(b) Adapter la politique de santé aux spécificités locales

• Des formations médicales et paramédicales, favorisant notamment la polyvalence

Au-delà du nombre de professionnels de santé, il semble important d' adapter leur formation aux spécificités du territoire, à la fois dans la formation initiale, mais aussi par des cycles de formation continue. Il s'agit notamment de favoriser, dès leur formation, la polyvalence des personnels plus que leur spécialisation ; outre l'éloignement de la métropole, les patients sont souvent à distance des lieux principaux d'exercice des spécialistes et des lieux d'implantation des hôpitaux : on peut par exemple citer les habitants de Salazie ou de Cilaos à La Réunion, parfois coupés du reste de l'île pendant des jours en raison des éboulements ou des coulées de boue, ou naturellement ceux de Maripasoula ou de Camopi en Guyane.

• Une organisation des soins adaptée aux spécificités des territoires, notamment par l'utilisation des nouvelles technologies

En raison des conditions de vie outre-mer, les professionnels de santé sont naturellement confrontés à un exercice de la médecine différent de celui pratiqué en métropole . Outre leur nécessaire polyvalence , il est important de réfléchir à une répartition des compétences entre les différents professionnels adaptée aux territoires : médecins, infirmiers, sages-femmes, pharmaciens etc.

Parallèlement, il est nécessaire de développer les dispositifs de soutien à ces personnels, car la polyvalence trouve rapidement ses limites dans le domaine de la santé. Il s'agit par exemple de mettre en place, lorsque que c'est techniquement possible, des outils modernes et efficaces de télémédecine , afin de permettre par exemple à un médecin généraliste de consulter un collègue spécialiste et de lui demander un avis pour un patient. Dans le même esprit, il peut par exemple s'agir dans des lieux particulièrement isolés, mais tout de même connectés par différents moyens de communication, d'aider un infirmier à accomplir certaines missions normalement à la charge des médecins.

Ces techniques ont été développées avec succès en Guyane , où un réseau de télémédecine permet de relier différents centres de santé, équipés de matériels adaptés, avec le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne. Le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication doit donc être fortement développé et adapté, en vue de fédérer les compétences et d'abolir les distances. Elles peuvent notamment permettre une meilleure répartition des professionnels sur le territoire. L'article 78 du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, récemment adopté par le Sénat et l'Assemblée nationale, devrait d'ailleurs favoriser l'émergence de ces nouvelles pratiques en les sécurisant juridiquement.

Par ailleurs, les modalités d'intervention peuvent être ajustées en fonction des spécificités des territoires, notamment dans les îles, en montagne ou dans la forêt amazonienne, par exemple en multipliant les équipes mobiles et polyvalentes.

Pour cela, il est cependant nécessaire d' adapter le statut des personnels . Le projet de loi HPST ouvre la voie à de telles adaptations, en prévoyant que des expérimentations relatives à l'annualisation du temps de travail des praticiens hospitaliers à temps partiel peuvent être prévues dans les établissements publics de santé des départements et régions d'outre-mer et des collectivités d'outre-mer. Cette disposition vise à apporter une solution aux difficultés de recrutement et de fidélisation des praticiens hospitaliers à temps partiel que rencontrent plusieurs établissements publics de santé d'outre-mer. L'enjeu de cette mesure est de permettre à un praticien hospitalier à temps partiel de remplir ses obligations de service à l'hôpital sur une période condensée de six mois et d'exercer une autre activité en dehors de l'hôpital pendant les six mois restant.

• Un traitement spécifique des questions financières

L'organisation des soins -ambulatoires ou hospitaliers- est marquée outre-mer par l'éloignement, l'isolement, la faiblesse des bassins de population à desservir et l'importante proportion de population en situation précaire ou irrégulière dans les collectivités territoriales d'outre-mer. D'ores et déjà, ces contraintes sont prises en compte dans les tarifs des prestations et des activités des établissements de santé, mais le calcul du coefficient géographique de correction doit être actualisé car il ne compense pas l'intégralité des surcoûts.

