TRAVAUX DE LA COMMISSION - TABLE RONDE DU 24 MARS 2010 SUR LE BILAN DU RÉGIME DE L'AUTO-ENTREPRENEUR
OUVERTURE DES DÉBATS
M. Jean ARTHUIS, président . - Monsieur le Ministre, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Nous souhaitons, puisque c'est la vocation institutionnelle du Parlement et en particulier du Sénat, procéder à l'évaluation du régime de l'auto-entrepreneur, créé à votre initiative dans le cadre de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Outre la mise en place d'une procédure simplifiée de déclaration d'activité, l'intérêt de ce nouveau dispositif de création d'entreprise consiste essentiellement dans un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu.
Près d'un an après son entrée en vigueur, intervenue le 1 er janvier 2009, le moment est venu de dresser un premier bilan du régime de l'auto-entrepreneur. En effet, si les derniers chiffres communiqués par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), font état au 31 janvier 2010 de 307 500 comptes affiliés à ce régime, seuls 131 000 auto-entrepreneurs ont déclaré en 2009 un chiffre d'affaires. À ce jour, près de 60 % des auto-entrepreneurs inscrits ne déclarent donc aucune activité.
L'intérêt économique à favoriser l'esprit entrepreneurial ne doit pas être remis en cause. Tout ce qui suscite l'esprit d'entreprise doit être appuyé et puissamment encouragé, mais il convient de constater que si le succès du régime de l'auto-entrepreneur a permis en 2009 d'atteindre un niveau record de créations d'entreprises - 580 200 créations selon l'INSEE, soit 75 % de plus qu'en 2008 -, le nombre global de créations de sociétés, hors auto-entrepreneurs, diminue par effet de substitution.
Ainsi, un certain nombre d'auto-entreprises auront vocation, en se développant, à entrer dans les régimes de droit commun et à devenir ultérieurement, sans doute, des sociétés à responsabilité limitée (SARL) ou des entreprises individuelles à responsabilité limitée (EURL). Dès lors que le régime micro-fiscal et microsocial de l'auto-entrepreneur est simple et qu'il est fondé sur le chiffre d'affaires effectif, alors que le régime classique des travailleurs indépendants demeure complexe et relativement insensible à la conjoncture, ce dispositif produit par nature des effets de seuil et de distorsion de concurrence par rapport au droit commun.
Ces craintes ont été largement relayées par nos collègues sénateurs puisque depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie, ce sujet a fait l'objet de 64 questions écrites. Par ailleurs, le Sénat a inscrit à l'ordre du jour du 12 janvier, à la demande de notre collègue Nicole Bricq, un débat d'initiative sénatoriale consacré à l'évaluation de la loi de modernisation de l'économie. La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a pour sa part constitué un groupe de travail chargé de faire le point sur l'application de cette même loi, dont notre collègue Elisabeth Lamure est présidente. En outre, le forfait social propre aux auto-entrepreneurs modifie les conditions de l'équilibre financier des régimes sociaux des travailleurs indépendants, justifiant ainsi pleinement l'intérêt que Mme Muguette Dini, Présidente de la commission des affaires sociales, porte au suivi de ce régime.
Enfin, notre commission des finances a été saisie à de nombreuses reprises d'amendements en lois de finances tendant à modifier le statut de l'auto-entrepreneur, soit pour en restreindre le champ d'application, soit pour le limiter dans le temps et atténuer les distorsions de concurrence avec les professions soumises à des statuts existants, notamment les artisans, ou encore pour le soumettre aux obligations particulières de qualification et d'assurance professionnelle en lien avec la sécurité ou la santé des personnes.
Ainsi, l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2009 rend obligatoire, à compter du 1 er avril 2010, l'immatriculation au régime des métiers des auto-entrepreneurs qui exercent à titre principal une activité artisanale, tout en les exonérant pendant les trois premières années du paiement de la taxe pour frais de chambres de métiers. Ce faisant, une nouvelle catégorie de ressortissants du réseau consulaire des artisans fait son apparition, créant une distinction entre membres cotisants et membres exemptés temporairement. Certes, les auto-entrepreneurs ont vocation, à terme, à quitter le régime simplifié pour entrer dans le régime de droit commun, mais l'effet de seuil induit par le statut d'auto-entrepreneur peut laisser craindre que ne succède à la dissimulation du travail celle du chiffre d'affaires, en tout cas d'une partie du chiffre d'affaires, afin de demeurer dans ce régime spécifique.
