N° 616

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le débat d' orientation des finances publiques pour 2011 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Mesdames, Messieurs,

La sortie de la crise est pénalisée, en Europe, par les conséquences d'une gouvernance économique défaillante, en particulier s'agissant de la zone euro. Les alertes successives depuis le début de l'année ont engendré des progrès encore limités, mais bien réels, en matière de solidarité budgétaire. Aujourd'hui, sans que l'on sache si nous avons passé l'orage ou s'il s'agit d'une simple accalmie, les Etats sont renvoyés à leurs responsabilités. Car les difficultés n'auraient pas été les mêmes s'ils avaient respecté les règles dont ils se sont eux-mêmes dotés.

L'amélioration du crédit de l'Europe repose sur la capacité des Etats qui la composent à rompre avec le double langage et à mettre en oeuvre les politiques budgétaires soutenables qu'ils décrivent dans les programmes de stabilité actualisés chaque année en application du pacte de stabilité et de croissance. Certains le réalisent. C'est ainsi que la simple réaffirmation par l'Allemagne de sa volonté de mettre en oeuvre les engagements pris dans son programme de stabilité à été accueillie comme un courageux programme.

La réaffirmation par les dirigeants de la France de leur détermination à mettre en oeuvre les engagements pris dans le programme de stabilité 2010-2013 a souvent été regardée comme une nouvelle déclaration d'intention. Pourtant, l'ambition du programme, un ajustement de 5 points de produit intérieur brut sur la période, soit 100 milliards d'euros dont la moitié de mesures structurelles, représente proportionnellement un effort annuel plus important que celui de l'Allemagne. L'annonce s'est accompagnée d'un processus institutionnel marqué par la tenue de deux conférences sur le déficit, présidées par le Président de la République, et la constitution de groupes de travail chargés de proposer des solutions aux principales difficultés identifiées.

La France souffre d'un problème de crédibilité lorsqu'il s'agit de ses intentions en matière de consolidation budgétaire. Cela n'empêche pas les marchés d'avoir confiance en la soutenabilité de notre dette, qui continue d'être financée à des taux historiquement bas. Il ne faut d'ailleurs pas forcément y voir un paradoxe ou une incohérence dans un pays où la croissance repose surtout sur la demande intérieure.

Les hypothèses qui sous-tendent la réalisation du programme de stabilité 2010-2013, aussi bien en matière de prévision d'évolution des dépenses publiques que de taux de croissance du PIB, n'échappent pas au « biais optimiste » qui a oujours caractérisé cet exercice. Ceci explique non seulement pourquoi les programmes n'ont jamais été respectés, mais également le peu de crédit porté aux annonces de la France.

Une fois corrigées les hypothèses de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale (et en particulier de celles qui ne relèvent pas du champ de la loi de financement de la sécurité sociale) et des collectivités territoriales, et en retenant un scénario de croissance du PIB de 2 % sur la période, on constate que l'ajustement de 100 milliards d'euros pourra être réalisé seulement si les neuf dixièmes des économies proviennent de mesures structurelles. Par rapport au programme de stabilité actuel, il faudrait décider 50 milliards d'euros de mesures structurelles supplémentaires.

Dans ces conditions, faut-il continuer de poursuivre un objectif de déficit public inférieur ou égal à 3 % en 2013 ? La question se pose d'autant plus que, si l'ensemble des Etats auxquels le Conseil européen à fixé cet objectif pour la même date mettaient toute leur détermination à le respecter, les effets restrictifs sur l'activité qui en résulteraient ne permettraient probablement pas de l'atteindre collectivement.

La France doit construire sa stratégie de consolidation sans « fétichisme du solde », en privilégiant la mise en oeuvre d'un programme crédible et progressif, en s'attachant à respecter strictement les engagements qu'elle a pris en termes de mesures structurelles sur les dépenses et les recettes. Tout écart par rapport à la trajectoire ainsi définie serait susceptible de faire perdre sa crédibilité à l'exercice.

Pour respecter la trajectoire, tous les leviers doivent être utilisés, le budget de l'Etat comme celui de la sécurité sociale, les recettes comme les dépenses. Dans tous ces domaines, le Gouvernement doit se préparer à aller plus loin.

Dans ce rapport, votre commission des finances s'efforce d'éclairer les termes des choix en faisant apparaître les ordres de grandeur et en donnant des exemples de mesures permettant de les couvrir. Elle offre une « boîte à outils ».

