Rapport d'information n° 616 (2009-2010) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juillet 2010


N° 616

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le débat d' orientation des finances publiques pour 2011 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Mesdames, Messieurs,

La sortie de la crise est pénalisée, en Europe, par les conséquences d'une gouvernance économique défaillante, en particulier s'agissant de la zone euro. Les alertes successives depuis le début de l'année ont engendré des progrès encore limités, mais bien réels, en matière de solidarité budgétaire. Aujourd'hui, sans que l'on sache si nous avons passé l'orage ou s'il s'agit d'une simple accalmie, les Etats sont renvoyés à leurs responsabilités. Car les difficultés n'auraient pas été les mêmes s'ils avaient respecté les règles dont ils se sont eux-mêmes dotés.

L'amélioration du crédit de l'Europe repose sur la capacité des Etats qui la composent à rompre avec le double langage et à mettre en oeuvre les politiques budgétaires soutenables qu'ils décrivent dans les programmes de stabilité actualisés chaque année en application du pacte de stabilité et de croissance. Certains le réalisent. C'est ainsi que la simple réaffirmation par l'Allemagne de sa volonté de mettre en oeuvre les engagements pris dans son programme de stabilité à été accueillie comme un courageux programme.

La réaffirmation par les dirigeants de la France de leur détermination à mettre en oeuvre les engagements pris dans le programme de stabilité 2010-2013 a souvent été regardée comme une nouvelle déclaration d'intention. Pourtant, l'ambition du programme, un ajustement de 5 points de produit intérieur brut sur la période, soit 100 milliards d'euros dont la moitié de mesures structurelles, représente proportionnellement un effort annuel plus important que celui de l'Allemagne. L'annonce s'est accompagnée d'un processus institutionnel marqué par la tenue de deux conférences sur le déficit, présidées par le Président de la République, et la constitution de groupes de travail chargés de proposer des solutions aux principales difficultés identifiées.

La France souffre d'un problème de crédibilité lorsqu'il s'agit de ses intentions en matière de consolidation budgétaire. Cela n'empêche pas les marchés d'avoir confiance en la soutenabilité de notre dette, qui continue d'être financée à des taux historiquement bas. Il ne faut d'ailleurs pas forcément y voir un paradoxe ou une incohérence dans un pays où la croissance repose surtout sur la demande intérieure.

Les hypothèses qui sous-tendent la réalisation du programme de stabilité 2010-2013, aussi bien en matière de prévision d'évolution des dépenses publiques que de taux de croissance du PIB, n'échappent pas au « biais optimiste » qui a oujours caractérisé cet exercice. Ceci explique non seulement pourquoi les programmes n'ont jamais été respectés, mais également le peu de crédit porté aux annonces de la France.

Une fois corrigées les hypothèses de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale (et en particulier de celles qui ne relèvent pas du champ de la loi de financement de la sécurité sociale) et des collectivités territoriales, et en retenant un scénario de croissance du PIB de 2 % sur la période, on constate que l'ajustement de 100 milliards d'euros pourra être réalisé seulement si les neuf dixièmes des économies proviennent de mesures structurelles. Par rapport au programme de stabilité actuel, il faudrait décider 50 milliards d'euros de mesures structurelles supplémentaires.

Dans ces conditions, faut-il continuer de poursuivre un objectif de déficit public inférieur ou égal à 3 % en 2013 ? La question se pose d'autant plus que, si l'ensemble des Etats auxquels le Conseil européen à fixé cet objectif pour la même date mettaient toute leur détermination à le respecter, les effets restrictifs sur l'activité qui en résulteraient ne permettraient probablement pas de l'atteindre collectivement.

La France doit construire sa stratégie de consolidation sans « fétichisme du solde », en privilégiant la mise en oeuvre d'un programme crédible et progressif, en s'attachant à respecter strictement les engagements qu'elle a pris en termes de mesures structurelles sur les dépenses et les recettes. Tout écart par rapport à la trajectoire ainsi définie serait susceptible de faire perdre sa crédibilité à l'exercice.

Pour respecter la trajectoire, tous les leviers doivent être utilisés, le budget de l'Etat comme celui de la sécurité sociale, les recettes comme les dépenses. Dans tous ces domaines, le Gouvernement doit se préparer à aller plus loin.

Dans ce rapport, votre commission des finances s'efforce d'éclairer les termes des choix en faisant apparaître les ordres de grandeur et en donnant des exemples de mesures permettant de les couvrir. Elle offre une « boîte à outils ».

Année après année, le débat d'orientation des finances publiques devient de plus en concret. Les plafonds de dépense par mission y sont dévoilés et, lorsqu'ils sont communiqués suffisamment à l'avance, commentés par les parlementaires. Cette année, les membres des deux assemblées ont souhaité donner un contenu concret aux ordres de grandeur annoncés par le Gouvernement de façon à éclairer les termes des choix qui devront être faits à l'automne. Le Gouvernement a souhaité marquer la gravité de ces choix en proposant de recourir pour la première fois à la procédure de la déclaration suivie d'un vote désormais prévue à l'article 50-1 de la Constitution.

Dans les années à venir, on peut espérer que la procédure devienne encore plus formalisée et que le Parlement valide le contenu du programme de stabilité et décide, compte tenu des prévisions économiques, des mesures à prendre en recettes comme en dépense pour respecter la trajectoire. Ces mesures devront s'imposer aux lois de finances.

Car un ajustement budgétaire réalisé dos au mur, subi plus que choisi, ne suffira pas à crédibiliser notre longue marche vers des finances publiques structurellement équilibrées. L'Allemagne, pourtant déjà vertueuse, a choisi de se doter d'une règle constitutionnelle. Le Président de la République souhaite à juste titre qu'il en soit de même de la France. Dans cette perspective, votre commission des finances préconise une « règle de sincérité » des hypothèses économiques et une « règle de responsabilité » conférant un caractère contraignant aux engagements pris pour assurer le respect de la trajectoire pluriannuelle. Elle s'est efforcée d'appliquer ces deux principes dans les analyses qu'elle présente à l'occasion du présent débat d'orientation des finances publiques.

PREMIÈRE PARTIE UNE PROGRAMMATION INCHANGÉE PAR RAPPORT AU PROGRAMME DE STABILITÉ 2010-2013

I. LA PROGRAMMATION DU GOUVERNEMENT : UN DÉFICIT RÉDUIT DE 5 POINTS DE PIB EN TROIS ANS

Le programme de stabilité 2010-2013 prévoit la fin du déficit excessif en 2013, de manière à respecter l'exigence de l'Union européenne.

Les principaux chiffres du programme de stabilité 2010-2013

(en points de PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

Hypothèse de croissance du PIB (%)

-2,25*

1,4

2,5

2,5

2,5

Solde public

Administrations publiques

-7,9**

-8,2**

-6

-4,6

-3

Etat+ODAC

-6,2

-5,9

-3,9

-3

-2

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,9

-1,7

-1,3

-1

Administrations publiques locales

-0,4

-0,5

-0,4

-0,2

-0,1

Solde structurel

-6,5

-6,8

-4,9

-4,0

-2,8

Dette publique (en % du PIB)

77,4

83,2

86,1

87,1

86,6

Taux de prélèvements obligatoires

41

41

41,9

42,4

43

* La croissance du PIB a été de - 2,6 % en 2009.

** L'Insee a notifié le 1 er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

Source : programme de stabilité 2010-2013

A. UN EFFORT PARTAGÉ ENTRE L'ETAT, LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L'effort de réduction du solde repose sur les trois catégories d'administrations publiques :

Evolution du solde des catégories d'administrations publiques selon le programme de stabilité

(en points de PIB)

Remarque : l'Insee a notifié le 1er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

Source : programme de stabilité 2010-2013

1. La confirmation des objectifs de solde et des hypothèses de croissance

Le Gouvernement a confirmé ses objectifs de solde public par rapport au programme de stabilité 2010-2013. Ainsi, selon le relevé de conclusions de la 2 e conférence sur le déficit (20 mai 2010), « le Président de la République a rappelé que la France prendrait toutes les mesures nécessaires pour respecter la trajectoire de finances publiques notifiée dans le Programme de stabilité. Celui-ci fixe le déficit des administrations publiques à 6 % du PIB en 2011 et à 4,6 % du PIB en 2012 ».

Le Gouvernement n'a en outre pas révisé à ce jour les hypothèses de croissance sur lesquelles repose le programme de stabilité (2,5 % à partir de 2011). Ainsi, malgré les critiques explicites à cet égard faites par la Commission européenne dans sa communication du 15 juin 2010 ( cf. ci-après), le Gouvernement ne devrait pas réviser sa prévision de croissance avant l'automne.

Par ailleurs, il s'agit toujours de faire essentiellement porter l'effort sur les dépenses, avec une légère réduction des niches fiscales et sociales.

Le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques maintient inchangée la trajectoire de solde à compter de 2011, se contentant d'actualiser la dette, ainsi que le solde en ce qui concerne l'exécution de 2009 et la prévision pour 2010, conformément au tableau ci-après.

La trajectoire de finances publiques : actualisation par le Gouvernement

(en points de PIB)

Source : rapport déposé par le Gouvernement en vue du présent débat d'orientation des finances publiques

2. Une nouvelle norme de dépense annoncée pour l'Etat

Contrairement à la présentation qui en a généralement été faite par la presse, l'annonce du gel des dépenses de l'Etat, hors charges d'intérêt de la dette et hors dépenses de pensions, ne devrait pas pas présenter de différence majeure par rapport à la règle actuelle dite du « zéro volume élargi », appliquée depuis 2008 ( cf . infra).

La règle d'indexation des dépenses de l'Etat prévue pour 2011, 2012 et 2013

Le Premier ministre a annoncé, dans un communiqué de presse du 6 mai 2010, que « pour les 3 années à venir, (...) les dépenses de l'Etat, hors charges d'intérêt de la dette et hors dépenses de pensions, seront gelées en valeur ». Cette orientation a été confirmée par le relevé de conclusions de la 2 e conférence sur le déficit (20 mai 2010), qui prévoit de « geler les dépenses de l'Etat (hors pensions des agents publics et intérêts de la dette, mais y compris concours aux collectivités territoriales et à l'Union européenne) en valeur sur trois ans ».

Cette déclaration a été fréquemment interprétée par la presse comme impliquant un « gel des dépenses publiques » sur trois ans, ce qui a donné lieu à de nombreux commentaires sur la nécessité ou non de parler de « rigueur ». Cette réaction est paradoxale, dans la mesure où cette déclaration ne paraît pas constituer une forte inflexion par rapport à la politique actuelle.

Tout d'abord, seules sont mentionnées par le communiqué de presse les dépenses de l'Etat , qui représentent moins de la moitié des dépenses publiques.

Ensuite, dans le cas des dépenses de l'Etat, il n'est pas évident que la norme annoncée soit beaucoup plus contraignante que celle prévue par le programme de stabilité 2010-2013 et en vigueur depuis déjà plusieurs années, qui consiste à stabiliser en volume la totalité des dépenses de l'Etat. Celles-ci (en « périmètre élargi ») sont de l'ordre de 350 milliards d'euros, ce qui, avec une inflation de 1,5 %, correspond à une augmentation de l'ordre de 5 milliards d'euros. En situation « normale » la charge de la dette et les pensions augmentent globalement de plus de 5 milliards d'euros, et absorbent donc la totalité de l'augmentation des dépenses. Autrement dit, en année « normale » les dépenses hors charge de la dette et hors pensions sont déjà au « zéro valeur ». L'application de la règle du « zéro valeur hors pensions et charge de la dette » ne présenterait donc pas de différence significative en situation « normale » par rapport à la règle actuelle. L'application de la règle en 2010 aurait certes exigé d'économiser environ 4 milliards d'euros, parce que, la charge de la dette ayant fortement diminué en 2010, les dépenses hors charge de la dette ont pu davantage augmenter qu'elles ne l'auraient fait sinon. Il est cependant possible qu'à moyen terme la nouvelle règle soit analogue à la règle actuelle, voire moins contraignante, en raison de la faiblesse prévisible de l'inflation et de l'augmentation probable de la charge de la dette.

Ainsi, lors de son audition par la commission des finances le 23 juin 2010, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a jugé, en réponse à une question de votre rapporteur général, que « l'adoption d'une nouvelle norme de dépense modifie peu la situation ». Il a ajouté qu'il convenait « donc [d'] aller au-delà car les objectifs de maîtrise de la dépense publique ne sont pas respectés, en raison de l'accroissement des dépenses fiscales et des dépenses des opérateurs de l'État, dont l'augmentation respective a été de plus de 8,5 % et de plus de 11 % . »

3. Une évolution de l'ONDAM inchangée par rapport au programme de stabilité

Dans le cas des administrations de sécurité sociale, le relevé de conclusions de la 2 e conférence sur le déficit (20 mai 2010) indique que « le taux d'augmentation de l'ONDAM continuera (...) d'être progressivement abaissé pour passer de 3 % en 2010 à 2,9 % en 2011 et 2,8 % en 2012 », ce qui correspond à ce qui est déjà prévu par le programme de stabilité 2010-2013.

4. Le gel des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales : une mesure ambiguë

Dans le cas des administrations publiques locales, le relevé de conclusions de la 2 e conférence sur le déficit indique que « les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, hors FCTVA, seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013 ».

Cette annonce mérite d'être explicitée car, si elle devait être comprise comme emportant une stabilisation en valeur de toutes les dotations actuellement sous enveloppe, à l'exception du FCTVA, elle serait moins rigoureuse que la situation actuelle dans laquelle le FCTVA est dans l'enveloppe indexée sur l'inflation et dont l'évolution est compensée par la réduction des variables d'ajustement.

Une explication moins littérale mais plus logique conduit à interpréter cette annonce comme celle d'une stabilisation en valeur de l'enveloppe et de ses composantes aujourd'hui indexées sur l'inflation, l'évolution du FCTVA étant compensée par les variables d'ajustement.

En tout état de cause, même si le FCTVA était inclus dans l'enveloppe stabilisée en valeur, les économies en résultant pour l'Etat seraient limitées à environ 0,75 milliard d'euros (soit 0,05 point de PIB) par an. En outre, elles se traduiraient par une amélioration du solde des administrations publiques seulement si les collectivités territoriales réduisaient leurs dépenses à due concurrence, ce qui ne va pas de soi.

Enfin, la règle annoncée pose le problème des dotations à apporter aux collectivités territoriales à la suite de la réforme de la taxe professionnelle. Si ces transferts étaient traités comme des variables d'ajustement dans une enveloppe fermée, les engagements pris par l'Etat lors de cette réforme ne seraient pas tenus. Il conviendra de lever cette ambiguïté volontaire.

B. UN AJUSTEMENT DE PLUS DE 100 MILLIARDS D'EUROS, DONT 45 FOURNIS PAR LA CONJONCTURE

1. Un plan précisé par annonces successives

Le 12 juin 2010, le Premier ministre a déclaré : « Nous avons pris l'engagement d'ici 2013 de ramener notre déficit de 8 % à 3 % et tous nos efforts vont se concentrer sur cette priorité. Ca veut dire en gros qu'il faut réduire le déficit de 100 milliards d'ici 2013 (...), 100 milliards que nous allons trouver pour la moitié dans des réductions de dépenses et pour la moitié dans des augmentations de recettes ».

Sur les 50 milliards de réductions de dépenses, le Gouvernement compte trouver « 45 milliards en réduisant la dépense publique, 5 milliards sur la réduction des niches fiscales ». Sur ce dernier point, le rapport déposé par le Gouvernement en vue du présent débat d'orientation des finances publiques évoque désormais un montant global de réductions de niches d' « au moins 8,5 milliards d'euros »,

25 juin 2010, le Premier ministre a confirmé qu'un effort d'au moins 5 milliards d'euros serait fait sur les niches fiscales et sociales, précisant qu' en fonction de la situation, cet effort pourra être porté jusqu'à 8,5 milliards d'euros, de 2011 à 2013 ».

Quant aux augmentations de recettes, il prévoit « 35 milliards de rattrapage, après la crise, des pertes de recettes conjoncturelles », les 15 autres milliards correspondant « à la fin des mesures que nous avons prises pour relancer l'économie et qui n'ont naturellement pas vocation à durer au delà de cette période de relance ».

Ces chiffres, manifestement simplifiés et à vocation didactique, ne semblent que très légèrement différer de ceux résultant du programme de stabilité 2010-2013, comme le montre le tableau ci-après.

Ce tableau permet en particulier de mettre en évidence que les mesures devant être prises d'ici 2013 sur les recettes et les dépenses, définie selon la notion d'« effort structurel », sont de l'ordre de 65 milliards d'euros.

Comparaison du programme de stabilité 2010-2013 et de la déclaration du Premier ministre du 12 juin 2010

Programme de stabilité 2010-2013 (décomposition par la commission des finances)

Déclaration du Premier ministre (12 juin 2010)

2010

2013

Amélioration du solde en résultant

En points de PIB

En Mds €

Evolution de la part des recettes dans le PIB

47,6

49,8

2,2

44

-

A

dont réduction de niches

0,3

6

5

B

Dont compensation de la censure de la taxe carbone

0,1

1,5

C

dont autres mesures nouvelles sur les PO

0,5

10

15 ?

D

dont rattrapage des pertes de recettes conjoncturelles

1,25

25

35 ?

(dont ligne F ?)

Evolution de la part des dépenses dans le PIB

55,8

52,8

3

60

-

E

dont effort structurel sur la dépense=économies par rapport à une situation où les dépenses augmenteraient comme le PIB potentiel

2,25

45

45 ?

F

dont diminution de la part dans le PIB découlant du supplément de croissance par rapport au potentiel

0,75

15

-

Solde

-8,2

-3

5,2

104

100

Effort structurel [A+B+C+E]

3

~65

65 ?

Sources : programme de stabilité 2010-2013, projet de loi de finances pour 2010, Agence France Presse, calculs de la commission des finances

2. Les composantes de l'amélioration du solde : une interprétation des déclarations du Gouvernement

Le tableau ci-après indique, de manière plus précise, les différentes composantes de l'amélioration du solde prévue par le Gouvernement. La décomposition, réalisée par la commission des finances, est purement indicative.

a) Un effort de 110 milliards d'euros au total, par rapport à une situation où la dépense publique continuerait d'augmenter de 2,4 % par an

Les chiffres de la colonne « programme de stabilité » ne diffèrent qu'en apparence de ceux du tableau précédent. En effet, celui-ci, défini en termes d'effort structurel (notion semble-t-il implicitement utilisée par le Premier ministre), ne mesure les économies à réaliser pour les dépenses que par rapport à une situation où les dépenses augmenteraient à la même vitesse que le PIB potentiel, soit environ 2 % par an en volume. Les dépenses publiques ayant augmenté de 2,4 % par an en moyenne depuis le début des années 2000, cela conduit à sous-estimer les économies à réaliser sur les dépenses d'environ 10 milliards d'euros.

L'amélioration du solde prévue par le Gouvernement : décomposition par la commission des finances

(en milliards d'euros constants)

Programme de stabilité

Actualisation en fonction des dernières déclarations du Gouvernement

A

AJUSTEMENT A REALISER D'ICI 2013

115

110

B

Ecart entre le déficit 2010 et 3 points de PIB

104

100

C

Augmentation du déficit de 2010 à 2013 si les dépenses continuaient d'augmenter de 2,4 % par an en volume

10

10

D

FACTEURS D'AMELIORATION DU SOLDE [E+L]

115

115

E

AMELIORATION DU SOLDE A DROIT CONSTANT, dont :

55

55

F

Amélioration du solde hors mesures nouvelles

40

40

G

Evolution spontanée des recettes (dont rattrapage des pertes de recettes conjoncturelles)

25

25

H

Diminution conjoncturelle de la part des dépenses dans le PIB découlant du supplément de croissance par rapport à la croissance potentielle

15

15

I

Mesures nouvelles résultant du droit actuel

15

15

J

Fin du volet « dépenses » du plan de relance

5

5

K

Mesures nouvelles sur les recettes (dont fin de l'effet de trésorerie de la réforme de la taxe professionnelle)

10

10

L

MESURES PREVUES PAR LE GOUVERNEMENT, dont :

60

60

M

Réduction de niches fiscales et sociales (y compris réforme des retraites)

6

8,5

N

Compensation de la censure de la taxe carbone

1,5

O

Mesures sur les dépenses

50

50

P

Dépenses de l'Etat

15

15

Q

Dépenses d'assurance maladie

10

10

R

Dépenses de retraite

5

5

S

Dépenses des collectivités territoriales

12,5

12,5

T

Dépenses des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraites

7,5

7,5

U

AMELIORATION DU SOLDE PAR RAPPORT A 2010 [D-C]

105

105

V

dont moindres dépenses par rapport à la tendance [J+O]

55

55

W

POUR MEMOIRE : EFFORT STRUCTUREL

65

65

X

dont effort structurel sur la dépense [J+O-C]

45

45

Y

dont effort structurel sur les recettes [K+M+N]

20

20

Source : calculs de la commission des finances

Le graphique ci-après permet de visualiser les principales composantes du tableau de la page précédente.

La répartition de l'effort nécessaire pour ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013, selon le Gouvernement : décomposition par la commission des finances

(en milliards d'euros constants)

* L'Insee a notifié le 1er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

Source : calculs de la commission des finances

On observe que si l'on corrige le programme de stabilité en fonction du déficit effectivement constaté en 2010 (8 points de PIB, et non 8,2 points de PIB), les mesures prévues deviennent supérieures d'environ 5 milliards d'euros à ce qui serait nécessaire pour ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013. La révision à la hausse du montant des réductions de niches (de 6 à plus de 8,5 milliards d'euros) est en revanche en partie compensée par le fait que le programme de stabilité prévoyait explicitement d'instaurer une nouvelle taxe carbone, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel. Le produit de la taxe carbone ayant été évalué à 1,5 milliard d'euros, l'augmentation nette des mesures nouvelles sur les recettes par rapport au programme de stabilité doit être réduite de ce montant.

b) Une amélioration spontanée du solde de 55 milliards d'euros

Selon le Gouvernement, le solde s'améliorerait spontanément de 55 milliards d'euros d'ici 2013, sans qu'il ait à prendre de nouvelle mesure.

(1) La croissance du PIB : 40 milliards d'euros

Tout d'abord, une croissance du PIB de 2,5 % par an permettrait de réduire le déficit de 40 milliards d'euros.

En effet, il ressort du programme de stabilité que les recettes rapportées au PIB augmenteraient spontanément d'environ 1,25 point de PIB, soit 25 milliards d'euros (ce qui s'explique non seulement par l'hypothèse de croissance du PIB, mais aussi par celle d'élasticité des recettes au PIB).

Par ailleurs, une croissance de 2,5 % au lieu de 2 % pendant trois ans réduit mécaniquement les dépenses rapportées au PIB d'environ 0,75 point de PIB, soit 15 milliards d'euros.

(2) Le droit actuel : 15 milliards d'euros

Ensuite, le droit actuel comprend d'ores et déjà de puissants facteurs d'amélioration du solde.

Tout d'abord, la fin des mesures du plan de relance subsistant en 2010 améliorerait le solde d'environ 5 milliards d'euros. En effet, selon le programme de stabilité 2010-2013, dans le cas de la mission « Plan de relance de l'économie », « aux crédits ouverts lors de la LFI (4,1 Md€) s'ajoutent en 2010 le report de crédits ouverts au titre du plan de relance et non consommés en 2009 (1,3 Md€) ».

Ensuite, le droit actuel devrait conduire à des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires alourdissant ceux-ci d'environ 10 milliards d'euros en 2011. Dans le rapport relatif aux prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2010, ce montant comprenait 8,5 milliards d'euros pour la réforme de la taxe professionnelle (qui après avoir coûté 11,7 milliards d'euros en 2011 n'aurait plus coûté que 3,2 milliards en 2011). Selon les informations actualisées transmises à la commission des finances, le coût de la réforme de la taxe professionnelle, de 12,9 milliards en 2010, diminuerait de 8,7 milliards en 2011, son coût n'étant plus alors que de 4,2 milliards d'euros. L'ordre de grandeur des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires entre 2010 et 2011, à droit inchangé, reste donc d'environ 10 milliards d'euros.

c) Une réduction du déficit de plus de 8,5 milliards d'euros grâce à l'action sur les niches fiscales et sociales

Le Gouvernement s'est fixé un objectif de réduction des niches fiscales et sociales relativement modeste. Ce montant a été constamment revu à la hausse, passant de 6 milliards d'euros plus de 8,5 milliards d'euros.

(1) Le programme de stabilité : 6 milliards d'euros

Pour l'ensemble des niches, le programme de stabilité 2010-2013 prévoit une réduction de 2 milliards d'euros par an de 2011 à 2013, soit au total 6 milliards d'euros.

On rappelle que le programme de stabilité prévoyait en outre explicitement d'instaurer une nouvelle taxe carbone , à la suite de la censure du Conseil constitutionnel. Le produit de la taxe carbone avait alors été évalué à 1,5 milliard d'euros.

Selon le relevé de conclusions de la 2 ème conférence sur le déficit (20 mai 2010), « dans le cadre de ce plan d'économie, plusieurs niches fiscales et sociales seront supprimées dès cette année en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour dégager 5 milliards d'euros d'économies en deux ans ».

(2) La conférence de presse du 25 juin 2010 : jusqu'à 8,5 milliards d'euros

A l'occasion d'une conférence de presse tenue le 25 juin 2010, le Premier ministre a confirmé qu'un effort d'au moins 5 milliards d'euros serait fait sur les niches fiscales et sociales, précisant qu' « en fonction de la situation, cet effort pourra être porté jusqu'à 8,5 milliards d'euros , de 2011 à 2013 ».

(3) Le rapport en vue du présent débat d'orientation des finances publiques : au moins 8,5 milliards d'euros

Le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques évoque désormais un montant global de réductions de niches d' « au moins 8,5 milliards d'euros », indiquant explicitement qu'y sont inclus 3 milliards d'euros de réductions de niches dans le cadre de la réforme des retraites. En effet, il est prévu de prendre dans ce cadre des mesures tendant à accroître les recettes de 3,7 milliards d'euros en 2011, dont 3 milliards d'euros correspondent à des réductions de niches, la principale étant l'annualisation des allégements généraux de charges sociales (2 milliards d'euros) .

Les mesures de recettes prévues dans le cadre de la réforme des retraites

(en euros constants 2010)

Total des mesures

Dont réductions de niches*

2011

2020

2011

2020

Contributions des hauts revenus

410

630

Augmentation de 40% à 41% du taux marginal de l'impôt sur le revenu

230

290

Retraites-chapeaux : suppression de l'abattement de 1 000 € pour l'imposition des rentes et instauration d'une contribution salariale spécifique de 14%

110

140

110

140

Stock-options : passage de la contribution patronale spécifique sur la valeur des options de 10% à 14% et de la contribution salariale sur le gain de levée d'option de 2,5% à 8%

70

200

70

200

Contributions des revenus du capital

1 090

1 340

Hausses d'1 point des prélèvements proportionnels :

Plus-values de cessions mobilières (18% à 19%)

90

110

Plus-values de cessions immobilières (16% à 17%)

45

50

Prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts (18% à 19%)

130

160

Suppression du crédit d'impôt dividendes

645

800

645

800

Imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières au 1 er euro

180

220

180

220

Total taxes sur les ménages

1 500

1 970

Annualisation des allègements généraux

2 000

2 400

2000

2400

Suppression du plafonnement de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes reçus par une société mère de ses filiales

200

250

Total taxes sur les entreprises

2 200

2 650

TOTAL

3 700

4 620

3005

3760

* Reconstitution par la commission des finances de la typologie implicite du Gouvernement, en fonction du montant global de 3 milliards d'euros indiqué dans son rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques.