D'autres questions se posent, telles que les modalités de contrôle et de déclaration des auto-entrepreneurs, ainsi que le risque de cannibalisation avec les autres régimes. Par exemple, le fait qu'il n'y ait pas d'obligation de déclarer ne permet pas aux services chargés du recouvrement de savoir s'il y a ou non matière à redressement.
L'ensemble de ces éléments a amené la commission des finances à organiser cette table ronde afin de dresser un bilan de la mise en place de ce statut, d'étudier les problématiques soulevées par ce régime fiscal et social particulier, et d'identifier des propositions d'évolution législative et de simplification des formalités de création d'entreprise dans leur ensemble.
Je salue la présence à mes côtés de Mmes Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et Elisabeth Lamure, présidente du groupe de travail mis en place par la commission de l'économie. Je tiens aussi à remercier chacun des intervenants et avant tout Hervé Novelli, Secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, qui a accepté d'ouvrir les débats.
Interviendront au cours de cette table ronde :
- M. Cyril SNIADOWER, Chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » de la Direction de la législation fiscale ;
- M. Gérard QUÉVILLON, Président du Régime social des indépendants (RSI), celui-ci prenant son élan et ayant, semble-t-il, quelques marges de progression ;
- M. Jacques ESCOURROU, Président de la CNAV pour les professions libérales ;
- M. François HUREL, Président de l'Union des auto-entrepreneurs ;
- M. Grégoire LECLERCQ, Président de la Fédération des auto-entrepreneurs ;
- M. Jean François ROUBAUD, Président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises ;
- M. Jean LARDIN, Président de l'Union professionnelle artisanale ;
- M. Alain GRISET, Président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers ;
- M. Jean-François BERNARDIN, Président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie ;
- M. Philippe MATHOT, Directeur Général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE).
Enfin, le débat sera conclu par notre collègue Philippe Marini, rapporteur général. Pour la bonne organisation des débats, je vous propose d'aborder successivement les trois thèmes suivants :
• Le premier serait un éclairage sur la mise en oeuvre et le contrôle du régime fiscal et social spécifique de l'auto-entrepreneur ;
• Dans un second temps, nous dresserons le bilan du statut de l'auto-entrepreneur et ferons l'analyse des problématiques soulevées au regard des régimes de droit commun. Il y aura des prises de parole en faveur de l'auto-entrepreneur et, sans doute, des prises de parole plus réservées ;
• Enfin, le troisième temps sera consacré à l'examen des pistes de réflexion pour améliorer la transition du statut d'auto-entrepreneur vers les régimes de droit commun et simplifier les formalités de création d'entreprises, et peut-être simplifier le droit commun pour faciliter la transition entre le régime d'auto-entrepreneur et le régime réservé aux entrepreneurs.
Au cours de ce débat, chaque commissaire qui le souhaitera interviendra à son tour.
Pour ouvrir notre séance, comme je vous l'ai indiqué, je donne la parole à Hervé Novelli, Secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, que je remercie une fois encore d'avoir accepté d'être avec nous pour tenter d'évaluer la mise en oeuvre du régime d'auto-entrepreneur.
M. Hervé NOVELLI, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. - C'est pour moi un plaisir d'ouvrir ce débat, consacré au régime de l'auto-entrepreneur. J'y vois la reconnaissance d'un statut - peut-être d'une paternité, il faut savoir reconnaître ses enfants - et surtout la reconnaissance d'un succès. Si autant de personnalités éminentes sont réunies autour de cette table, au-delà des sénateurs qui sont chacun et chacune des personnalités, c'est qu'il existe une reconnaissance, comme vous l'avez indiqué, Monsieur le Président, du succès de ce régime.
Vous avez rappelé les chiffres. Je n'insiste pas, sinon pour remarquer que ce régime est un régime ô combien facilitateur de la création d'activité. Il nous a permis d'afficher des chiffres très importants, par le nombre d'auto-entrepreneurs, en termes quantitatifs, et aussi par le niveau de création d'entreprises, puisqu'il l'a accélérée.
Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est un statut simple. Chacun connaît le poids de la complexité dans notre société et peut donc comprendre que ce régime simplifié ait séduit beaucoup de Français. C'est donc le succès de la simplicité par rapport à ce qui semblait auparavant impossible ou très difficile. Rappelons-nous de ce qu'on appelle le « parcours du combattant » et de tous les efforts qui ont été faits, et il y en a eu beaucoup, notamment ceux de mon prédécesseur, Renaud Dutreil, pour faciliter la création d'entreprise. Or nous avons changé de nature, comme ce bond de 75 %, d'une année sur l'autre, du nombre de créations d'entreprises le signifie. Il était très difficile de créer son entreprise, puis moins difficile, mais cela restait un parcours du combattant. Or la création est devenue à la portée de tous.
Nous avons innové de manière très forte - et ces innovations serviront à d'autres régimes - puisque nous avons permis la déclaration en ligne d'activité, sur un site. Elle a été un facteur accélérateur du guichet unique de création d'entreprise, qui est opérationnel depuis quelques semaines. S'il n'y avait pas eu cela, nous aurions mis beaucoup plus de temps, et il faut vraiment avoir à l'esprit que les innovations de ce statut permettent des avancées pour d'autres statuts. Cette simplicité, cette capacité à entreprendre comme on le souhaite et quand on le veut, est l'une des clés, c'est évident, du succès de ce régime.
C'est un régime d'une grande souplesse, puisque l'auto-entrepreneur n'est pas pénalisé en l'absence de chiffre d'affaires. C'est bien cela qu'il faut comprendre. Je voudrais clarifier tout de suite le point sur lequel on nage souvent, dans les critiques faites à ce régime, dans une grande contradiction. On dit que ce régime est très nocif, pour un certain nombre de raisons - et nous aurons certainement ici des témoignages de cette nocivité -, mais dans le même temps on se complait en disant qu'il y a très peu de chiffre d'affaires. Or je ne vois pas comment, intellectuellement, on peut à la fois avoir très peu de chiffre d'affaires et être aussi destructeur. L'un ou l'autre est possible, mais certainement pas les deux en même temps.
L'une des clés de ce succès est que l'auto-entrepreneur ne paie de charges que s'il encaisse effectivement du chiffre d'affaires. En d'autres termes, les salariés ou les travailleurs saisonniers peuvent choisir certains trimestres de ne pas mener d'activité complémentaire en tant qu'auto-entrepreneur. C'est d'une certaine manière un droit à entreprendre - comme il existe d'autres droits que l'on exerce quand on le veut, quand on le souhaite et quand on le peut, en toute liberté - et que chacun peut, chaque trimestre, activer ou non, selon ses souhaits. C'est bien là l'une des clés du succès de cette liberté d'entreprendre.
Je souhaite répondre tout de suite à ceux qui disent que le régime serait trop avantageux. Il l'est parce qu'il est simple, mais il ne s'agit pas d'un régime subventionné. Les travaux du conseil des experts-comptables ont prouvé qu'en moyenne, l'auto-entrepreneur ne paie pas moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs. Il s'en acquitte dans un cadre simplifié et mon rôle est bien sûr de veiller à la simplicité de ce régime. C'est très important. Je tiens évidemment à la disposition de la commission des finances tous les chiffres qui démontrent que l'auto-entrepreneur ne paie pas moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs.
En revanche, ce régime, en créant de nouvelles activités, génère bien sûr des cotisations, qui abondent les ressources de la Sécurité Sociale. Sont chiffrées à 180 millions d'euros les cotisations sociales apportées par le régime au titre de l'année 2009.
Les droits à la retraite des auto-entrepreneurs sont calculés dans les conditions du droit commun, sans aucune dérogation. En particulier, en l'absence de chiffre d'affaires - rétablissons là aussi les faits -, les auto-entrepreneurs n'obtiennent pas de droit à la retraite. Nous avons clarifié ce point à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2010. Je vais d'ailleurs vous annoncer que le seuil de chiffre d'affaires pour obtenir un trimestre de retraite sera fixé par décret, en avril, à 200 heures équivalent SMIC, s'est-à-dire le seuil de droit commun pour les travailleurs non salariés. Vous voyez que là aussi l'équité est établie.
