MERCREDI 8 AVRIL 2009

Présidence de M. Serge Larcher, président

M. PATRICK BESSE, DIRECTEUR DE L'INSTITUT D'ÉMISSION DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

La mission a procédé à l'audition de M. Patrick Besse, directeur de l'institut d'émission des départements d'outre-mer.

M. Serge Larcher, président , a rappelé que l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) avait notamment la charge, pour le compte et sous l'autorité de la Banque de France, de la mise en oeuvre des missions de banque centrale dans ces départements et qu'il assurait également un rôle plus général d'observation de leurs économies, en particulier un suivi précis de la situation budgétaire des collectivités territoriales.

M. Éric Doligé, rapporteur , a souhaité disposer d'une analyse des recettes et des dépenses de fonctionnement de chaque strate de collectivités (communes, intercommunalités, départements et régions), avec leurs spécificités, notamment en matière d'octroi de mer ou de dépenses de personnel et d'aide sociale, ainsi que de leurs dépenses d'investissements et de leur niveau d'endettement.

M. Patrick Besse, directeur de l'institut d'émission des départements d'outre-mer , a en premier lieu relevé le poids du secteur public, au sens large, dans les économies locales, évalué à 30 % à 35 % de la valeur ajoutée, les emplois publics représentant 25 % à 30 % des emplois totaux.

Il a ensuite évoqué les spécificités de la fiscalité applicable outre-mer :

- la fiscalité sur les produits pétroliers y est différente, puisque la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est remplacée par une taxe spéciale sur les carburants dont le produit bénéficie non pas à l'État mais aux collectivités locales, principalement à la région ;

- un droit de consommation sur les tabacs abonde les recettes des départements ;

- l'octroi de mer touche à la fois les produits importés et certains produits locaux et représente une part importante des recettes fiscales des collectivités, entre 40 % et 50 % de celles des communes, 27 % et 44 % de celles des régions et 25 % de celles du département de la Guyane, seul département à en percevoir une partie. Son taux varie de 7 % à 12 % selon les communes et le taux régional est plafonné à 2,5 % ;

- la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fonctionne comme en métropole, mais avec des taux inférieurs : 0 % en Guyane, 8,5 % pour le taux normal dans les autres DOM et 2,1 % pour le taux réduit.

M. Patrick Besse a dressé par la suite un tableau de la situation financière des collectivités locales dans les différents DOM sur la base des comptes administratifs de 2006 :

- en Guadeloupe, la région connaît globalement une situation satisfaisante, malgré une dette importante ; les recettes sont en augmentation sensible et les dépenses sont maîtrisées, si bien que l'autofinancement est élevé. Le département, comme l'ensemble de ses homologues d'outre-mer et de métropole, est dans une situation moins favorable, du fait des transferts de compétences importants de la part de l'État, notamment dans le domaine social ; or, ces transferts sont souvent mal compensés. Outre-mer, ces transferts pèsent d'autant plus que la population y est plus jeune et en situation plus défavorisée. Les recettes et les dépenses de fonctionnement augmentent sérieusement, mais la gestion est maîtrisée et la dette limitée. En ce qui concerne les communes, il est important de relativiser l'intérêt des agrégats, car les situations sont très diverses. Pour autant, M. Patrick Besse a indiqué que, si les recettes progressaient, les dépenses de fonctionnement augmentaient parallèlement très fortement sous la pression, en particulier, des charges de personnel ; enfin, en dépit de la progression de la dette des communes, son niveau était bas ;

- en Guyane, les collectivités sont dans une situation beaucoup moins favorable. Pour le conseil régional, la faiblesse relative de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l'importance d'une population jeune pèsent sur les comptes et posent des problèmes de financement. Le conseil général est également dans une situation financière tendue, avec un taux d'endettement élevé et de forts investissements. Les communes guyanaises voient leurs recettes, notamment fiscales, progresser et les charges de fonctionnement rester raisonnables, à l'exception des dépenses de personnel ; la capacité d'autofinancement des communes est limitée et leur dette élevée, et plusieurs d'entre elles sont sous le contrôle du préfet et de la chambre régionale des comptes ;

- en Martinique, le conseil régional connaît une très bonne situation financière, avec une capacité d'autofinancement importante. Le département est de son côté dans une situation plus dégradée, puisque ses charges augmentent plus vite que ses produits et que sa dette progresse fortement. Les communes sont également sous tension, avec une réduction de leur capacité d'autofinancement : les recettes de fonctionnement sont stables, alors que les charges, notamment de personnel, progressent ;

- à La Réunion, les charges de fonctionnement du conseil régional sont contenues et les recettes progressent, mais un risque financier existe pour l'avenir. Le conseil général, sous la pression des transferts de compétences, a vu ses recettes et ses charges de fonctionnement doubler en quelques années, avec un recours à l'emprunt important, lié à des dépenses d'investissement elles-mêmes soutenues. Pour les communes, la capacité d'autofinancement est bonne malgré des investissements en hausse, mais la part des dépenses de personnel atteint 60 % ; la dette reste à un niveau raisonnable.