Source : d'après ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique, dossier de presse relatif à la réforme des retraites, 16 juin 2010

On peut s'interroger sur l'opportunité de comptabiliser l'annualisation des allégements généraux de charges sociales comme une suppression de niche. En effet, au sens strict, une niche est une mesure qui a été instaurée pour atteindre un objectif de politique publique. Dans le cas présent, les pouvoirs publics n'ont jamais souhaité un tel allégement, qui résulte d'une pure politique d'optimisation de la part des entreprises.

On rappelle que l'annualisation du calcul des allègements généraux a fait l'objet d'un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, adopté par la commission des finances à l'initiative de son rapporteur spécial, notre collègue Jean-Jacques Jégou. Cet amendement n'a malheureusement pas été adopté par le Sénat, après avoir reçu un avis défavorable du Gouvernement.

Par ailleurs, celui-ci prévoit de supprimer des niches sociales ou fiscales afin d'alimenter la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à hauteur de 3,2 milliards d'euros.

Ainsi, les réductions de niches prévues, d'au moins 8,5 milliards d'euros, comprendraient :

- 3 milliards d'euros de recettes dans le cadre de la réforme des retraites ;

- 3,2 milliards d'euros pour alimenter la CADES ;

- au moins 2,3 milliards d'euros d'autres mesures.

d) Une réduction du déficit d'environ 50 milliards d'euros grâce à une meilleure maîtrise des dépenses

Les suppressions et réductions de niches ne représenteraient toutefois qu'une part modeste de l'effort de diminution du déficit. En effet, celui-ci consisterait très majoritairement en une meilleure maîtrise de la dépense, qui réduirait celui-ci d'environ 50 milliards d'euros ( 55 milliards d'euros en prenant en compte les 5 milliards d'euros correspondant à la fin du plan de relance et déjà indiqués ci-avant) par rapport à une situation où les dépenses publiques continueraient d'augmenter de 2,4 % par an en volume.

Les économies permises en 2013 selon la programmation du Gouvernement

(augmentation des dépenses ou contribution à l'augmentation des dépenses d'ici 2013, en milliards d'euros constants)

Economies : 55 Mds €

* Hypothèses reconstituées à titre indicatif, le programme de stabilité 2010-2013 n'indiquant pas les hypothèses de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques en 20 11 -2013 (mais seulement en 20 10 -2013). Le taux de croissance global de 0,6 % en 2011-2013 est en revanche explicitement indiqué.

Source : calculs de la commission des finances

Les hypothèses du Gouvernement en matière d'évolution des dépenses sont explicitées ci-après.

II. L'EVOLUTION DES PLANS DE CONSOLIDATION DES PRINCIPAUX ETATS DE L'UNION EUROPÉENNE DEPUIS LE DÉBUT DE L'ANNÉE

Comme la France, les autres principaux Etats de l'Union européenne, à l'exception des Etats « périphériques », n'ont pas significativement modifié les programmations rendues publiques au début de l'année.

Le tableau ci-après indique, pour mémoire, leurs prévisions de solde public.

Les prévisions de solde public des gouvernements

(en points de PIB)

Source

2010

2011

2012

2013

2014

Belgique

Prog. stab.

-4,8

-4,1

-3

-

-

Allemagne

Prog. stab.

-5,5

-4,5

-3,5

-3

-

France

Prog. stab.

-8,2*

-6

-4,6

-3

-

Irlande

Prog. stab.

-11,6

-10

-7,2

-4,9

-2,9

Espagne

Objectifs 12 mai 2010

-9,3

-6

-

-

-

Prog. stab.

-9,8

-7,5

-5,3

-3,0

-

Italie

RUEF*

-5

-3,9

-2,7

-

-

Pays-Bas

Prog. stab.

-6,1

-5

-4,5

-

-

Autriche

Prog. stab.

-4,7

-4

-3,3

-2,7

-

Portugal

Objectifs 13 mai 2010

-7,3

-4,6

-

-

-

Prog. stab.

-8,3

-6,6

-4,6

-2,8

-

Finlande

Min. finances, printemps 2010

-4,2

-2,2

-

-

-

Grèce

Programme d'aide à la Grèce

-8

-7,6

-6,5

-4,9

-2,6

* L'Insee a notifié le 1er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

**Relazione Unificata sull'Economia e la Finanza pubblica (RUEF), 6 mai 2010.

Source : d'après les données publiées par la Commission européenne

A. LES ETATS « PÉRIPHÉRIQUES » DE LA ZONE EURO ET LE ROYAUME-UNI ONT ACCRU LEUR PRÉVISION D'EFFORT STRUCTUREL

1. Les révisions dans les Etats périphériques de la zone euro

Le tableau ci-après, datant du début du mois de juin 2010, indique les mesures annoncées par les principaux Etats de la zone euro venant en supplément de celles déjà prévues par les programmes de stabilité. On observe qu'à cette date, les Etats ayant prévu d'augmenter leur effort structurel en 2011 par rapport à ce qui était initialement prévu étaient ceux de la « périphérie » et l'Italie.

La dégradation de ses perspectives de croissance a amené l'Italie à décider de mesures complémentaires, relatives à la seule année 2011, que la Commission européenne évalue à 0,4 point de PIB.  A l'exception de l'année 2011, le programme de l'Italie demeure moins rigoureux que celui de ses principaux partenaires.

Les mesures de consolidation budgétaire annoncées par les principaux Etats de la zone euro venant en supplément de celles déjà prévues par les programmes de stabilité et les lois de finances, selon Goldman Sachs (début juin 2010)

(en points de PIB)

Grèce

Irlande

Portugal

Espagne

Périphérie

Allemagne

France

Italie

Centre

Union européenne

Date de l'annonce

02-mai

13-mai

12-mai

2010

Expansion (+)/consolidation(-) budgétaire

-2,5

-1,2

-0,5

-0,81

-0,16

Dépenses courantes

-1,25

-0,48

-0,35

-0,46

-0,09

Dépenses d'investissement

-0,25

-0,12

-0,15

-0,15

-0,03

Fiscalité

-1

-0,6

0

-0,21

-0,04

2011

Expansion (+)/consolidation(-) budgétaire

-2,2

-1

-0,87

-0,5

-0,13

-0,28

Dépenses courantes

-0,57

-0,7

-0,51

-0,43

-0,1

-0,18

Dépenses d'investissement

-0,22

-0,3

-0,22

-0,05

-0,01

-0,05

Fiscalité

-1,41

0

-0,14

-0,05

-0,01

-0,04

NB : Il n'existe pas de document officiel synthétisant les différentes données. Ce tableau doit donc être considéré avec prudence.

Source : d'après Natacha Valla, Nick Kojucharov, « Austerity and reforms: It would take a lot to derail the recovery » (« L'austérité et les réformes : il en faudrait beaucoup pour faire dérailler la reprise »), in European Weekly Analyst , Goldman Sachs Global Economics, Commodities and Strategy Research, 3 juin 2010

2. Le plan britannique : de loin le plus important hors Etats « périphériques » de la zone euro

Le Premier ministre britannique, dans un entretien au Sunday Times du 6 juin 2010, a indiqué que son pays connaîtrait « des années de souffrance ».

Aussi, le 22 juin 2010, le Royaume-Uni a renforcé et précisé son programme d'ajustement, lors de la présentation du projet de budget 2010-2011.

a) Un plan d'un montant annuel analogue à celui des Etats « périphériques » de la zone euro

Ce programme est considérable, avec un montant cumulé en six ans de 128 milliards de livres (155 milliards d'euros, sur la base du taux de change). Le PIB britannique étant de l'ordre de 1 400 milliards de livres, cela correspond à 9 points de PIB. L'ajustement ne commencerait toutefois véritablement que l'année budgétaire 2011-2012, soit à partir de la mi-2011. Sur les cinq dernières années, l'effort serait de 119 milliards de livres (8,5 points de PIB), ce qui représente un effort annuel de 1,7 point de PIB, proche de celui des Etats « périphériques » de la zone euro.

Total des plans de consolidation du Royaume-Uni

(en milliards de livres Sterling)

2010-11

2011-12

2012-13

2013-14

2014-15

2015-16

Politique discrétionnaire résultant du projet de loi de finances

8,1

15

24

32

40

Dépenses

5,2

9

17

24

32

Fiscalité

2,8

6

7

9

8

Part de la consolidation reposant sur les dépenses (en %)

65

59

71

74

80

Politique héritée par le Gouvernement

0,8

26

42

57

73

Dépenses

0

14

25

39

52

Fiscalité

0,8

11

17

18

21

Part de la consolidation reposant sur les dépenses (en %)

0

56

60

68

71

Consolidation discrétionnaire totale

8,9

41

66

90

113

128

Dépenses

5,2

23

42

63

83

99

Fiscalité

3,6

18

24

27

29

29

Part de la consolidation reposant sur les dépenses (en %)

59

57

64

70

74

77

Remarque : une livre Sterling vaut 1,2 euro (sur la base du taux de change). Un point de PIB correspond à 14 milliards de livres Sterling.

Source : d'après HM Treasury, « Budget 2010 », juin 2010

Le gouvernement britannique estime ainsi pouvoir ramener le déficit public de 11,3 points de PIB en 2009-2010 à 3,6 points de PIB en 2013-2014 et 1,2 point de PIB en 2015-2016. Ces prévisions paraissent optimistes. Certes, le Bureau pour la responsabilité budgétaire ( Office for Budget Responsibility , OBR), nouvellement créé, a revu à la baisse l'estimation de la croissance potentielle, passée de 2,75 % selon les prévisions du budget de mars et 2,5 % selon les hypothèses sous-tendant les projections de finances publiques à 2,25 %. Cependant les prévisions de croissance, bien que revues à la baisse, demeurent élevées, à 2,7 % en moyenne de 2011 à 2015. La prévision pour 2011, de 2,3 %, est toutefois conforme au consensus des conjoncturistes.

Prévision centrale de finances publiques du Bureau pour la responsabilité budgétaire britannique

(en points de PIB)

2008-09

2009-10

2010-11

2011-12 2012-

2012-13

2013-14

2014-15

2015-16

Déficit

Emprunt net du secteur public

6,7

11

10,1

7,5

5,5

3,5

2,1

1,1

Excédent du budget courant

-3,5

-7,5

-7,5

-5,7

-4

-2,3

-0,9

0

Emprunt net corrigé du cycle économique

6,3

8,7

7,4

5

3,4

1,8

0,8

0,3

Excédent du budget courant corrigé du cycle économique

-3,1

-5,3

-4,8

-3,2

-1,9

-0,7

0,3

0,8

Total des décisions politiques

0,5

1

1,5

1,9

2,2

Déficit au sens du traité de Maastricht

6,8

11,3

10,1

7,6

5,6

3,6

2,2

1,2

Dette

Dette nette du secteur public

44

53,5

61,9

67,2

69,8

70,3

69,4

67,4

Dette au sens du traité de Maastricht (dette publique brute)

55,8

71,2

78,9

83,6

85,5

84,9

83,1

80,4

Pour mémoire : écart de production

-1

-4,1

-3,7

-3,5

-2,8

-2,3

-1,6

-0,9

Source : d'après HM Treasury, « Budget 2010 », juin 2010

b) Un effort reposant à 75 % sur la dépense publique, qui diminuerait légèrement en volume

Cet effort reposerait à 75 % sur la dépense, le ratio dépenses/PIB baissant de 8 points.

Le volet fiscal du plan, de 29 milliards de livres, comprend notamment une augmentation du taux normal de TVA de 17,5 % à 20 % à partir de janvier 2011, pour un montant de 13,45 milliard de livres.

La dépense publique doit quant à elle être réduite de 83 milliards de livres en 2014-2015 par rapport à son évolution « tendancielle », soit 21 milliards de livres de réductions supplémentaires par rapport à ce que prévoyait le gouvernement précédent. En valeur, la dépense publique augmenterait de seulement 2,1 % par an, ce qui, compte tenu de l'hypothèse d'inflation retenue (supérieure à 2,5 %) correspondrait à une diminution en volume de 4 % au total sur la période. Il s'agit bien là des chiffres relatifs à la dépense publique, et non à la seule dépense de l'Etat.

c) Trois postes essentiels d'économies : les prestations sociales, les dépenses d'investissement et l'emploi public

Seule une faible partie des mesures d'économies prévues est actuellement documentée (comme le « gel » des salaires du secteur public pendant deux ans, et diverses économies relatives aux dépenses sociales, qui doivent permettre d'économiser respectivement 3,3 milliards de livres et 11 milliards de livres à partir de 2014-2015). Le gouvernement prévoit de réaliser une « révision des dépenses » ( spending review ), à l'issue de laquelle les économies concrètes seront annoncées, le 20 octobre 2010.

Le gouvernement britannique a toutefois indiqué l'évolution programmée des principaux agrégats de la dépense publique d'ici 2015-2016, indiquée par le tableau ci-après.

Si l'on cherche les principales différences par rapport au plan français, on observe que deux postes essentiels d'économies sont les prestations sociales et les dépenses d'investissement. Par ailleurs, le plan britannique implique un grand nombre de suppressions d'emplois.

La dépense publique du Royaume-Uni : programmation du gouvernement britannique

(en milliards de livres)

Exécution

Estimation

Prévision

Evolution annuelle en valeur (en %)*

2008-09

2009-10

2010-11

2011-12

2012-13

2013-14

2014-15

2015-16

Dépenses courantes

564,7

600,6

637,3

651,1

664,5

678,6

692,7

711,4

2,9

Dépenses programmées sur trois ans

313,5

334,8

342,7

343,1

341,4

341,2

337,7

340

0,3

Dépenses gérées annuellement

251,3

265,8

294,6

308,0

323,1

337,4

355

371,4

5,7

Dont:

Prestations de sécurité sociale

149,7

163,7

169,3

174,2

178,2

180,8

186,5

194,4

2,9

Dépenses locales

26,8

26,4

27,6

27,0

28,1

29,4

30,5

31,7

3,1

Charge d'intérêt de la dette

30,5

30,9

43,3

46,5

52,4

57,8

63,0

66,5

13,6

Dépenses en capital

65,1

68,7

59,5

48,7

46,5

43,3

44,9

46,1

-6,4

Dépenses programmées sur trois ans

48,5

56,6

51,6

41,4

39,6

37

38,7

40,8

-5,3

Dépenses gérées annuellement

16,6

12,1

7,8

7,3

6,9

6,3

6,2

5,2

-13,1

Dont:

Dépenses locales

7,5

6,3

5,4

4,8

4,6

4,4

4,4

3,6

-8,9

Dépenses en capital autofinancées par les entreprises publiques

7,1

7,7

7,4

7,4

7,3

7,3

7,3

7,3

-0,9

Aides aux banques du secteur public

9,4

4,7

0

0

0

0

0

0

-

Dépenses publiques totales

629,8

669,3

696,8

699,8

711

722

737,5

757,5

2,1

Dont :

Dépenses programmées sur trois ans

350,4

378

380

370,2

366,7

363,8

362

366,5

-0,5

Dépenses gérées annuellement

279,5

291,2

316,8

329,6

344,4

358,1

375,6

391

5,0

* Calculs de la commission des finances.

Source : d'après HM Treasury, « Budget 2010 », annexe C13

Comme on l'a indiqué, en valeur, la dépense publique augmenterait de seulement 2,1 % par an, ce qui, compte tenu de l'hypothèse d'inflation retenue (supérieure à 2,5 %), correspondrait à une diminution en volume de 4 % au total sur la période.

(1) Une stabilisation en volume des prestations de sécurité sociale

L'évolution prévue des principales composantes de la dépense semble difficilement transposable en France. Certes, les dépenses programmées sur trois ans (correspondant à plus de la moitié de la dépense publique) seraient à peu près stabilisées en valeur, ce qui est proche de la règle du « zéro valeur » applicable à l'Etat. Cependant, le Royaume-Uni dispose d'un budget centralisé, permettant à l'Etat de contrôler les dépenses des administrations publiques locales, et surtout de la sécurité sociale.

Tout d'abord, en ce qui concerne les dépenses gérées annuellement, le montant global des prestations de sécurité sociale serait stabilisé en volume. On rappelle qu'en France, le programme de stabilité 2010-2013 prévoit une augmentation des dépenses des administrations de sécurité sociale de 1,6 % par an en 2010-2013, soit encore moins en 2011-2013, ce qui, comme on le verra ci-après, paraît optimiste. Pour atteindre ce résultat, le Royaume-Uni prévoit de prendre des mesures socialement douloureuses.

Ensuite, toujours en ce qui concerne les dépenses gérées annuellement, les dépenses des administrations publiques locales seraient à peu près stabilisées en volume dans le cas des dépenses courantes, et diminueraient de près de 10 % par an (en valeur) dans le cas des dépenses d'investissement. Dans le cas de la France, les dépenses des collectivités territoriales continueraient d'augmenter de 0,9 % en volume.

(2) Une diminution en valeur des dépenses d'investissement

Par ailleurs, une grande part du plan britannique repose sur la technique « éprouvée » consistant à réduire les dépenses d'investissement, qui diminueraient de 6,4 % par an en valeur. Outre le fait que la France cherche à préserver ces dépenses, une telle diminution paraît d'autant plus difficilement transposable à la France que les trois quarts de l'investissement public sont réalisés par les collectivités territoriales.

(3) Un grand nombre de suppressions d'emplois

Selon la presse britannique, le Gouvernement prévoirait de supprimer de 100 000 à 120 000 emplois publics par an, soit de 500 000 à 600 000 emplois publics d'ici 2015.

A titre de comparaison, en France en 2009 les effectifs de la fonction publique d'Etat ont diminué de 25 000 équivalents temps plein.

B. LE PLAN FRANÇAIS ET LE PLAN ALLEMAND

1. Les « 80 milliards d'euros » récemment annoncés par le gouvernement allemand

La Chancelière allemande a déclaré le 7 juin : « Il faut économiser environ 80 milliards d'euros d'ici à 2014 afin que notre avenir financier soit à nouveau solide ».

Cette annonce - comme celle du Premier ministre britannique le 6 juin - a généralement été interprétée comme un tournant de l'Europe vers la rigueur. Ainsi, selon l'économiste Jean Pisani-Ferry, « c'est fait : l'Europe a basculé dans la rigueur budgétaire. Après la vague des plans d'austérité en Europe du Sud, l'annonce d'"années de souffrance" par le premier ministre britannique, le conservateur David Cameron, et la publication par la chancelière allemande, Angela Merkel, d'un plan de 80 milliards d'euros d'économies, ont marqué le virage des politiques économiques ».

Cette analyse n'a de sens que si l'on considérait jusqu'à présent que les Etats concernés n'avaient pas véritablement l'intention de prendre des mesures à la hauteur des montants initialement annoncés.

Dans le cas de l'Allemagne, les 80 milliards d'euros annoncés par Angela Merkel ne viennent pas en supplément de l'effort annoncé jusqu'alors, mais correspondent à ce qui était déjà prévu. La réduction du déficit structurel prévue par le programme de stabilité de février 2010, de 0,7 point de PIB par an de 2011 à 2013, selon les données recalculées par la Commission européenne en fonction de ses estimations du PIB potentiel, correspond déjà à une réduction de l'ordre de 70 milliards d'euros si on la prolonge d'une année.

Ainsi, dans sa communication du 15 juin 2010 examinant dans quelle mesure les Etats de la zone euro ont pris les « actions suivies d'effet » demandées par le Conseil, la Commission analyse les mesures annoncées le 7 juin comme correspondant à la simple mise en oeuvre, au niveau fédéral (soit chaque année environ ¼ de point de PIB sur les ¾ de point de PIB prévus au niveau des administrations publiques), des mesures de consolidation prévues par le programme de stabilité. Elle souligne d'ailleurs que les mesures doivent encore être prises au niveau local .

2. En théorie, le plan français représente d'ici 2013 un effort annuel environ deux fois supérieur à celui de l'Allemagne

Le tableau ci-après, issu d'une étude de Natixis, indique le montant de la « consolidation budgétaire », selon les annonces des gouvernements. La notion retenue n'est pas clairement indiquée mais il s'agit semble-t-il des décisions de politique budgétaire stricto sensu , c'est-à-dire de l'effort structurel.

La « consolidation budgétaire selon les annonces des gouvernements », telle que synthétisée par Natixis début juin 2010

NB : Il n'existe pas de document officiel synthétisant les différentes données. Ce tableau doit donc être considéré avec prudence.

Source : Sylvain Broyer, Costa Brunner, « Des plans de relance à la consolidation budgétaire : quel effet net sur la croissance ? », Flash économie n° 283, Natixis, 4 juin 2010

Des estimations différentes sont possibles. Ainsi, l'actualisation, par la commission des finances, de l'évolution du solde structurel (tel que recalculé par la Commission européenne en fonction de son estimation du PIB potentiel) pour prendre en compte les récentes annonces conduit aux résultats ci-après. Les ordres de grandeur ne sont cependant pas bouleversés.

Evolution annuelle du solde structurel* prévu par les principaux Etats de la zone euro : une tentative d'actualisation par la commission des finances

(en points de PIB)

Source

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2011-2013

Belgique

Prog. stab.

-2,4

1,2

0,5

0,7

-

-

-

Allemagne

Prog. stab.

-0,3

-2,5

0,3

1,0

0,8

-

2,1

France

Prog. stab.

-2,7

-0,3

1,9

0,9

1,2

-

4,0

Irlande

Prog. stab.

-1,7

0,3

0,4

1,9

1,6

1,8

3,9

Espagne

Prog. stab.+annonces du 12 mai 2010

-5,6

2,5

2,8

1,5

1,7

-

6,0

Italie

Prog. stab.+annonces du 26 mai 2010

0,1

0,0

1,0

0,8

-

-

-

Pays-Bas

Prog. stab.

-2,6

-1,4

0,9

0,4

-

-

-

Autriche

Prog. stab.

-1,0

-1,2

0,6

0,6

0,5

-

1,7

Portugal

Prog. stab.+annonces du 13 mai 2010

-5,4

2,0

3,8

1,9

1,5

-

7,2

Grèce

Programme d'aide à la Grèce**

-

2,5

4,1

2,4

2,0

1,9

8,5

* Y compris mesures exceptionnelles.

** Mesures de consolidation.

NB : Il n'existe pas de document officiel synthétisant les différentes données. Ce tableau doit donc être considéré avec prudence.

Sources : Commission européenne ; Goldman Sachs (mesures additionnelles) ; calculs de la commission des finances

On observe en particulier que dans les deux tableaux, l'effort annuel de la France est environ deux fois plus important que celui de l'Allemagne (il est vrai en intégrant le « contrecoup » en 2011 de la fin du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle). L'opposition, parfois faite par la presse, entre un « plan français à 50 milliards d'euros » et un « plan allemand à 80 milliards d'euros » n'a donc en réalité pas de sens. L'écart entre les deux montants vient du fait que :

- les 80 milliards d'euros du plan allemand prennent en compte l'ensemble des mesures, alors que les 50 milliards d'euros du plan français ne concernent que celles relatives à la dépense et la dépense fiscale : comme on l'a vu ci-avant, en prenant en compte les mesures sur les recettes, le plan français est de l'ordre de 65 milliards d'euros ;

- le PIB de l'Allemagne est plus élevé (environ 2 500 milliards d'euros, contre 2 000 milliards d'euros pour le PIB français) ;

- la période prise compte pour les 80 milliards d'euros de l'Allemagne comprend une année supplémentaire (2014) ;

- si une part importante (plus de 10 milliards d'euros) du plan français est censée correspondre à une diminution de la croissance des dépenses des administrations publiques locales, dans le cas de l'Allemagne l'essentiel de l'effort doit provenir des Länder , auxquels la nouvelle norme constitutionnelle doit encore être transposée.

Il faut cependant, aussi, prendre en compte le fait que la situation des finances publiques de l'Allemagne est beaucoup moins compromise que celle de la France.

III. UNE PROGRAMMATION QUI NE SERA CRÉDIBLE QUE SI ELLE EST RÉALISTE

A. LE PROBLÈME TRADITIONNEL DE LA PROGRAMMATION FRANÇAISE : UN MANQUE DE CRÉDIBILITÉ

1. Des programmes de stabilité à ce jour sans aucun impact sur l'évolution des finances publiques

Même avant la récession de 2009, les programmes de stabilité n'étaient jamais respectés, comme le montre le graphique ci-après.

Le solde public : prévision et exécution

(en points de PIB)

NB : L'Insee a notifié le 1 er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

Sources : Insee, programmes de stabilité

Cela s'explique en particulier par le fait que la norme de dépenses n'a quasiment jamais été respectée .

2. Des engagements qui ne sont pas pris au sérieux

Il est frappant de voir à quel point les économistes, lorsqu'ils doivent distinguer les mesures annoncées par les gouvernements de celles qui seront effectivement mises en oeuvre, tendent, dans le cas de la France, à prévoir un écart important, comme le montrent les tableaux ci-après.

Quel montant pour les plans de consolidation budgétaire ?

1. Selon les gouvernements : la « consolidation budgétaire selon les annonces des gouvernements », telle que synthétisée par Natixis début juin 2010

Source : Sylvain Broyer, Costa Brunner, « Des plans de relance à la consolidation budgétaire : quel effet net sur la croissance ? », Flash économie n° 283, Natixis, 4 juin 2010

2. Selon des économistes : l'exemple de Barclays Capital (28 mai 2010)

Source : Laurence Boone, « Fiscal adjustment and exchange rate depreciation: mutually offsetting » (« L'ajustement budgétaire et la dépréciation du taux de change : une annulation mutuelle »), in Global Economics Weekly, Barclays Capital, 28 mai 2010

De même, dans un article du Financial Times , l'économiste Wolfgang Munchau se réjouit du fait que, selon lui, la France ne mènera pas de politique d'austérité avant l'élection présidentielle de 2012. Cette analyse est paradoxale si l'on considère que, comme on l'a indiqué ci-avant, le programme de stabilité français prévoit un effort annuel moyen à peu près double de celui de l'Allemagne.

La France, qui en trente ans n'a jamais pu faire la preuve de sa capacité à réduire sa dette (contrairement par exemple aux Etats-Unis et à l'Espagne), verra les décisions qui seront effectivement prises au cours des prochaines années en matière de finances publiques examinées avec attention par les différents observateurs, et en particulier par les agences de notation.

Ces éléments confirment la nécessité que la France se dote de règles constitutionnelles en matière de finances publiques, et que ces règles soient réellement contraignantes. La troisième partie du présent rapport y est consacrée.

B. UN PREMIER FACTEUR DE DOUTE : L'HYPOTHÈSE DE CROISSANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES

Le Gouvernement prévoit une croissance moyenne des dépenses publiques de 0,6 % en volume de 2011 à 2013. On rappelle que le taux de croissance moyen des dépenses publiques depuis le début des années 2000 a été de 2,4 %, sans qu'il soit possible de déceler d'inflexion.

Paradoxalement, il n'est pas possible de déterminer précisément les hypothèses du Gouvernement en matière de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques en 2011-2013. En effet, si le programme de stabilité 2010-2013 indique la croissance moyenne des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques sur la période 20 10 -2013, il se contente d'indiquer au sujet de la période 20 11 -2013 que la croissance des dépenses sera de 0,6 % en volume (0,9 % en 2010-2013). Il est bien entendu paradoxal que des informations aussi essentielles ne soient pas disponibles dans le programme de stabilité.

Sous ces réserves, on peut décomposer, à titre indicatif, la diminution de la croissance des dépenses publiques prévue par le Gouvernement de la façon suivante.

Le ralentissement des dépenses publiques prévu par le Gouvernement : des hypothèses « volontaristes »

(en points de croissance en volume)

* Hypothèses reconstituées à titre indicatif, le programme de stabilité 2010-2013 n'indiquant pas les hypothèses de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques en 20 11 -2013 (mais seulement en 20 10 -2013). Le taux de croissance global de 0,6 % en 2011-2013 est en revanche explicitement indiqué.

