2. Les questions de santé

Le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), qui modifie les règles d'organisation du secteur médico-social, va également bouleverser le paysage institutionnel dans le domaine sanitaire. La création des agences régionales de santé (ARS) se traduira par la disparition, ou la réorganisation de structures jouant un rôle central dans les politiques sanitaires au niveau déconcentré, c'est le cas notamment des DRASS et DDAS, ou de structures de coopération entre les collectivités locales et les autres acteurs du système de santé tels que les groupements régionaux de santé publique.

Cette réorganisation administrative au profit des ARS aura pour conséquence la définition de nouvelles relations entre cet établissement public et les collectivités territoriales sur des sujets tels que la santé publique et l'offre de soins.

Des modifications institutionnelles profondes

Le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires apporte des modifications profondes quant aux conditions de participation des collectivités territoriales à la gestion du système de santé.

Trois lois votées en 2004, la loi relative aux libertés et responsabilités locales, la loi relative à l'assurance maladie et la loi relative aux politiques de santé publique avaient défini les modalités de participation des collectivités territoriales à la gestion de certaines instances sanitaires.

C'est ainsi que les conseils régionaux étaient devenus membres, à titre consultatif, de la commission exécutive des agences régionales d'hospitalisation (ARH) en charge de la gestion des établissements de santé publics et privés. Une expérimentation avait prévu d'offrir la possibilité aux conseils régionaux de participer aux travaux de l'ARH avec une voix délibérative mais une seule région, la région Nord-Pas-de-Calais, a souhaité participer à cette expérimentation.

Les collectivités territoriales pouvaient également rejoindre les groupements régionaux de santé publique (GRSP) et financer les projets pilotés par ces structures.

Enfin, la création à titre expérimental d'une agence régionale de santé réunissant l'Etat, la sécurité sociale et les régions était prévue, mais cette expérimentation n'a finalement pas vu le jour.

Le projet de loi HPST rend caduques ces dispositions en prévoyant la suppression des ARH et des GRSP. Par ailleurs, la création d'agences régionales de santé sur un modèle déconcentré, et non pas décentralisé, réaffirme le caractère régalien des politiques de santé publique.

La première conséquence de cette réforme est donc de réduire le rôle institutionnel des collectivités territoriales en matière de politique de santé. Désormais, elles participent au conseil de surveillance de ces agences, sans capacité opérationnelle.

Par ailleurs, les modes de collaboration entre les ARS et les collectivités territoriales en matière de santé publique seront limitées , les ARS pourront être signataires du volet sanitaire des contrats urbains de cohésion sociale et auront la possibilité de conclure des contrats locaux de santé avec les collectivités territoriales sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement médico-social.

L'accès aux soins : une question en suspens

Cette situation va influer sur la prise en compte de difficultés apparues en de nombreux points du territoire et auxquelles les collectivités territoriales ont tenté d'apporter une réponse, en l'absence d'une intervention claire des autorités compétentes : l'Etat et la sécurité sociale. C'est notamment le cas vis-à-vis des restrictions dans l'offre de soins qui se sont aggravées au cours des dernières années en raison de la crise de la démographie médicale et de l'émergence de difficultés d'accès aux médecins généralistes ou spécialistes sur des parties de plus en plus importantes de notre pays. Cette question de l'accès aux soins prend une dimension d'autant plus importante qu'elle comporte un second volet relatif au maintien en activité des établissements de santé, et notamment des établissements dont l'activité médicale et chirurgicale se réduit.

Les collectivités territoriales ont développé plusieurs dispositifs destinés à favoriser l'installation ou le maintien des médecins sur leur territoire . Ces mesures prennent essentiellement la forme d'aides financières, immobilières ou fiscales. Dans certaines régions (Aquitaine, Bretagne) la mise en oeuvre de ces mesures a fait l'objet d'une action coordonnée au niveau régional. Les actions des collectivités territoriales en la matière ont parfois été complétées par des aides versées par la sécurité sociale.

L'éventail des actions est large : bourses aux étudiants en médecine, mise à disposition de locaux professionnels ou à usage de logement, aides à l'installation ou au fonctionnement voire exonération de la taxe professionnelle.

