de nos collègues.

Préconisations de la mission

Election des conseillers communautaires par « fléchage » sur les listes de candidats aux élections municipales.

Corrélativement, application du mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants aux communes de plus de 500 habitants et obligation de candidature au conseil municipal dans toutes les communes.

2. Traduire dans les modes de scrutin les évolutions en cours au sein des départements et des régions

Les travaux de la mission ont montré que, s'agissant des élections cantonales et régionales , deux perspectives se dessinaient : la première consisterait à moderniser les bases du scrutin cantonal pour lui permettre de garantir une meilleure représentativité des conseillers généraux tout en conservant le lien fort qu'il tisse entre les élus et le territoire ; la seconde viserait à tirer toutes les conséquences qu'appellerait, un éventuel rapprochement entre les conseillers généraux et les conseillers régionaux , si cette option prévalait.

a) La modernisation des modes de scrutin

Renforcer les fondements de la démocratie locale, qui est l'un des objectifs de la réforme à venir, rend nécessaire d'adapter tant les circonscriptions électorales que les modes de scrutin aux dynamiques locales afin de favoriser la meilleure représentation possible des hommes et des territoires. Or, et les critiques formulées à son encontre en témoignent suffisamment, c'est, de ce point de vue, principalement le mode de scrutin cantonal qui est décrié par certains. Il lui est ainsi reproché :

- d'une part, d'être inégal , compte tenu de la différence de taille entre certains petits cantons ruraux et des cantons urbains très peuplés , ce qui conduit à faire cohabiter au sein d'une même assemblée des conseillers généraux représentant des nombre d'électeurs très différents ;

- d'autre part, en raison de son caractère uninominal, de ne pas offrir la même capacité que le scrutin de liste à être représentatif de la société française ;

- enfin, d'être mal adapté à la représentation des populations dans les zones urbaines .

A l'inverse, un grand nombre de personnalités auditionnées ont souligné la qualité du lien entretenu par les élus départementaux avec leur territoire, avec lequel ils sont en contact quotidien, en particulier en zone rurale. Comme l'a noté le géographe Jean-Robert Pitte lors de son audition, les conseillers généraux sont à l'écoute des populations, recevant leurs doléances et transmettant les informations à l'échelle départementale. Il convient dès lors d' apporter une réponse aux questions soulevées sans pour autant remettre en cause les qualités tout autant saluées du mode de scrutin cantonal .

Certains membres de la mission se sont déclarés partisans d' un scrutin mixte, distinguant les cantons urbains et les cantons ruraux . Le tracé des cantons urbains étant souvent considéré comme peu représentatif du territoire considéré, une circonscription unique pourrait, dans cette hypothèse, être établie au niveau de l'agglomération , au sein de laquelle plusieurs conseillers généraux seraient élus selon un scrutin de liste . En revanche, le mode de scrutin uninominal actuel continuerait d'être utilisé au sein des cantons ruraux , ces derniers faisant l'objet d'une nouvelle délimitation afin de mieux tenir compte de l'impératif d'égale représentation de la population . A l'issue d'un débat approfondi, votre mission, néanmoins, n'a pu s'accorder pour retenir ce système.

En revanche, une autre réforme, recommandée par la quasi-totalité des personnalités entendues et répondant à un objectif de simplification, a été retenue par la mission : il s'agirait de renouveler l'ensemble du conseil général en une fois , tous les six ans , au lieu de procéder à un renouvellement partiel tous les trois ans comme c'est le cas actuellement.

S'agissant du mode de scrutin régional , qui a déjà fait, par le passé, l'objet d'un certain nombre de réformes, il ne semble pas qu'une modification soit nécessaire , sauf à ce que se pose la question du rapprochement entre les deux fonctions de conseiller général et de conseiller régional.

Préconisation de la mission

Election de tous les conseillers généraux en même temps pour une durée de six ans.

b) La question du rapprochement, par les modes de scrutin, des conseillers généraux et des conseillers régionaux

La solution consistant à rapprocher les conseils régionaux et les conseillers généraux sur le mode envisagé pour les communes et l'intercommunalité, par l'organisation d'un même scrutin qui permette la désignation simultanée de ces deux types de conseillers , a été examinée par votre mission. Les partisans de ce système considèrent qu'il assurerait une meilleure coordination entre les deux niveaux territoriaux et une rationalisation de l'organisation de leur administration.

Telle qu'elle a été exposée par un certain nombre d'intervenants, cette option consisterait soit à créer un corps de conseillers territoriaux qui se substitueraient aux conseillers généraux et régionaux et exerceraient, respectivement au chef-lieu de la région et à celui du département, chacun des mandats concernés, soit à conserver les uns et les autres, certains des conseillers généraux étant cependant désignés en même temps conseillers régionaux .

Cependant, de nombreuses réticences se sont été exprimées sur cette proposition, certains considérant qu'elle pénaliserait les régions et d'autres, au contraire, qu'elle réduirait les départements à n'être que des subdivisions de la région, sans moyens d'action autonomes.

Aussi, à l'issue d'un débat approfondi, la mission a-t-elle estimé que la question des conseillers territoriaux et de leur mode d'élection constituait un point de blocage sévère des discussions entre les parties en présence et qu'elle appelait un approfondissement de sa réflexion.

* 124 Article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales.

* 125 « Imaginer les métropoles d'avenir » - Rapport de M. Dominique Perben au président de la République et au Premier ministre - Janvier 2008.

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