Sources : Insee, programme de stabilité 2010-2013, calculs de la commission des finances

Selon le Gouvernement, la croissance en volume des dépenses publiques passerait de 2,4 % à 0,6 %, cette diminution de 1,8 point provenant :

- de mesures « documentées » , même si elles restent à préciser : moindre progression des dépenses de l'Etat hors plan de relance (0,5 point), arrêt du plan de relance (0,2 point), volet « dépenses » de la réforme des retraites (0,2 point), moindre progression des dépenses d'assurance maladie (0,3 point si l'on suppose que l'objectif d'ONDAM est respecté, mais 0,2 point si l'on suppose qu'il est dépassé à hauteur du seuil de la procédure d'alerte) ;

- de simples hypothèses, d'ailleurs récurrentes dans les programmes de stabilité et jamais vérifiées : moindre progression des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraites (0,2 point) et des dépenses locales (0,4 point). Par ailleurs, si le Gouvernement s'autorise un dépassement de l'ONDAM à hauteur du seuil de la procédure d'alerte, il faut rajouter 0,1 point de croissance supplémentaire des dépenses publiques.

Au total, en supposant que le Gouvernement parvienne à maîtriser les dépenses de l'Etat, des retraites et de l'assurance maladie comme il s'y est engagé (en supposant dans ce dernier cas que les dépenses sont accrues du niveau du seuil d'alerte) mais que, en revanche, les « simples hypothèses » ne sont pas confirmées, la croissance des dépenses serait plutôt de 1,3 % en volume.

1. La norme de croissance des dépenses publiques a toujours été largement dépassée

On peut se demander pourquoi la norme de croissance de la dépense publique a toujours été largement dépassée.

a) Les dépenses dont le taux de croissance a été le plus supérieur à la programmation sont celles de l'assurance maladie et, surtout, des collectivités territoriales

Depuis le début des années 2000, la stratégie de réduction du déficit public est la même. Il s'agit, par une progression des recettes de l'ordre de 1 % par an en volume (contre un peu plus 2 % pour le PIB), de réduire la part des dépenses dans le PIB d'environ 0,5 point par an.

Cette stratégie n'a pas fonctionné. En effet, les programmes de stabilité ne se sont traduits par aucune inflexion du rythme d'évolution de la dépense, qui a été de l'ordre de 2,4 % par an depuis 2000, comme le montre le graphique ci-après.

Croissance en volume des dépenses publiques : prévision et exécution

(en %)

Sources : programmes de stabilité, Insee

Cette croissance des dépenses publiques provient, en moyenne (au sens de la comptabilité nationale) :

- d'une croissance des dépenses de l'Etat de l'ordre de 1 % par an à périmètre courant comme à périmètre constant (contre une prévision inférieure à 0,5 %) ;

- d'une croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale de l'ordre de 3 % par an (contre une prévision de 1,5 %), les chiffres étant analogues dans le cas de l'assurance maladie (respectivement un peu plus de 3 % et 2 %) ;

- d'une croissance des dépenses des collectivités territoriales de l'ordre de 4 %, mais 3 % hors transferts de compétences (contre une prévision de 1,5 %).

Compte tenu du poids des différentes catégories de collectivités territoriales (environ 20 points de PIB pour l'Etat, 20 points de PIB pour les administrations de sécurité sociale et 10 points de PIB pour les administrations publiques locales), cela correspond bien à une croissance globale de l'ordre de 2,4 % par an (1 % en prévision).

b) La principale cause de dépassement de la norme de dépense a été la croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale hors régimes obligatoires de base

Les chiffres qui précèdent pourraient donner l'impression que les dépenses qui contribuent le plus au non-respect de la norme de dépenses sont les dépenses d'assurance maladie et des collectivités territoriales, dont le taux de croissance présente le plus fort écart par rapport à la programmation.

Cette analyse est erronée. En effet, compte tenu de la part de leurs dépenses dans les dépenses publiques totales, l'assurance maladie et les collectivités territoriales n'ont contribué que marginalement au non-respect de la norme de dépenses, comme le montre le tableau ci-après.

Contribution au non-respect de la norme de dépenses

(en points de croissance des dépenses publiques)

Administrations publiques

Etat*

Administrations de sécurité sociale

Collectivités locales

Total

Assurance maladie

prog. stab. 2000-2002

1,5

0,8

0,5

prog. stab. 2001-2003

1,5

1,0

0,5

0,3

prog. stab. 2002-2004

1,3

0,9

0,4

0,8

prog. stab. 2003-2005

1,1

0,4

0,7

0,2

0,6

prog. stab. 2004-2006

0,9

0,0

0,4

0,0

0,6

prog. stab. 2005-2007

1,2

-0,7

0,5

0,0

0,6

prog. stab. 2006-2008

0,5

-0,8

0,0

-0,1

0,4

prog. stab. 2007-2009

1,8

0,3

0,9

0,0

0,6

prog. stab. 2008-2010

1,7

1,0

0,6

0,3

0,0

prog. stab. 2009-2012 I

2,6

1,4

1,2

0,3

0,1

prog. stab. 2009-2012 II

1,2

0,8

0,3

-

0,2

EXCES DE DEPENSES MOYEN**

1,4

0,3

0,6

0,2

0,4

transferts de compétences/an

~0,2***

~-0,2***

EXCES DE DEPENSES NET MOYEN

1,4

~0,5

~0,6

~0,2

~0,2

* Au sens de la comptabilité nationale.

** A périmètre courant.

*** Le montant global des transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales depuis le début des années 2000 est de l'ordre d'1 point de PIB (groupe de travail présidé par Gilles Carrez et Michel Thénault, « La maîtrise des dépenses locales », mai 2010).

Source : calculs de la commission des finances

Sur l'ensemble des programmes de stabilité, la croissance en volume des dépenses publiques a été supérieure en moyenne de 1,4 point aux prévisions (croissance de 2,4 % au lieu de 1 %). Cet écart se décompose en :

- 0,6 point correspondant aux administrations de sécurité sociale ;

- 0,5 point correspondant à l'Etat ;

- 0,2 point correspondant aux collectivités territoriales.

Le tableau ci-avant montre que les dépenses des administrations de sécurité sociale ont représenté la moitié du supplément de croissance des dépenses publiques par rapport aux programmes de stabilité. Il s'agit donc là du principal enjeu.

Mais, au sein des dépenses de sécurité sociale, les dépenses d'assurance maladie ne constituent pas le principal facteur de dépassement. Alors que les programmes de stabilité ont prévu une croissance des dépenses d'assurance maladie de l'ordre de 1,5 %, celle-ci a été d'environ 3 %. Compte tenu du montant des dépenses d'assurance maladie - de l'ordre de 170 milliards d'euros -, chaque année ce dépassement a augmenté les dépenses publiques de 2,5 milliards d'euros environ, soit environ 0,1 point de PIB, ou encore 0,2 point de dépenses publiques.

Ce sont les administrations de sécurité sociale hors régime obligatoire de base, et en particulier l'UNEDIC, qui expliquent plus de la moitié du dépassement de la norme.

A titre indicatif, on peut décomposer le dépassement de la norme de dépenses des administrations de sécurité sociale fixée par les programmes de stabilité conformément au tableau ci-après.

Le dépassement de la norme de dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSOC) fixée par les programmes de stabilité : une tentative indicative de ventilation

(par an en moyenne, en milliards d'euros*)

Montant

Régimes obligatoires de base

~ 3

dont :

Assurance maladie

~ 2,5

ASSOC hors régimes obligatoires de base

~ 4

Unedic

~ 2,0

Autres

~ 2,0

Total

~ 7

* Montants initialement calculés en points de PIB, conversion effectuée sur la base du PIB actuel.

Source : calculs de la commission des finances

Ces ordres de grandeur sont particulièrement importants. Ils montrent en effet que si l'on se contente de prendre des mesures pour assurer un meilleur respect de l'ONDAM, la norme de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale continuera d'être nettement dépassée.

Le champ des « administrations de sécurité sociale »

Les administrations de sécurité sociale (dépenses de 494,1 milliards d'euros en 2009) comprennent :

- les régimes d'assurance sociale (dépenses de 472,6 milliards d'euros en 2009), c'est-à-dire les régimes obligatoires de base (dépenses de 428,5 milliards d'euros en 2009), mais aussi les régimes complémentaires de retraites, l'UNEDIC, et des fonds spéciaux tels que le FSV ;

- des organismes dépendant des assurances sociales (dépenses de 80,2 milliards d'euros en 2009), c'est-à-dire essentiellement les hôpitaux publics ainsi que les hôpitaux privés participant au service public hospitalier.

2. Trois points positifs : les dépenses de l'Etat, de l'assurance maladie et des retraites devraient nettement ralentir

Le programme de stabilité 2011-2013 se distingue des programmations précédentes par trois points positifs :

- la confirmation de la norme « élargie » d'évolution des dépenses de l'Etat, certes sous une forme apparemment nouvelle mais peu différente en pratique. Car autant la norme « restreinte » ne permettait pas de contrôler efficacement la progression des dépenses de l'Etat, autant la norme « élargie » aurait été efficace en 2009 s'il n'avait pas fallu mettre en oeuvre un plan de relance de l'économie ;

- la volonté affirmée de prendre des mesures concrètes pour maîtriser les dépenses d'assurance maladie ;

- le volet « dépenses » du projet de réforme des retraites.

Certes, ces règles doivent encore être appliquées. Cependant, les dépenses de l'Etat sont de fait contrôlées par le Gouvernement. La maîtrise des dépenses d'assurance maladie est quant à elle possible dès lors qu'il existe une véritable volonté politique de prendre en cours d'année les mesures correctrices nécessaires, ce dont tout montre que tel est bien le cas. La détermination du Gouvernement à mener à bien la réforme des retraites ne fait quant à elle pas de doute.

a) Les dépenses de l'Etat

La stratégie de maîtrise des dépenses publiques du Gouvernement repose sur un effort sans précédent de l'Etat.

Il convient en effet de se remémorer les normes de dépenses successives appliquées au budget de l'Etat. Si le passage de l'actuelle règle du « 0 % volume élargi » à une règle du « 0 % valeur élargi hors pensions et charge de la dette » ne devrait pas se traduire par un effort supplémentaire significatif, il ne faut pas oublier que, depuis 2008, la règle applicable aux dépenses de l'Etat est beaucoup plus contraignante que celles qui l'ont précédée (ce qui a été quelque peu « brouillé » par le plan de relance en 2009).

Dans un premier temps, de 1998 à 2007, l'Etat a respecté une règle définie sur le périmètre des dépenses au sens strict de la comptabilité budgétaire, c'est-à-dire en particulier hors prélèvements sur recettes :

- règle du « 1 % volume » de 1998 à 2002 ;

- règle du « 0,2 % volume » en 2003 ;

- règle du « 0 % volume » de 2004 à 2006 ;

- règle du « - 1 % volume » en 2007.

Ces règles présentaient l'inconvénient de prendre en compte un périmètre trop restreint pour être réellement représentatif de la croissance des dépenses au sens de la comptabilité nationale, seule pertinente du point de vue du pacte de stabilité et de la soutenabilité des finances publiques. Ainsi, en moyenne, les programmes de stabilité retenaient une hypothèse de croissance des dépenses de l'Etat au sens de la comptabilité nationale supérieure de 0,6 point à l'hypothèse au sens de la comptabilité budgétaire. Dans le cas du programme de stabilité 2008-2010, l'écart a même été de 1 point.

Aussi, la loi de finances pour 2008 est passée à la règle dite du « 0 % volume élargi », retenue jusqu'en 2010 par les lois de finances, et confirmée par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Cette norme n'était pas définie au sens de la comptabilité nationale - en particulier elle obéissait à une logique de décaissements et non de droits constatés -, mais elle présentait l'intérêt d'inclure les prélèvements sur recettes, ainsi que les nouvelles affectations de recettes aux opérateurs de l'Etat. L'écart par rapport aux dépenses au sens de la comptabilité nationale s'en est trouvé quasiment supprimé.

Au total, au sens de la comptabilité nationale, la norme de croissance en volume des dépenses de l'Etat est passée de 0,7 % selon le programme de stabilité 2003-2005 à - 0,1 % selon le programme de stabilité 2010-2013, comme le montre le tableau ci-après.

La croissance des dépenses publiques en volume (et à périmètre constant), selon les programmes de stabilité*

(en % )

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Au sens de la comptabilité budgétaire

programme de stabilité 2003-2005

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2004-2006

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2005-2007

0

0

0

programme de stabilité 2006-2008

0

0

0

programme de stabilité 2007-2009

-1,25

-1,25

-1,25

programme de stabilité 2008-2010

-1,5

-1,5

-1,5

programme de stabilité 2009-2012 I

0

0

0

0

programme de stabilité 2009-2012 II

0

0

0

0

programme de stabilité 2010-2013

0

0

0

0

Au sens de la comptabilité nationale

programme de stabilité 2003-2005

0,7

0,7

0,7

programme de stabilité 2004-2006

0,8

0,8

0,8

programme de stabilité 2005-2007

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2006-2008

0,2

0,2

0,2

programme de stabilité 2007-2009

0,0

0,0

0,0

programme de stabilité 2008-2010

-0,5

-0,5

-0,5

programme de stabilité 2009-2012 I

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2009-2012 II

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

programme de stabilité 2010-2013

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

Supplément de croissance des dépenses au sens de la comptabilité nationale

programme de stabilité 2003-2005

0,4

0,4

0,4

programme de stabilité 2004-2006

0,5

0,5

0,5

programme de stabilité 2005-2007

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2006-2008

0,2

0,2

0,2

programme de stabilité 2007-2009

1,3

1,3

1,3

programme de stabilité 2008-2010

1,0

1,0

1,0

programme de stabilité 2009-2012 I

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2009-2012 II

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

programme de stabilité 2010-2013

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

* L'hypothèse de croissance des dépenses de l'Etat au sens de la comptabilité nationale n'est disponible qu'à partir du programme de stabilité 2003-2005.

Source : d'après les programmes de stabilité

Jusqu'à présent, du fait du plan de relance la seule année révolue lors de laquelle la règle du « 0 % volume élargi » a été appliquée est 2008.  Compte tenu de la part des dépenses de l'Etat dans les dépenses publiques totales, on calcule que :

- le passage du « 0 % volume » au « 0 % volume élargi » ou au « 0 % valeur élargi hors pensions et charge de la dette » (norme considérée comme équivalente) correspond à une réduction du taux annuel de croissance des dépenses publiques de l'ordre de 0,25 point ;

- comme en outre les dépenses ont été supérieures d'environ 0,5 point à ce que prévoyaient les programmes de stabilité, l'application effective de la règle permettrait au total de réduire le taux de progression annuel des dépenses publiques de 0,5 point.

b) Les dépenses d'assurance maladie

Les dépenses d'assurance maladie connaîtraient, elles aussi, un fort ralentissement, passant d'une croissance en volume d'environ 3 % à une croissance moyenne de l'ordre de 1,25 %, comme le montre le graphique ci-après.

Croissance en volume des dépenses d'assurance maladie : prévision et exécution

(en %)

Sources : programmes de stabilité, commission des comptes de la sécurité sociale, Insee

L'objectif poursuivi est ambitieux mais pas irréaliste, dès lors que l'on se dote des moyens de l'atteindre. Comme on le verra ci-après, le groupe de travail présidé par Raoul Briet a fait en avril dernier des propositions en ce sens.

On calcule que le passage de la croissance des dépenses d'assurance maladie de 3 % à 1,25 % en volume réduirait le taux de progression des dépenses publiques de 0,3 point par an.

c) La réforme des retraites

Selon le rapport du Gouvernement préparatoire au présent débat d'orientation des finances publiques, « le projet de réforme des retraites permettra de réduire le déficit public d'environ 0,5 point de PIB en 2013 et d'environ 1,2 point de PIB en 2020 ». 0,5 point de PIB correspond à environ 10 milliards d'euros.

De manière paradoxale, le Gouvernement n'a semble-t-il pas publié de décomposition de l'impact de cette réforme pour l'année 2013.

Le tableau ci-après suggère cependant que ces 10 milliards d'euros se décomposent, en 2013, en :

- environ 5 milliards d'euros de mesures relatives aux recettes ;

- environ 5 milliards d'euros de mesures relatives aux dépenses.

La réforme des retraites prévue par le Gouvernement

(en milliards d'euros)

2010

2011

2015

2018

2020

Solde avant réforme

-16,7

-19,5

-23,8

-26,7

-29,4

Solde hors prise en compte de l'effort actuel de l'Etat

-32,3

-35,1

-39,4

-42,3

-45

Effort de l'Etat

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

Recettes

0,0

4,1

7,2

9,4

10,9

Augmentation des prélèvements obligatoires

0,0

3,7

4,1

4,4

4,6

Basculement Unedic

0,0

0,0

0,4

1,0

1,4

Mesures convergence public/privé

0,0

0,4

2,7

4,0

4,9

Dépenses

-0,1

1,6

8,7

17,3

18,6

Impact annuel mesure d'âge

0,0

1,7

9,5

18,6

20,2

Mesures « positives »

-0,1

-0,1

-0,8

-1,3

-1,6

Total

-0,1

5,7

15,9

26,7

29,5

Solde après réforme

-16,8

-13,7

-7,8

0,0

0,1

Source : d'après ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique, dossier de presse relatif à la réforme des retraites, 16 juin 2010

Selon le Gouvernement, la réforme du dispositif de pilotage de l'assurance maladie et celle des retraites devraient permettre de fortement infléchir la croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale, comme le montre le graphique ci-après.

Croissance en volume des dépenses des administrations de sécurité sociale : prévision et exécution

(en %)

NB : la croissance des dépenses au sens des programmes de stabilité s'entend à périmètre constant, celle au sens de la comptabilité nationale s'entend à périmètre courant. Aucun retraitement n'est disponible.

Sources : programmes de stabilité, Insee

3. Des sujets de préoccupation : des prévisions optimistes pour les dépenses des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie

En sens inverse, le fort ralentissement programmé pour les dépenses des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie suscite de fortes interrogations.

a) Dans le cas des collectivités territoriales

Dans le cas des dépenses des collectivités territoriales, la volonté affirmée du Gouvernement d'infléchir leur rythme de croissance ne s'est jusqu'à présent jamais concrétisée, comme le montre le graphique ci-après. En particulier, le faible taux de croissance en volume observé en 2008 vient de l'inflation élevée constatée cette année-là.

Croissance en volume des dépenses des collectivités territoriales : prévision et exécution

(en %)

NB : la croissance des dépenses au sens des programmes de stabilité s'entend à périmètre constant, celle au sens de la comptabilité nationale s'entend à périmètre courant. Aucun retraitement n'est disponible.

Sources : programmes de stabilité, Insee

Même corrigées des transferts de compétence, les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté en moyenne d'environ 3 % par an en volume.

La disposition du plan de relance relative au FCTVA, de 3,8 milliards d'euros en 2009, s'est selon la Cour des comptes, vraisemblablement traduite par un « effet d'aubaine ». Dans ces conditions, il n'est pas acquis que le gel des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, portant chaque année sur des sommes beaucoup plus faibles (inférieures au milliard d'euros), se traduise par une inflexion significative de la croissance de leurs dépenses.

b) Dans le cas des dépenses des administrations de sécurité sociale autres que celles d'assurance maladie

Le principal problème concernant la maîtrise des dépenses des administrations de sécurité sociale est qu'alors qu'en moyenne, les programmes de stabilité successifs prévoient implicitement que, hors dépenses d'assurance maladie, les dépenses des administrations de sécurité sociale augmenteront de 1,4 % en volume, cette croissance a été de près de 3 % par an, comme le montre le graphique ci-après.

Croissance en volume des dépenses des administrations de sécurité sociale hors dépenses d'assurance maladie : prévision et exécution

(en %)

Sources : programmes de stabilité, Insee, calculs de la commission des finances

Ce phénomène s'explique en partie - mais en partie seulement - par le fait que les programmes de stabilité prévoient systématiquement une diminution des dépenses d'indemnisation du chômage, reposant sur des hypothèses optimistes, et non explicitées, d'évolution du taux de chômage.

Dans le cas du programme de stabilité 2010-2013, on a vu qu'une part importante de la prévision de diminution du taux de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale ne peut s'expliquer par la réforme des retraites et de l'assurance maladie. Ce phénomène a pour effet de minorer la prévision de taux de croissance des dépenses publiques d'environ 0,2 point. Il semble provenir en totalité des hypothèses implicitement retenues en matière d'évolution du taux de chômage.

C. UN SECOND FACTEUR DE DOUTE : L'HYPOTHÈSE DE CROISSANCE DU PIB

Le Gouvernement retient une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % de 2011 à 2013. Un tel scénario, s'il n'est pas invraisemblable, est manifestement  « volontariste », comme l'a reconnu dès mars 2010 Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

1. Des aléas particulièrement importants

Les perspectives de croissance au cours des prochaines années dépendent très largement de deux facteurs :

- l'évolution du taux de change de l'euro ;

- les politiques budgétaires.

a) L'impact de la dépréciation de l'euro

Le graphique ci-après montre l'évolution du taux de change de l'euro par rapport au dollar. Depuis le début de l'année, l'euro s'est déprécié de plus de 10 % contre le dollar, de même que contre l'ensemble des monnaies. Le taux de change moyen du mois de mai a été de 1,26 euro pour un dollar, et le taux de change moyen des cinq premiers mois de l'année a été de 1,35 euro pour un dollar.

Le taux de change de l'euro par rapport au dollar

(valeur d'un dollar, en euros)

Source : Banque centrale européenne

Ce graphique suggère que le potentiel de dépréciation de l'euro est encore important. En juin 2001, l'euro est descendu jusqu'à 0,85 dollar. Selon l'économiste Patrick Artus, « la taille relative des portefeuilles des non-résidents est nettement plus importante aujourd'hui que lors du dernier point bas de l'euro (2000-2002) pour les actions et les obligations. Le recul potentiel de l'euro se situe donc au-delà de celui observé à cette époque (0,84) ».

La prise en compte de l'impact de la politique budgétaire et du taux de change est d'autant moins aisée qu'il n'existe pas de consensus sur son ampleur, pour une évolution donnée.

Les estimations de l'impact sur la croissance d'une dépréciation de 10 % de l'euro sont de l'ordre de 0,5 point pendant deux ans, mais elles peuvent varier du simple au double.

Les estimations de l'impact sur la croissance d'une dépréciation de 10 % de l'euro vis-à-vis de l'ensemble des monnaies sont variables :

- 0,3 à 0,4 point pendant deux années de suite (pour la zone euro) selon Patrick Artus (Natixis) ;

- 0,4 point la première année (pour la zone euro) selon BNP Paribas ;

- 0,7 point pendant une année (pour la France) selon le Gouvernement ;

- 0,7 point la première année puis 0,6 point la deuxième année et 0,4 point la troisième année (pour la zone euro) selon l'OCDE, ce qui correspond à un gain d'au total 1,7 point de PIB au bout de trois ans ;

- 0,8 point la première année et - 0,3 point et - 0,5 point les troisième et quatrième années (pour la zone euro) selon Laurence Boone (Barclays Capital).

Comme on peut le comprendre, tout dépend de l'effet relatif de la parité sur les importations et les exportations, mais aussi de la capacité des entreprises à incorporer dans leurs exportations une proportion plus importante de produits fabriqués en zone euro. Encore faut-il aussi que les couvertures de change des entreprises ne neutralisent pas l'effet de parité.

Interrogée à ce sujet par votre rapporteur général le 22 juin 2010 dans le cadre des questions crible thématiques, Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur, auprès de la ministre de l'Economie, de l'industrie et de l'emploi, a reconnu que le Gouvernement avait « du mal à (...) faire une évaluation chiffrée » de l'impact de la dépréciation de l'euro.

L'impact de la dépréciation du taux de change de l'euro, selon Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur, auprès de la ministre de l'Economie, de l'industrie et de l'emploi

« M. Philippe Marini . Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons évoqué, voilà quelques instants, les incertitudes qui pèsent sur le taux de croissance de notre pays puis la gouvernance de la zone euro.

« Ma question, qui s'adresse particulièrement à vous, madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, porte sur une donnée tout à fait essentielle pour déterminer quelle sera la conjoncture lors des mois et des années à venir. Elle concerne, en effet, la parité monétaire, plus particulièrement le taux de change de l'euro par rapport au dollar.

« Pour nombre de macro-économistes, le lien entre une baisse durable de cette parité et un regain de croissance est établi par l'analyse économétrique, par les modèles, lesquels nous donnent des résultats très variables.

« Madame la secrétaire d'État, pensez-vous que les conséquences du repli de l'euro seront plus importantes sur les exportations que sur les importations ? De quels éléments disposez-vous sur ce sujet ?

« Plus précisément, la sortie des mécanismes de couverture souscrits par les entreprises pour se protéger des aléas de la parité va-t-elle leur permettre de dégager des bénéfices supplémentaires ?

« Quelle appréciation portez-vous sur les effets du maintien du taux de change à la parité actuelle sur notre croissance ?

« M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

« Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État . Monsieur le sénateur, j'évoquerai, en guise d'introduction, trois points.

« Premièrement, l'évolution de l'euro doit être appréciée sur une longue période. En cet après-midi, le taux de change de l'euro par rapport au dollar se situe autour de 1,23 ; il est donc supérieur non seulement au niveau le plus bas atteint le 7 juin dernier, mais également à son niveau initial - 1,17 - en vigueur au moment de la création de la monnaie unique.

« Deuxièmement, la comparaison doit être étendue au-delà du dollar à l'ensemble des devises. Le repli de l'euro a été également sensible vis-à-vis du yen, par exemple.

« Troisièmement, l'impact sur les marchés extérieurs du taux de change effectif de la France est atténué par le fait que la plupart de nos concurrents, notamment l'Allemagne et l'Italie, appartiennent eux aussi à la zone euro.

« J'en viens au coeur de votre question, monsieur Marini. Il est clair que la baisse de l'euro au cours des sept derniers mois est positive pour nos exportateurs qui produisent dans la zone euro et qui vendent leur production en dollars. Je pense, par exemple, aux secteurs de l'aéronautique, notamment à EADS, ou de la pharmacie. D'aucuns estiment par ailleurs que si la parité était proche de 1,20, la situation serait beaucoup plus équilibrée.

« Le gain de compétitivité dont bénéficient les exportateurs français du fait de la baisse de l'euro dope donc l'activité, mais nous avons du mal à en faire une évaluation chiffrée. Pour 2010, il est de l'ordre de quelques dixièmes de points. Sans doute ira-t-il encore au-delà puisque certaines grandes entreprises sortiront des mécanismes de couverture, que vous avez évoqués.

« Par ailleurs, le repli de l'euro est en bonne partie dû à des tensions sur les marchés financiers qui pèsent, en outre, sur l'activité, tandis que le coût des importations se renchérit.

« Quoi qu'il en soit, sur le plan commercial, la baisse de la monnaie européenne est une bonne nouvelle, même si nous ne sommes pas capables d'en évaluer l'impact exact. Permettez-moi de rappeler que le commerce extérieur a contribué positivement à la croissance française dès le premier trimestre de cette année.

« M. le président . La parole est à M. Philippe Marini, pour la réplique.

« M. Philippe Marini . Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces éléments de réponse. Je suggère que l'évolution de l'euro fasse l'objet d'un suivi extrêmement précis, mois après mois, et que les commissions approfondissent cette question. Certes, il existe des références historiques, mais il faut aussi prendre en compte la manière dont sont construits les modèles macroéconomiques et qui peut permettre d'expliquer les résultats variables que j'évoquais précédemment.