La création des ARS, dont la mission principale est d'organiser l'offre de soins, va nécessiter une articulation avec les interventions des collectivités territoriales.

Tout d'abord parce chaque ARS établira un schéma régional d'organisation des soins destiné à évaluer les besoins en implantations pour l'exercice des soins de premier recours. L'action des collectivités locales sera donc encadrée par les décisions des ARS en matière de planification de l'accès aux soins.

Ensuite, parce que les ARS sont chargées de contribuer à la création d'un guichet unique qui centralisera les aides mises à la disposition des médecins susceptibles de s'installer dans les zones dites sous-médicalisées. Là encore, les collectivités territoriales seront sollicitées pour participer à des financements croisés sur des projets dont elles n'assurent pas le chef de filat et qui ne relèvent pas de leurs compétences.

Le deuxième point important en matière d'accès aux soins concerne les établissements de santé.

Le directeur général de l'ARS disposera d'une autorité renforcée sur les établissements de santé. Par ailleurs, le Gouvernement a affiché sa volonté de poursuivre la restructuration de la « carte » hospitalière.

La création des futures communautés hospitalières de territoire dont l'objectif est de permettre la mutualisation des moyens entre plusieurs établissements, la fermeture de certains services pour des raisons de sécurité des patients, la transformation des établissements de soins aigus en établissement de rééducation ou d'hébergement des personnes âgées nécessiteront des contacts directs entre les ARS et les présidents de conseil de surveillance des établissements de santé concernés selon des modalités qui ne sont pas institutionnalisées.

Cette situation éveille des craintes chez les élus locaux, notamment dans les communes hébergeant des établissements de petite taille susceptibles d'être fermés.

La question de l'offre de soins illustre la difficulté d'organiser un dialogue entre l'Etat (les autorités de tutelle du secteur de la santé) et les collectivités territoriale sur des sujets d'intérêt commun mais pour lesquels l'approche des dossiers est radicalement différente. Cette absence de concertation est d'autant plus dommageable, que les collectivités locales sont contraintes d'intervenir en cas de carence de l'action de l'Etat pour tenter de maintenir une offre de soins indispensable aux habitants et au dynamisme économique des territoires.

La médecine scolaire

Les carences de l'Etat en matière d'organisation de l'accès aux soins, ou de suivi sanitaire de la population, se constatent par ailleurs dans de nombreux domaines. C'est ainsi que les analyses convergent pour dénoncer les dysfonctionnements et les défaillances de la médecine scolaire, alors que son importance dans la prise en charge sanitaire des jeunes fait l'objet d'un consensus général.

La mission souhaite réaffirmer la responsabilité première de l'Etat dans ce domaine crucial pour la politique de prévention, mais souffrant d'un déficit récurrent de médecins scolaires de l'éducation nationale. En raison des complémentarités qui pourraient être recherchées avec les interventions des collectivités territoriales dans le domaine de l'action médico-sociale, et notamment celles des départements en matière de protection maternelle et infantile 69 ( * ) , votre mission propose néanmoins d' ouvrir une possibilité d'expérimentation de l'exercice de la compétence médecine scolaire par les départements et régions volontaires. Par souci de continuité de l'école au lycée, cette expérimentation pourrait se faire au niveau d'une région et des départements qui la composent. Les modalités de compensation financière devraient faire l'objet d'un examen très attentif tant l'implication de l'Etat s'est progressivement effritée.

Rappelons que lors de l'examen en 2003 du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, c'est au nom de la cohérence mais aussi et surtout de l'efficacité que le Sénat avait voté, en première lecture, à l'initiative notamment de notre collègue Philippe Richert, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, un transfert aux départements de la médecine scolaire.

Proposition de la mission

- Ouvrir, pour les départements et régions volontaires, une possibilité d'exercer à titre expérimental la compétence en matière de médecine scolaire.

* 69 Comme le relève l'étude réalisée par Ernst & Young à la demande de la mission, « les services de l'Etat, via le réseau d'infirmières et de médecins scolaires, interviennent dans le cadre de la prévention (1 er degré) complété de dispositifs d'animation (2 nd degré), notamment dans le cadre de la lutte contre les conduites additives. Là encore, le champ d'intervention est relativement proche des interventions du département en matière de protection de l'enfance. ».

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