De plus, je voudrais tout de suite - nous aurons ce débat tout à l'heure, j'ai noté la présence de Monsieur Escourrou à cette tribune - relativiser fortement, dans son montant, le problème de compensation que poserait le régime de l'auto-entrepreneur pour les caisses de retraites libérales. Observons que la dérive commune à l'ensemble des régimes de retraite, du fait de la liquidation des pensions de la génération du baby-boom, affecte tous les régimes. La commission des comptes de la Sécurité Sociale prévoit pour la CNAVPL un déficit de 46 millions d'euros en 2010, après un excédent de 63 millions d'euros en 2009. Je souhaite que l'on observe que l'ensemble des régimes de retraite suit cette dérive.
Les mécanismes comptables de péréquation entre caisses de retraite ne sont pas, de mon point de vue, le point majeur qui doit nous guider, car ces mécanismes existants permettent une péréquation interne. Ce qui est très important est le développement des activités libérales, qui me semble majeur. Pour ma part, je me félicite du dynamisme des créations d'entreprises dans le secteur libéral, même si, bien sûr, des mécanismes d'équilibre entre caisses ont été ou vont être activés pour veiller à l'équilibre global.
Je souhaite maintenant évoquer avec vous la problématique de l'artisanat. Le gouvernement a mis en place un groupe de travail sur ce sujet en mai dernier. J'ai décidé - vous l'avez rappelé, Monsieur le Président - de donner suite aux propositions issues de ce groupe de travail sur deux points, le premier étant la qualification professionnelle et l'accompagnement de ces nouveaux créateurs d'entreprises par les chambres de métiers de l'Artisanat, via leur immatriculation. Dès le 1 er avril, la qualification professionnelle des artisans comme des auto-entrepreneurs sera contrôlée. Le contrôle de la qualification professionnelle, je le rappelle, n'avait jamais été réglé pour les artisans depuis la loi de 1996. Il m'est appartenu de mettre en oeuvre ce contrôle. Le décret concerné a été publié le 11 mars dernier. C'est une avancée majeure, qui était attendue depuis longtemps par les organisations artisanales.
Par ailleurs, nous avons adopté la disposition législative prévoyant que contrairement au dispositif d'origine, ce qui prouve que nous savons évoluer, les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre principal, vous l'avez rappelé, seront immatriculés à la Chambre des métiers. Ils le seront gratuitement pendant trois ans, pour prendre en compte la modestie de leurs revenus. Nous l'avons fait sur la base d'un accord avec les représentants des artisans, il y a maintenant plusieurs mois.
De mon point de vue, il s'agit là de garanties majeures. Le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà, car il faut conserver au régime de l'auto-entrepreneur sa souplesse et sa simplicité, qui sont les gages de son succès. À cet égard, je souhaite insister sur un point précis : la spécificité du régime de l'auto-entrepreneur n'en fait nullement un régime dérogatoire au droit du travail, ni d'ailleurs, a fortiori , aux règles relatives au travail illégal.
Je voudrais maintenant évoquer les relations entre auto-entreprise et salariat - complémentarité ou substitution. Nous avons relevé des cas abusifs, où des salariés ont été remplacés par des auto-entrepreneurs. Il convient de préciser que le régime de l'auto-entreprise ne remet pas en cause les fondements juridiques de la relation salariale. La question du détournement du statut d'auto-entrepreneur pour la réalisation d'un travail dans le cadre d'un lien de subordination tombe sous le coup de la requalification de la prestation de service en contrat de travail. Il n'y a là rien de nouveau par rapport aux travailleurs indépendants. À cet égard, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation est constante et s'appliquera aussi bien aux auto-entrepreneurs qu'elle s'appliquait hier aux faux sous-traitants, aux faux consultants ou encore aux faux indépendants. En la matière, la chambre sociale de la Cour de Cassation est aussi rigoureuse qu'expérimentée. Sur le terrain, les URSSAF appliquent la réglementation sur ce sujet avec fermeté et continueront à le faire.