« Enfin, s'agissant des biens d'équipement, selon M. Gallois, pour Airbus, la bonne parité se situerait à 1,20. Nous y sommes. Je souhaite que ce chiffre soit annonciateur de succès en termes d'exportations pour une industrie aussi stratégique. »

Source : compte-rendu intégral des débats, séance du 22 juin 2010 (question crible thématique n° 0099C de M. Philippe Marini, publiée dans le JO Sénat du 23/06/2010)

b) L'effet multiplicateur de la politique budgétaire

Il n'y a pas non plus de consensus sur l'impact sur la croissance d'une réduction discrétionnaire du déficit public de 1 point de PIB. Selon l'OCDE, au niveau de la zone euro une réduction des dépenses de 1 point de PIB réduit le PIB de 0,8 point la première année, cet effet se maintenant l'année suivante, se réduisant à 0,5 point de PIB la troisième année et disparaissant ensuite progressivement. Cependant, cette estimation se situe dans le bas de l'intervalle. Ainsi, Laurence Boone (Barclays Capital) considère qu'au niveau d'un Etat de la zone euro une telle diminution des dépenses réduit le PIB de 1 point la première année, cet effet se maintenant l'effet suivante, et devant être augmenté d'un tiers si tous les Etats de la zone euro mènent la même politique en même temps. En forçant quelque peu le trait, Pierre-Alain Muet, alors conseiller auprès du Premier Ministre, estimait, dans un rapport publié en 1998 par le Conseil d'analyse économique, qu'en raison d'un multiplicateur budgétaire de l'ordre de 2 au niveau de l'Union européenne les efforts de consolidation budgétaire réalisés par les Etats européens au début des années 1980 n'avaient quasiment pas permis de réduire le déficit.

L'échec de la consolidation budgétaire européenne du début des années 1980, selon Pierre-Alain Muet

« Les États-Unis pratiquent une relance budgétaire massive en 1982-1983 qui leur permettra de retrouver rapidement le plein-emploi. Les pays européens s'engagent au contraire, de 1981 à 1985, dans une longue période restrictive dont l'impact contribuera, avec la montée des taux d'intérêt, à la faible croissance de la demande intérieure. La réduction délibérée du solde budgétaire s'éleva à 3,3 points de PIB de 1979 à 1984. Compte tenu de la valeur élevée du multiplicateur applicable à l'ensemble de la Communauté (2,2 par exemple dans le modèle MIMOSA), l'effet dépressif a représenté une réduction du PIB de 7 points, soit une réduction de la croissance de près d'un point et demi par an.

« En raison de l'effet dépressif sur l'activité économique, les réductions effectives des déficits résultant des réductions délibérées furent modestes, voire inexistantes. Quand un pays de la taille de la France applique seul une politique de réduction des dépenses publiques, l'effet dépressif est deux fois plus faible (le multiplicateur est proche de l'unité). Avec un taux marginal de prélèvement fiscal et parafiscal proche de 0,4, une réduction ex ante du déficit public égale à 1 % du PIB réduit le PIB de 1 % et diminue le déficit ex post de 0,6 %. Mais à l'échelle de la Communauté où le taux d'ouverture de l'économie est beaucoup plus faible, l'effet dépressif est supérieur à 2 % et la réduction des recettes fiscales dépasse 0,8 %. En d'autres termes l'effet dépressif annule presque entièrement la réduction ex ante du déficit.

« C'est l'importance de cet effet dépressif qui explique la persistance des déficits publics, dans la première moitié des années quatre-vingt. Par rapport à la croissance potentielle évaluée par l'OCDE, l'effet de la conjoncture (c'est-à-dire l'effet de l'écart entre la croissance effective et la croissance potentielle) contribua pour 2,8 points à l'aggravation des déficits et la hausse des charges d'intérêt pour 1,7 point (...). Au total ces deux effets effacèrent largement la réduction délibérée du déficit dont le principal impact fut de prolonger le ralentissement de la croissance économique. »

Source : Pierre-Alain Muet, « Déficit de croissance européen et défaut de coordination : une analyse rétrospective », in « Coordination européenne des politiques économiques », rapport du Conseil d'analyse économique, 1998

Le point important de cette analyse porte sur les effets d'une consolidation menée simultanément par les différents Etats de la zone euro, réduisant le potentiel des échanges interne à la zone.

Par ailleurs, selon les estimations usuelles, une augmentation des recettes a un impact environ deux fois moindre qu'une diminution des dépenses.

c) Des scénarios optimistes et pessimistes s'affrontent, sans qu'il soit possible de les départager

Ainsi, les points de vue sur les perspectives de croissance de la zone euro sont radicalement différents selon les hypothèses retenues en matière de sensibilité du PIB au taux de change de l'euro et à la politique budgétaire.

(1) Les incertitudes sur l'impact de la politique budgétaire

Si les gouvernements réduisaient leur déficit structurel conformément à leurs programmations, le déficit structurel de la zone euro s'en trouverait diminué d'environ 1 point de PIB par an d'ici 2013. Selon que l'on retient un multiplicateur budgétaire de 0,6 ou de 1,5 au niveau de la zone euro, la croissance annuelle s'en trouverait réduite de 0,6 point ou 1,5 point les deux premières années.

(2) Le principal facteur d'incertitude : l'impact de la dépréciation de l'euro

Une dépréciation de l'euro permettrait de limiter cet impact, avec une ampleur qui ne peut toutefois être précisément évaluée.

Si l'on considère qu'une dépréciation de l'euro de 10 % une année donnée soutient la croissance de 0,5 point par an pendant trois ans (ce qui correspond en gros à l'estimation de l'OCDE), l'impact sur la croissance d'une dépréciation de 10 % par an serait de 0,5 point la première année, 1 point la deuxième et 1,5 point la troisième, ce qui compenserait l'effet récessif de la politique budgétaire. Ceci explique le point de vue selon lequel l'ajustement budgétaire et la dépréciation de l'euro « se compensent mutuellement ». Bien que les gouvernements de la zone euro ne prévoient généralement pas de dépréciation de l'euro, mais retiennent une hypothèse conventionnelle de stabilité du taux de change, leurs hypothèses de croissance - légèrement supérieures à 2 % en moyenne - ne seraient pas irréalistes en cas de forte réaction de l'économie à la dépréciation de l'euro.

Si l'on suppose en revanche qu'une dépréciation de l'euro de 10 % une année donnée soutient la croissance de seulement 0,3 point par an pendant deux ans, la dépréciation de l'euro constatée jusqu'à présent n'augmenterait la croissance que de 0,3 point pendant deux ans, et serait donc loin de compenser l'effet récessif de la politique budgétaire. Tel est notamment le point de vue de Patrick Artus, pour qui « l'effet net sur la croissance d'une dépréciation de 10 % de l'euro serait donc de l'ordre de 0,3 à 0,4 point pendant deux années de suite, ce qui est visible mais pas énorme », et qui considère qu'il résulte de la volonté désormais confirmée par les Etats de la zone euro de respecter leurs engagements une « perte de croissance par rapport au consensus antérieur » de « 1 point en 2011 et en 2012 ».

2. Des simulations pour la zone euro : deux scénarios, « neutre » et « pessimiste », d'évolution du solde public
a) Les hypothèses retenues

Dans ces conditions, on peut compléter les scénarios des gouvernements de la zone euro par deux scénarios :

- un scénario « neutre » où l'on retient les hypothèses les plus favorables pour l'impact de la politique budgétaire (multiplicateur budgétaire de 0,6 au niveau de la zone euro) et celui de la dépréciation de l'euro (pour une dépréciation de 10 % une année donnée, augmentation du PIB de 1,8 point au bout de 4 ans), mais où la dépréciation de l'euro ne se poursuit pas, afin de ne pas susciter des taux de croissance nettement supérieurs à la croissance potentielle, a priori difficilement compatibles avec une dépréciation de l'euro ;

- un scénario « pessimiste » où l'on retient des hypothèses moins favorables (multiplicateur budgétaire de 1,2 et impact d'une dépréciation de 10 % de l'euro une année donnée de 0,3 point de PIB pendant deux ans), et où l'euro se déprécie de 10 % par an.

Aucun de ces scénarios n'est un scénario extrême.

Par construction, on considère que les Etats parviennent à réduire leur déficit structurel comme le prévoient leurs programmations. Ces scénarios ne font donc que « corriger » les projections de solde en fonction des hypothèses économiques retenues. Par convention, on retient l'hypothèse d'une élasticité des recettes publiques au PIB égale à 1.

Dans tous les cas, on suppose que la croissance est égale en 2011 à la prévision du consensus, et les années suivantes à la croissance potentielle 2007-2020 estimée avant la crise par la Commission européenne, diminuée en fonction de l'impact de la politique budgétaire et de la dépréciation de l'euro.

Dans le cas de la France, pour les scénarios « neutre » et « pessimiste » les soldes ont été évalués non pas en modifiant les soldes du programme de stabilité en fonction de l'impact supposé de la moindre croissance, mais entièrement recalculés, en maintenant inchangées les hypothèses de croissance des dépenses publiques du Gouvernement.

Dans le cas de la Grèce on retient, par convention, les hypothèses de croissance et de solde associées au programme d'aide à ce pays.

On parvient alors aux résultats ci-après, bien entendu purement indicatifs.

Différents scénarios de solde public, pour les principaux Etats de la zone euro

(sur la base des hypothèses d'évolution du solde structurel des gouvernements, recalculées par la Commission européenne en fonction de son estimation du PIB potentiel)

(en % et en points de PIB)

Hypothèses de croissance

Prévisions de solde public

Source

2010

2011

2012

2013

2014

2011-2013

Source

2010

2011

2012

2013

2014

Scénarios des gouvernements

Belgique

Prog. stab.

1,1

1,7

2,2

-

-

2,0

Prog. stab.

-4,8

-4,1

-3

-

-

Allemagne

Prog. stab.

1,4

2,0

2,0

2,0

-

2,0

Prog. stab.

-5,5

-4,5

-3,5

-3

-

France

Prog. stab.

1,4

2,5

2,5

2,5

-

2,5

Prog. stab.

-8,2

-6

-4,6

-3

-

Solde recalculé par la commission des finances*

-8,0

-5,4

-4,5

-3,6

-2,7

Irlande

Prog. stab.

-1,3

3,3

4,5

4,3

4,0

4,0

Prog. stab.

-11,6

-10

-7,2

-4,9

-2,9

Espagne

Prog. stab.

-0,3

1,8

2,9

3,1

-

2,6

Objectifs 12 mai 2010

-9,3

-6

-

-

-

Prog. stab.

-9,8

-7,5

-5,3

-3,0

-

Italie

RUEF**

1,0

1,5

2,0

-

-

1,8

RUEF**

-5

-3,9

-2,7

-

-

Pays-Bas

Prog. stab.

1,5

2,0

2,0

-

-

2,0

Prog. stab.

-6,1

-5

-4,5

-

-

Autriche

Prog. stab.

1,5

1,5

1,9

2,0

-

1,8

Prog. stab.

-4,7

-4

-3,3

-2,7

-

Portugal

Prog. stab.

0,7

0,9

1,3

1,7

-

1,3

Objectifs 13 mai 2010

-7,3

-4,6

-

-

-

Prog. stab.

-8,3

-6,6

-4,6

-2,8

-

Finlande

Min. finances, printemps 2010

1,1

2,1

-

-

-

2,1

Min. finances, printemps 2010

-4,2

-2,2

-

-

-

Grèce

Programme d'aide à la Grèce

-4,0

-2,6

1,1

2,1

2,1

0,2

Programme d'aide à la Grèce

-8

-7,6

-6,5

-4,9

-2,6

Scénario « neutre » calculé par la commission des finances

Belgique

-

-

1,7

2,4

2,5

2,2

2,2

-

-4,1

-2,9

-

-

Allemagne

-

-

1,7

1,3

1,3

1,6

1,5

-

-4,7

-4,0

-3,8

-

France

-

-

1,6

1,8

1,9

2,0

1,8

-

-6,3

-6,0

-5,5

-5,1

Irlande

-

-

2,4

3,5

3,4

3,3

3,1

-

-10,5

-8,2

-6,3

-4,7

Espagne

-

-

1,0

2,9

3,2

3,3

2,4

Base=objectifs du 12 mai 2010

-

-6,4

-

-

-

Base=Prog. stab.

-7,9

-7,2

-6,5

-

Italie

-

-

1,1

1,7

1,8

1,5

1,5

-

-4,1

-3,1

Pays-Bas

-

-

1,6

1,7

2,0

1,8

1,8

-

-5,2

-4,9

-

-

Autriche

-

-

1,7

2,0

2,0

2,0

1,9

-

-3,9

-3,2

-2,6

-

Portugal

-

-

1,0

1,5

2,1

2,1

1,5

Base=objectifs du 13 mai 2010

-

-4,6

-

-

-

Base=Prog. stab.

-6,6

-5,0

-4,1

Finlande

-

-

2,2

-

-

-

-

-

-2,2

-

-

-

Grèce

-

-

-2,6

1,1

2,1

2,1

0,2

-

-7,6

-6,5

-4,9

-2,6

Scénario « pessimiste » calculé par la commission des finances

Belgique

-

-

1,7

1,7

2,5

2,4

2,0

-

-4,1

-3,2

-

-

Allemagne

-

-

1,7

0,2

0,8

1,9

0,9

-

-4,7

-4,6

-4,7

-

France

-

-

1,6

0,8

1,7

2,4

1,4

-

-6,3

-6,7

-6,4

-5,6

Irlande

-

-

2,4

2,3

2,9

3,2

2,5

-

-10,5

-8,7

-7,2

-5,6

Espagne

-

-

1,0

2,0

3,1

3,8

2,0

Base=objectifs du 12 mai 2010

-

-6,4

-

-

-

Base=Prog. stab.

-7,9

-7,6

-7,1

-

Italie

-

-

1,1

1,0

1,8

1,8

1,3

-

-4,1

-3,4

-

Pays-Bas

-

-

1,6

0,7

1,8

2,0

1,4

-

-5,2

-5,4

-

-

Autriche

-

-

1,7

1,1

1,7

2,2

1,5

-

-3,9

-3,6

-3,2

-

Portugal

-

-

1,0

0,3

2,2

2,8

1,2

Base=objectifs du 13 mai 2010

-

-4,6

-

-

-

Base=Prog. stab.

-6,6

-5,3

-4,4

Finlande

-

-

2,2

-

-

-

-

-

-2,2

-

-

-

Grèce

-

-

-2,6

1,1

2,1

2,1

0,2

-

-7,6

-6,5

-4,9

-2,6

* En fonction des hypothèses de croissance du PIB et de croissance des dépenses du Gouvernement.

**Relazione Unificata sull'Economia e la Finanza pubblica (RUEF), 6 mai 2010.

Sources : Commission européenne ; Consensus Forecasts de mai 2010 ; calculs de la commission des finances

b) Pour la zone euro : un déficit de 4 ou 5 points de PIB en 2013 selon les scénarios « neutre » ou « pessimiste »

Les scénarios « neutre » et « pessimiste » correspondent, pour la zone euro, à une croissance de respectivement 1,6 % et 1 % en 2011-2013, et à un déficit public en 2013 de respectivement 4 et 5 points de PIB.

Ces ordres de grandeur s'expliquent simplement.

Actuellement les programmes de stabilité nationaux s'appuient sur une hypothèse de croissance moyenne de 2,3 % en 2011-2013. Or, le scénario « neutre » est moins optimiste que les hypothèses des gouvernements, puisqu'il s'appuie sur une hypothèse de croissance de l'ordre de 1,6 % par an. Il en résulte, en fin de période, un PIB inférieur de 2 points, soit, les dépenses publiques correspondant à environ la moitié du PIB, un déficit supérieur de 1 point de PIB.

Dans le scénario « pessimiste », la croissance annuelle moyenne n'est plus que de 1 %. Par rapport au scénario des gouvernements, le PIB est inférieur en fin de période de 4 points, ce qui correspond à un supplément de déficit de l'ordre de 2 points de PIB.

c) Pour la France : un déficit de plus de 3 points de PIB en 2013, même en supposant que la norme de dépenses est respectée ?

Dans le cas de la France, dans un scénario « favorable » où la croissance serait de 2,5 % par an comme prévu par le Gouvernement - et où les dépenses augmenteraient conformément à ses hypothèses -, le déficit serait encore de 3,6 points de PIB en 2013. Cela vient essentiellement du fait que le Gouvernement suppose que les administrations publiques locales utilisent la moindre progression de leurs dépenses pour ramener leur déficit à 0,1 point de PIB en 2013, alors que l'on retient ici l'hypothèse qu'elles stabilisent leur déficit à 0,5 point de PIB.

Dans le scénario « neutre », supposant une croissance légèrement plus élevée que pour l'ensemble de la zone euro ( 1,8 % au lieu de 1,6 %), le déficit serait encore de 5,5 points de PIB en 2013.

Enfin, dans le scénario « pessimiste », supposant une croissance moyenne de 1,4 %, le déficit serait encore de 6,4 points de PIB en 2013.

Dans le cas du scénario « neutre », la France ne serait pas la seule à avoir un déficit supérieur à 3 points de PIB puisque tel serait également le cas de la plupart des Etats, y compris l'Allemagne (si l'on suppose que ce pays ne prendrait pas alors des mesures complémentaires). Dans celui du scénario « pessimiste », une très large majorité des Etats demeureraient en situation de déficit excessif. Dans les deux cas, le déficit de la France serait proche de celui de l'Allemagne, les deux Etats de référence de la zone euro devant en tout état de cause dépasser largement les 3 points de PIB en 2013...

3. Retenir une hypothèse de croissance du PIB moins élevée : une condition de la crédibilité

Le fait de tenir compte des effets de la conjoncture dans l'appréciation des objectifs de solde effectif ne doit cependant pas dispenser la France de cesser de retenir des hypothèses de croissance systématiquement supérieures à la croissance potentielle.

C'est en effet une pratique bien établie pour les gouvernements successifs que de présenter, pour la construction des programmes de stabilité, une hypothèse de croissance de 2,5 %. Si l'on considère que la croissance de l'économie française s'établissait avant la crise à environ 2 % par an, cela revient à surestimer la croissance de plusieurs dixièmes de points en moyenne.

a) La France est l'Etat de la zone euro prévoyant le plus fort écart par rapport à sa croissance potentielle

La France fait partie de la moitié d'Etats de la zone euro qui retiennent une hypothèse de croissance du PIB supérieure en 2011-2013 à leur croissance potentielle telle qu'évaluée avant la crise. Parmi ces Etats, elle est celui dont l'écart entre ces deux valeurs est le plus élevé , comme le montre le tableau ci-après.

De ce point de vue, si l'hypothèse de croissance de la France n'est pas la plus élevée de la zone euro, elle est la plus optimiste.

b) Une hypothèse critiquée par la Commission européenne et le FMI

Le choix d'une hypothèse de 2,5 % pour le programme de stabilité 2010-2013 a notamment été critiqué par la Commission européenne et le FMI.

La Commission européenne, dans son avis précité du 31 mars 2010, déplore que le Gouvernement retienne une hypothèse de croissance optimiste, en soulignant que le scénario alternatif figurant dans le programme de stabilité, reposant sur une hypothèse de croissance de 2,25 %, prévoit un déficit de 4 points de PIB en 2013.

De même, le FMI, dans sa déclaration de fin de mission du 15 juin 2010 relative aux consultations au titre de l'article IV, écrit : « L'effort de consolidation devrait s'appuyer sur des hypothèses macroéconomiques réalistes. Alors même que l'ampleur des efforts budgétaires requis demeure incertaine, le fait que les autorités françaises retiennent des projections de croissance à moyen terme dans le haut des prévisions du consensus risque d'aboutir à une sous estimation significative de l'ampleur des efforts budgétaires requis. Afin d'éviter toute interruption prématurée du processus de consolidation et la perte d'élan qui s'ensuivrait, le programme d'ajustement budgétaire devrait reposer sur des prévisions macroéconomiques validées par un conseil indépendant. De plus, les autorités devraient préparer un ensemble de mesures contingentes prédéfinies susceptibles d'être mises en oeuvre en cas de reprise plus lente que prévu ».

Les hypothèses de croissance du PIB retenues par les principaux Etats de la zone euro

(en %)

Source

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2011-2013

Pour mémoire : croissance potentielle 2007-2020

estimée par la Commission européenne avant la crise*

Ecart de l'hypothèse retenue par rapport à la croissance potentielle

(en points)

A

B

A-B

Belgique

Programme de stabilité

-

1,0

-3,1

1,1

1,7

2,2

-

-

2,0

2,3

-0,4

Allemagne

Programme de stabilité

2,5

1,3

-5,0

1,4

2,0

2,0

2,0

-

2,0

1,7

0,3

France

Programme de stabilité

-

0,4

-2,3

1,4

2,5

2,5

2,5

-

2,5

2

0,5

Irlande

Programme de stabilité

-

-

-7,5

-1,3

3,3

4,5

4,3

4,0

4,0

3,8

0,2

Espagne

Programme de stabilité

-

0,9

-3,6

-0,3

1,8

2,9

3,1

-

2,6

3,1

-0,5

Italie

Relazione Unificata sull'Economia e la Finanza pubblica (RUEF), 6 mai 2010

1,5

-1,3

-5,0

1,0

1,5

2,0

-

-

1,8

1,6

0,2

Pays-Bas

Programme de stabilité

3,6

2,0

-4,0

1,5

2,0

2,0

-

-

2,0

1,9

0,1

Autriche

Programme de stabilité

3,1

2,0

-3,4

1,5

1,5

1,9

2,0

-

1,8

2,1

-0,3

Portugal

Programme de stabilité

-

-

-2,7

0,7

0,9

1,3

1,7

-

1,3

1,8

-0,5

Finlande

Ministère des finances, printemps 2010

4,9

1,2

-7,8

1,1

2,1

-

-

-

2,1

2,6

-0,5

Grèce

Programme d'aide à la Grèce

-

-

-

-4,0

-2,6

1,1

2,1

2,1

0,2

3,1

-2,9

* Commission européenne, « The 2009 Ageing Report » (« Le rapport 2009 sur le vieillissement »), European Economy n°7, 2008.

Source : d'après la Commission européenne

D. LE RISQUE : UN DÉFICIT TOUJOURS D'ENVIRON 5,4 POINTS DE PIB EN 2013

1. Un résultat obtenu à partir d'une hypothèse de croissance de 2 % sur la période de programmation

Compte tenu des éléments ci-avant concernant la dynamique des dépenses publiques, ainsi que des mesures nouvelles relatives aux recettes annoncées par le Gouvernement, il est possible de présenter divers scénarios d'évolution des finances publiques d'ici 2013, en supposant que le Gouvernement ne prendra pas de mesures supplémentaires par rapport à celles déjà annoncées, tant sur les dépenses que sur les recettes.

Les hypothèses retenues

La croissance en volume des dépenses publiques en 2011-2013 ne serait pas de 0,6 %, comme le prévoit le programme de stabilité 2010-2013, mais de 1,3 %. En effet, le Gouvernement retient des hypothèses manifestement optimistes en matière d'évolution des dépenses des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraites (cf. ci-avant).

Dans le cas des recettes , on prend en compte - outre les « mesures nouvelles » sur les recettes découlant des textes déjà votés - des diminutions de niches fiscales et sociales à hauteur de 6,5 milliards d'euros en 2011 et 1,25 milliard d'euros chacune des deux années suivantes, ce qui correspond à l'ordre de grandeur des récentes annonces gouvernementales (cf. ci-avant).

L'élasticité des recettes fiscales au PIB est fixée à la moitié de la croissance du PIB en volume, et celle des autres recettes à 1, conformément à la tendance (avec il est vrai des écarts importants certaines années). Dans le cas des recettes fiscales, on suppose en outre que celles-ci augmentent de 10 milliards d'euros supplémentaires en 2011, du fait du rattrapage partiel de l'effondrement des recettes d'impôt sur les sociétés.

Le déficit serait alors considérablement supérieur en 2013 par rapport à ce que prévoit le programme de stabilité 2010-2013.

Le différentiel en matière de prévision d'évolution des dépenses contribue tout d'abord à accroître le déficit en 2013 de 1 point de PIB.

Si l'on ajoute à cela des hypothèses moins favorables en matière de croissance du PIB, on arrive à une situation des finances publiques toujours préoccupante en 2013. Ainsi, si la croissance du PIB était de 2 % par an (contre 2,5 % selon le Gouvernement), soit égale à son niveau potentiel (ce qui reste un scénario optimiste), le déficit serait accru d'encore environ 1 point de PIB supplémentaire en 2013.

Au total, le moindre ralentissement des dépenses et la moindre croissance du PIB augmenteraient le déficit de plus de 2 points en 2013. Celui-ci serait alors de 5,4 points de PIB (et non 3 points de PIB).

Le tableau ci-après compare différents scénarios.

Ces scénarios montrent qu'en retenant des hypothèses de croissance des dépenses moins optimistes que celles du Gouvernement :

- avec une croissance de 2,5 % du PIB en 2011-2013, correspondant à l'hypothèse du Gouvernement, le déficit pourrait être encore de 4,1 points de PIB en 2013 (et non 3 points de PIB comme l'indique le Gouvernement) ;

- avec une croissance de 2,25 %, il pourrait être de 4,8 points de PIB en 2013 (4 points de PIB selon le scénario figurant en annexe au programme de stabilité 2011-2013, et retenant l'hypothèse d'une croissance de 2,25 %) ;

- avec une croissance de 2 %, correspondant à sa croissance potentielle telle qu'elle est habituellement estimée, il pourrait être de 5,4 points de PIB en 2013.

Ces résultats s'expliquent par le fait qu'un facteur essentiel pour la réduction du déficit est le différentiel entre la croissance du PIB et la croissance des dépenses. Si ce différentiel est faible et si les mesures sur les recettes n'atteignent pas de montants significatifs, le déficit ne se réduit que très lentement.

Quelques scénarios de finances publiques à moyen terme

(hypothèse d'augmentation des dépenses publiques de 1,3 % par an en volume*)

(en points de PIB ; croissance du PIB en %)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Pour mémoire : programme de stabilité 2010-2013

Croissance

-2,25

1,4

2,5

2,5

2,5

Solde

-7,9

-8,2

-6

-4,6

-3,0

Etat+ODAC

-6,2

-5,9

-3,9

-3,0

-2,0

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-1,9

-1,7

-1,3

-1,0

APUL

-0,4

-0,5

-0,4

-0,2

-0,1

Dette

77,4

83,2

86,1

97,1

86,6

A. Scénario de croissance inspiré du programme de stabilité 2010-2013

Croissance

-2,6

1,4

2,5

2,5

2,5

2,5

2,5

Solde

-7,6

-8,0

-5,7

-4,9

-4,1

-3,4

-2,7

Etat

-6,2

-5,6

-3,7

-3,0

-2,3

-1,7

-1,1

ODAC

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-2,0

-1,6

-1,5

-1,4

-1,3

-1,1

APUL

-0,3

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Dette

78,1

84,0

86,5

88,1

88,8

88,8

88,1

B. Scénario de croissance inspiré de la variante annexée au programme de stabilité 2010-2013

Croissance

-2,6

1,4

2,25

2,25

2,25

2,25

2,25

Solde

-7,6

-8,0

-5,9

-5,4

-4,8

-4,2

-3,7

Etat

-6,2

-5,6

-3,8

-3,2

-2,7

-2,2

-1,7

ODAC

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-2,0

-1,7

-1,7

-1,6

-1,6

-1,5

APUL

-0,3

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Dette

78,1

84,0

86,9

89,1

90,6

91,6

92,0

C. Scénario de croissance à 2 %

Croissance

-2,6

1,4

2

2

2

2

2

Solde

-7,6

-8,0

-6,1

-5,8

-5,4

-5,1

-4,7

Etat

-6,2

-5,6

-3,9

-3,5

-3,1

-2,7

-2,3

ODAC

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Administrations de sécurité sociale

-1,3

-2,0

-1,8

-1,8

-1,9

-1,9

-2,0

APUL

-0,3

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Dette

78,1

84,0

87,3

90,1

92,4

94,3

95,9

* Hors dépenses d'indemnisation du chômage, dont l'évolution dépend du taux de croissance du PIB.

Sources : Insee, calculs de la commission des finances

2. Un résultat cohérent avec le scénario alternatif présenté par le programme de stabilité

On rappelle que le scénario alternatif du Gouvernement, figurant dans le programme de stabilité, reposant sur l'hypothèse d'une croissance de 2,25 % (au lieu de 2,5 %), conduit à un déficit de 4 points de PIB en 2013.

