b) Restaurer l'efficacité des services déconcentrés

La crise violente qu'ont connue les Antilles au début de l'année n'est sans doute pas étrangère à la défaillance de l'organisation administrative de l'État dans les DOM . La mission estime qu'elle trouve partiellement ses origines dans une organisation insuffisamment adaptée aux spécificités des DOM.

(1) Une organisation administrative territoriale qui doit mieux épouser les particularités des départements d'outre-mer

Lors de ses déplacements dans les quatre DOM, la délégation de la mission a pu constater combien l'organisation de l'administration de l'État dans ces territoires était, pour l'essentiel, calquée sur celle mise en place en métropole.

Malgré les particularités et la grande diversité de situation entre ces territoires 42 ( * ) et en comparaison des départements métropolitains, l'État y a reproduit, le plus souvent, le même schéma d'organisation que celui retenu pour des départements métropolitains. Certes, la dualité entre les directions régionales et départementales n'existe pas, en général, dans les DOM. Néanmoins, la Martinique et la Guadeloupe voient ainsi, par exemple, chacune coexister sur un territoire peu étendu 43 ( * ) et peu peuplé 44 ( * ) une trentaine de services déconcentrés. La question est donc celle de l'utilité de cette multiplicité de services.

La mission estime que la réorganisation de l'administration territoriale de l'État, engagée dans le cadre de la RGPP et plus particulièrement de la mission interministérielle pour la réforme de l'administration territoriale de l'État (MIRATE), doit être l'occasion de repenser l'organisation administrative dans les DOM.

La réforme entreprise dans le cadre de la MIRATE tend en effet à faire du niveau régional le niveau de droit commun de pilotage des politiques publiques de l'État afin d'en améliorer la lisibilité et l'efficacité.

Elle substitue ainsi à un schéma éparpillé juxtaposant des structures de tailles et missions différentes impliquant une importante activité de coordination interservices au détriment des activités de pilotage et de conception, une organisation reposant sur des périmètres de compétence correspondant aux missions des ministères dans l'organisation gouvernementale.

Dans ce cadre, le niveau régional de l'administration territoriale a été réorganisé autour de huit directions. Les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) ont été créées le 1 er janvier 2009 et huit directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ont été créées le 27 février 2009. Cinq premières directions régionales de l'entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et les huit directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), en cours de mise en place, devraient être créées dans les prochains mois.

Les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) devraient être prochainement renforcés afin que leurs missions actuelles de coordination et d'appui du préfet de région puissent s'étendre de manière effective au pilotage d'ensemble de l'organisation de l'État dans la région.

Pour autant, aux termes des circulaires du Premier ministre des 7 juillet et 31 décembre 2008, la réforme de l'administration territoriale de l'État ne fait pas disparaître l'échelon départemental.

Au contraire, la nouvelle organisation est articulée autour de la préfecture de département et de deux ou trois directions interministérielles, en fonction de la taille des départements 45 ( * ) . Elles coexistent avec des directions à caractère ministériel dans un nombre réduit 46 ( * ) . Bien que placées sous l'autorité du préfet de département, le préfet de région est doté d'un pouvoir d'évocation des sujets relevant du préfet de département pour lesquels une coordination régionale renforcée est indispensable.

Sans contester sa pertinence pour la métropole, la mission estime que cette réforme ne doit pas être appliquée dans les DOM sans mesure d'adaptation .

En particulier, les services déconcentrés de l'État dans les DOM pourraient faire l'objet de regroupements complémentaires. Le nombre de directions régionales pourrait ainsi être réduit à moins de huit, par fusion de certaines directions, par exemple celle de la direction régionale de la culture (DRAC) avec celle de la DRJSCS.

Par ailleurs, certains postes administratifs pourraient sans doute être fusionnés, à commencer par ceux de secrétaire général de préfecture et de secrétaire général pour les affaires régionales. Dans des territoires peu peuplés, tels ceux des Antilles et de la Guyane, le dédoublement de ces fonctions peut en effet ne pas apparaître totalement pertinent.

Ces regroupements ne doivent pas pour autant être synonymes de réduction des effectifs ou des moyens destinés à assurer la pleine mise en oeuvre des politiques publiques outre-mer. Du reste, dans les quatre DOM, on compte seulement 63 288 agents de l'État, ce qui représente 3,54 % de la population de ces territoires, taux à peu près identique à celui de la métropole.

