B. LA MODERNISATION : ACCROÎTRE LA TRANSPARENCE ET LA PROXIMITÉ DE LA PROCÉDURE

Les critiques exprimées au sujet du manque de transparence de la procédure CAT-NAT ont conduit le groupe de travail à examiner les pistes de réflexion tracées en matière de traduction normative des critères et de définition des seuils de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

1. Une gestion plus transparente : la traduction normative des critères et des seuils

En l'absence de texte normatif portant application des dispositions de l'article L.125-1 du code des assurances relatives à l'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle a défini la notion d'intensité anormale à partir de critères et de seuils que reproduit le tableau ci-dessous.

Critères et seuils retenus par la commission interministérielle
pour définir la notion d'intensité anormale

Phénomène naturel

Critère

Seuil

Organisme scientifique chargé de la mesure

Vents cycloniques

Vitesse des vents

145 km/h en moyenne sur 10 min

215 km/h en rafales

Météo France

Séismes

Intensité macrosismique

> VI

BCSF

Inondations par ruissellement

Durée de retour des précipitations

DR > 10 ans

Météo France

Inondations par débordement de cours d'eau

Durée de retour des débits de pointe ou des hauteurs d'eau

DR > 10 ans

Météo France

Source : DGTPE

Cette élaboration, en dehors de tout cadre réglementaire, a permis dans une certaine mesure de mettre en place un régime souple par souci d'équité .

Lors de son audition, la CCR, qui assure le secrétariat de la commission interministérielle, a tenu à souligner que celle-ci se livrait à un examen rigoureux lors de l'élaboration de son avis sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Les modalités de transmission des dossiers par les préfets telles que prévues par la circulaire du 19 mai 1998 110 ( * ) illustrent l'objectivité de la procédure.

Extrait de la circulaire du 19 mai 1998 à l'attention des préfets

C - TRANSMISSION DES DOSSIERS

« En premier lieu, il importe, comme cela a souvent été rappelé, que les délais d'envoi des dossiers au ministère de l'intérieur, direction de la défense et de la sécurité civiles, soient les plus réduits possibles. Le délai d'un mois, généralement respecté constitue une bonne mesure.

« En effet, des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle font parfois référence à des événements datant de plusieurs mois. Ceci complique inévitablement la tâche des experts sollicités dans le cadre des procédures d'indemnisation, compte-tenu de la difficulté évidente au-delà d'un certain temps, de constater « les dommages matériels directs » causés par l'intensité anormale d'un agent naturel.

« Par ailleurs, nous vous demandons de veiller à ce que les dossiers constitués par vos services soient complets. La commission interministérielle ne peut statuer sur des dossiers incomplets, qui sont donc source de retards préjudiciables aux intérêts des sinistrés.

« En outre, il vous est demandé, dans la mesure du possible, de regrouper les demandes relatives à un même événement et d'éviter ainsi plusieurs saisines de la commission.

« Lorsque vous êtes saisi de demandes de reconnaissance manifestement hors du champ d'application de la loi, il vous appartient d'en faire retour aux communes dont elles émanent. »

Source : Circulaire relative à la constitution des dossiers relatifs aux demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

En outre, depuis la loi du 13 août 2004 111 ( * ) , la décision interministérielle assortie d'une motivation est notifiée aux maires par les préfets, y compris en cas de refus de reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles.

Vos rapporteurs relèvent néanmoins que ce système a généré un sentiment d'incompréhension de la part des assurés puisque ces derniers jugent les critères le plus souvent comme inintelligibles, voire contestables . Des groupes de travail ont été mis en place afin de répondre à ces critiques. A ce sujet, vos rapporteurs appellent de leurs voeux une simplification et une formulation pédagogiques de ceux-ci.

De surcroît, face au défaut de publicité de ces critères, votre groupe de travail juge que leur traduction normative 112 ( * ) au niveau national constituerait une avancée en termes de transparence.

