2. Renforcer la cohérence entre la structure, les compétences et le financement

a) Adapter la ressource fiscale au champ de compétences de chaque catégorie de collectivités territoriales

L'articulation entre la structure territoriale de la France et les compétences de chaque catégorie de collectivités territoriales est un sujet qui dépasse le seul champ des finances publiques. Toutefois, cette question s'articule directement avec celle du financement de ces collectivités territoriales.

Si la fiscalité locale doit être réformée, il convient de mettre en oeuvre cette réforme en gardant à l'esprit certains principes fondamentaux, parmi lesquels la nécessité de maintenir une cohérence entre la structure territoriale de la France, les compétences de chaque catégorie de collectivités territoriales et les sources de financement de ces collectivités .

Il apparaît ainsi logique que chaque catégorie de collectivités bénéficie des ressources fiscales correspondant le plus directement à ses secteurs de compétences. Les régions, par exemple, qui sont notamment en charge de la coordination, sur leur territoire, des actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements, doivent bénéficier de recettes fiscales provenant largement des entreprises installées sur leur territoire. De même, les communautés d'agglomération ou de communes à fiscalité propre, qui aménagent les zones d'activité économique, doivent recevoir le fruit de leurs efforts et être intéressées financièrement à l'évolution des implantations qu'elles cherchent à favoriser. De cette manière, la collectivité territoriale tire ses ressources des contribuables principalement visés par les politiques qu'elle met en oeuvre et exerce son pouvoir fiscal sur eux. C'est le meilleur gage du consentement à l'impôt.

b) La spécialisation : une fausse bonne idée

Cette adaptation ne doit pas conduire à une trop grande spécialisation des ressources fiscales entre catégories de collectivités territoriales, qui poserait des problèmes majeurs.

Le lien entre les collectivités territoriales et les entreprises doit être préservé . En effet, afin de favoriser le développement économique des territoires, chaque collectivité doit continuer à tirer des bénéfices des efforts qu'elle poursuit et des fonds qu'elle mobilise pour attirer les entreprises et développer son économie.

Par ailleurs, on sait que les collectivités territoriales sont dans l'obligation de voter leur budget en équilibre. Elles ont donc impérativement besoin de visibilité sur le montant de leurs recettes. Or, si certaines ressources fiscales dites « de stock » varient faiblement en fonction de la conjoncture économique et sociale, la fiscalité dite « de flux » présente pour sa part une grande élasticité. Les recettes procurées par les droits de mutation à titre onéreux, par exemple, varient largement en fonction de l'activité du marché immobilier. Il ressort de ce constat que la spécialisation ne doit pas être poussée à l'extrême, les collectivités territoriales ayant besoin d'une certaine garantie du maintien de leurs ressources fiscales. On voit bien aux Etats-Unis les désastres créés, en période de crise, par un système totalement déséquilibré.

Enfin, la spécialisation aurait pour effet d'amputer les marges de manoeuvre des collectivités territoriales en matière de vote des taux , afin, d'une part, de préserver leur pouvoir fiscal et, d'autre part, de ne pas conduire celles-ci à ne pouvoir disposer que d'un unique outil fiscal pesant sur une seule catégorie de contribuables, qui serait pénalisée par les éventuelles hausses d'imposition.

c) Clarifier les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales

Réformer la fiscalité locale doit aussi passer par une clarification des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales .

Il convient tout d'abord de garantir qu'une réforme de la fiscalité ne viendra pas réduire l'autonomie financière des collectivités territoriales . Notre collègue le Président Jean Arthuis relevait dans son rapport précité préparatoire sur la réforme de la taxe professionnelle que « malgré l'affirmation du principe constitutionnel selon lequel « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice », force est de constater que les conditions financières des transferts de compétences aux collectivités territoriales posent problème ». Or, la réforme de la fiscalité locale pourrait s'accompagner de nouvelles compensations accordées par l'Etat aux collectivités territoriales. Il est impératif que ces compensations soient calculées de manière à ne pas limiter à nouveau les marges de manoeuvre des collectivités territoriales.

Il serait par ailleurs souhaitable - dans une logique d'élargissement des bases et de réduction des taux - de supprimer ou de limiter les dégrèvements et exonérations fiscales qui font aujourd'hui de l'Etat le premier contribuable local . Comme l'indique le rapport d'étape précité de la mission sénatoriale sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, « le taux de prise en charge par l'Etat des taxes directes locales a vivement progressé dans le temps pour atteindre globalement 26 %, plus de 50 % pour la taxe professionnelle et près de 33 % pour la taxe d'habitation ». Cet état de fait a pour effet pervers de distendre le lien entre les collectivités territoriales et les contribuables locaux, en faisant assumer par le contribuable national une part de plus en plus importante des coûts des politiques menées localement. Une réforme cohérente de la fiscalité locale devrait donc également passer par une réduction du volume global des exonérations et des dégrèvements de fiscalité pris en charge par l'Etat. Ce sujet fera partie des enjeux de la réforme à venir de la taxe professionnelle.

La question de l'équilibre global d'une réforme de la fiscalité locale pour les finances publiques se pose également . Dans un contexte où le déficit budgétaire de l'Etat devrait atteindre, en 2009, 141 milliards d'euros, la réforme de la fiscalité locale ne doit pas porter une nouvelle atteinte à l'équilibre des finances publiques.

d) Quel calendrier pour une réforme ?

Enfin, toute réforme de la fiscalité locale doit être lissée sur longue durée , afin de permettre aux collectivités territoriales, dont les marges de manoeuvre budgétaires sont parfois réduites, de s'adapter progressivement. Seul un tel lissage peut rendre la réforme acceptable et applicable à l'ensemble des collectivités territoriales.

De manière plus générale, les enjeux soulevés par la réforme de la fiscalité locale conduisent à s'interroger sur le calendrier le plus pertinent pour la mettre en oeuvre .

Dans la présente situation de crise, et compte tenus des annonces faites, il ne serait pas réaliste de ne pas mettre immédiatement en vigueur le volet relatif aux entreprises. Il convient de respecter le souhait du Président de la République. Cela suppose naturellement de maîtriser les transferts intersectoriels et de se réserver la possibilité de les ajuster en fonction de leur impact économique et de considérations d'équité.

Pour ce qui est du volet relatif aux collectivités territoriales, il paraît acquis que 2010 soit une année de transition, leur attribuant une compensation intégrale. Encore faudra-t-il y veiller, mais cela ne suffit pas. On ne peut remettre à la loi de finances pour 2011 la définition des recettes pérennes à affecter aux différents niveaux de collectivités territoriales. Ce serait alimenter une surenchère sans fin, dans un climat économique difficile, et le contexte général de la fin de 2010 ne sera pas nécessairement meilleur que celui d'aujourd'hui, pour ce qui est au moins des finances publiques. « Quand le vin est tiré, il faut le boire », disait la sagesse populaire...

Pour votre rapporteur général, il est encore possible de trouver des formules raisonnables, surtout si l'Assemblée nationale fait une partie du chemin, et si le Gouvernement écoute et respecte les avis de votre commission des finances.

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