RAPPORT D'INFORMATION N° 3199 (XIIE LÉGISLATURE) DE M. ALAIN GEST, DÉPUTÉ, AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI N° 2004-809 DU 13 AOÛT 2004 RELATIVE AUX LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES (JUIN 2006) DÉCENTRALISATION : NOUVELLE ÉTAPE, NOUVEL ÉTAT D'ESPRIT

Publié le 28 juin 2006, le rapport d'information examine à cette date l'état d'avancement de la publication des décrets nécessaires à l'application de la loi du 13 août 2004, analyse le contenu de ces textes réglementaires ainsi que des circulaires d'application et enfin, étudie les modalités selon lesquelles se sont déroulées les différents transferts et expérimentations prévus par cette loi.

I - LE BILAN GLOBALEMENT POSITIF DE L'APPLICATION ET DE LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI DU 13 AOÛT 2004

A. Des textes réglementaires d'applications généralement adoptés dans des délais satisfaisants

Soulignant le réel effort de la part des ministères qu'a nécessité la publication des textes d'application de la loi du 13 août 2004, le rapport relève que les dispositions législatives ont pu être appliquées dans les temps , malgré parfois des décrets d'applications tardifs, grâce notamment à l'adoption de circulaires qui ont permis de pallier provisoirement l'absence de texte réglementaire.

Le rapport note cependant la persistance de certains retards préjudiciables aux expérimentations proposées par la loi, qui en ont ainsi raccourci la période utile d'essai du dispositif envisagé (par exemple pour l'expérimentation en matière de création d'établissements d'enseignement primaire).

B. Une mise en oeuvre progressive des transferts, délégations et expérimentations prévus

S'agissant des transferts obligatoires, le rapport constate qu'ils ont eu lieu ou qu'ils étaient en cours dans le respect des délais fixés par le législateur .

En revanche, le rapport note que, à la date de sa publication et en dehors de succès notables (délégation de la gestion des aides à la pierre), les collectivités territoriales ont été peu nombreuses à demander à bénéficier des transferts ou délégations de compétences facultatifs comme des expérimentations . Il engage le législateur à tenir compte des choix ainsi exprimés par les collectivités, pour adapter en conséquence le mouvement de décentralisation.

C. Des compensations financières jugées favorables aux collectivités locales

Le rapport estime que les compensations financières offertes aux collectivités territoriales pour les compétences transférées ont été favorables aux collectivités locales , notamment parce que les modalités de calcul retenues ont souvent pris en compte les demandes exprimées par les élus au sein de la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC).

Cependant l'auteur note que si les compétences transférées par la loi du 13 août 2004 ont été compensées équitablement, les transferts, les extensions et les créations de compétences en matière d'action sociale qui figurent dans d'autres lois posent, elles, un réel problème financier .

D. Des transferts de personnels se concrétisant lentement

Les transferts de personnels étant en cours au moment de la publication du rapport, l'auteur s'attache aux principes qui les organisent et il estime que la procédure prévue présente d'importantes garanties pour les collectivités territoriales, comme pour les agents transférés.

Il relève en revanche que la question des effectifs que l'État doit être appelé à conserver pour continuer à exercer sa fonction de contrôle sur les compétences transférées est encore à trancher.

II - LES QUESTIONS QUI CONTINUENT DE SE POSER

Insistant sur le fait qu'un esprit nouveau se dégage de la loi du 13 août 2004, le rapport estime que cette loi a transféré aux départements et aux régions de nombreuses compétences nouvelles dans un cadre exigeant de négociation permanente et de conventions avec l'État d'une part, de recherche de l'exactitude numérique tant pour le calcul de la compensation financière que pour l'évaluation des effectifs transférés d'autre part.

Si les collectivités ont parfois refusé pour des raisons de principe de signer des conventions de transfert avec le représentant de l'État, l'auteur du rapport juge que cela ne doit pas faire oublier que la négociation a été constante et que les demandes des collectivités ont été souvent satisfaites par l'État alors même qu'aucune obligation juridique ne l'y contraignait.

Plusieurs points cependant lui semblent encore faire débat.

A. Le problème de la compensation

Le rapport identifie deux conceptions différentes s'agissant de la compensation à l'euro près. Pour certains, l'euro près devrait s'entendre du coût de la compétence transférée tel qu'il évolue chaque année. Or, jusqu'à présent, le législateur a entendu définir cette compensation comme une compensation prenant comme base de référence soit l'année précédant le transfert de compétences, soit une moyenne des années précédant le transfert. Il semble à l'auteur du rapport que cette définition doive être maintenue dans la mesure où une modification annuelle de la base de calcul aurait un effet déresponsabilisant sur les collectivités . En revanche, le maintien de la base de référence initiale incitera selon lui les collectivités à faire des choix de dépenses et de gestion dont les conséquences financières leur seront directement imputables, dans un sens positif comme dans un sens négatif.

B. La place de l'état s'agissant des compétences décentralisées

Sur cette question, le rapport note que, du point de vue de certaines directions d'administration centrale, les fonctionnaires de l'État qui sont déchargés de certaines compétences n'en doivent pas moins demeurer au service de l'État afin d'assurer de nouvelles missions de contrôle et de conseil aux collectivités, dans le cadre des compétences transférées.

Le rapport s'interroge sur les risques de résistance à la décentralisation que pourrait receler une telle conception et il juge utile et souhaitable que des audits soient menés dans les directions d'administration centrale, et le cas échéant dans les administrations déconcentrées, lorsque des compétences sont transférées aux collectivités territoriales.

C. La réforme interne des collectivités

Le rapport engage les collectivités à tirer toutes les conséquences de la loi du 13 août 2004 en procédant à la réforme de leurs structures internes , notamment pour ce qui concerne la gestion de leur personnel dont les effectifs ont presque doublés du fait du transfert des agents TOS et des agents des DDE.

Il estime aussi que les départements sont désormais face à un questionnement sur leur mission première et leur place dans l'architecture territoriale : acteurs autonomes pour une partie de leurs compétences, ils sont également, pour une autre partie de leurs compétences, les exécutants de missions sociales confiées par l'État . Le rapport note que cela explique le souhait, exprimé par un grand nombre d'élus locaux, de pouvoir bénéficier d'une pause dans l'adoption de dispositions législatives transférant de nouvelles compétences. Il n'y voit pas le signe d'un refus d'une décentralisation plus poussée, ou d'un regret vis-à-vis des transferts qui ont eu lieu, mais bien plutôt le signe d'une volonté de repenser les missions et l'organisation des collectivités autour des nouvelles compétences transférées.

Estimant que le succès de cette réforme interne est la condition qui permettra qu'un nouvel équilibre puisse être trouvé, tant sur le plan de l'organisation que sur le plan financier , l'auteur du rapport considère qu'il revient aux collectivités de se saisir de toutes les toutes les marges de manoeuvre que leur a offert le législateur à travers les expérimentation et les transferts ou délégations de compétences facultatifs. Il appelle par ailleurs le législateur à faire bénéficier les collectivités des expérimentations normatives autorisées par le Constituant depuis la réforme du 28 mars 2003.

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