N° 365
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mars 2010 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le bilan du régime de l' auto-entrepreneur ,
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera. |
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) a créé le régime de l'auto-entrepreneur afin de promouvoir l'esprit d'entreprise en France. Outre la mise en place d'une procédure simplifiée de déclaration d'activité, l'intérêt de ce nouveau dispositif consiste essentiellement dans un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu.
Afin de stimuler le désir d'entreprendre, il s'agissait d'offrir à chacun, et notamment pour les salariés victimes de la crise économique, un moyen nouveau de créer une activité et d'expérimenter, à moindre frais, ce qui pourrait devenir à terme une entreprise créatrice d'emplois. Ouvert à tous, ce dispositif « pied à l'étrier » a rencontré un vif succès depuis son entrée en vigueur le 1 er janvier 2009. Ainsi, dès le premier semestre 2009, 100 000 entreprises supplémentaires ont été créées par rapport au premier semestre 2008, le régime de l'auto-entrepreneur étant à l'origine de plus d'une création d'entreprises sur deux 1 ( * ) . Le premier bilan, établi le 22 mai 2010 par les Urssaf, montre que 328 000 auto-entrepreneurs se sont inscrits entre le 1 er janvier et le 31 décembre de l'année dernière, pour un chiffre d'affaires global approchant le milliard d'euros.
Rares sont les politiques publiques qui rencontrent, aussi rapidement, un accueil aussi favorable du public et mobilisent autant l'attention des élus, mais aussi des organisations professionnelles. De ce point de vue, il faut souligner l'excellent « marketing » qui a entouré le lancement de ce dispositif.
Depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie, l'auto-entrepreneur a ainsi fait l'objet de quelque 64 questions écrites sénatoriales et notre assemblée a inscrit à l'ordre du jour du 12 janvier 2010 un débat d'initiative sénatoriale consacré à l'évaluation de la loi de modernisation de l'économie.
Parallèlement, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a constitué un groupe de travail chargé de faire le point sur l'application de la LME, présidé par Elisabeth Lamure, qui fut co-rapporteur, avec votre rapporteur général, de cette même loi.
De son côté, votre commission des finances a été saisie à de nombreuses reprises d'amendements tendant à modifier le statut de l'auto-entrepreneur, pour en restreindre le champ d'application, pour le limiter dans le temps, ou encore pour mettre un terme aux distorsions de concurrence avec les professions soumises à des statuts existants - les artisans - ou à des obligations particulières de qualification et d'assurance professionnelles en lien avec la sécurité ou la santé des personnes. Ces initiatives ont parfois été couronnées de succès. Ainsi, l'article 67 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 rend obligatoire, à compter du 1 er avril 2010, l'immatriculation au registre des métiers des auto-entrepreneurs qui exercent à titre principal une activité artisanale, tout en les exonérant pendant les trois premières années du paiement de la taxe pour frais de chambres de métiers 2 ( * ) .
Plus d'un an après l'entrée en vigueur de ce nouveau régime de création d'entreprise, le moment était venu de dresser un premier bilan de son application en année pleine, de faire le point sur les évolutions législatives et, le cas échéant, de proposer des pistes de réflexion pour accompagner le succès de ce statut.
C'est pourquoi votre commission des finances a organisé le 24 mars 2010 une table ronde, ouverte aux membres des commissions des affaires sociales et de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, mettant en présence Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, et les principales organisations parties prenantes.
Le présent rapport d'information a pour objet de publier et de mettre en perspective les actes de la table ronde 3 ( * ) du 24 mars dernier avec le bilan actualisé pour l'ensemble de l'année 2009 du nombre d'inscriptions au régime de l'auto-entrepreneur.
Les participants à la table ronde du 24 mars 2010 M. Hervé NOVELLI, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ; M. Cyril SNIADOWER, chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » de la direction de la législation fiscale (DLF) ; M. Gérard QUÉVILLON, président du Régime social des indépendants (RSI) ; M. Jacques ESCOURROU, président de la CNAV professions libérales ; M. François HUREL, président de l'Union des auto-entrepreneurs ; M. Grégoire LECLERCQ, président de la Fédération des auto-entrepreneurs ; M. Jean-François ROUBAUD, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ; M. Jean LARDIN, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA) ; M. Alain GRISET, président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) ; M. Jean-François BERNARDIN, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) ; M. Philippe MATHOT, directeur général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE). |
I. UN PREMIER BILAN DE LA MISE EN oeUVRE DU RÉGIME DE L'AUTO-ENTREPRENEUR
A. UN STATUT QUI SE CARACTÉRISE PAR SA SIMPLICITÉ
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dite « LME », a créé le régime de l'auto-entrepreneur pour permettre à toute personne physique, étudiant, salarié, demandeur d'emploi, retraité ou entrepreneur, d'exercer très simplement une activité artisanale, commerciale ou indépendante sous forme individuelle, que ce soit à titre principal ou accessoire dès lors que son chiffre d'affaires est inférieur à 80 000 euros pour le commerce et 32 000 euros pour les services.