Après avoir présenté l'endettement global des collectivités des DOM, qui a progressé en 2006-2007 plus rapidement qu'en métropole, M. Patrick Besse a commenté une série de comparaisons des principaux agrégats financiers exprimés en euros par habitant des collectivités des DOM et de métropole :

- les régions d'outre-mer connaissent des dépenses doubles par rapport à celles des régions de métropole, soit 848 € par habitant contre 420 € en moyenne en 2006 ; cela résulte notamment de l'importance des dépenses d'équipement, qui s'élèvent en moyenne à 375 € par habitant pour les conseils régionaux d'outre-mer, contre 52 € dans l'hexagone ; leur dette se situe en revanche à des niveaux très proches ;

- pour les conseils généraux, les dépenses sont également plus importantes outre-mer, au total 1559 € par habitant contre 1059 € en moyenne en métropole ; cet écart s'explique principalement par le niveau des aides sociales : 911 € par habitant contre 468 € en métropole ; la dette départementale est plus élevée outre-mer et le taux d'épargne plus faible ;

- enfin, pour les communes, les dépenses sont à un niveau plus élevé qu'en métropole, mais l'écart est moins fort que pour les conseils généraux.

Interrogé par M. Éric Doligé, rapporteur , M. Patrick Besse a indiqué qu'il était difficile d'isoler dans les comptes des collectivités territoriales les concours européens, même si l'on disposait des montants globaux dans la programmation pluriannuelle.

M. Éric Doligé, rapporteur , a estimé, d'une part, qu'il fallait prendre garde aux comparaisons, notamment en raison des différences de périmètres dans les compétences exercées par les collectivités d'outre-mer et celles de métropole, et que, d'autre part, il convenait de prendre la mesure des spécificités de chaque DOM. M. Serge Larcher, président , a confirmé que la mission disposerait d'informations et de chiffres plus précis durant ses déplacements.

Estimant que l'établissement de moyennes statistiques pouvait être pertinent en métropole du fait de l'étendue des échantillons, M. Bernard Frimat s'est dit dubitatif sur leur signification pour l'outre-mer du fait de la disparité des situations. Il a d'ailleurs indiqué qu'on avait trop tendance à aborder la question de l'outre-mer en termes de moyennes. Approuvant ce propos, M. Éric Doligé, rapporteur , a relevé que le rôle de la mission était justement d'expliquer les écarts et leurs justifications.

M. Serge Larcher, président , est alors revenu sur plusieurs points de la présentation en s'interrogeant sur la faiblesse de la DGF de la Guyane, alors que les réformes adoptées en 2004 et 2005 avaient créé au sein de la dotation une part liée à la superficie du territoire, sur l'impact de la surrémunération de 40 % dans le niveau élevé des dépenses de personnel des collectivités d'outre-mer et sur l'effet de ciseau que connaissent les collectivités, avec des dépenses de fonctionnement qui augmentent plus vite que les produits. Il a observé que le niveau élevé de l'investissement s'expliquait en partie par la situation géographique et météorologique des DOM : le fait d'être en zone tropicale humide entraîne un renouvellement plus fréquent des investissements du fait de l'usure accéléré des matériaux ; les risques sismiques et les risques cycloniques alourdissent les contraintes techniques sur les équipements.

M. Jean-Etienne Antoinette s'est rallié à l'observation du rapporteur sur le défaut de pertinence des comparaisons et sur la diversité de situation des territoires. Il a cité en exemple la commune de Saint-Laurent du Maroni qui avait connu une augmentation exceptionnelle de sa population (78 %) lors du dernier recensement, ce qui était certainement unique en France.

Il s'est à son tour interrogé sur l'incidence de la prime de vie chère de 40 % sur les budgets locaux et a observé que le degré de titularisation des personnels, très différent d'une capitale régionale à l'autre, avait également une incidence directe et forte sur les budgets locaux. Il a précisé que le conseil régional de Guyane avait décidé de développer des partenariats public-privé, ce qui avait pour effet de modifier la répartition comptable entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement en majorant les premières.

Il a ensuite expliqué que l'attribution d'une part de l'octroi de mer au département de la Guyane résultait d'une décision de l'État pour résorber les difficultés financières ponctuelles mais que l'État n'avait pas compensé cette perte de recettes pour la région et les communes, soit 27 millions d'euros en 2008. Enfin, concernant la part de la DGF liée au critère de la superficie du territoire, il a regretté l'existence de deux freins à sa juste application : d'une part, son plafonnement pour les communes de Guyane et, d'autre part, le fait qu'elle s'élève à 3,12 € par hectare, comme partout en métropole, sauf dans les zones de montagne où elle est majorée à 5,19 €.

M. Jean-Paul Virapoullé a déploré le quiproquo né de l'acte II de la décentralisation, les transferts de compétences n'ayant pas été accompagnés des transferts financiers suffisants comme le prévoyait pourtant la révision constitutionnelle. Saluant le travail et le rôle de l'IEDOM, il a souhaité obtenir des statistiques plus récentes et insisté sur le nécessaire travail d'analyse que la mission devrait effectuer sur les perspectives financières des collectivités territoriales. Il a également indiqué que, de son point de vue, le bilan financier des partenariats public-privé devait être regardé avec attention, car ils avaient pour effet de décaler dans le temps la charge des dépenses effectuées tout en majorant celles-ci des marges enregistrées par les financeurs.

M. Jean-Etienne Antoinette a enfin souhaité que soit effectuée une analyse de l'évolution des valeurs locatives.

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