Comme le souligne la Commission européenne dans son avis sur le programme de stabilité, en date du 31 mars 2010, « une perte cumulée de 0,75 point de PIB se traduirait donc en 2013 par une augmentation du déficit d'1 point de PIB. En fin de compte, il apparaît que si, comme attendu, la croissance est significativement plus faible que prévu dans le programme à partir de 2011, alors les résultats budgétaires seront significativement plus mauvais que la cible et le déficit excessif ne sera pas corrigé à temps ».

Les résultats ci-avant suggèrent que dans son scénario de croissance à 2,5 %, le Gouvernement pourrait déjà surestimer l'amélioration du solde. Selon les calculs de la commission des finances, avec une croissance de 2,25 % et les hypothèses de croissance des dépenses du Gouvernement, le déficit serait de 4,4 points de PIB en 2013.

Par ailleurs, si l'hypothèse de croissance des dépenses du Gouvernement était respectée, mais si la croissance du PIB était de 2 %, le déficit serait encore de 5 points de PIB en 2013.

IV. TIRER LES CONSÉQUENCES DES FAIBLESSES DES PROGRAMMATIONS PASSÉES

A. IMAGINER CE QUE SERAIT UN AJUSTEMENT DE 100 MILLIARDS D'EUROS, MAIS DONT SEULEMENT 10 SERAIENT DUS À LA CONJONCTURE

Il ressort des considérations ci-avant que pour ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013, il pourrait être nécessaire de prendre des mesures sur les recettes et les dépenses supérieures d'environ 50 milliards d'euros à ce que prévoit le Gouvernement.

En effet, il faudrait corriger le programme de stabilité 2010-2013 d'un double phénomène :

- tout d'abord, il sous-estime manifestement la croissance des dépenses des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraites ;

- ensuite, il retient une hypothèse de croissance du PIB optimiste.

Le tableau ci-après décompose l'amélioration du solde public prévue d'ici 2013 par le Gouvernement et suggère des hypothèses plus vraisemblables.

La diminution du déficit public d'ici 2013 : comparaison des scénarios du Gouvernement (reconstitués par la commission des finances) et de la commission des finances

(en milliards d'euros constants)

Programme de stabilité

Scénario actuel du Gouvernement

Scénario de la commission des finances

A

AJUSTEMENT A REALISER

115

110

110

B

Ecart entre le déficit 2010 et 3 points de PIB

104

100

100

C

Augmentation du déficit de 2010 à 2013 si les dépenses continuaient d'augmenter de 2,4 % par an

10

10

10

D

FACTEURS D'AMELIORATION DU SOLDE [E+L]

115

115

60

E

AMELIORATION A DROIT CONSTANT

55

55

25

F

Hors mesures nouvelles

40

40

10

G

Evolution spontanée des recettes

25

25

10

H

Diminution conjoncturelle de la part des dépenses dans le PIB découlant du supplément de croissance par rapport à la croissance potentielle

15

15

0

I

Mesures nouvelles résultant du droit actuel

15

15

15

J

Fin du volet « dépenses » du plan de relance

5

5

5

K

Mesures nouvelles sur les recettes (dont fin trésorerie TP)

10

10

10

L

MESURES PREVUES PAR LE GOUVERNEMENT

60

60

35

M

Mesures relativement « documentées »

40

40

35

N

Réduction de niches (y compris réforme des retraites)

6

8,5

8,5

O

Compensation censure taxe carbone

1,5

P

Dépenses de l'Etat (économies nettes du surcoût des pensions et de la charge de la dette)

15

15

15

Q

Dépenses d'assurance maladie

10

10

6

R

Dépenses de retraite

5

5

5

S

Mesures non « documentées » (relatives aux dépenses)

20

20

0

T

Dépenses des collectivités territoriales

12,5

12,5

0

U

Dépenses des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraites

7,5

7,5

0

V

AMELIORATION DU SOLDE PAR RAPPORT A 2010 [D-C]

105

105

50

W

MESURES SUPPLEMENTAIRES A PRENDRE [D-A]

0

-5

50

X

POUR MEMOIRE : EFFORT STRUCTUREL [J+K+L-C]

65

65

40

Y

dont effort structurel sur la dépense [W-Y]

45

45

20

Z

dont effort structurel sur les recettes [K+N+O]

20

20

20

AZ

EFFORT TOTAL SUR LA DEPENSE [X+C]

55

55

30

Source : calculs de la commission des finances

Pour que le déficit public passe de 8 points de PIB en 2010 à 3 points de PIB en 2013, il faut le réduire de 5 points de PIB, soit, un point de PIB valant environ 20 milliards d'euros, de 100 milliards d'euros.

La déclaration précitée du Premier ministre du 12 juin 2010 permettant plusieurs interprétations, on prend ici comme référence du scénario du Gouvernement le programme de stabilité 2010-2013, actualisé en fonction des dernières déclarations du Gouvernement.

Comme on l'a indiqué ci-avant, selon le scénario du Gouvernement - tel qu'analysé par la commission des finances -, sur les 115 milliards d'euros de facteurs tendant à améliorer le solde d'ici 2013 (pour un ajustement à réaliser de « seulement » 110 milliards d'euros), le solde s'améliorerait spontanément de 55 milliards d'euros d'ici 2013, sans qu'il ait à prendre de nouvelle mesure, grâce d'une part à la croissance et au dynamisme des recettes (40 milliards d'euros), et d'autre part aux mesures déjà prévues par le droit actuel (15 milliards d'euros).

Les mesures prises par le Gouvernement seraient de seulement 60 milliards d'euros, dont 10 milliards d'euros de réductions de niches et 50 milliards d'euros de moindre croissance des dépenses par rapport à leur évolution constatée depuis le début des années 2000.

1. Un scénario du Gouvernement très optimiste

Ce scénario est, au mieux, très optimiste.

Tout d'abord, les 40 milliards d'euros attendus d'amélioration du déficit résultant de la croissance et du dynamisme des recettes sont largement théoriques, dès lors que l'on considère que la croissance sera de 2 % et non de 2,5 %. En effet, même en prenant en compte un rattrapage partiel des pertes exceptionnelles d'impôt sur les sociétés, le rattrapage des pertes de recettes conjoncturelles pourrait n'être que de 10 milliards d'euros. Par ailleurs, les 15 milliards d'euros attendus correspondant à la diminution « spontanée » du ratio dépenses/PIB ne seront pas constatés si la croissance est de 2 %.

Ensuite, sur les 50 milliards d'euros d'économies à trouver sur la dépense (en plus de la fin du plan de relance), seulement 30 sont « documentés », même de manière encore virtuelle : environ 15 correspondent à la moindre croissance des dépenses de l'Etat, 10 au ralentissement des dépenses d'assurance maladie et 5 au volet « dépenses » de la réforme des retraites. Les 20 milliards d'euros restants (autres administrations de sécurité sociale et collectivités territoriales) constituent en réalité à ce stade de simples hypothèses. Par ailleurs, si l'on considère que la croissance de l'ONDAM ne correspondra pas au montant affiché, mais à ce montant augmenté du seuil de la procédure d'alerte, le montant des économies non documentées s'en trouve accru de 3 milliards d'euros supplémentaire.

Croissance cumulée des dépenses publiques en trois ans (2011-2013) : quelques ordres de grandeur

(augmentation des dépenses ou contribution à l'augmentation des dépenses d'ici 2013, en milliards d'euros constants)

* Hypothèses reconstituées à titre indicatif, le programme de stabilité 2010-2013 n'indiquant pas les hypothèses de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques en 20 11 -2013 (mais seulement en 20 10 -2013). Le taux de croissance global de 0,6 % en 2011-2013 est en revanche explicitement indiqué.

Source : calculs de la commission des finances

2. Prévoir 50 milliards d'euros de mesures structurelles supplémentaires sur les dépenses et les recettes

Au total, il paraît manquer environ 50 milliards d'euros :

- 30 milliards d'euros de moindre dynamisme des recettes (10 milliards d'euros au lieu de 40 milliards d'euros) ;

- près de 25 milliards d'euros correspondant à de moindres économies sur les dépenses ;

- ces phénomènes étant en partie compensés par le fait que la prévision de déficit pour 2010 a été revue à la baisse d'environ 5 milliards d'euros depuis le programme de stabilité, ce qui réduit d'autant l'effort nécessaire pour atteindre les 3 points de PIB en 2013.

La diminution du déficit public d'ici 2013 : comparaison des scénarios du Gouvernement (reconstitués par la commission des finances) et de la commission des finances

(en milliards d'euros constants)

* L'Insee a notifié le 1er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).

Source : commission des finances

Si l'on veut réduire le déficit public de 100 milliards d'euros d'ici 2013, avec une croissance du PIB de 2 % par an, il pourrait donc être nécessaire de prendre 50 milliards d'euros de mesures supplémentaires sur les dépenses et les recettes.

Il appartient au Gouvernement de documenter avec plus de précision les mesures qu'il entend prendre pour réduire à hauteur de 20 milliards d'euros les dépenses des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale hors retraites et assurance maladie .

B. FONDER SA CRÉDIBILITÉ SUR LES MESURES STRUCTURELLES PLUTÔT QUE SUR L'OBJECTIF DE SOLDE NOMINAL

1. Un objectif de 3 points de PIB en 2013 probablement hors de portée si les autres Etats européens mènent une politique analogue à celle conduite en France

Il est vraisemblable que si la France décidait de tout mettre en oeuvre pour ramener son déficit à 3 points de PIB en 2013, d'autres Etats feraient de même. L'objectif ne pourrait être atteint par aucun Etat, les politiques très restrictives qui seraient alors menées réduisant fortement la croissance.

L'objectif, fixé par le Conseil à la quasi-totalité des Etats membres - et en particulier à la France - de ramener leur déficit en dessous de 3 points de PIB en 2013, paraît en effet collectivement inatteignable.

Certes, un tel objectif correspond à une réduction du déficit d'environ « seulement » trois points de PIB en trois ans, soit 1 point de PIB par an. Cependant, il faut prendre en compte le fait que les mesures de réduction du déficit ont un impact négatif sur la croissance, réduisant l'amélioration finale du déficit.

Si l'on retient, au niveau de la zone euro, une hypothèse de multiplicateur budgétaire de 0,6 - comme dans le cas du « scénario neutre » -, l'effort nécessaire est de 1,4 point de PIB par an, ce qui tend à déprimer le PIB de 0,8 point par an, et à condamner la zone euro à plusieurs années de croissance très faible. Si l'on retient une hypothèse de multiplicateur budgétaire de 1,2 - comme dans le cas du « scénario pessimiste » -, l'effort nécessaire est de 2,5 points de PIB, ce qui tend à déprimer le PIB de 3 points par an, ce qui équivaut à plonger la zone euro dans une nouvelle récession.

Naturellement, toutes ces analyses n'intègrent pas l'hypothèse d'un fort renchérissement du coût de la dette, au cas où la défiance des marchés financiers à l'égard de la zone euro s'aggraverait sensiblement.

2. Une stratégie de consolidation budgétaire dont le succès ne doit pas dépendre des fluctuations de la conjoncture

La crédibilité de l'engagement de la France en faveur de l'ajustement de ses comptes publics reste à conquérir.

Compte tenu des incertitudes sur l'évolution de la conjoncture et des effets conjugués des plans mis en oeuvre simultanément en Europe, qui rendent aléatoires les objectifs de solde effectifs, il importe que la France tienne les engagements qu'elle a pris et dont la réalisation dépend des décisions politiques de ses dirigeants, et que l'ampleur de ses décisions résulte d'une analyse économique réaliste.

DEUXIÈME PARTIE LES LEVIERS DE L'AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE

I. LA BAISSE DES DÉPENSES DE L'ETAT

A. LA NORME « ZÉRO VALEUR » : QUEL PROGRÈS PAR RAPPORT À LA NORME « ZÉRO VOLUME » ?

Le relevé de conclusion de la deuxième conférence sur les déficits a posé la règle d'un gel en valeur sur trois ans des dépenses de l'Etat , hors pensions des agents publics et intérêts de la dette. Ce gel doit s'entendre des dépenses au sens de la norme élargie, incluant les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

1. La stabilisation en valeur hors pensions et charge de la dette est-elle plus ou moins restrictive que l'actuelle règle du « zéro volume » ?
a) Une règle potentiellement moins restrictive en cas de dérapage de la charge de la dette et des pensions

Afin d'apprécier l'impact des annonces gouvernementales, les hypothèses suivantes sont formulées quant à l'évolution des principaux postes de dépenses :

1) les dépenses de pensions (35,1 milliards d'euros en 2010) augmentent de 5 % annuellement en valeur, ce qui correspond au rythme retenu par le Gouvernement avant effets de la réforme en cours d'élaboration ;

2) la charge de la dette (42,5 milliards d'euros en 2010) augmente de 5 milliards d'euros par an ;

2) la masse salariale hors pensions (82 milliards d'euros en 2010) s'accroît de 0,5 milliard d'euros par an, ce qui correspond à la fourchette haute d'évolution présentée par le Gouvernement lors du débat d'orientation des finances publiques pour 2010, tenu en 2009 ;

3) les dépenses d'investissement (12,5 milliards d'euros en 2010) sont stables en volume . Il est en effet raisonnable de tabler sur une stabilisation de ces dépenses davantage que sur une diminution, alors que la stratégie gouvernementale privilégie les « dépenses d'avenir » ;

4) le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales augmente de 1 % par an, de même que le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, par convention, compte tenu de son évolution assez erratique à court terme ;

5) conformément à l'esprit de l'engagement gouvernemental, ce sont les dépenses d'intervention et de fonctionnement (109 milliards d'euros en 2010) qui supportent l'ajustement nécessaire .

Les hypothèses d'inflation sont enfin celles sur lesquelles repose notre programme de stabilité, soit 1,5 % en 2011, puis 1,75 % en 2012 et 2013.

La stabilisation en valeur des dépenses hors pensions et charge de la dette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

La combinaison de ces éléments - globalement prudents, voire peu favorables - fait ressortir ( cf . tableau ci-dessus) que l'ajustement à opérer sur les dépenses d'intervention et de fonctionnement est, sur trois ans, de l'ordre de 4,3 milliards d'euros pour stabiliser les dépenses en valeur hors pensions et charge de la dette. De 109 milliards d'euros en 2010, ces dépenses devraient donc passer à un peu moins de 105 milliards d'euros en 2013, afin d'absorber l'accroissement en valeur des dépenses d'investissement, de masse salariale et des prélèvements sur recettes.

Le second enseignement à tirer de cette simulation est que cette stabilisation en valeur des dépenses hors pensions et charge de la dette pourrait être légèrement moins restrictive que l'actuelle norme zéro volume élargi.

En effet, compte tenu des hypothèses de progression dynamique retenues pour la charge de la dette et pour les pensions, le « zéro valeur » sur les autres dépenses ne permettrait pas de tenir le « zéro volume » tel qu'il est appliqué aujourd'hui. Les dépenses en norme élargie progresseraient ainsi, en moyenne sur la période, de 0,25 % en volume .

Selon votre commission des finances, un contexte défavorable impliquerait de diminuer de 0,3 % en valeur et en moyenne sur trois ans les dépenses hors pensions et charge de la dette pour stabiliser en volume l'ensemble de la dépense au sens de l'actuelle norme élargie. Les dépenses de fonctionnement et d'intervention devraient donc retrouver un étiage en 2013 inférieur de 7 milliards d'euros à celui de 2010.

L'effort à fournir en valeur pour stabiliser les dépenses totales en volume

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

b) Des hypothèses gouvernementales plus favorables

Votre commission des finances a, après la réalisation des présentes simulations, pu prendre connaissance des hypothèses du Gouvernement , telles que formulées dans le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques ( cf . tableau ci-dessous).

Les hypothèses gouvernementales

(en milliards d'euros)

Source : rapport préparatoire au débat d'orientation sur les finances publiques

Le Gouvernement retient des hypothèses plus favorables que votre commission des finances sur la charge de la dette (+4,2 milliards d'euros en moyenne annuelle), sur la charge des pensions (+4 % en valeur en moyenne annuelle) et sur la progression des prélèvements sur recettes (+0,5 milliard d'euros en moyenne annuelle).

En conséquence, l'ajustement à opérer sur les dépenses du budget général est sensiblement moins important . Il ressort à 1,4 milliard d'euros au total selon le Gouvernement, contre 4,3 milliards d'euros pour votre commission des finances.

De surcroît, avec ce scénario favorable, le « zéro valeur » permet, en retenant les hypothèses gouvernementales, d'aller plus loin que le « zéro volume » en périmètre élargi . Soit la conclusion inverse de celle que formule votre commission des finances.

Le « zéro valeur » hors pensions et charge de la dette : comparaison des scénarios du Gouvernement et de votre commission des finances, rapportée à l'actuelle norme « zéro volume »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

2. Que signifie l'objectif de 10 % de baisse des dépenses d'intervention et de fonctionnement affiché par le Gouvernement ?

Ces éléments étant posés, il convient ensuite de savoir comment cet objectif global s'articule avec les annonces du Gouvernement en matière de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention, soit -10 % sur 2011-2013, dont -5 % dès 2010 . Faute de disposer d'une explication claire sur la portée de ces annonces, plusieurs hypothèses peuvent être formulées :

1) soit on considère que les dépenses de fonctionnement et d'intervention doivent parvenir, en 2013, à un niveau inférieur de 10 % à ce qu'était leur montant en 2010 . Il s'agit de la lecture la plus intuitive des annonces faites et la plus conforme au volontarisme de la communication gouvernementale ;

2) soit on considère que ces dépenses devront être, en 2013, inférieures de 10 % à ce qu'elles auraient dû être cette même année si elles avaient suivi leur progression tendancielle . Cette lecture est à la fois plus réaliste et beaucoup moins ambitieuse .

a) Baisser les dépenses de 10 % par rapport à 2010 serait beaucoup plus ambitieux que la stabilisation en valeur

S'il se comprend comme une baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention par rapport au niveau de 2010, l'objectif affiché par le Gouvernement apparaît extrêmement volontariste , dans la mesure où :

1) il irait, même dans le scénario défavorable retenu par votre commission des finances, plus loin que l'objectif de stabilisation en valeur des dépenses hors pensions et charge de la dette (ces dépenses diminuant de 0,8 % en moyenne sur 2011-2013) ;

2) il ferait plus que compenser la hausse de la charge de la dette et des pensions et aboutirait à diminuer la dépense en volume de 0,4 % en moyenne annuelle, au sens de l'actuelle norme élargie ( cf . tableau ci-dessous).

Les effets d'une baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention par rapport à leur niveau de 2010

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

b) L'objectif gouvernemental doit donc être rapporté à une évolution tendancielle des dépenses encore inconnue

Dans ces conditions, les objectifs gouvernementaux doivent plus vraisemblablement s'entendre d'une réduction des dépenses par rapport à ce qu'aurait été leur progression tendancielle jusqu'en 2013, précision méthodologique d'importance sur laquelle la communication « militante » du Gouvernement ne s'est guère appesantie.

Cette nuance appelle tout d'abord une remarque de forme. Votre rapporteur général est convaincu que, lorsqu'il s'agit de faire des économies budgétaires, les méthodes les plus simples et les plus robustes sont les meilleures . Dans ces conditions, il eût été de très loin préférable d'exprimer les engagements gouvernementaux en espèces « sonnantes et trébuchantes » et selon une stricte logique de caisse, plutôt que de recourir à des cibles exprimées en pourcentage, puis de rapporter (sans le préciser explicitement) ces cibles à une évolution tendancielle mal documentée.

Pour raffinées qu'elles soient, de telles méthodes autorisent toutes les interprétations, pour ne pas dire toutes les manipulations, et augurent mal des conditions dans lesquelles le Parlement aura à vérifier la tenue des engagements pris . Il est donc crucial que la trajectoire que nous nous donnons fasse l'objet d'une traduction simple, en euros courants, et dont la lecture n'exige pas de subtils et incessants retraitements, comme c'est bien trop souvent le cas pour les normes actuelles.

A cet égard, et sur le seul plan de la méthode, nous serions bien inspirés de suivre l'exemple du Royaume-Uni qui, lorsqu'il prend des mesures ambitieuses d'économies budgétaires, non seulement précise par rapport à quoi il les calcule, mais les rend de surcroît publiques au moyen d'un support très précisément documenté (cf. infra).

Extrait du « Budget 2010 » transmis par le Trésor britannique à la Chambre des Communes : des mesures d'économies précisément documentées

Source : HM Treasury

Votre rapporteur général n'a pu, dans les délais requis pour la rédaction du présent rapport, obtenir du Gouvernement les prévisions de croissance tendancielle des dépenses de fonctionnement et d'intervention à partir desquelles les objectifs d'économies de 10 % étaient calibrés. Il n'a pas davantage pu obtenir la tendance passée d'évolution des dépenses de titre 3 et de titre 6, à partir de laquelle une projection pour la durée du programme de stabilité aurait pu être déduite. La non-transmission de telles données est à la fois étonnante et très regrettable, à la veille d'un débat d'orientation des finances publiques dont le ministre a affirmé à votre commission des finances son souhait qu'il soit « un vrai débat » .

Votre commission des finances estime que, dans un scénario prudent à pessimiste, la stabilisation en volume de l'ensemble des dépenses de l'Etat est une norme plus restrictive que la stabilisation en valeur hors pensions et charge de la dette. Elle s'en tient donc à cet objectif « zéro volume » dans les simulations qui suivent.

La stabilisation en volume au sens de la norme élargie requerrait, comme précédemment indiqué, de ramener les dépenses de fonctionnement et d'intervention à un étiage inférieur de 7 milliards d'euros au-dessous de leur niveau de 2010 . Cette trajectoire peut donc être comparée à trois hypothèses d'évolution spontanée de ces postes de dépenses :

1) si les dépenses d'intervention et de fonctionnement croissent spontanément de 1 % par an, l'économie à réaliser en 2013 par rapport à la tendance est de plus de 10 milliards d'euros ;

2) si les dépenses d'intervention et de fonctionnement croissent spontanément du montant de l'inflation, l'économie à réaliser en 2013 par rapport à la tendance est de plus de 12 milliards d'euros ;

3) si les dépenses d'intervention et de fonctionnement sont très dynamiques et croissent spontanément du montant de l'inflation, l'économie à réaliser en 2013 par rapport à la tendance est de plus de 15 milliards d'euros ;

Intervention et fonctionnement : quelles économies à réaliser par rapport à l'évolution spontanée ?

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Ajustements nécessaires sur le fonctionnement et l'intervention pour stabiliser la dépense de l'Etat en volume (scénario pessimiste)

(en milliards d'euros)

La croissance spontanée des dépenses est réputée égale à l'inflation (scénario médian). Source : commission des finances

Enfin, et quand bien même ces estimations correspondraient à des hypothèses très pessimistes, votre rapporteur général estime nécessaire de poser dès à présent des objectifs ambitieux de réduction de la dépense .

Faire preuve de volontarisme dans la trajectoire à imprimer aux dépenses de l'Etat fait sens dans le cadre d'une stratégie de maîtrise globale des dépenses des administrations publiques (APU) où l'Etat, qui contrôle manifestement mieux les siennes, serait amené à accomplir un effort d'ajustement important.

B. FONCTIONNEMENT, INTERVENTION, PERSONNEL : DONNER DU CONTENU AUX ENGAGEMENTS

Le relevé de conclusions de la 2 ème conférence sur les déficits définit donc un objectif de « réduction des dépenses de fonctionnement courant de l'Etat de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011 » . En dépit des nombreuses incertitudes qui pèsent sur la portée exacte de cet objectif, il est possible et nécessaire de lui donner un contenu et de dégager certains principes en vue de la réforme.

1. Une baisse des dépenses de fonctionnement pour qui ?

Les dépenses de fonctionnement correspondent aux crédits de titre 3 de la nomenclature budgétaire. Ces crédits représentaient, dans le projet de loi de finances pour 2010, 42,5 milliards d'euros, soit 15,2 % des crédits de paiement des missions du budget général . Ces dépenses de fonctionnement présentent des degrés de rigidité divers et peuvent être regroupées en deux ensembles principaux, selon qu'elles se rapportent à l' Etat ou à ses opérateurs .

a) Les fonctions support de l'Etat

Les dépenses de fonctionnement de l'Etat stricto sensu atteignent 18,4 milliards d'euros, soit 43 % du titre 3 .

Parmi cet agrégat, les dépenses relatives aux « fonctions support de l'Etat » totalisaient 7,6 milliards d'euros en 2008 pour les ministères civils ( cf . tableau). Un tiers de ce montant correspond aux dépenses immobilières (2,5 milliards d'euros), puis viennent les postes liés aux fournitures et prestations générales (24 % et 1,8 milliard d'euros), à l'informatique et aux télécommunications (17 % et 1,3 milliard d'euros). Viennent enfin les dépenses de communication et de transport (1 milliard d'euros chacun, soit 13 %).

Bien que certaines dépenses apparaissent difficilement compressibles, il s'agit probablement d'une des enveloppes les plus aisément ajustables , grâce à des efforts de rationalisation des structures ou de mutualisation des moyens . C'est, au demeurant, dans cet objectif qu'ont été mises en oeuvre bon nombre des décisions de la révision générale des politiques publiques, telles que la création d'un service des achats de l'Etat ou l'élaboration de schémas pluriannuels de stratégie immobilière.

Votre rapporteur général regrette que les effets de ces premières mesures soient peu précisément chiffrés , ce qui aurait permis d'évaluer dans quelles proportions le poste « fonctions support » peut encore dégager des économies.

Les dépenses associées aux fonctions support des ministères civils en 2008

(en millions d'euros)

Hors défense, loyers budgétaires, travaux en cours sur constructions de biens non contrôlées par l'Etat et autres dépenses relatives à l'immobilier spécialisé.

Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dépense publique et son évolution annexé au projet de loi de finances pour 2010.

Au sein des dépenses de fonctionnement de l'Etat, doivent néanmoins être isolées certaines dépenses spécifiques, ne répondant pas à une logique de « support » : il s'agit des dépenses de fonctionnement directement liées à la mise en oeuvre opérationnelle des politiques de défense et de sécurité . Leur montant exact est extrêmement difficile à reconstituer, car elles mêlent souvent des crédits de titre 3 (fonctionnement) et de titre 5 (investissement). Néanmoins, pour le seul budget de la défense, les dépenses de titre 3 associées au maintien en condition opérationnelle (MCO) des armées, aux munitions ou à la dissuasion nucléaire atteignent 4,6 milliards d'euros, contre 3,4 milliards d'euros pour les fonctions support traditionnelles du ministère. Ces postes sont un important facteur de rigidité dans le cadre d'une stratégie de baisse des dépenses de fonctionnement de l'Etat.

b) Les concours aux opérateurs

Figurent ensuite, au titre des dépenses de fonctionnement, les subventions pour charges de service public attribuées aux opérateurs, qui atteignent 24,2 milliards d'euros, soit plus de la moitié (57 %) des crédits de titre 3 des missions du budget général.

Part des dépenses de fonctionnement consacrées aux opérateurs

(en euros)

Source : commission des finances, d'après le jaune « Opérateurs de l'Etat » annexé au projet de loi de finances pour 2010.