Les établissements de santé ultramarins connaissent parallèlement des problèmes particuliers de créances irrécouvrables, dont la somme, pour les DOM, représente 21 % du montant constaté pour la France entière, alors qu'ils ne représentent que 0,3 % de la population totale. La pauvreté de la population et l'importance, notamment en Guyane, de la population immigrée expliquent largement ce phénomène. Les médecins doivent-ils refuser des soins, notamment ceux qui sont urgents ou qui engagent le pronostic vital, si le patient n'est couvert par aucune assurance, y compris l'aide médicale de l'État, et n'est pas solvable ?

En outre, les établissements publics et privés de plusieurs DOM rencontrent des difficultés majeures pour recruter et fidéliser leurs personnels ; une meilleure reconnaissance financière, mais aussi un assouplissement de certaines dispositions statutaires, peuvent permettre d'améliorer le recrutement.

• Une politique de prévention volontariste et adaptée

Durant le déplacement de la mission à La Réunion, Mme Huguette Vigneron-Meleder, directrice de l'agence régionale de l'hospitalisation de La Réunion-Mayotte, a exposé la nécessité de renforcer les actions d'information et de prévention en matière de santé, la récurrence de certaines pathologies lourdes dans les collectivités ultramarines (cancer, dialyse...) pouvant s'expliquer en particulier par un système de soins trop porté sur le curatif et l'absence d'actions de dépistage suffisantes .

À La Réunion, la consommation d'alcool est plutôt inférieure aux moyennes nationales, mais elle est en fait concentrée sur une part plus faible de la population et ses ravages y sont importants, tant en termes de pathologies qu'en termes d'accidentologie.

Globalement, l'existence d'un climat tropical et la prévalence de maladies transmissibles (VIH, dengue, chikungunya...) rendent essentiel le déploiement d'une politique de prévention particulièrement volontariste et à destination de l'ensemble des publics concernés par les pathologies, y compris les immigrés irréguliers.

• Un plan de lutte contre la mortalité infantile

Comme il a été mentionné ci-dessus, les taux de mortalité des DOM sont inférieurs à ceux de métropole : 6,1 %o en Guadeloupe, 3,7 %o en Guyane, 6,7 %o en Martinique et 5,1 %o à La Réunion, contre 8,4 %o en métropole. Il s'agit principalement d'un effet statistique dû à la relative jeunesse de la population.

Une autre explication de ce taux global plus faible qu'en métropole réside dans des taux de mortalité infantile plus élevés . Il semble donc urgent de mettre en place un plan spécifique de lutte contre la mortalité infantile.

en 2005

Guadeloupe

Guyane

Martinique

La Réunion

Métropole

Taux de mortalité infantile (%o)

6,9

10,4

5,1

6,6

3,9

Source : direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, ministère de la santé

• Le développement de la coopération régionale et internationale, que ce soit en matière de recherche ou d'accès aux soins

Les spécificités que connaissent les DOM pour l'accès aux soins ou en termes de pathologies sont assez largement partagées avec les pays voisins. Dans ces conditions, il est également nécessaire, dans le domaine de la santé publique comme de nombreux autres secteurs, de développer les relations avec ces pays ou régions.

Cette coopération vise un meilleur accès aux soins pour les patients , à la fois pour les habitants des DOM et pour les habitants de ces territoires, mais aussi le développement de programmes de recherche sur des pathologies communes . Il est donc nécessaire de négocier et de mettre en oeuvre :

- des conventions de prise en charge des patients par la mobilité entre établissements, dans des conditions de financement satisfaisantes pour l'ensemble des parties ;

- des conventions de recherche et de collaboration, par exemple au niveau des laboratoires hospitaliers.

Ces coopérations entre équipes, professionnels et établissements doit permettre de créer outre-mer des pôles d'excellence, éventuellement jumelés avec des pôles métropolitains équivalents.

La désignation d'un conseiller sanitaire du ministère des affaires étrangères par grande zone géographique a constitué une première étape ; elle pourrait être complétée par la désignation d'un correspondant « coopération », couvrant la même zone géographique, au sein des futures ARS .

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