Le nouveau régime comporte trois volets : le volet social , le volet fiscal et le volet déclaratif . Outre la mise en place d'une procédure simplifiée de déclaration d'activité, l'intérêt de ce nouveau régime de création d'entreprise consiste essentiellement dans un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu .
S'agissant du volet social, l'option pour le régime du micro-social simplifié doit être exercée par l'auto-entrepreneur lors de la déclaration de création de son entreprise au centre de formalités des entreprises. Dans le cas d'un entrepreneur déjà en activité, l'option doit être exercée au plus tard le 31 décembre pour produire ses effets l'année suivante, par demande auprès de la caisse de base du régime social des indépendants dont il relève. À titre exceptionnel, l'option a pu être exercée jusqu'au 31 mars 2009 par l'entrepreneur en activité pour une application au titre de 2009. L'auto-entrepreneur bénéficie alors des avantages suivants : il est affilié à la sécurité sociale, valide des trimestres de retraite et s'acquitte forfaitairement de ses charges sociales personnelles, mensuellement ou trimestriellement (forfait de 12 % pour une activité commerciale, de 18,3 % pour une activité libérale et de 21,3 % pour une activité de services à caractère commercial) uniquement sur ce qu'il encaisse.
Sur le plan fiscal, si le revenu fiscal de référence de 2007 ne dépasse pas 25 195 euros par part de quotient familial, l'auto-entrepreneur peut également opter pour le volet fiscal du dispositif. L'option pour le régime du micro-fiscal simplifié, qui doit être exercée dans les mêmes conditions que l'option pour le régime du micro-social simplifié, permet à l'auto-entrepreneur de s'acquitter forfaitairement, mensuellement ou trimestriellement, de l'impôt sur le revenu au titre de son activité (forfait de 1 % pour une activité commerciale, de 1,7 % pour une activité de services à caractère commercial et de 2,2 % pour une activité libérale), uniquement sur ce qu'il encaisse. L'auto-entrepreneur bénéficie également d'une exonération de contribution économique territoriale pendant trois ans à compter de la création de son entreprise, cette mesure ne s'appliquant qu'au créateur d'entreprise et non pas à l'entrepreneur déjà en activité.
Enfin, en cas de création d'activité, l'auto-entrepreneur peut simplement se déclarer auprès du centre de formalités des entreprises sans obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. La déclaration auprès du centre de formalités des entreprises permet d'assurer que l'entreprise sera déclarée aux services fiscaux et sociaux, s'acquittera des charges fiscales et sociales dont elle est redevable et sera contrôlée comme toute entreprise qui a fait l'objet d'une immatriculation. De plus, l'auto-entrepreneur se voit attribuer par l'Institut national de la statistique et des études économiques un numéro SIREN qui doit figurer sur ses factures, notes de commande, tarifs et sur toute correspondance.
* 1 Au 15 juillet 2009, on compte 182 000 personnes qui se sont inscrites auprès des centres de formalité des entreprises ou sur Internet. Parmi elles, 165 000 sont des créateurs d'entreprise et 17 000 sont des microexistants séduits par les avantages du régime d'auto-entrepreneur. Un tiers des auto-entrepreneurs exercent une activité artisanale, les deux autres tiers une activité de commerce ou de services. Enfin, 25 % d'entre eux ont bénéficié de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) - source JO Sénat du 10/09/2009 - page 2135 - réponse à la question écrite n° 09295 de Roland Courteau.
* 2 Plusieurs organisations professionnelles avaient en effet fait valoir le risque de concurrence déloyale que peut engendrer un tel dispositif en matière fiscale et sociale : un nouvel effet de seuil pourrait entraîner un risque « d'évaporation » des inscriptions au registre des métiers, au détriment du contrôle de la qualification des nouveaux auto-entrepreneurs. S'ajoutent des interrogations en matière de qualifications professionnelles, de garantie décennale en cas de désordre survenant sur l'ouvrage réalisé ou en cas de malfaçon.
* 3 Il a été demandé aux personnes auditionnées qui le souhaitaient de présenter une contribution écrite. Celles-ci sont publiées en annexe I.