On observe tout d'abord que 94 % de ces dépenses sont concentrées sur seulement sept missions du budget général, dont elles absorbent souvent la majeure partie des crédits de fonctionnement . Ainsi en est-il des missions :

1) « Recherche et enseignement supérieur » : la quasi-totalité des crédits de titre 3 (16,9 milliards d'euros, soit 99,7 %) sont versés sous forme de subventions pour charges de service public aux établissements d'enseignement supérieur (8,2 milliards d'euros) et aux opérateurs de recherche (8 milliards d'euros, voir tableau ci-après) ;

2) « Culture » : 87,3 % du titre 3 - soit plus de 1 milliard d'euros - est absorbé par le soutien à d'importants opérateurs tels que la Bibliothèque nationale de France (209 millions d'euros), le Centre Pompidou (85 millions d'euros), le Louvre (120 millions d'euros) ou l'Opéra national de Paris (114 millions d'euros) ;

3) « Ecologie, développement et aménagement durables » : les subventions pour charges de service public atteignent 1,7 milliard d'euros (64,1 % des crédits de titre 3 de la mission), notamment au bénéfice de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (980 millions d'euros), de Voies navigables de France (59 millions d'euros), de Météo-France (189 millions d'euros), des Parcs nationaux (74 millions d'euros), de l'Institut géographique national (73 millions d'euros) et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (74 millions d'euros) ;

4) « Santé » : 439 millions d'euros (92,4 % du titre 3) sont consacrés aux opérateurs, dont les principales agences sanitaires et instituts spécialisés dans le domaine de la santé (Institut national du cancer, pour 41 millions d'euros, Institut de veille sanitaire pour 57 millions d'euros, Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires pour 59 millions d'euros) ;

5) « Travail et emploi » : 1,6 milliard d'euros de subventions pour charges de service public sont imputés sur cette mission (83,1 % des crédits de titre 3), essentiellement au bénéfice de Pôle emploi (1,3 milliard d'euros) ;

6) « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » : les subventions pour charges de service public représentent 520 millions d'euros et 63,2 % des crédits de titre 3. Les principaux opérateurs bénéficiaires sont les Haras nationaux (58 millions d'euros), l'Office national des forêts (187 millions d'euros), France Agrimer (92 millions d'euros) et l'Agence de services et de paiement (145 millions d'euros) ;

7) « Action extérieure de l'Etat » : 431 millions d'euros de subventions en titre 3 sont alloués aux opérateurs (53,6 % des crédits de fonctionnement), et principalement à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Les opérateurs de la recherche et de l'enseignement supérieur : 70 % des subventions pour charges de service public attribuées aux opérateurs de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le jaune « Opérateurs de l'Etat » annexé au projet de loi de finances pour 2010.

Ces dépenses sont potentiellement plus rigides que celles associées aux fonctions support de l'Etat, et ce pour plusieurs raisons.

La première est que ces dépenses ne sont « de fonctionnement » qu'en partie . En effet, une fois versées aux opérateurs, les subventions vont également au financement de dépenses de personnel, pour les agents employés au sein des établissements, au financement d'interventions portées par ces opérateurs ou encore de « petit investissement » (en matière immobilière notamment). Toute réduction des subventions pour charges de service public aura donc immanquablement des répercussions sur ces différents postes, eux-mêmes inégalement flexibles, d'autant plus que les ressources propres des opérateurs seront limitées.

Par ailleurs, les subventions pour charges de service public font traditionnellement l'objet de processus de contractualisation , sous la forme de contrats d'objectifs et de moyens ou, sous l'empire de la LOLF, de « contrats de performance » qui programment les ressources des opérateurs pour plusieurs années . Bien que ces documents ne fassent pas grief et que la trajectoire de ressources qu'ils contiennent soit indicative, leur remise en cause unilatérale par la tutelle constitue un préalable nécessaire à toute diminution des soutiens en provenance du budget général. Dans ces conditions, l'application de leurs clauses de ressources devrait être suspendue pendant la durée de mise en oeuvre du programme de stabilité.

Enfin, les ordres de grandeur qui viennent d'être mentionnés montrent que les importants moyens des opérateurs sont concentrés sur des politiques clairement définies comme prioritaires par le Gouvernement : ainsi de la recherche et de l'enseignement supérieur, du développement durable ou encore de l'emploi. Dans ces conditions, une remise en cause de certains arbitrages passés semble incontournable pour réaliser les économies requises .

c) Quelques ordres de grandeur

Les engagements gouvernementaux portent donc sur une réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement courant de l'Etat en trois ans .

Sur la base des hypothèses de croissance spontanée formulées plus haut, l'ajustement à opérer par rapport à la tendance, pour stabiliser l'ensemble des dépenses en volume, oscille entre 1,6 et 2,2 milliards d'euros en 2011 , soit entre -3,7 % et -5,1 % des montants inscrits en LFI pour 2010. Par ailleurs, l'ajustement à horizon 2013 est compris entre 4,1 et 6,1 milliards d'euros selon les scénarios.

Dépenses de fonctionnement : quelles économies à réaliser par rapport à l'évolution spontanée ?

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

On mesure d'autant mieux l'ampleur de l'effort à accomplir que les crédits de titre 3 ont augmenté de 38,5 à 42,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 10,3 % en valeur (+4 milliards d'euros) de la loi de finances initiale pour 2009 au projet de loi de finances pour 2010.

Hors opérateurs, le gisement au sein duquel réaliser des économies au titre du fonctionnement courant de l'Etat est au maximum d'une quinzaine de milliards d'euros , en retranchant les dépenses de maintien en conditions opérationnelles des forces armées. Ce seul gisement semble insuffisant pour supporter un tel ajustement et, dans ces conditions, les objectifs d'économies pour 2011 semblent devoir s'imputer sur l'ensemble du titre 3, subventions aux opérateurs comprises . Il est donc vraisemblable que la concrétisation des objectifs gouvernementaux passera par la répartition des efforts à fournir entre les dépenses de fonctionnement des services de chaque ministère et les concours qu'il verse à ses opérateurs.

d) Moduler l'effort en fonction des performances de gestion et y associer les opérateurs

Ces ordres de grandeur étant précisés, il est possible, sans préjuger de la stratégie gouvernementale à venir, de dégager quelques principes qui devraient guider la mise en oeuvre des mesures d'économies.

S'agissant de l'Etat , il est raisonnable de partir du principe que l'ensemble des ministères ont, proportionnellement à leur taille, des besoins similaires en matière de fonctions support. Dans ces conditions, la logique de « toise » uniformément applicable semble pouvoir être mise en oeuvre. Une modulation est néanmoins possible, qui pourrait prendre appui sur les performances des responsables de programmes « support », telles qu'elles ressortent des projets et rapports annuels de performances .

La mise en oeuvre de la LOLF permet en effet au législateur de disposer d'une batterie fournie d'indicateurs de performance en matière d' allocation optimale des moyens , tels que les ratios d'efficience bureautique , rapportant les dépenses bureautiques au nombre d'agents ou de postes au travail, les ratios d'efficience de gestion immobilière ou les indicateurs de coût des fonctions soutien par équivalent temps plein . S'appuyer sur les résultats atteints par les gestionnaires dans ces différents domaines permettrait donc de sortir du simple commentaire de l'évaluation de la performance et de la faire déboucher sur des décisions de gestion.

L'Etat ne doit pas subir seul l'ajustement nécessaire et ses opérateurs doivent être mis à contribution. Dès lors, toute contrainte de gestion subie par l'Etat doit être systématiquement étendue à ses opérateurs. Il en va ainsi, notamment, de la mise sous plafond de leurs emplois, prévue, sur initiative sénatoriale, par la loi de finances pour 2008, et de l'extension aux opérateurs de la règle de non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraire.

De ce point de vue, les conclusions de la deuxième conférence sur les déficits qui prévoit « l'application aux 655 opérateurs de l'Etat des mêmes règles transversales que pour l'Etat » doivent être saluées. Elles doivent, en particulier, conduire à appliquer aux dépenses de fonctionnement des opérateurs la même trajectoire de diminution que celle que se donne l'Etat , l'effort pouvant être modulé à la hausse pour les établissements n'atteignant pas les objectifs qui leurs sont assignés .

2. Les dépenses d'intervention : des choix douloureux en perspective

Les conclusions de la 2 ème conférence sur les déficits évoquent un « réexamen de toutes les dépenses d'intervention » dans l'objectif « de réaliser le même effort que sur les dépenses de fonctionnement, soit 10 % d'économies sur la période » . Le périmètre auquel s'applique cet engagement est moins ambigu que pour les dépenses de fonctionnement, dans la mesure où le montant de dépenses visé est précisément chiffré à « 66 milliards d'euros » , soit approximativement le montant des crédits de titre 6 des missions du budget général , hors remboursements et dégrèvements.

a) Des dépenses d'intervention très largement rigides

Les crédits d'intervention inscrits au projet de loi de finances pour 2010 totalisent un peu plus de 65 milliards d'euros, soit un quart des crédits de paiement du budget général et une augmentation de 5 % en valeur par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 .

Selon le rapport sur la dépense publique et son évolution annexé au projet de loi de finances pour 2010, cet ensemble se décompose en :

1) 28 milliards d'euros (42,5 %) d'interventions de guichet financées par l'Etat , c'est-à-dire de dépenses dont le paiement intervient automatiquement dès lors que leurs bénéficiaires potentiels remplissent les critères d'éligibilité requis par la loi ou le règlement. Il s'agit principalement de minima sociaux, d'aides au logement, de prestations versées aux anciens combattants, de bourses scolaires et universitaires... ( cf. infra ) ;

2) 10 milliards d'euros (15 %) de dotations régies par des textes et souvent indexées , telles que les subventions d'équilibre à certains régimes spéciaux de retraite ou les transferts de l'Etat aux collectivités territoriales ;

3) et 28 milliards d'euros (42,5 %) d'interventions à caractère plus discrétionnaire , ce qui ne les empêche pas toujours d'obéir, de facto , à une logique d'abonnement rendant très malaisée leur remise en cause, à l'instar de certaines interventions agricoles.

Les ordres de grandeur qui précèdent montrent donc d'emblée que les dépenses d'intervention sont majoritairement des dépenses rigides et dynamiques. Aux deux tiers mises en oeuvre sur le fondement de dispositions législatives ou réglementaires, ces dépenses ne peuvent évoluer au seul gré des arbitrages annuels présidant à l'élaboration du projet de loi de finances, et leur remise en cause exigera de modifier les dispositions normatives qui les régissent.

Or, dans le contexte peu favorable esquissé par votre commission des finances, la stabilisation de l'ensemble des dépenses en volume implique, en 2011, une économie comprise entre 2,5 et 3,4 milliards d'euros. Cette économie par rapport à la tendance devra atteindre 6,3 à 9,3 milliards d'euros en 2013.

Dépenses d'intervention : quelles économies à réaliser par rapport à l'évolution spontanée ?

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Dans ces conditions, la maîtrise des dépenses d'intervention ne pourra probablement pas reposer sur les seules interventions discrétionnaires et la remise en cause de plusieurs prestations de guichet semble inévitable. Ces ajustements seront d'autant plus « douloureux » que, comme le montrent les développements qui suivent, les interventions de l'Etat sont très concentrées sur quelques dispositifs majeurs de notre politique sociale, éducative ou de l'emploi.

b) Des dispositifs très hétérogènes, tant par leur portée que par leur montant

Le tableau qui suit indique que plus de la moitié (51,5 %) des crédits de titre 6 sont concentrés sur les quatre missions « Solidarité, insertion et égalité des chances » (11,2 milliards d'euros et 17,2 % du total), « Travail et emploi » (8,9 milliards d'euros et 13,7 % du total), « Ville et logement » (7,7 milliards d'euros et 11,9 % du total) et « Régimes sociaux et de retraite » (5,7 milliards d'euros et 8,8 % du total).

Le classement des missions du budget général en fonction de l'importance des crédits d'intervention

(en euros)

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances pour 2010

Une analyse plus détaillée montre, ensuite, que ces dépenses sont très concentrées sur quelques dispositifs ou séries de dispositifs coûteux pour le budget de l'Etat. En effet, un peu moins d'une trentaine de dispositifs présentent chacun un coût de plus de 500 millions d'euros, pour un coût global de près de 48 milliards d'euros sur plus de 65.

Les interventions ou types d'interventions les plus coûteux en 2009

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires.

Hors concours de l'Etat aux collectivités territoriales et subvention de l'Etat aux régimes spéciaux, la lecture du tableau qui précède indique que bon nombre des interventions les plus importantes en montant concernent :

1) la politique de l'emploi et de la formation : financement des contrats aidés (2,15 milliards d'euros) et des exonérations ciblées de charges (1,98 milliard d'euros), dotation de décentralisation de la formation professionnelle (1,69 milliard d'euros), politique de formation et de qualification en alternance (1,82 milliard d'euros), exonérations de charges patronales outre-mer (1,56 milliard d'euros), subvention à Pôle emploi (1,17 milliard d'euros) ;

2) le secteur sanitaire et social : politique du handicap (9 milliards d'euros), centres d'hébergement d'urgence (1,1 milliard d'euros), familles vulnérables (0,9 milliard d'euros), aide médicale d'Etat (0,59 milliard d'euros), gestion sociale de l'après-mines (0,77 milliard d'euros) ;

3) la politique du logement : aides personnelles au logement (5,5 milliards d'euros), financement des primes d'épargne logement (1,16 milliard d'euros), lutte contre l'habitat indigne (0,65 milliard d'euros) ;

4) le secteur de l'éducation : bourses de l'enseignement supérieur (1,56 milliard d'euros), rémunération des assistants d'éducation, des contrats aidés et des assistants placés auprès des élèves handicapés (1,42 milliard d'euros), autres bourses et fonds sociaux de l'éducation nationale et de l'enseignement technique agricole (0,69 milliard d'euros).

On observe également que les contributions acquittées par la France au titre de sa participation à diverses organisations internationales représentent un montant substantiel de 1,82 milliard d'euros.

Si elles d'atteignent pas de tels montants, d'autres interventions à caractère sectoriel n'en présentent pas moins des enjeux budgétaires non négligeables. Les dépenses d'intervention de la mission « Culture » atteignent ainsi 838 millions d'euros en 2009, dont la moitié sont dévolus au soutien à la création et notamment à la politique du spectacle vivant . Les interventions agricoles sont également significatives (2,3 milliards d'euros en 2009), et prennent la forme de nombreuses primes et indemnités versées aux exploitants (prime nationale supplémentaire à la vache allaitante pour 142 millions d'euros, indemnité viagère de départ pour 73 millions d'euros, dotation aux jeunes agriculteurs pour 53 millions d'euros, indemnité compensatrice de handicap naturel pour 244 millions d'euros...). L' aide juridictionnelle servie par le ministère de la justice atteint, quant à elle, 300 millions d'euros en 2009.

A l'extrême opposé de ces dispositifs de portée significative, figure enfin un nombre incalculable d'interventions de portée très limitée . Les trois épais tomes du « jaune » budgétaire retraçant l'effort financier de l'Etat en faveur des associations (soit près de 1.900 pages) en sont l'illustration la plus frappante. Le collationnement des données inscrites dans ces documents montre que c'est plus d'un milliard d'euros qui a été distribué sous forme de subventions aux associations en 2008, soit un montant en augmentation de près de 17 % par rapport à 2007 ( cf . tableau). Ces subventions sont particulièrement concentrés sur le ministère de la culture (148 millions d'euros en 2008), le ministère de l'économie , de l'industrie et de l'emploi (457 millions d'euros) et le ministère chargé de la jeunesse et des sports (152 millions d'euros). Elles atteignent la plupart du temps quelques milliers d'euros et le libellé parfois surréaliste des organisations attributaires conduisent à s'interroger sur le bien-fondé d'un tel saupoudrage .

Les subventions de l'Etat aux associations

(en euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

c) Les principes d'un réexamen exhaustif des crédits d'intervention

En dépit de l'extrême variété que recouvrent les interventions de l'Etat, plusieurs règles de conduite peuvent être dégagées pour procéder à leur rationalisation et à leur diminution. Les développements qui précèdent montrent bien que le Gouvernement et le Parlement devront surmonter un dilemme entre l'ampleur des économies à réaliser et la facilité avec laquelle elles pourront être réalisées . En effet, les gisements d'économies les plus importants sont aussi ceux qui reposent sur les mécanismes les plus rigides, alors que les dispositifs discrétionnaires facilement réversibles correspondent souvent à des montants plus limités.

Il ne faut pas se dissimuler, en tout état de cause, que l'atteinte des objectifs annoncés par le Gouvernement impliquera de remettre en cause l'ensemble des dispositifs , qu'ils soient discrétionnaires ou qu'ils répondent à une logique de guichet.

S'agissant des diverses prestations de guichet, à caractère notamment sanitaire ou social, un réexamen exhaustif doit être entrepris, selon les principes suivants :

1) commencer par les dispositifs les plus anciens , dont les raisons d'être peuvent avoir disparu ou s'être affaiblies ;

2) concentrer les aides sur les publics les plus vulnérables afin de limiter les effets d'aubaine ;

3) plafonner en valeur absolue les dispositifs et responsabiliser les bénéficiaires, par le recours à des mécanismes de type « ticket modérateur » ;

4) renforcer la lutte contre la fraude aux prestations.

S'agissant des dépenses discrétionnaires, la remise en cause de certains saupoudrages et la concentration des aides paraissent indispensables, associées à une contractualisation exigeante avec les bénéficiaires, afin de circonscrire les phénomènes d'« abonnement » aux aides et de les conditionner à des contreparties mesurables. L'élimination des dispositifs redondants doit également être recherchée.

Votre rapporteur général insiste enfin sur la nécessité d'une prise de conscience collective des objectifs à atteindre, et ce d'autant plus que chaque département ministériel aura spontanément tendance à exciper d'engagements à tenir, de lois de programmation à appliquer ou de priorités gouvernementales à mettre en oeuvre pour s'exonérer en tout ou partie de l'effort commun .

A cet égard, les auditions que votre commission a récemment tenues en vue de l'examen du projet de loi de règlement pour 2009 ont pu montrer que si nul membre du Gouvernement ne remettait en cause les objectifs d'économies fixés, les modalités concrètes de leur mise en oeuvre demeurait largement à préciser ( cf . encadré).

Baisser les dépenses d'intervention : l'analyse des ministres recueillie par votre commission des finances

http://www.senat.fr/senfic/marini_philippe92035t.html

Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice

« Je l'ai dit ce matin au Premier ministre, si chacun doit consentir des efforts, certains avaient vu leurs crédits augmenter plus que d'autres depuis cinquante ans. En outre, l'évolution de la société a entraîné une augmentation de l'activité. Pour répondre précisément à votre question, nous n'avons pas de véritables crédits d'intervention : l'aide juridictionnelle et le fonctionnement de la pénitentiaire n'en sont pas au sens de Bercy. »

Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

« Des engagements très forts, très attendus par la communauté des universitaires et des chercheurs, ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre. Ils se sont traduits par le plan Campus, le plan investissements pour l'avenir, par un effort de remise à niveau. Ces efforts doivent être poursuivis. Pour autant, je ne m'exonère pas de la recherche commune d'économies. Ce n'est pas parce que l'on est sous-doté qu'il n'y a pas de gaspillage. Les parlementaires que vous êtes doivent cependant garder présente à l'esprit la comparaison européenne qui montre un sous-investissement de la France en faveur de ses étudiants. Il est vrai qu'aux États-Unis, les frais d'inscription et le privé comptent beaucoup, mais ce n'est pas le cas en Europe où le financement de l'enseignement supérieur est essentiellement d'origine publique. »

Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi

« Chaque étape de ce processus doit être bien utilisée. Les 800 millions d'euros de crédits pour l'apprentissage ont été bien employés en 2009. On peut étudier et rationaliser les aides consacrées à l'emploi salarié à domicile. Les heures supplémentaires représentent également une dépense très importante ainsi que les exonérations pour les associations agréées. Je préfère pour ma part adopter une approche ciblée. »

http://www.senat.fr/senfic/arthuis_jean83011j.html Luc Chatel, ministre de l'Education nationale

« Je vous rappelle tout d'abord la structure particulière de la mission « Enseignement scolaire », dont le montant s'élève à 59 milliards d'euros et qui est constitué à 94 % par des dépenses de personnel. Nous appliquons depuis 2007 la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et nous continuerons à le faire. S'agissant des crédits d'intervention, j'ai reçu il y a quelques jours la lettre de cadrage du Premier ministre, et l'objectif du Gouvernement s'applique également à mon ministère : une réduction de 10 % en trois ans, et de 5 % dès 2011. » http://www.senat.fr/senfic/arthuis_jean83011j.html

Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

« Nous conserverons tous nos moyens d'intervention relatifs à l'emploi. Pour le fonds exceptionnel d'investissement, qui a fait un effort considérable en 2009, on regardera le taux d'engagement des crédits. Nous poursuivrons notre effort sur les dépenses fiscales et contre les effets d'aubaine et nous proposerons des ajustements, mais sans dénaturer les décisions du Conseil interministériel ou de la LODEOM, texte de loi qu'il faut appliquer. »

Source : compte rendu des auditions de la commission des finances préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement pour 2009 ; 15, 16 et 17 juin 2010.

3. Les dépenses de personnel : un gisement à exploiter ?

Compte tenu de l'ensemble des éléments qui viennent d'être exposés, et notamment des importantes rigidités qui caractérisent les dépenses de fonctionnement et d'intervention, votre rapporteur général estime que le Gouvernement ne doit pas s'interdire de compléter son approche par la recherche d'économies budgétaires en matière de dépenses de personnel .

a) La réduction des effectifs de l'Etat ne produit pas d'économies nettes à court terme

L'Etat s'est engagé, avec la révision générale des politiques publiques, dans un processus de réduction de ses effectifs assis sur le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite . Cet engagement montre des résultats probants, l'effort de diminution des emplois accompli depuis le début de la législature étant véritablement sans précédent ( cf . graphique).

La réduction des effectifs au sein de la fonction publique d'Etat

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'évolution stricte des effectifs n'est toutefois pas l'unique déterminant de l'évolution des dépenses de personnel. Jouent également :

1) la politique salariale mise en oeuvre dans la fonction publique, au travers des mesures générales (évolution du point fonction publique) et des mesures catégorielles ministérielles et interministérielles ;

2) les effets de carrière , liés à l'existence de grilles pour chaque corps de fonctionnaires et à l'effet glissement-vieillesse-technicité (GVT) qui en découle.

Le jeu combiné de ces différents déterminants montre que, si les économies engrangées grâce à la réduction des effectifs seront pérennes, elles n'en sont pas pour autant immédiatement tangibles pour la masse salariale globale de l'Etat . En effet, les gains résultant des suppressions de postes sont annulés et même plus que compensés par les effets budgétaires des autres facteurs d'évolution de cette masse salariale que sont les mesures générales, les mesures catégorielles et le GVT.

Ainsi, dans le sillage de la RGPP, le mouvement de diminution des effectifs de l'Etat se poursuit mais ses effets ne se font pas sentir sur l'évolution globale de la masse salariale . Un rapprochement de l'ensemble des éléments salariaux retracés dans les rapports annuels de performances indique que les effets en année pleine de la mise en oeuvre des suppressions de postes produisent, en 2009, une économie budgétaire de l'ordre de 800 millions d'euros .

Dans le même temps, les surcoûts liés aux mesures catégorielles (550 millions d'euros), aux mesures générales (630 millions d'euros), au glissement vieillesse-technicité (120 millions d'euros), et aux « autres mesures » (370 millions d'euros) atteignent près de 1,7 milliard d'euros . Au total, la masse salariale est donc en progression de 860 millions d'euros entre 2008 et 2009, soit une augmentation de 1 % ( cf . tableau).

Une masse salariale en progression en 2009

Source : commission des finances, d'après les rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement pour 2009.

b) Infléchir durablement la politique salariale de l'Etat

Dans ces conditions, toute économie de court terme sur les dépenses de personnel de l'Etat doit combiner une stratégie de réduction des effectifs avec des mesures immédiates de politique salariale .

Une première possibilité est le gel, voire la diminution du point fonction publique. Selon la Cour des comptes, ne pas revaloriser de 1 % le point fonction publique permet de réduire la masse salariale des administrations publiques de 1,8 milliard d'euros (dont 0,8 milliard pour l'Etat et 1 milliard d'euros pour les collectivités locales et les hôpitaux).

Par ailleurs, la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a été construite sur les hypothèses d'une hausse du point fonction publique de 0,5 % par an au 1 er juillet chaque année de la période de programmation. Ne pas effectuer ces revalorisations permettrait d'économiser environ 2,5 × 0,5 × 1,8 = 2,25 milliards d'euros en 2013. La Cour des comptes souligne : « Dans plusieurs pays européens, le gouvernement a décidé un gel des rémunérations de la fonction publique (Portugal, Luxembourg, Italie) ou une baisse (Espagne, Irlande, Hongrie, Grèce, Roumanie), éventuellement limitée aux hauts fonctionnaires (Italie, Royaume-Uni), pour réduire les déficits. En France, les salaires avaient été gelés en 1982 ». Il faut se féliciter de ce que cette hypothèse de gel indiciaire fasse désormais clairement partie du débat .

Les pensions de retraite versées par l'Etat constituent également une source d'économie potentielle, pour un montant de quelques milliards d'euros à l'horizon 2013. Toujours selon la Cour des comptes, « les mesures pouvant avoir un effet immédiat sont la désindexation temporaire des pensions, totale ou partielle, par rapport à la hausse des prix et l'augmentation du taux des cotisations salariales. Une sous-indexation d'un point par rapport à l'inflation représente une économie annuelle de 400 millions d'euros. Un relèvement d'un point de la cotisation salariale apporte une recette d'environ 600 millions d'euros ».

II. LES DÉPENSES SOCIALES

A. L'OBJECTIF DU PROGRAMME DE STABILITÉ : UNE MEILLEURE MAÎTRISE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

1. La volonté du Gouvernement de faire en sorte que l'ONDAM soit désormais effectivement respecté
a) Le dispositif actuel

Le dispositif de l'ONDAM est présenté en détail dans la troisième partie du présent rapport. On peut ici insister sur le rôle du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, institué par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Actuellement, l'article L. 114-4-1 du code de la santé publique prévoit que lorsque le Comité d'alerte « considère qu'il existe un risque sérieux que les dépenses d'assurance maladie dépassent l'objectif national de dépenses d'assurance maladie avec une ampleur supérieure à un seuil fixé par décret qui ne peut excéder 1 %, il le notifie au Parlement, au Gouvernement et aux caisses nationales d'assurance maladie. Celles-ci proposent des mesures de redressement. Le comité rend un avis sur l'impact financier de ces mesures et, le cas échéant, de celles que l'Etat entend prendre pour sa part qui sont transmises dans un délai d'un mois au comité par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Le comité notifie également le risque sérieux de dépassement à l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire qui propose des mesures de redressement ». Certaines revalorisations tarifaires sont en outre automatiquement suspendues.

Cette procédure a été déclenchée pour la première fois le 29 mai 2007. En pratique, elle est peu efficace , parce que les insuffisances du système comptable (en particulier en ce qui concerne l'hôpital) ne permettent au comité d'alerte de constater un risque de dérapage que vers la mi-année, que les mesures proposées par les caisses sont d'un montant insuffisant, et qu'il n'y a aucune obligation que les mesures proposées par les caisses soient effectivement mises en oeuvre.

b) Les propositions du rapport « Briet »

Raoul Briet, conseiller maître à la Cour des comptes, a été chargé par le Président de la République de présider le groupe de travail mis en place dans le cadre de la conférence sur le déficit sur les moyens d'assurer le respect de l'ONDAM. Ce groupe de travail a rendu ses conclusions en avril 2010.

Son rapport fait dix propositions, dont les principales sont « d'abaisser progressivement le seuil d'alerte à 0,5 % de l'ONDAM (soit environ 0,8 Md€) » - cet abaissement se faisant « d'ici 2012- 2013 » - et, surtout, d'instaurer des mécanismes systématiques de mise en réserve en début d'année de dotations s'apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel total ou partiel, ou d'annulation, étant prises en cours d'année par le Comité de pilotage.

Les 10 propositions du « rapport Briet »

N°1 : Organiser via le Comité d'alerte, une expertise externe sur les hypothèses techniques sous tendant la construction de l`ONDAM avant le vote de la LFSS.

N°2 : Rassembler dans une annexe au PLFSS les informations détaillées sur l'exécution de l'ONDAM de l'année en cours, ainsi que les hypothèses techniques faites par la construction de l'ONDAM de l'année à venir (décomposition du tendanciel et présentation détaillée des mesures correctrices et de leur impact).