En effet, d'une part, les assureurs seraient en mesure d'évaluer de manière plus appropriée les coûts d'assurance et de réassurance. Ils pourraient éventuellement développer une couverture complémentaire au régime CAT-NAT. D'autre part, les assurés disposeraient d'une grille de lecture claire leur permettant non seulement d'anticiper ou non une indemnisation en cas de sinistre, mais également de se prémunir contre un tel risque en souscrivant une assurance complémentaire.

En outre, il a été rapporté, dans certains cas, au groupe de travail que les refus de reconnaissance n'étaient pas motivés ou l'étaient de manière jugée trop sommaire . Ce dernier déplore ces lacunes et estime que la mise à disposition des motivations fondant le refus de reconnaissance sur un portail Internet permettrait une pleine mise en oeuvre des dispositions de la loi du 13 août 2004.

Si la publicité des critères devrait accroître la transparence du régime CAT-NAT, elle ne constitue cependant qu' une réponse partielle aux différentes critiques. Elle n'apporte pas de solution adéquate à la question de la prévention. Elle ignore également le traitement des catastrophes naturelles d'une intensité extrême. Elle ne permet donc pas « de trancher tous les cas de figure, particulièrement en cas d'événement atypique ou de circonstances singulières » ainsi que l'a fait valoir la CCR 113 ( * ) .

2. Une suppression des arrêtés contraire à la protection des assurés

L'une des pistes de réflexion envisagées, dans le prolongement du principe d'une « traduction normative » des critères, consisterait à supprimer la prise de l'arrêté interministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Le Gouvernement propose ainsi de renvoyer le constat de cet état à des organes disposant d'une expertise scientifique. Il se fonde pour cela sur l'objectivation et la publicité des critères et des seuils qu'il compte établir dans un cadre réglementaire. Ces organismes auraient pour mission de mesurer les aléas naturels puis de publier leurs observations. Celles-ci permettraient, selon le Gouvernement, d'évaluer le caractère exceptionnel des aléas naturels en se référant aux seuils ainsi définis. Ce dernier propose, en conséquence, de supprimer les arrêtés interministériels.

Vos rapporteurs ne se déclarent pas favorables à cette simplification « radicale » de la procédure, pour plusieurs motifs.

En premier lieu, la suppression de la prise d'arrêté repose sur le postulat d'une objectivation parfaite des critères. Or si le groupe de travail considère souhaitable de simplifier et de rendre publics ces critères, il émet des réserves quant à la réalisation d'une objectivation totale de ceux-ci.

Le cas des inondations illustre ces réserves. La commission interministérielle a interprété la notion d'intensité anormale en fixant une durée de retour. Cette « objectivation » est plus ou moins complexe, en fonction du type d'inondations.

S'agissant du ruissellement pluvial, le groupe de travail convient que la localisation des points de mesure du phénomène apparaît satisfaisant. En revanche, les critères et seuils objectifs concernant la formation de crues torrentielles ainsi que la montée lente des eaux par remontée des nappes phréatiques sont plus difficiles à établir, comme le souligne l'Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (AFPCN). De surcroît, les mises à jour des mesures et statistiques des nouveaux phénomènes constituent des processus permanents d'évaluation de ces seuils et critères.

Le constat vaut également pour les vents cycloniques. La détermination des vitesses locales et instantanées de ceux-ci est particulièrement délicate à établir comme en témoignent les changements de classement des cyclones.

En conséquence, le manque d'objectivation parfaite des critères pourrait être source de contestation de la part de l'assuré face à un refus de reconnaissance. Vos rapporteurs craignent alors que la simplification de la procédure de reconnaissance par la suppression des arrêtés interministériels ne favorise la judiciarisation du système d'indemnisation CAT-NAT. Les assurés, sans intermédiation du préfet et des maires, se trouveraient seuls face à l'assureur. Ils pourraient être incités à faire « arbitrer » le refus d'indemnisation de l'assureur par un juge.