Année après année, le débat d'orientation des finances publiques devient de plus en concret. Les plafonds de dépense par mission y sont dévoilés et, lorsqu'ils sont communiqués suffisamment à l'avance, commentés par les parlementaires. Cette année, les membres des deux assemblées ont souhaité donner un contenu concret aux ordres de grandeur annoncés par le Gouvernement de façon à éclairer les termes des choix qui devront être faits à l'automne. Le Gouvernement a souhaité marquer la gravité de ces choix en proposant de recourir pour la première fois à la procédure de la déclaration suivie d'un vote désormais prévue à l'article 50-1 de la Constitution.

Dans les années à venir, on peut espérer que la procédure devienne encore plus formalisée et que le Parlement valide le contenu du programme de stabilité et décide, compte tenu des prévisions économiques, des mesures à prendre en recettes comme en dépense pour respecter la trajectoire. Ces mesures devront s'imposer aux lois de finances.

Car un ajustement budgétaire réalisé dos au mur, subi plus que choisi, ne suffira pas à crédibiliser notre longue marche vers des finances publiques structurellement équilibrées. L'Allemagne, pourtant déjà vertueuse, a choisi de se doter d'une règle constitutionnelle. Le Président de la République souhaite à juste titre qu'il en soit de même de la France. Dans cette perspective, votre commission des finances préconise une « règle de sincérité » des hypothèses économiques et une « règle de responsabilité » conférant un caractère contraignant aux engagements pris pour assurer le respect de la trajectoire pluriannuelle. Elle s'est efforcée d'appliquer ces deux principes dans les analyses qu'elle présente à l'occasion du présent débat d'orientation des finances publiques.

PREMIÈRE PARTIE UNE PROGRAMMATION INCHANGÉE PAR RAPPORT AU PROGRAMME DE STABILITÉ 2010-2013

I. LA PROGRAMMATION DU GOUVERNEMENT : UN DÉFICIT RÉDUIT DE 5 POINTS DE PIB EN TROIS ANS

Le programme de stabilité 2010-2013 prévoit la fin du déficit excessif en 2013, de manière à respecter l'exigence de l'Union européenne.

Les principaux chiffres du programme de stabilité 2010-2013

(en points de PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

Hypothèse de croissance du PIB (%)

-2,25*

1,4

2,5

2,5

2,5

Solde public

Administrations publiques

-7,9**

-8,2**

-6

-4,6

-3

Etat+ODAC

-6,2

-5,9

-3,9

-3

-2

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,9

-1,7

-1,3

-1

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,2

-0,1

Solde structurel

-6,5

-6,8

-4,9

-4,0

-2,8

Dette publique (en % du PIB)

77,4

83,2

86,1

87,1

86,6

Taux de prélèvements obligatoires

41

41

41,9

42,4

43

* La croissance du PIB a été de - 2,6 % en 2009.

** L'Insee a notifié le 1 er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

Source : programme de stabilité 2010-2013

A. UN EFFORT PARTAGÉ ENTRE L'ETAT, LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L'effort de réduction du solde repose sur les trois catégories d'administrations publiques :

Evolution du solde des catégories d'administrations publiques selon le programme de stabilité

(en points de PIB)

Remarque : l'Insee a notifié le 1er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

Source : programme de stabilité 2010-2013

1. La confirmation des objectifs de solde et des hypothèses de croissance

Le Gouvernement a confirmé ses objectifs de solde public par rapport au programme de stabilité 2010-2013. Ainsi, selon le relevé de conclusions de la 2 e conférence sur le déficit (20 mai 2010), « le Président de la République a rappelé que la France prendrait toutes les mesures nécessaires pour respecter la trajectoire de finances publiques notifiée dans le Programme de stabilité. Celui-ci fixe le déficit des administrations publiques à 6 % du PIB en 2011 et à 4,6 % du PIB en 2012 ».

Le Gouvernement n'a en outre pas révisé à ce jour les hypothèses de croissance sur lesquelles repose le programme de stabilité (2,5 % à partir de 2011). Ainsi, malgré les critiques explicites à cet égard faites par la Commission européenne dans sa communication du 15 juin 2010 ( cf. ci-après), le Gouvernement ne devrait pas réviser sa prévision de croissance avant l'automne.

Par ailleurs, il s'agit toujours de faire essentiellement porter l'effort sur les dépenses, avec une légère réduction des niches fiscales et sociales.

Le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques maintient inchangée la trajectoire de solde à compter de 2011, se contentant d'actualiser la dette, ainsi que le solde en ce qui concerne l'exécution de 2009 et la prévision pour 2010, conformément au tableau ci-après.

La trajectoire de finances publiques : actualisation par le Gouvernement

(en points de PIB)

Source : rapport déposé par le Gouvernement en vue du présent débat d'orientation des finances publiques

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