N°3 : Insérer davantage le vote de l'ONDAM dans une perspective pluriannuelle ; dans un premier temps, à travers la mention à caractère informatif mais précisément justifiée des niveaux de l'ONDAM envisagés pour les années N+ 2 et N + 3 ; en explorant, dans un second temps, la faisabilité d'une loi de programmation triennale permettant de traiter, en lien avec la politique de santé, des questions de régulation à caractère structurel.

N°4 : Instaurer un comité de pilotage de l'ONDAM se réunissant régulièrement tantôt au niveau des ministres (de la Santé et des Comptes publics), tantôt au niveau des directeurs concernés, lui donner un fondement légal et tenir régulièrement informées de ses travaux les commissions compétentes du Parlement.

N° 5 : Renforcer le suivi statistique et comptable de l'ONDAM et rassembler dans une même entité (le groupe de suivi statistique) l'ensemble des acteurs de la production de données.

N° 6 : Augmenter la fréquence des avis obligatoires du comité d'alerte en prévoyant un tel avis dès la mi-avril (incidences des résultats connus de l'année antérieure sur le respect de l'ONDAM de l'année en cours).

N° 7 : Abaisser progressivement le seuil d'alerte à 0,50 % de l'ONDAM afin d'inciter l'ensemble des acteurs à une gestion préventive et continue des risques de dépassement.

N° 8 : Conditionner, sous la responsabilité du comité de pilotage, la mise en oeuvre de tout ou partie des mesures nouvelles contenues dans la LFSS (ainsi que de celles susceptibles d'être décidées en cours d'année) au respect de l'ONDAM.

N° 9 : Instaurer des mécanismes systématiques de mise en réserve en début d'année de dotations s'apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel total ou partiel, ou d'annulation, étant prises en cours d'année par le comité de pilotage.

N° 10 : Prévoir en cas d'alerte des mécanismes de décision adaptés et des procédures de consultation simplifiées afin d'assurer la mise en oeuvre effective rapide des mesures correctrices.

Le tableau ci-après synthétise les principales propositions du rapport.

Les outils de pilotage des dépenses d'assurance maladie : principales propositions du rapport de Raoul Briet

Mesure d'économie envisageable

Enjeux financiers

Observations

Assurance maladie : outils de pilotage des dépenses

Abaissement progressif du seuil de déclenchement de la procédure d'alerte en cas de risque de dépassement de l'ONDAM.

Le seuil de déclenchement pourrait être abaissé de 0,75 % à 0,5 %, soit en cas de risque de dépassement de l'ONDAM d'environ 800 millions d'euros, contre 1,2 milliard d'euros aujourd'hui ( chiffrage sur la base de l'ONDAM voté pour 2009 ).

Principales propositions du groupe de travail présidé par M. Raoul Briet sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie (avril 2010).

Il est à noter que l'abaissement du seuil de déclenchement de la procédure d'alerte avait déjà été proposé par la commission des finances dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

L'enjeu financier est important : la somme des dépassements cumulés de l'ONDAM depuis sa mise en place est de 19,4 milliards d'euros. A titre de comparaison, le déficit de l'assurance maladie pour 2010 devrait s'établir à 13,1 milliards d'euros pour le seul régime général.

Conditionnement de la mise en oeuvre de tout ou partie des mesures nouvelles à leur compatibilité avec l'ONDAM voté.

A titre d'exemple, la revalorisation de 22 à 23 euros de la consultation des médecins généralistes, annoncée pour 2011, représente un coût d'environ 300 millions d'euros ( chiffrage - ministère de la santé ).

Mise en réserve de certaines dotations.

L'assiette potentielle susceptible d'être soumise à régulation est d'environ 22 milliards ( rapport Briet sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie ).

Il s'agit des dotations aux fonds médicaux hospitaliers, aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et des crédits alloués à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Les mesures financées par ces dotations doivent néanmoins être analysées au cas par cas avant leur éventuelle mise en réserve.

Source : commission des finances

2. Le choix d'un ONDAM ambitieux

Le fait d'abaisser le seuil de déclenchement de la procédure d'alerte de 0,75 % à 0,5 % de l'ONDAM n'aura en tant que tel pas d'impact significatif sur la croissance des dépenses. En effet, ce qui compte, c'est la combinaison de la norme de croissance de l'ONDAM et du seuil de la procédure d'alerte. A norme de croissance de l'ONDAM inchangée, l'abaissement du seuil permettrait certes de réduire la croissance de l'ONDAM de 0,25 point (si l'on suppose que la progression de l'ONDAM tend spontanément à atteindre ce seuil), mais le même résultat pourrait être atteint en fixant directement un objectif de réduction de l'ONDAM inférieur de 0,25 point.

Le Gouvernement a donc décidé d'instaurer un ONDAM particulièrement ambitieux en 2011-2013. Alors que les programmes de stabilité et les lois de financement de la sécurité sociale prévoient une croissance en volume des dépenses d'assurance maladie de l'ordre de 2 % en moyenne (pour une réalisation de l'ordre de 3 %), l'objectif de croissance de l'ONDAM serait en 2011-2013 inférieur à 1,25 % en volume (3 % en valeur).

3. Quelles mesures concrètes pour respecter le nouvel ONDAM ?

Afin de déterminer dans quelle mesure l'objectif de ramener la croissance en volume des dépenses d'assurance maladie de 3 % par an à 1,25 % par an (ce qui correspondrait d'ici 2013 à des économies de l'ordre de 3 milliards d'euros) est atteignable, votre commission des finances a élaboré, à titre indicatif, une liste de mesures d'économies susceptibles d'être mises en oeuvre.

L'ensemble de ces mesures permettraient de dégager des économies de près de 10 milliards d'euros. Les principales d'entre elles sont :

- le déremboursement ou le basculement de certaines dépenses de l'assurance maladie obligatoire vers les assurances complémentaires (entre 3 et 4 milliards d'euros) ;

- le moindre remboursement ou le déremboursement de médicaments actuellement remboursés au taux de 35 %, pour un coût annuel de 2,3 milliards d'euros (le gain de cette mesure dépendant de l'ampleur du moindre remboursement ou du déremboursement) ;

- une diminution du prix des médicaments (à titre d'exemple, en Allemagne une économie de 2 milliards d'euros par an vient d'être décidée) ;

- l'optimisation du fonctionnement et de l'organisation interne des établissements de santé, d'importantes économies semblant possibles (par exemple, 0,7 milliard d'euros par la réduction du taux d'inadéquation de lits à l'hôpital, pouvant notamment être reconvertis en places d'accueil en établissements pour personnes âgées).

Quelques mesures susceptibles d'assurer le respect de l'ONDAM

Mesure d'économie envisageable

Enjeux financiers

Observations

Assurance maladie : mesures tendant à responsabiliser les assurés sociaux

Réaménagement du dispositif des franchises médicales (augmentation de la franchise et/ou de son plafond annuel).

Exemple de la franchise sur le médicament :

- passage de 0,5 à 0,6 euro par boîte de médicament : 70 millions d'euros d'économies par an ;

- passage du plafond annuel de franchise de 50 à 60 euros : 35 millions d'euros d'économies par an ;

- mesure combinée : 125 millions d'euros d'économies par an .

( chiffrage 2008 - Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie HCAAM )

Mesure s'inscrivant dans l'encouragement à la participation forfaitaire des assurés à la dépense de santé.

Les franchises médicales ont été mises en place le 1 er janvier 2008 et n'ont pas été revalorisées depuis.

Le plafond journalier de la participation forfaitaire de 1 euro a été modifié au mois d'août 2007 dans le cadre des mesures de redressement proposées par les caisses d'assurance maladie suite au déclenchement de la procédure d'alerte.

Le forfait hospitalier a, quant à lui, été revalorisé de 2 euros dans le cadre de la dernière loi de financement, passant ainsi de 16 à 18 euros.

Examen des exonérations de participations forfaitaires (forfaits hospitaliers et franchises) dont bénéficient certains assurés.

La mise en place d'une participation forfaitaire des bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat (AME), aujourd'hui totalement exonérés, représenterait par exemple une économie de 3 millions d'euros ( chiffrage juin 2010 - ministère de la santé ). Ceci devrait aussi, indirectement, freiner la croissance structurelle de l'AME.

Les différents forfaits ou franchises visent à pénaliser un recours discrétionnaire au système de soins. Ils ne devraient, en toute logique, pas comporter d'exception en fonction des revenus ou de la gravité de la pathologie. Ces exonérations sont aujourd'hui assez disparates.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement au Sénat, la ministre de la santé s'est engagée à proposer la mise en place d'une participation forfaitaire des bénéficiaires de l'AME dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Passage à un calcul des indemnités journalières sur 365 jours et non plus sur 360.

70 millions d'euros d'économies par an ( chiffrage juin 2010 - ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat).

Les indemnités journalières enregistrent une croissance de 5 % entre 2008 et 2009, et contribuent à plus de 21,4 % de la croissance des soins de ville en 2009.

Mesure proposée par le Gouvernement devant la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) le 9 juin dernier.

Déremboursements / basculement de certaines dépenses de l'assurance maladie obligatoire vers les assurances complémentaires.

Enjeux compris entre 3 et 4 milliards d'euros ( chiffrage 2008 - RGPP ).

Les gains théoriques associés à ces mesures doivent être relativisés en fonction des comportements des assurés sociaux et doivent tenir compte de leur effet sur les personnes à revenus les plus modestes.

Un déport de 3 à 4 milliards d'euros pourrait ainsi conduire à une augmentation des cotisations versées aux complémentaires santé comprise entre 130 et 185 euros par an et par ménage ( chiffrage 2008 - HCAAM ).

Assurance maladie : mesures tendant à responsabiliser les professionnels de santé

Incitation à la modification des comportements des « gros prescripteurs ».

Les sur-prescriptions représentent plus de 400 millions d'euros d'économies ( chiffrage juillet 2010 - CNAMTS ).

Quatre exemples mettent en évidence des marges de progrès importantes :

- Les prescriptions de médicaments, l'exemple des prescriptions d'inhibiteurs de la pompe à protons (970 millions d'euros en 2009) : les prescriptions IPP varient, selon certaines régions, entre 300 et 725 boîtes en moyenne par médecin et par an ; 15 % des prescriptions d'IPP ne seraient pas justifiées, soit 150 millions d'euros ( chiffrage octobre 2009 - CCSS ) ;

- Les dépenses de transport ( 2,6 milliards d'euros en 2009 ; une contribution à la croissance des dépenses de soins de ville de 9,3 %) : les dépenses de remboursement de transports sanitaires varient de 320 à 852 euros par an sur le territoire ( chiffrage juillet 2009 - CNAMTS ) ;

- Les arrêts maladie (8,3 milliards d'euros en 2009 ; une contribution à la croissance des dépenses de soins de ville de 21,4 %) : les taux d'arrêts de travail longs (plus de 180 jours) pour troubles psychologiques varient de 1 à 4 en excluant les départements les plus extrêmes ( chiffrage juillet 2010 - CNAMTS ) ;

- Les actes de biologie médicale : leur volume a crû de 5,3 % en 2009 ; les mesures prises dans le cadre de la procédure d'alerte de mai 2007 ne modèrent plus leur croissance ( chiffrage juin 2010 - CCSS ).

Réflexion de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sur l'identification des dépenses non médicalement justifiées ; la poursuite de la diffusion de référentiels de bonnes pratiques (notamment en matière d'arrêts maladie) ; le ciblage d'actions de maîtrise médicalisée, voire de contrôle, en cas d'association d'actes non justifiée médicalement ; l'adaptation des prix et du niveau de l'offre en matière de biologie médicale.

Evolution du mode de rémunération des professionnels de santé, afin de réorienter leur pratique vers la recherche du meilleur rapport qualité/prix.

Non chiffré à ce stade.

Mesure qui nécessite une réflexion approfondie et qui ne pourra être mise en oeuvre qu'à moyen terme.

La CNAMTS propose une rémunération reposant sur trois niveaux : un niveau forfaitaire en fonction des engagements de service, un niveau intermédiaire de rémunération à l'acte et un niveau de rémunération en fonction de résultats de santé publique et d'efficience ( Propositions sur les charges et produits pour 2010 - juillet 2009 ).

Modification des critères d'accès au régime des affections de longue durée (ALD)

Environ 500 millions d'euros d'économies potentielles ( chiffrage juillet 2010 - CNAMTS ).

Mesure participant de la prise en charge plus encadrée et mieux coordonnée des affections de longue durée (ALD).

Assurance maladie : mesures dans le domaine du médicament

Expérimentation d'une procédure de mise en concurrence pour les médicaments génériques.

100 millions d'euros d'économies pour la seule classe des Oméoprazole et plusieurs centaines de millions d'euros si on se réfère à l'expérience menée aux Pays-Bas ( chiffrage juillet 2010 - CNAMTS ).

Proposition de la CNAMTS ( Propositions sur les charges et produits pour 2010 - juillet 2009 ).

Les appels d'offre ne seraient lancés que dans certains groupes de génériques dont les prix français sont plus élevés que les prix observés dans les autres pays européens.

Elargissement du tarif forfaitaire de responsabilité à la classe des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP).

100 millions d'euros d'économies ( chiffrage juillet 2010 - CNAMTS ).

Proposition de la CNAMTS ( Propositions sur les charges et produits pour 2010 - juillet 2009 ).

Cette mesure permettrait de neutraliser les effets de contournements de génériques et de fuite des prescriptions hors du répertoire des génériques.

Droit de veto de l'UNCAM sur l'inscription au remboursement des produits dont l'amélioration du service médicale rendu est faible ou insuffisant si les conditions économiques lui paraissent défavorables.

Les remboursements de médicaments remboursables au taux de 35 % représentent un coût annuel de 2,3 milliards d'euros ( chiffrage juin 2010 - DREES ).

Proposition de la CNAMTS ( Propositions sur les charges et produits pour 2010 - juillet 2009 ).

Poursuite du développement du recours au grand conditionnement des médicaments.

Une économie de 390 millions d'euros par an est attendue dans l'hypothèse où 60 % des traitements destinés aux quatre principales pathologies pour lesquelles le grand conditionnement est proposé seraient réalisés dans ce conditionnement ( chiffrage mai 2010 - CNAMTS ).

Diminution du prix des médicaments

500 millions d'euros d'économies ( chiffrage juillet 2010 - CNAMTS ).

Proposition faite par la Cour des comptes ( Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010 ).

Assurance maladie : mesures relatives aux établissements de santé

Optimisation du fonctionnement et de l'organisation interne des établissements.

Pas de chiffrage global disponible.

Les écarts de coût de production entre établissements de santé peuvent être importants : par exemple, le coût d'une garde, dans les services d'urgence, pour 5 000 passages, peut varier dans un rapport de 1 à 12 (soit entre 16 000 euros et 200 000 euros, pour une moyenne de 86 000 euros) ( Rapport d'information n° 2556, « Le fonctionnement de l'hôpital public » - mai 2010 ).

Le seul potentiel lié à la réduction du taux d'inadéquation de lits à l'hôpital est évalué 700 millions d'euros par an ( chiffrage octobre 2009 - ministère de la santé ).

Le gain moyen par établissement lié à l'optimisation des achats s'élèverait, selon une étude réalisée sur 15 établissements et sur 43 produits, à 14 % du coût global des achats, soit dans le cas de l'étude à 1,3 million d'euros ( travaux de la mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers - MEAH ).

La fiabilisation de la chaîne de facturation-recouvrement constitue également un enjeu important : le non recouvrement de factures peut atteindre 15 % des recettes de certains établissements ( Rapport précité ).

De façon plus générale, les travaux récents de la mission de contrôle et d'évaluation de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale ont montré que des marges d'efficience existent dans chaque établissement de santé ( Rapport précité ).

Réexamen de la carte hospitalière en vue d'une rationalisation de l'implantation des établissements de santé.

Dans son rapport de septembre 2008, la Cour des comptes citait l'exemple du centre hospitalier de Châteaudun, dont une meilleure organisation de son service d'urgence et une diminution des permanences médicales de nuit, possible grâce à la relative proximité d'autres établissements, aurait permis d'économiser 330 000 euros par an ( Rapport sur la sécurité sociale septembre 2008 - Cour des comptes) .

Une telle mesure permettrait à la fois d'améliorer la qualité des soins et de réaliser des économies substantielles. Elle requiert toutefois une mise en oeuvre progressive et concertée.

Développement de la chirurgie ambulatoire et de la prise en charge à domicile de certaines pathologies.

La CNAMTS évalue à 100 millions d'euros par an les économies à attendre du développement de la chirurgie de la cataracte en ambulatoire ( chiffrage juillet 2009 - CNAMTS ).

En ce qui concerne le développement de la prise en charge de certaines pathologies à domicile, le développement de la dialyse à domicile permettrait, à elle seule, une économie de 100 millions d'euros pour la première année et entre 200 et 300 millions à terme ( chiffrage juillet 2009 - CNAMTS ).

Cette mesure participe d'une réflexion plus large sur l'insuffisante coordination des soins entre la médecine de ville et l'hôpital. La mise en place des agences régionales de santé (ARS) devrait constituer un levier de réforme important.

Maîtrise médicalisée à l'hôpital.

Le gisement d'économies en matière de prescriptions de médicaments onéreux et de dispositifs médicaux facturés en sus des tarifs est évalué à 145 millions d'euros par an ( chiffrage octobre 2009 - ministère de la santé ).

Les économies potentielles liées aux prescriptions hospitalières délivrées en ville sont estimées à 285 millions d'euros par an ( chiffrage octobre 2009 - ministère de la santé ).

Plusieurs leviers d'action : poursuite de la conclusion de plans d'action entre les ARS et les établissements de santé qui présentent des taux d'évolution atypiques de prescriptions ; renforcement des contrôles et des sanctions dans le cadre des contrats de bon usage des médicaments ; sanctions en cas de non-respect des référentiels de bon usage de la liste en sus.

Lutte contre la fraude

Renforcement des mesures de lutte contre la fraude.

Les fraudes aux prestations sociales auraient représenté un coût compris entre 540 et 808 millions d'euros en 2009 ( chiffrage avril 2010 - ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique ).

De nombreuses mesures ont déjà été prises en ce domaine, mais doivent être poursuivies.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2009, la Cour des comptes relève de fortes marges de progrès en ce qui concerne par exemple les contrôles d'assiettes des cotisations sociales effectuées par les URSSAF.

Contrôle des facturations dans les structures médico- sociales.

80 millions d'euros par an ( chiffrage octobre 2009 - ministère de la santé ).

Source : commission des finances

B. COMMENT ALLER PLUS LOIN ?

1. L'indexation des dépenses des administrations de sécurité sociale : plus de 10 milliards d'euros d'économies à l'horizon 2013 ?

Dans le cas des administrations de sécurité sociale, les économies apportées par une progression de l'ONDAM inférieure de 1 point et par une non-revalorisation des prestations légales de retraite et de famille seraient de l'ordre de 12 milliards d'euros à l'horizon 2013.

Economies apportées par une progression de l'ONDAM inférieure de 1 point et une non revalorisation des prestations légales de retraite et de famille

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

Déficit avant économies

29,9

29,2

28,9

Maladie

-1,7

-3,3

-5,2

Retraite

-1,3

-3,1

-5

Famille

-0,6

-1

-1,7

Frais financiers

0

-0,2

-0,3

Total

-3,6

-7,6

-12,2

Déficit après économies

-26,3

-21,6

-16,7

Source : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010

2. La nécessité d'une nouvelle vague de « RGPP sociale »

De manière plus structurelle, il paraît nécessaire de réaliser une nouvelle vague de « RGPP sociale ».

Actuellement, les administrations de sécurité sociale sont prises en compte dans le cadre de la RGPP, qui examine des politiques publiques en tant que telles, qu'elles relèvent ou non totalement de l'Etat. Il paraît cependant nécessaire d'aller plus loin.

Ainsi, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010, la Cour des comptes propose :

- dans le cas de la branche famille, l'abaissement des « plafonds de ressources pour la prestation d'accueil du jeune enfant (...), dès lors que l'on constate une absence de corrélation entre les taux d'effort, les revenus et le coût pour la société des modes de garde » ;

- dans celui de la branche retraite, « la forfaitisation et/ou l'imposition (à l'IR et à la CSG/CRDS) des majorations de pensions pour 3 enfants et plus, qui sont perçues par 40 % des retraités, sont servies à la fois par les régimes de base et complémentaires et vont au-delà de 10 % dans les régimes spéciaux quand il y a plus de 3 enfants » ; « une mise à plat des avantages familiaux : réduire à 2 trimestres une majoration liée à l'accouchement ou à l'adoption et lier le bénéfice de l'assurance vieillesse des parents au foyer à l'interruption ou à la réduction d'activité pour éducation d'enfants, le cumul de ces prestations étant exclu. En effet, les réformes adoptées en LFSS 2010 sur les majorations de durée d'assurance pour enfant ne permettront aucune économie » ; « une réforme des avantages non contributifs, et notamment de mieux cibler le minimum de pension afin de rendre les régimes plus contributifs ».

C'est l'ensemble des dépenses des administrations de sécurité sociale qu'il convient de passer attentivement en revue. Il paraît raisonnable de se fixer un objectif d'économies de 5 milliards d'euros , correspondant à 1 % des dépenses des administrations de sécurité sociale.

3. Comment piloter les dépenses des régimes autres que les régimes obligatoires de base ?

Les dépenses des régimes autres que les régimes obligatoires de base sont globalement mal connues. En effet, elles ne sont pas couvertes par les lois de financement de la sécurité sociale, alors que l'Insee ne détaille pas les dépenses des administrations de sécurité sociale en fonction des sous-catégories d'administrations concernées.

Ces dépenses sont pourtant très dynamiques, comme cela a été indiqué ci-avant.

En tout état de cause, il convient d'améliorer l'information du Parlement à leur sujet. L'écart récurrent et important entre la prévision de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale figurant dans les programmes de stabilité et la croissance des dépenses effectivement constatée mériterait à tout le moins d'être explicité.

III. LES RECETTES DE L'ETAT ET LA DÉPENSE FISCALE

A. LA DÉPENSE FISCALE, « POINT DE FUITE » DE LA DÉPENSE DE L'ETAT

1. Un coût en forte augmentation, qui atténue la portée de la norme de dépenses de l'Etat

Le coût estimé des niches fiscales est en 2010 de 74,8 milliards d'euros (contre 40,6 milliards d'euros pour les niches sociales), soit 3,75 points de PIB.

Près de 75 % du montant des niches correspondent à seulement deux impôts : l'impôt sur le revenu (50 %) et la TVA (23 %). Cette proportion est analogue que l'on considère l'ensemble des niches ou seulement les 16 principales.

Bien qu'il existe 468 dépenses fiscales, la moitié des 74,8 milliards d'euros de niches correspondent à seulement 16 mesures, comme le montre le tableau ci-après.

La répartition des niches fiscales en fonction de leur taille

16 principales niches

Autres niches

Total

Nombre de niches

16

452

468

Montant (Mds €)

37,49

37,30

74,79

Montant moyen (Mns €)

2 343

83

160

Source : d'après le tome II du fascicule « Voies et Moyens » pour 2010

Le coût de la dépense fiscale a progressé de 8,5 % en moyenne annuelle de 2004 à 2010. En 2009, il a été supérieur de 4,7 milliards d'euros au montant de 2008.

Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, la Cour des comptes confirme que les dépenses fiscales sont bien un « point de fuite » de la dépense de l'Etat, en relevant que l'accélération de l'augmentation de leur coût « au milieu de la décennie coïncide avec le durcissement de la norme de croissance des dépenses de l'Etat. L'objectif « zéro volume » a en effet été appliqué pour la première fois au projet de loi de finances pour 2004. La multiplication des dépenses fiscales a permis de contourner cette norme et d'en limiter la portée. Elles sont effet souvent substituables aux dépenses budgétaires ».

Une stratégie de rupture consisterait à supprimer l'ensemble des dispositifs de fiscalité dérogatoire et à en compenser une partie aux contribuables par une révision à la baisse les barèmes. Une telle thérapie de choc engendrerait des modifications de comportements et rétablirait une forme de « vérité des prix » dans le fonctionnement de nombreux marchés. Mais la mise en oeuvre d'une réforme de cette ampleur n'est concevable que si elle a préalablement été validée par le corps électoral.

Les 16 dépenses fiscales les plus coûteuses en 2010

(montants en millions d'euros)

Ordre

Impôt concerné

Numéro de la mesure

Mesure

Chiffrage pour 2010

Nombre de bénéficiaires (2008)

Montant/ bénéficiaire (euros)

Art. CGI

Remarque

1

TVA

730213

Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans

5 150

300 000 entreprises

17 167

279-0 bis

Niche TVA sectorielle. Réduite de 100 Mns € par l'article 16 de la LFI 2010 (suppression pour les climatiseurs)

2

IR IS

200302

Crédit d'impôt en faveur de la recherche

4 000

5 600 entreprises

714 286

244 quater B, 199 ter B, 220 B, 223 O-1-b

3

IR

110227

Prime pour l'emploi en faveur des contribuables modestes déclarant des revenus d'activité

3 200

8 921 000 ménages

359

200 sexies

4

IR

140119

Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d'assurance-vie

3 000

(nombre non déterminé) ménages

-

125-0 A

5

TVA

730221

Taux de 5,5% applicable aux ventes à consommer sur place, à l'exception des ventes de boissons alcooliques

3 000

-

-

279-m

Niche TVA sectorielle. Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, article 22, III

6

IR

120401

Abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites

2 670

13 036 000 ménages

205

158-5-a

7

IR

110222

Crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable

2 600

1 329 000 ménages

1 956

200 quater, 18 bis de l'annexe IV

Réduit de 293 Mns € par l'article 109 de la LFI 2009

8

Taxe sur les conventions d'assurances

560104

Exonération en faveur de certains contrats d'assurance maladie complémentaire

2 200

900 entreprises et ménages

2 444 444

995-15° et 16°, 999

Transfert de la TCA aux collectivités territoriales à compter de 2011 (LFI 2010 article 2)

9

IR

110246

Crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis au moins trois mois

1 750

1 258 000 ménages

1 391

199 sexdecies-1 à 4

10

IR

120202

Exonération des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, de l'allocation de garde d'enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d'accueil du jeune enfant

1 600

(nombre non déterminé) ménages

-

81-2°, 81-14° et 81-14° bis

11

IR

110102

Demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant effectivement seuls ayant eu un ou plusieurs enfants à charge et, à compter de l'imposition des revenus de 2009, pour les seuls contribuables ayant supporté à titre exclusif ou principal, en vivant seuls, la charge de ces enfants pendant au moins cinq ans

1 560

4 416 000 ménages

353

195-1-a,b,e, 197-I-2

Réduction par l'article 92 de la LFI 2009 (de 912 Mns € en 2013)

12

TVA

730205

Taux de 5,5 % pour la fourniture de logements dans les hôtels

1 560

(nombre non déterminé) entreprises

-

279-a 1er alinéa

Niche TVA sectorielle ("TVA hôtellerie")

13

IR

110247

Crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunts supportés à raison de l'acquisition ou de la construction de l'habitation principale

1 500

376 000 ménages

3 989

200 quaterdecies

Réduction par l'article 84 de la LFI 2010 (de 170 Mns € en 2013).