Naturellement, il faut faire preuve de pédagogie vis-à-vis des auto-entrepreneurs pour qu'ils distinguent bien ce qui caractérise la relation de contrat de travail dans leur situation d'auto-entrepreneurs.
J'en viens à l'accompagnement des auto-entrepreneurs.
Autant 2009 a été l'année de la naissance de ce régime, autant 2010 sera l'année de l'accompagnement des auto-entrepreneurs. J'ai réuni les acteurs de cet accompagnement le 22 février dernier. Certains sont présents autour de cette table. Nous avons défini ensemble les orientations 2010 selon quatre axes.
Le premier axe consiste à renforcer la coordination entre les différents acteurs de l'accompagnement. L'agence pour la création d'entreprise (APCE) via le comité synergie réseau élargi, assurera la coordination entre les différents acteurs de l'information et de l'accompagnement des auto-entrepreneurs. Ce réseau Synergie regroupe à la fois les organisations professionnelles et tous les réseaux d'accompagnement habituels, y compris les associations de création ou d'accompagnement d'entreprises, qui existent et sont très actives. L'APCE mettra en place un plan d'action, coordonné entre tous les acteurs, en faveur de l'accompagnement et de l'information des auto-entrepreneurs.
Le deuxième axe est l'amélioration de la qualité et de la fiabilité de l'information. Il est vrai qu'à la faveur de ce succès, beaucoup d'informations ont été données, dont certainement des informations incomplètes ou même, parfois, erronées. Nous avons donc besoin d'instituer une sorte de qualification de l'information et des sites. Une mission de labellisation des sites d'information sera confiée au comité synergie réseau de l'APCE. Une nouvelle version du guide de l'auto-entrepreneur sera diffusée. Elle contiendra un jeu complet de questions/réponses et un annuaire des contacts et des réseaux d'accompagnement. Ce dispositif sera disponible dans les semaines qui viennent.
Le troisième point concerne le développement de l'accueil et l'accompagnement individualisé. Au sein de chaque organisation, une offre de services modulaires, clairement identifiée pour les auto-entrepreneurs et tenant compte des trois grands profils identifiés (le démarrage, le suivi et le développement), sera définie. Un module d'accompagnement spécifique sera développé d'ici le mois d'avril prochain par les réseaux pour accompagner les auto-entrepreneurs franchissant les seuils de chiffre d'affaires du régime de l'auto-entrepreneur et amenés à changer de régime fiscal et social. Ce franchissement de seuil est très important, parce que, très logiquement, de nombreux auto-entrepreneurs vont franchir ce seuil en 2010. Les réseaux d'accompagnement identifieront des référents auto-entrepreneurs. L'animation de ces référents sera confiée au même comité synergie réseau l'APCE.
Le quatrième axe consiste à renforcer l'accès à la formation des auto-entrepreneurs. Des moyens spécifiques seront consacrés dès cette année à cette fin. J'annoncerai ces moyens additionnels dès la fin de ce mois. Nous sommes en pleine phase d'arbitrage interministériel sur ce sujet.
J'en arrive maintenant au bilan.
Le régime a connu un succès immédiat. Tout au long de l'année, près de 1 000 auto-entrepreneurs se sont déclarés chaque jour, dont les trois quarts par Internet. Soit dit en passant, nous voyons bien le lien entre les nouvelles technologies de l'information et ce régime, ce qui démontre le caractère moderne de celui-ci.
Le régime a ensuite été étendu tout au long de l'année 2009 :
- en février, ouverture aux professionnels libéraux non réglementés ;
- fin avril 2009, compatibilité du régime avec l'aide au chômeur créateur ou repreneur d'entreprise (ACCRE) ;
- fin juillet, compatibilité du régime avec le versement du RSA ;
- en octobre, compatibilité du régime avec les cotisations sociales en vigueur dans les départements d'outre-mer.
