D. LES RECHERCHES SUR LA REMÉDIATION ENVIRONNEMENTALE

L'action 7 du « plan chlordécone » prévoit de développer les recherches sur la faisabilité des techniques de dépollution.

Mais prenant acte du fait qu'aucune remédiation ne semble possible en l'état actuel des connaissances, le plan pose le préalable de l'organisation d'un atelier de recherche international dans une des îles afin d'étudier les possibilités d'avancées scientifiques et technologiques dans ce domaine.

Du fait de retards de financements, cet atelier qui aurait dû être organisé dans le courant de 2008, le sera, soit cette année, soit en 2010.

Mais, avant d'évoquer les quelques pistes de remédiation, qui ont été mentionnées à vos rapporteurs, ceux-ci souhaitent faire un rappel de l'état des lieux , ou, autrement dit, de l'ampleur, de la dynamique et de la durée de la contamination de l'environnement de la Guadeloupe et de la Martinique par la chlordécone.

1. Un état des lieux à améliorer

Les modélisations de présence de la molécule dans le sol mentionnées 61 ( * ) au chapitre I de ce rapport ont été affinées.

Dans un article publié en 2009 dans « Environmental pollution », M. Cabidoche, Directeur de recherche à l'INRA, associé à d'autres chercheurs de l'INRA et du CIRAD, a établi :

- que la pollution des sols est la plus concentrée dans les andosols entre une profondeur de 0 et 10 centimètres (en moyenne 2,5 mg/kg de chlordécone),

- que dans les déprises bananières où ont eu lieu des labours profonds, la teneur en chlordécone est très faible (15 ug/kg entre 50 et 70 centimètres de profondeur),

- et qu'une modélisation montre que sur les exploitations qui ont enregistré un épandage continu sur les périodes d'utilisation du Kepone, puis du Curlone, la présence de la molécule dans le sol, à un taux correspondant au millième de la contamination actuelle, sera :

de 60 à 100 ans pour les nitisols ;

de 3 à 4 siècles pour les ferralsols ;

et de 5 à 7 siècles pour les andosols.

Les auteurs ajoutent que, quoique faible, le principal vecteur de transport est le drainage régulier des sols superficiels par ruissellement.

Ce qui introduit la question qui suit.

Quel est l'état des bassins versants et plus précisément des cours d'eau, des nappes souterraines et des aires marines de déversement fluvial ?

S'agissant de la présence de chlordécone dans les réseaux aquatiques, l'étude de suivi de la qualité phytosanitaire des eaux de la Guadeloupe (2003-2008) par la Direction régionale de l'environnement fournit les éléments suivants :

« La chlordécone a été détectée au moins une fois sur la totalité des stations du réseau. Elle est détectée dans 63 % des prélèvements effectués pendant la période d'étude. La chlordécone est systématiquement présente dans les prélèvements provenant de deux stations : Rivière Grande Anse et Grande Rivière de Capesterre. Elle est également détectée dans plus de 80 % des prélèvements provenant des stations des autres rivières drainant le secteur traditionnel de culture de la banane : Rivière Moustique Petit-Bourg, Rivière du Grand Carbet, et Rivière aux Herbes.

Les concentrations en chlordécone des prélèvements provenant de ces 5 stations citées précédemment sont élevées : plus d'un prélèvement sur deux présente une concentration supérieure à 0,1 ìg/L. 100 % des prélèvements provenant de la station de Rivière Grande Anse ont une concentration en chlordécone supérieure à 0,1 ìg/L, avec une concentration maximale de 8,60 ìg/L enregistrée en novembre 2004 . »

»

Ces données appellent une observation . Elles peuvent sembler refléter une teneur en chlordécone relativement faible (le maximum est de 8,6 ug/l 62 ( * ) ), mais elles résultent d'analyses d'eau sur un produit particulièrement hydrophobe.

Une meilleure connaissance du milieu suppose donc que l'on mette en place un suivi de la teneur en chlordécone dans la matière organique du lit des rivières.

Car, l'étude précitée de Mme Monti de l'Université des Antilles et de la Guyane a révèlé un niveau élevé de pollution des organismes aquatiques de certaines rivières.

De même, il serait doublement souhaitable :

- qu'une analyse systématique des sédiments marins des cônes de déversement des rivières les plus polluées soit effectuée, ceci en fonction des résultats de l'étude de l'IFREMER sur les organismes inscrits,

- et qu'un bilan de l'état des nappes souterraines (cf. supra le projet de BRGM) soit effectué.

On ne peut que recommander, dans l'hypothèse de la recherche d'une remédiation environnementale, que les connaissances sur l'état des lieux de la pollution soient progressivement améliorées.

Ce qui suppose qu'on poursuive la cartographie la plus exacte possible des implantations de contamination du sol des îles, en particulier dans les zones où la présence de la chlordécone a été identifiée, alors même qu'aucune bananeraie n'y était implantée.

Sur un strict plan sanitaire et agronomique, les dispositions et le rythme de réalisation du « plan chlordécone » permettent d'estimer que les conséquences de la pollution sont en voie d'être maîtrisées sans qu'il soit besoin d'approfondir excessivement l'état de la contamination des milieux.

Mais, dans une approche environnementale de remédiation de l'ensemble des éléments de l'écosystème antillais, une description plus exacte de la contamination est nécessaire.

En définitive, le bilan que l'on peut tracer de la contamination après plusieurs années d'études et de prélèvement n'incline pas à l'optimisme environnemental. Il existe une forte pollution d'une partie des sols des Antilles, dont la rémanence est de l'ordre de 1 à 7 siècles, et qui diffuse lentement 63 ( * ) , par ruissellement dans les bassins versants et dans la mer.

On est donc confronté à un défi environnemental de très long terme dont la solution, avant même d'intensifier les expérimentations de remédiation, suppose que l'on approfondisse les données de la dynamique de la molécule et la structure complète de son implantation, terrestre, fluviale et marine.

* 61 Rapport INRAD CIRAD Cabidoche et al. (2006).

* 62 Ce qui est inférieur à la LMR de 20 ug/kg applicable aux végétaux, mais 86 fois supérieur à la limite de potabilité (0,1 ug/l).

* 63 Ce rythme lent peut être accéléré par les accidents climatiques et la forte pluviométrie de l'île.

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