Ces restructurations doivent au contraire s'accompagner d'un renforcement des services dont l'activité doit être particulièrement soutenue dans les DOM.

Tel est le cas, par exemple, de la DRAAF en Guyane, compte tenu de l'importance de la forêt guyanaise. Tel est le cas, surtout, pour l'ensemble des DOM, de la DIRECCTE. La mission considère en effet que les services actuels de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) dans les quatre DOM sont aujourd'hui sous-dimensionnés compte tenu de la situation naturellement oligopolistique de ces territoires. Cette faiblesse explique pour partie l'insuffisante prise de conscience et répression des comportements anticoncurrentiels constatés outre-mer et de leurs effets sur les prix.

Il en est de même des services de l'inspection du travail. La mission d'information a en effet constaté l'existence d'un travail dissimulé important dans chacun des DOM. Or, les effectifs des actuelles directions du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DTEFP) sont manifestement insuffisants pour exercer des contrôles efficaces dans des territoires où, déjà en 2006, la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine avait relevé « une forme d'accoutumance à l'existence, ordinaire, d'un important travail clandestin » 47 ( * ) .

Dans ce contexte, sans remettre en cause la nécessité pour certains services de l'État de continuer à ne pas être soumis à l'autorité directe du préfet -tel est le cas, notamment, des services judiciaires- la mission estime qu'il pourrait être envisagé de renforcer le rôle d'impulsion du préfet sur des services déconcentrés sur lesquels il n'exerce actuellement, comme en métropole, aucune autorité.

En outre, la pertinence du maintien d'un échelon purement départemental dans les DOM doit être discutée. La mission estime en effet que l'action de l'État doit y être organisée, pour l'ensemble de ses services, à un niveau administratif unique. Cette évolution apparaît d'autant plus souhaitable qu'elle accompagnerait ainsi les évolutions institutionnelles envisagées dans ces territoires vers une collectivité unique régie par l'article 73 ou l'article 74 de la Constitution.

Proposition n° 6 : Mieux adapter l'organisation des services déconcentrés de l'État aux spécificités des DOM et à leur évolution institutionnelle.

La mission insiste en tout état de cause sur le fait que le renforcement de l'autonomie institutionnelle des DOM ne saurait s'accompagner d'un désengagement des services de l'État . Une telle situation appelle au contraire une administration recentrée sur des fonctions d'assistance et de contrôle.

Le transfert de compétences de l'État vers les collectivités dans le cadre d'une autonomie normative ou de gestion accrue des DOM implique nécessairement une redéfinition du rôle de l'administration déconcentrée de l'État.

Moins impliqués dans la définition des politiques publiques en raison de ce transfert, les services de l'administration territoriale de l'État devront renforcer leur action en matière d'assistance juridique aux collectivités et de contrôle de légalité des actes administratifs. Ces domaines apparaissent essentiels dans un système de compétences partagées où la répartition des prérogatives de l'État et des collectivités doit faire l'objet d'un strict respect.

La mission souligne que l'exercice plein et entier par l'État de ses prérogatives, d'autant plus si elles sont resserrées dans les domaines régaliens, n'est en tout état de cause pas inconciliable avec l'octroi d'une plus grande autonomie normative et financière des DOM.

Proposition n° 7 : Accompagner l'autonomie accrue des DOM par un renforcement des fonctions d'expertise et de contrôle de l'administration déconcentrée.

* 42 Éloignement de la métropole, insularité pour les Antilles et La Réunion, configuration archipélagique en Guadeloupe, immensité et impénétrabilité du territoire guyanais, exposition aux risques majeurs (cyclones, éruptions volcaniques...)...

* 43 1.702 km 2 pour la Guadeloupe et 1.128 km 2 pour la Martinique.

* 44 450.622 habitants en Guadeloupe et 397.732 habitants en Martinique.

* 45 Deux directions au-dessous de 400 000 habitants ; trois au-delà.

* 46 Notamment : la direction départementale des finances publiques, la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, l'inspection d'académie, les services de police et de gendarmerie.

* 47 Rapport n° 300 (2005-2006) de MM. Georges Othily et François-Noël Buffet, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 6 avril 2006, tome 1, p. 158 ( http://www.senat.fr/rap/r05-300-1/r05-300-1.html ).

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