b) Les négociations interprofessionnelles sur la pénibilité
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a fait de la pénibilité un sujet de négociation entre les partenaires sociaux . Son article 12 les invitait à engager, avant le 22 août 2006, une négociation interprofessionnelle afin de définir la notion et de réfléchir aux moyens de sa prise en compte .
Le premier cycle de discussions, lancé en février 2005, a été interrompu un an plus tard en raison des désaccords entre les organisations patronales et syndicales. Pour sortir la négociation de l'impasse, Gérard Larcher, alors ministre délégué à l'emploi, a proposé aux partenaires sociaux de mettre à leur disposition une offre d'expertise technique, sous la forme d'un groupe inter-administratif piloté par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Ce groupe, mis en place en mars 2007, avait pour mission de traiter la pénibilité sous trois angles :
- la définition, les instruments de mesure et les critères de prise en compte ;
- la prévention ;
- la compensation, qui serait accordée au cours de la carrière professionnelle (sous forme, par exemple, de bonifications de droits à pension de retraite), et la réparation, qui interviendrait à l'issue de celle-ci (dispositifs de cessation anticipée d'activité ou de préretraite 65 ( * ) ).
Si les négociations, reprises en avril 2007, ont permis de progresser sur les critères de pénibilité, sur la prévention et sur l'amélioration des conditions de travail , elles n'ont pas abouti sur le volet épineux de la réparation. Elles se sont finalement soldées par un échec en juillet 2008 .
L'absence d'accord résulte essentiellement de l'affrontement de deux conceptions de la réparation . D'un côté, le patronat défend un modèle de réparation individualisée, reposant sur un avis médical rendu par une commission ad hoc 66 ( * ) , dispositif que certains syndicats considèrent comme contraire à l'esprit de la loi de 2003 qui définissait - selon eux -, dans un souci d'équité, un droit pour tous à prendre une retraite en pleine santé. De l'autre, des syndicats de salariés plaident pour un modèle de réparation collective 67 ( * ) , qui n'est pas accepté par le patronat au motif qu'il ignore les facteurs personnels entraînant une réduction de l'espérance de vie.
Les négociations ont également achoppé sur la question sensible du financement des éventuelles mesures de prise en compte de la pénibilité. Alors que le patronat considère qu'elles relèvent de la solidarité nationale et donc qu'il appartient à l'Etat ou à la sécurité sociale d'en assurer l'essentiel du financement, les syndicats ont fait valoir que celui-ci doit être prioritairement assuré par les entreprises, dans la mesure où elles sont les premières responsables des situations de travail pénible.
* 65 A la différence de la retraite anticipée, la cessation anticipée d'activité n'entraîne pas la suppression du contrat de travail : le salarié reste donc couvert par les régimes de protection sociale attachés à son statut de salarié et peut reprendre une activité professionnelle normale s'il le souhaite, ce qui entraîne la suspension du versement de l'allocation de préretraite.
* 66 Les conditions d'éligibilité au dispositif de réparation proposé par le patronat s'inspire de celles prévues pour la cessation anticipée d'activité des travailleurs salariés (Cats). Le salarié devra notamment avoir accompli quarante ans effectifs d'activité salariée ; avoir été exposé pendant au moins trente ans à un facteur de pénibilité ; avoir cumulé pendant au moins dix ans un des facteurs de chacun des trois types de pénibilité (contraintes physiques marquées, environnement agressif, rythme de travail) ; présenté des traces durables, identifiables et irréversibles sur sa santé résultant des travaux pénibles exercés, etc.
Le patronat propose que le respect de ces conditions soit apprécié par une commission paritaire à laquelle participeraient un médecin du travail et un médecin de la sécurité sociale. Cette commission examinerait les cas individuellement et validerait les durées d'activité salariée et d'exposition aux travaux pénibles.
* 67 Le traitement individuel des cas de travailleurs usés par la pénibilité fait l'objet d'un débat parmi les syndicats. Certains représentants demandent l'application de critères généraux détachés de l'examen des situations médicales personnelles. D'autres conviennent qu'il n'est pas possible d'éviter une évaluation individualisée de la situation des travailleurs.