En second lieu, s'agissant du rôle dévolu à un ou des collèges à vocation scientifique dans la constatation de l'état de catastrophe naturelle, vos rapporteurs estiment que ces organismes ne devraient pas être placés dans une position telle que la décision in fine de reconnaissance se fonde uniquement sur leurs observations.

S'il est envisageable qu'un tel organisme scientifique, autorité administrative indépendante, ait pour mission de mesurer les aléas naturels, de publier ses constats et éventuellement de poursuivre une réflexion sur l'évolution scientifique des critères et des seuils, il convient de souligner que l'arrêté interministériel revêt, quant à lui, une portée symbolique , dont est dépourvu un constat scientifique. La puissance publique reconnaît par la prise de cet arrêté non seulement l'état de catastrophes naturelles, mais également la situation tragique des citoyens sinistrés.

3. Une gestion plus proche à l'échelon local

D'autres pistes de réflexion ont été avancées notamment par l'AFPCN qui préconise que la déclaration de l'état de catastrophe naturelle soit prise à l'échelon départemental, sur la base de critères définis au niveau national. Elle propose que la commission départementale de prévention des risques naturels majeurs prévue par la loi sur les risques de 2003 114 ( * ) émette l'avis de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Si vos rapporteurs se déclarent favorables à l'instruction et à la formulation de l'avis de reconnaissance CAT-NAT à un niveau infra-national , ils craignent cependant que l'échelon départemental ne conduise à des inégalités de traitement entre départements pour un même sinistre. C'est pourquoi ils proposent que cet avis soit pris au niveau local pertinent , au regard des compétences administratives.

En cas de contestation de l'avis formulé par la « commission locale », un recours pourrait être prévu au niveau national, devant la commission interministérielle. Cette dernière veillerait à harmoniser les avis locaux.

Cette mesure permettrait donc d'introduire la proximité dans la procédure souhaitée par les sinistrés. L'opportunité d'un tel dispositif ainsi que ses modalités devraient néanmoins être étudiées de manière approfondie. Il convient de s'assurer qu'il ne conduise pas à un allongement des délais. La composition d'une telle commission locale pourrait être plus large que celle de la commission interministérielle afin que tous les acteurs du circuit soient représentés, avec ou non voix consultative.

4. L'offre d'une couverture privée infra CAT-NAT

L'objectivation des critères ne pouvant être parfaite, vos rapporteurs se sont interrogés sur la capacité des assureurs à développer une couverture complémentaire en deçà des seuils retenus pour constater l'état de catastrophe naturelle.

A titre liminaire, il convient de souligner que l'assurabilité ainsi que le seuil d'assurabilité sont des concepts complexes à définir. Ils dépendent de la connaissance du risque, de la capacité de modélisation des aléas et de mutualisation des risques.

Or, la localisation des aléas , tels que les inondations, peut être de nature à réduire l'intérêt d'une telle mutualisation . Elle entraîne le plus souvent une augmentation du coût de la couverture pour l'assuré.

C'est pourquoi, vos rapporteurs rappellent que le fondement du régime CAT-NAT est de proposer une couverture solidaire pour ce genre d'aléas naturels à l'intensité anormale non assurables .

Cependant, dans la mesure où des critères et seuils ont été définis avec suffisamment de précision afin de permettre aux assureurs de déterminer l'exposition au risque, un marché complémentaire des aléas localisables assurables, hors couverture CAT-NAT, devrait être en mesure de se développer.

* 110 Circulaire relative à la constitution des dossiers relatifs aux demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. NOR : INTE9800111C.

* 111 Cf . article 11 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, codifié à l'article L.125-1 du code des assurances.

* 112 Bien que le groupe de travail ne préjuge pas de la nature de la norme à utiliser, il considère que cette transposition devrait vraisemblablement être réglementaire et non législative en raison de la possible évolution des critères.

* 113 Réponse de la CCR au questionnaire du groupe de travail.

* 114 Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

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