Nous avons atteint le chiffre de 580 000 créations en 2009. Ces auto-entrepreneurs déclarent du chiffre d'affaires. Au 1 er février 2010, l'ACOSS dénombre 342 000 comptes auto-entrepreneurs. Sur les seuls entrepreneurs s'étant créés avant le 1 er octobre 2009, le chiffre d'affaires d'ores et déjà enregistré par les URSSAF en 2009 est de 816 millions d'euros. Sans contestation possible, nous dépasserons donc l'objectif que j'avais estimé à un milliard d'euros pour l'ensemble de l'année 2009. Nous connaîtrons le chiffre exact en avril prochain, puisqu'il existe un délai avant l'obligation de déclaration. Le chiffre d'affaires moyen par auto-entrepreneur actif s'élève à un peu plus de 3 700 euros par trimestre.
D'après les statistiques de l'INSEE, les auto-entrepreneurs sont pour les deux tiers des hommes et ont en moyenne 40 ans. Ils sont pour un tiers artisans, pour un tiers commerçants, pour un tiers libéraux. Le tiers des auto-entrepreneurs est demandeur d'emploi. Deux profils principaux se dégagent : des auto-entrepreneurs à temps plein et des auto-entrepreneurs recherchant un complément de revenu, comme les salariés et les retraités.
L'évaluation prochaine du régime de l'auto-entrepreneur permettra d'affiner la vision qualitative de ces entrepreneurs. La première réunion du comité d'évaluation se tiendra le lundi 29 mars. Votre réunion, Monsieur le Président, est de ce point de vue fort opportune, puisqu'elle va permettre de préparer les travaux de ce comité d'évaluation. L'étude sera tout d'abord statistique, afin de mieux comprendre ce qui s'est passé en 2009. Le second volet sera qualitatif, pour analyser l'insertion des auto-entrepreneurs dans leur environnement. Cela inclut naturellement le respect des règles professionnelles de leur secteur d'activité.
Comme je m'y étais engagé, l'ensemble des organisations professionnelles - ici présentes, du reste - sera associé au comité de pilotage de cette étude d'évaluation. Nous disposerons pour cela des chiffres d'activité de l'année 2009 pleinement révolue.
Je voudrais maintenant conclure en disant que l'ensemble de l'action que nous avons menée vise à la fois à libérer l'acte d'entreprendre, à en faire un geste naturel dans notre culture et dans notre société - c'est bien cela qu'il faut entendre -, et à donner les conditions d'un développement sûr à nos entreprises, pour assurer leur viabilité, une prise de risques mesurée, et pour certaines d'entre elles - pas toutes, bien sûr - une croissance rapide et forte.
Mesures conjoncturelles et mesures structurelles ont ainsi été combinées. Je tiens à votre disposition, Monsieur le Président, la répartition en 2009 des auto-entrepreneurs selon l'INSEE. Cette répartition fait apparaître que 12,7 % des auto-entrepreneurs se sont déclarés dans les métiers du bâtiment.
M. Jean ARTHUIS, président . - Merci, Monsieur le Ministre, de nous avoir fait partager vos convictions et de nous avoir rappelé à quel point vous avez foi en l'entreprise. La nécessité est de simplifier les formalités et les contraintes pesant sur ceux qui entreprennent, notamment ceux qui, pour la première fois et à titre individuel, s'engagent avec ce statut nouveau d'auto-entrepreneur. Je crois que le principe est maintenant validé par chacun d'entre nous. Il convient désormais de prendre le temps d'évaluer et d'identifier quelques petits dysfonctionnements et manquements. Le fait qu'il n'y ait pas d'obligation de déclaration laisse subsister un doute. Les présidents Escourrou et Quévillon auront d'ailleurs tout à l'heure l'occasion de s'exprimer.
M. Hervé NOVELLI. - Vous êtes obligés de vous déclarer pour obtenir un numéro INSEE.
M. Jean ARTHUIS, président . - Il existe une obligation d'immatriculation. En revanche, en fin d'année, l'on n'est pas obligé de déclarer le chiffre d'affaires. En l'absence de chiffre d'affaires et de déclaration obligatoire, l'on ne sait pas s'il y a une dissimulation du chiffre d'affaires ou si l'absence de celui-ci est une réalité. En l'absence de chiffre d'affaires, il faut même s'interroger sur la réalité de l'entreprise. Ceci appelle donc quelques réglages et quelques précisions.
Encore une fois, Monsieur le Ministre, je vous remercie d'être venu ouvrir notre table ronde.