14

IR

110214

Réduction d'impôt au titre de l'emploi, par les particuliers, d'un salarié à domicile sans condition particulière jusqu'aux revenus 2006 et, à compter des revenus 2007, pour les seuls contribuables n'exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis moins de trois mois

1 250

1 984 000 ménages

630

199 sexdecies-1 à 3 et 5

15

TH

70101

Exonération en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste

1 250

3 400 000 ménages

368

1414-I, 1414 B

16

IR

120136

Exonération d'impôt sur le revenu des heures (et jours) supplémentaires et des heures complémentaires de travail

1 200

4 453 000 ménages

269

81 quater

TOTAL

37 490

Source : d'après le tome II du fascicule « voies et moyens » annexé au PLF 2010

2. Des règles générales pour contenir la dépense fiscale : le plafonnement et le « rabot »
a) L'abaissement du plafond des niches : un mouvement à poursuivre

A l'initiative de l'Assemblée nationale, l'article 91 du projet de loi de finances pour 2009 a institué un plafonnement global de l'effet de certains avantages fiscaux dont les contribuables peuvent cumuler le bénéfice en déduction de l'impôt sur le revenu (art. 200-0 A du CGI). A l'initiative de votre commission des finances, la loi de finances pour 2010 a abaissé de 25 000 à 20 000 euros la part fixe de ce plafonnement et fixé à 8 % du revenu imposable, au lieu de 10 %, la part variable du plafond.

Cette mesure ne permet d'économiser qu'un montant très limité : 22 millions d'euros en 2009 et 32 millions d'euros en 2010. Cela ne provient pas tant d'un mauvais « calibrage » que des modifications des comportements des contribuables induites par l'abaissement du plafond. Par exemple, un ménage qui « sature » le plafond n'a aucun intérêt à avoir recours à d'autres dispositifs de défiscalisation. En d'autres termes, le plafonnement ne doit pas être considéré comme une mesure de rendement mais comme une mesure comportementale .

Il n'en reste pas moins qu'il serait utile de poursuivre l'abaissement du plafond et, surtout, d' étendre la liste des réductions et crédits d'impôt plafonnés .

L'abaissement de 20 000 à 15 000 euros de la partie fixe du plafonnement procurerait un rendement estimé à seulement 8 millions d'euros. Mais, du point de vue des comportements, le rapprochement du plafond global du niveau de certains plafonds individuels ne manquerait pas de produire des effets.

S'agissant des dépenses fiscales sous plafond, il convient d'admettre que la logique initiale du dispositif - selon laquelle les avantages fiscaux liés à des situations subies n'entrent pas dans le champ du plafond - n'a jamais vraiment été respectée. Le tableau ci-après montre que les exceptions ne portent pas seulement sur de telles situations.

La situation des finances publiques doit conduire à considérer que seuls peuvent échapper au plafonnement les avantages accordés en applications de principes généraux, en l'espèce le quotient familial et les crédits d'impôt neutralisant les doubles impositions au titre des impôts retenus à la source à l'étranger. Le plafonnement étant conçu comme une mesure en direction des particuliers, les dispositifs communs à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu ne seraient pas concernés.

Le chiffrage de la généralisation du plafonnement reste à effectuer.

Liste des réductions et crédits d'impôt qui n'entrent pas, aujourd'hui, dans l'application du plafonnement global

- les crédits d'impôt neutralisant la double imposition au titre des impôts retenus à la source à l'étranger (art. 199 ter et crédits d'impôt prévus par des conventions internationales) ;

- les crédits d'impôt communs à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés, comme le crédit d'impôt pour dépenses de recherche (articles 199 ter B à 199 quater A figurant au 1° du II de la section V du chapitre I du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts) ;

- la réduction d'impôt accordée aux adhérents de centres de gestion ou d'associations agréés (art. 199 quater B) ;

- la réduction d'impôt au titre des cotisations versées aux organisations syndicales (art. 199 quater C) ;

- la réduction d'impôt au titre des frais de scolarité d'enfants poursuivant des études secondaires ou supérieures (art. 199 quater F) ;

- la réduction d'impôt accordée au titre de certaines primes d'assurance (art. 199 septies) ;

- la réduction d'impôt au titre d'emprunts souscrits pour la reprise d'une entreprise (art. 199 terdecies-0 B) ;

- la réduction d'impôt au titre des dépenses afférentes à la dépendance (art. 199 quindecies) ;

- la réduction d'impôt au titre des prestations compensatoires réglées en capital (art. 199 octodecies) ;

- la réduction d'impôt au titre des intérêts du différé de paiement accordé lors de la transmission d'une exploitation agricole (art. 199 vicies A) ;

- la réduction d'impôt au titre des dons (art. 200 et 200 bis) ;

- le crédit d'impôt pour l'acquisition de certains équipements de l'habitation principale (art. 200 quater A) ;

- la prime pour l'emploi (art. 200 sexies) ;

- la réduction d'impôt au titre de l'aide apportée à certains créateurs d'entreprise (art. 200 octies) ;

- la réduction d'impôt au titre des cotisations versées aux associations syndicales chargées du défrichement forestier (art. 200 decies A) ;

- le crédit d'impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé de certains exploitants agricoles (art. 200 undecies) ;

- les réductions d'impôt pour le mécénat des entreprises (art. 238) et pour l'acquisition de certains biens culturels (art. 238 bis-0 AB) ;

- les réductions d'impôt liées à l'application du quotient familial (2 de l'article 197), à la réfaction d'impôt dans les DOM (3 de l'article 197) et à la décote (4 de l'article 197).

b) Le « rabot » : une mesure de rendement

Selon la Cour des comptes, cette expression désigne « le fait de diminuer d'un même pourcentage les plafonds appliqués à tous les crédits et réductions d'impôts (ou encore le taux de ces crédits et réductions d'impôt ) ».

Pour être efficace, un tel « coup de rabot » devrait être aussi systématique que possible, sans entrer dans des considérations de pertinence sectorielle. Il devrait concerner l'impôt sur le revenu mais également l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune .

Pour des raisons de lisibilité, en matière d'impôt sur le revenu, on doit considérer que le périmètre d'application du « rabot » doit être le même que celui du plafonnement , en l'étendant aux dispositifs communs à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés. Les seules exceptions pourraient être les deux crédits et réductions d'impôt les plus coûteux, le crédit d'impôt recherche (CIR) et la prime pour l'emploi, qui pourraient faire l'objet de mesures ciblées de rendement équivalent.

Le « rabot » ainsi défini réduirait la dépense fiscale de 1,3 milliard d'euros si son taux était fixé à 10 % et de 2 milliards d'euros si son taux était de 15 %.

Réduction de la dépense fiscale procurée par application d'un « rabot » aux réductions et crédits d'impôts

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du tome II du fascicule des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2010

3. Compléter les mesures générales par une approche au cas par cas
a) Une approche de portée nécessairement limitée

Selon l'article 12 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, « dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute mesure visée à l'article 11, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur à la date de publication de la présente loi, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011 ».

On peut cependant s'interroger sur la possibilité d'obtenir rapidement des résultats avec une telle approche, compte tenu du coût politique de la remise en cause d'avantages existants et de l'absence de consensus sur les critères en fonction desquels il faudrait évaluer les différents dispositifs.

b) Une approche à privilégier pour les mesures d'assiette

Les crédits et réductions d'impôt sont les dépenses fiscales qui se prêtent techniquement le mieux à la logique du rabot. Elles sont en outre celles qui s'apparentent le plus à des subventions budgétaires et, à ce titre, il n'est pas contestable que leur montant puisse être modulé pour des raisons de rendement du système fiscal.

Pour autant, les crédits et réductions d'impôt représentent moins de la moitié des dépenses fiscales associées aux trois impôts « rabotés » (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, impôt de solidarité sur la fortune).

Part des crédits et réductions d'impôt dans le total des dépenses fiscales relatives à l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du tome II du fascicule des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2010

Il ne faut donc pas s'interdire de remettre en cause certaines exonérations totales ou partielles ou de revoir le calibrage des régimes de déduction, d'abattement, de demi-part, d'amortissement ou de provision. Cependant, les incidences budgétaires de telles modifications sont moins aisément quantifiables et leurs effets économiques peuvent être plus substantiels de ceux d'une réduction forfaitaire de l'avantage procuré par un crédit ou une réduction d'impôt.

c) Quelques travaux en cours

Ces considérations n'empêchent pas de supprimer ou réduire des niches particulières au cas par cas.

(1) Le crédit d'impôt recherche (CIR)

Le crédit d'impôt recherche (CIR) est probablement l'une des niches fiscales les plus utiles.

Son impact sur la croissance paraît significatif. Lors de l'évaluation de l'impact de la réforme du CIR en 2008, le Gouvernement indiquait que l'augmentation du crédit d'impôt consécutive à la réforme, de l'ordre de 2,3 milliards d'euros, accroîtrait à moyen terme les dépenses de R&D du double de ce montant, soit 4,6 milliards d'euros par an, et majorerait la croissance du PIB de 0,05 % par an pendant dix ans.

Le CIR n'en est pas moins susceptible d'optimisation. Ainsi, dans son rapport d'information du 25 mai dernier relatif au crédit d'impôt recherche, notre collègue Christian Gaudin s'interroge sur l'efficacité de la part du CIR au taux de 5 % qui subventionne la fraction des dépenses de R&D dépassant 100 millions d'euros. « Son effet incitatif paraît douteux alors même que son coût s'est élevé à 588 millions d'euros en 2009. Un amendement de votre commission des finances devrait servir de support à ce débat lors de l'examen du prochain budget. En outre, il convient de s'assurer que ce seuil de 100 millions d'euros est défini en consolidant les sommes engagées par les différentes filiales d'un groupe afin d'éviter les montages d'optimisation fiscale ».

En prenant en compte les récentes propositions de nos collègues députés Alain Claeys, Jean-Pierre Gorges, Pierre Lasbordes, Olivier Carré et David Habib, on arrive à un total de près de 1,5 milliard d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Les propositions de rationalisation du crédit d'impôt recherche

(en millions d'euros)

Montant

Proposition Sénat : plafonner les dépenses éligibles au CIR à 100 millions d'euros

200

Proposition commune AN*-Sénat : prendre en compte ce plafond au niveau de l'ensemble du groupe (et non de chaque filiale)

400

Proposition AN* : ramener de 75 % à 33 % la part des dépenses de personnel prise en compte pour déterminer les frais de fonctionnement engagés par les entreprises

865

Total

1 465

* Rapport d'information n° 2686 (XIIIe législature), mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale, 30 juin 2010.

Source : commission des finances

(2) La prime pour l'emploi (PPE)

La prime pour l'emploi (PPE), dont le coût pour 2010 est évalué à 3,5 milliards d'euros, est depuis longtemps considérée comme insuffisamment ciblée puisqu'elle est versée à à 8 millions de foyers dont 4,5 millions ne sont pas imposables.

La prime pour l'emploi a un effet sur l'emploi incertain et son rapport coût-efficacité paraît faible

Dans son rapport annuel de 2005 la Cour des comptes notait que peu d'études sur son volet incitatif avaient été réalisées : « les seuls éléments chiffrés disponibles sont issus de simulations économétriques ex ante, non de données observées sur le marché du travail ex post. Ces simulations sont néanmoins instructives : elles montrent que l'impact de la PPE sur l'offre de travail est positif mais faible (+0,2 à +0,4 % selon les études). Ces résultats présentent certes des faiblesses. Mais les enquêtes réalisées auprès des ménages corroborent leurs conclusions : ainsi, en juin 2003, dans leurs réponses à l'enquête de l'INSEE, 3 % seulement des ménages interrogés ont indiqué être incités par la PPE à « reprendre une activité » , 4% seulement à « travailler davantage » et 31 % à « continuer à travailler ». L'effet sur l'emploi (de ces modèles économétriques ex ante) est encore plus incertain ... et compte tenu de son coût budgétaire son rapport coût/efficacité paraît faible . »

La PPE joue un rôle redistributif limité : beaucoup de bénéficiaires pour des montants parfois faibles

La prime pour l'emploi (PPE) est un crédit d'impôt accordé aux personnes en emploi (salariées ou non) disposant de faibles revenus d'activité professionnelle. L'objectif de ce dispositif est à la fois de rendre le travail plus attractif (objectif incitatif) et de réduire les inégalités de niveaux de vie (objectif redistributif).

En France métropolitaine, 9 millions de personnes ont bénéficié de cette prime au titre de leurs revenus de 2006, soit un tiers des personnes ayant exercé une activité professionnelle rémunérée (salariée ou indépendante). Elles ont perçu en moyenne (sous forme de réduction d'impôt ou montant versé) 480 euros, soit un peu moins de 4% de leur revenu d'activité déclaré dans l'année. Parmi elles, 7,9 millions, le «coeur de cible», l'ont perçue uniquement au titre de leur revenu d'activité et 1,1 million après prise en compte de leur situation familiale (personnes appartenant à des familles monoparentales ou à des couples mono-actifs). Pour ces 1,1 million de personnes, le supplément de revenu versé s'avère particulièrement faible (0,6% de leur revenu d'activité), alors qu'il est loin d'être négligeable pour celles dont les revenus d'activité sont proches du SMIC. Une personne travaillant toute l'année à temps plein au SMIC perçoit 948 euros, soit 8% de son revenu d'activité.

La moitié des travailleurs pauvres ne bénéficient pas de la PPE

L'impact de la PPE sur la réduction des inégalités et sur la diminution du taux de pauvreté est limité. En effet, elle exclut les 2,8 millions de salariés et de non-salariés disposant de revenus d'activité inférieurs à 0,3 SMIC. De plus, sa diffusion dans la population est large et les montants engagés, sans commune mesure avec ceux des autres outils de la redistribution (impôt sur le revenu et prestations familiales notamment), demeurent relativement faibles.

La PPE a un impact limité sur l'emploi

La PPE ne semble pas être un facteur déterminant pour le retour à l'emploi . Parmi les personnes qui n'ont pas d'activité professionnelle, moins de 50 % d'entre elles se déclarent « chômeur », les autres sont « inactif pour raisons de santé » (15 %), « femme ou homme au foyer » (26 %) ou « autre inactif » (13 %). Dans la très grande majorité des cas les personnes qui ne souhaitent pas travailler à l'avenir évoquent des raisons de santé ou dans une moindre mesure des raisons familiales. Celles qui se déclarent «chômeur » cherchent quasiment toutes un emploi et mentionnent dans plus de 80 % des cas comme freins à leur retour en emploi l'insuffisance des offres d'emplois ou l'inadéquation de leur formation ou de leur expérience aux profils recherchés: 46 % et 65 % évoquent respectivement ces deux types de difficultés. Les coûts de la recherche d'un emploi (transports, correspondance...) n'apparaissent pas essentiels, seules 13 % des personnes les citent comme un frein à leur recherche d'emploi.

Source : « Prime pour l'emploi, redistribution et incitation à l'emploi », Dossiers solidarité et santé n° 5 - 2008 (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques)

Des économies ont déjà été enregistrées. La décision en 2009, qui devra être reconduite, de ne pas procéder à la revalorisation annuelle a enrayé l'augmentation de cette dépense fiscale (3,2 milliards d'euros en 2005, 4,3 milliards d'euros en 2006, 4,2 milliards d'euros en 2007, 4,4 d'euros en 2008, 3,9 milliards d'euros en 2009 et 3,5 milliards attendus en 2010).

Un meilleur ciblage des conditions d'éligibilité à la PPE est concevable, soit par un recentrage du logarithme (par exemple en étudiant l'extinction du dispositif de 1,4 à 1,2 SMIC), soit, sans modifier la courbe de dégressivité, en diminuant les taux de la prime (par exemple de 10 %). Selon les chiffrages transmis par le Gouvernement, le gain de ces deux mesures serait de respectivement 1,1 milliard d'euros et 300 millions d'euros. Des solutions intermédiaires peuvent évidemment être envisagées.

Les estimations de reparamétrages de la PPE fournies par le Gouvernement

a. Reparamétrage n°1 : abaissement du point de sortie du barème de 1,4 à 1,2 SMIC

Ce reparamétrage revient à baisser le seuil de 17 451 euros à 15 581 euros et à accroître la pente descendante en fin de barème en conséquence (de -19,3% à -30,9%). Le reste du barème (majoration pour personne à charge ou pour monoactivité notamment) est laissé inchangé.

Le coût de la PPE diminuerait de 1,1milliard d'euros, avant prise en compte de l'impact RSA. Ces gains proviendraient d'abord de la sortie du dispositif des individus compris entre 1,2 et 1,4 SMIC, au nombre de 2 millions. Les bénéficiaires situés sur la pente descendante du barème (entre 1 et 1,2 SMIC) verraient également leur montant de PPE diminuer. Au total, le montant moyen distribué par foyer bénéficiaire passerait de 462 euros à 430 euros. Hors prise en compte du RSA, cette réforme toucherait 70% des foyers bénéficiaires de la PPE soit plus de 5 millions de personnes. Ne sont pas affectées les personnes situées sur la pente ascendante du barème ou les foyers ne bénéficiant que de majorations.

Comme le point de sortie du RSA pour une personne seule est inférieur à 1,2 SMIC et la majorité des personnes bénéficiaires de la PPE sont des personnes seules, on peut estimer que le RSA n'a pas d'impact sur l'évaluation faite ci-avant. Ainsi, l'économie globale serait de 1,1 milliard d'euros.

b. Reparamètrage n°2 : diminution de 10 % des taux de la PPE

Cela revient à faire passer le maximum de PPE de 960 euros à 861 euros. Dans ce cas de figure, la PPE avant impact du RSA diminuerait de 300 milliards d'euros. Plus de 6,7 millions de foyers (soit 86 % de foyers bénéficiaires de la PPE) verraient leur PPE diminuer, les foyers ne bénéficiant que de majorations n'étant pas affectés par la réforme, sauf à minorer également le montant des majorations de 10 %.

La diminution de la PPE étant homothétique, l'imputation du RSA sur la PPE diminue, ce qui réduit le coût total de la mesure. En pratique, après simulations, l'impact du RSA serait globalement inchangé. Aussi, l'économie finale serait d'environ 300 millions d'euros.

Source : d'après les informations transmises par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

La fiscalité immobilière en cours d'évaluation par votre commission des finances

Votre commission des finances a décidé de procéder au cours de l'année 2010 à l'évaluation de dispositifs fiscaux en faveur de l'investissement immobilier.

Le 19 mai 2010, une table ronde sur ce thème a été organisée, à laquelle ont participé Bruno Corinti, président de Nexity logement, Claudy Giroz, présidente de l'association de défense des investisseurs et mandataires (ADIM), Jean-François Gobertier, président directeur général de GDP Vendôme, Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale (DLF), Mustapha Nadi, secrétaire et Mireille Pierret, présidente de la fédération des associations de résidences de services (FEDARS), Marc Pigeon, président de la fédération nationale des promoteurs constructeurs et Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme.

Votre rapporteur général a adressé au Gouvernement, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2011, des questionnaires relatifs au aides fiscales incitatives à l'investissement immobilier en direction des particuliers, et spécialement à celles qui concernent les investissements dans des résidences de services, et aux aides à l'investissement locatif « nu » comprenant notamment la réduction d'impôt dite « Scellier ».

4. Envisager la transformation de crédits d'impôt en subventions budgétaires

La progression du coût de la dépense fiscale constitue une conséquence, par jeu de « vases communicants », de l'application d'une norme d'évolution stricte pour les dépenses de l'Etat. La logique voudrait donc que la norme de dépense s'applique à l'ensemble des dépenses concourant à la mise en oeuvre d'une même politique, que ces crédits soient budgétaires ou « fiscaux ».

Dès lors que la dépense fiscale doit être contrôlée avec la même rigueur que la dépense budgétaire, et si, comme le soutient le Gouvernement, des arguments techniques s'opposent à l'inclusion de la dépense fiscale dans le périmètre de la norme de dépense, il faut envisager de « rapatrier » certaines dépenses fiscales dans le champ des dépenses de l'Etat et de transformer des dispositifs fiscaux en subventions budgétaires versées à partir de crédits limitatifs.

Les dérapages constatés en exécution pour le crédit d'impôt « développement durable », dont le coût prévisionnel pour 2009 était chiffré à 1,3 milliard d'euros et dont le coût constaté en exécution s'est établi à 2,8 milliards d'euros, invitent à explorer cette piste.

Une telle solution permettrait en outre de résoudre les difficultés techniques liées à la combinaison de l'application du plafonnement global des niches fiscales et de plafonds spécifiques à certains dispositifs sectoriels, qui peuvent relever d'une logique différente. C'est notamment le cas des plafonds applicables aux dispositifs de défiscalisation en faveur de l'outre-mer.

5. Remettre en cause certaines modalités de calcul des différents impôts ?

La compétitivité de la France souffre d'un taux facial de l'impôt sur les sociétés trop élevé, de 33,3 %, alors que le taux réel d'imposition des entreprises est évalué à 22 %. Cet écart s'explique par un grand nombre de régimes dérogatoires, dont beaucoup ne sont pas considérés comme des niches fiscales mais comme des modalités de calcul de l'impôt sur les sociétés.

Ces régimes font partie des éléments d'attractivité de la France. Cependant, la lisibilité de notre système fiscal et son image à l'étranger gagneraient à ce que soit engagé - comme l'avait évoqué au mois de mars 2010 la ministre de l'économie, de l'emploi et de l'industrie - une réforme de l'impôt sur les sociétés qui déboucherait sur la réduction ou la mise en extinction de certains régimes dérogatoires en contrepartie d'un abaissement du taux facial.

Le nouveau gouvernement britannique a annoncé, lors de la présentation de son projet de loi de finances rectificative le 22 juin 2010 et au titre de mesures dites de « compétitivité », son intention de réduire le taux facial de son impôt sur les sociétés, qui deviendrait le plus bas du G7 et le cinquième plus faible du G20.

En France, la réduction du taux ne compenserait cependant pas toutes les pertes subies par les entreprises, de façon à procurer une recette supplémentaire au budget de l'Etat. Il est en effet souhaitable que les entreprises, après avoir bénéficié de la disparition de la taxe professionnelle et avoir « échappé » à la contribution carbone, contribuent à l'effort en faveur de la réduction du déficit.

6. Quel taux réduit pour la TVA ?
a) Aujourd'hui, un coût d'au moins 13 milliards d'euros

Parmi les 16 principales niches, dont le montant global est de plus de 35 milliards d'euros, les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) coûtent 10 milliards d'euros.

Ils concernent :

- la TVA pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans (5,15 milliards d'euros, ce qui en fait la principale niche) ;

- le taux de 5,5 % pour la fourniture de logements dans les hôtels (1,56 milliard d'euros) ;

- le taux de 5,5% applicable aux ventes à consommer sur place, à l'exception des ventes de boissons alcooliques, instaurée par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques (3 milliards d'euros).

Au total, le coût des niches relatives à la taxe sur la valeur ajoutée est estimé en 2010 à 17,2 milliards d'euros, en hausse de 3 milliards d'euros par rapport à 2008. Au sein de cet ensemble, les taux réduits (5,5 %) représentent un coût de 13,1 milliards d'euros , la différence étant constituée des taux super-réduits, des régimes spécifiques à l'outre-mer et des exonérations.

b) Un rendement supplémentaire de 6,5 milliards d'euros pour un taux réduit à 8 %

Les taux réduits de TVA représentent près de 20 % de la dépense fiscale totale. L'entreprise de réduction du coût des niches fiscales serait vaine si elle ne portait pas sur ce poste de dépense, et en particulier sur les taux réduits les plus coûteux précédemment cités : les travaux d'amélioration des logements, les travaux de rénovation des hôtels et la restauration sur place (à laquelle on peut ajouter, par symétrie, la restauration à emporter).

Le rendement estimé de la majoration d'un point du taux réduit de la TVA s'élève à 2,6 milliards d'euros. Par conséquent, un relèvement de 2,5 points de ce taux, de 5,5 % à 8 %, procurerait 6,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

La majoration à 8 % du seul taux applicable aux trois taux réduits les plus coûteux procurerait un rendement d'1,7 milliard d'euros.

Ces évolutions seraient conformes au droit communautaire en matière de taux réduits de TVA , tel qu'il résulte de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, modifiée par la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009, relative au système commun de TVA.

Majoration de 5,5 % à 8 % du taux applicable aux trois « taux réduits » les plus coûteux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du tome II du fascicule des « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2010 et les informations communiquées par le Gouvernement

Afin de permettre des comparaisons, le tableau ci-après indique les taux de TVA pour les différents Etats de l'Union européenne.

Structure des taux de TVA dans les Etats membres de l'Union européenne (UE) au 1 er juillet 2010

Etats membres

Taux réduit

Taux normal

Taux majoré

Taux parking

Belgique

6 - 12

21

-

12

Bulgarie

7

20

-

-

République tchèque

10

20

-

-

Danemark

-

25

-

-

Allemagne

7

19

-

-

Estonie

9

20

-

-

Grèce

5 - 10

21

-

-

Espagne

4 - 8

18

-

-

France

2,1 - 5,5

19,6

-

-

Irlande

4,8 - 13,5

21

-

13,5

Italie

4 -10

20

-

-

Chypre

5 - 8

15

-

-

Lettonie

10

21

-

-

Lituanie

5 - 9

21

-

-

Luxembourg

3 - 6

15

-

12

Hongrie

5 - 18

25

-

-

Malte

5

18

-

-

Pays-Bas

6

19

-

-

Autriche

10

20

-

12

Pologne

3 - 7

22

-

-

Portugal

5 - 12

20

-

12

Roumanie

9

19

-

-

Slovénie

8,5

20

-

-

République slovaque

6 - 10

19

-

-

Finlande

13 - 9

23

-

-

Suède

6 - 12

25

-

-

Royaume-Uni

5

17,5

-

-

Source : commission des finances

Il faut également relever que la Commission européenne a contesté, en adressant à la France une mise en demeure, la compatibilité avec le droit communautaire du taux réduit applicable à 50 % du prix des « offres composites » comprenant des services de télévision mais également d'autres services fournis par voie électronique. Si l'argumentation de la Commission était confirmée, la mise en conformité de nos règles avec le droit communautaire pourrait procurer des recettes supplémentaires au budget de l'Etat.

7. Une source d'économies : la durée limitée du taux réduit de TVA en faveur de la restauration sur place

L'article 279-m du code général des impôts, résultant de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, ne fixe pas de durée pour le taux réduit de TVA dans le secteur de la restauration.

Cependant, selon l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, « chaque mesure (...) instaurée par un texte promulgué au cours de la période mentionnée à l'article 1 er n'est applicable qu'au titre des quatre années qui suivent celle de son entrée en vigueur ».

L'application de cette disposition implique que la TVA restauration n'est valide que jusqu'à la fin de l'année 2013 .

Cette analyse développée par votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010 est partagée par le Gouvernement, qui dans le tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2010 assortit la description de cette mesure de la mention « fin d'incidence budgétaire : 2013 », ainsi que par la Cour des comptes.

La disparition automatique de la TVA restauration en 2013, selon la Cour des comptes

« Un objectif de réduction de 10 Md€ pourrait même être visé en ajoutant l'effet de l'article 11 de la loi de programmation qui prévoit que les dépenses fiscales créées à partir du début de 2009 ont une durée limitée à quatre ans. En effet, la loi du 22 juillet 2009 qui a baissé le taux de TVA sur la restauration, si elle n'a pas prévu que cette baisse soit limitée dans le temps, n'a pas prévu non plus de dérogation à la loi de programmation.

La restauration devrait donc être de nouveau soumise au taux normal de TVA en 2013 (1), ce qui procurerait une économie supplémentaire de 3 Md€. Une suppression plus rapide supposerait une nouvelle loi.

(1) Ce qui est précisé dans l'annexe du PLF 2010 relatif aux dépenses fiscales. »

Source : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010

Les ambiguïtés sur l'application des dispositions de la loi de programmation des finances publiques aux mesures fiscales intervenues postérieurement à sa promulgation seraient levées si cette règle relevait d'une norme de valeur supérieure celle de la loi ordinaire.

B. LA FISCALITÉ INDIRECTE, UNE FISCALITÉ D'AVENIR ?

1. Une augmentation du taux normal de TVA à écarter pour l'instant

La fiscalité indirecte est fréquemment mise à contribution dans le cadre de plans de réduction du déficit public. En effet, contrairement aux autres impôts, elle présente l'intérêt de ne pas nuire à la compétitivité.

La valeur du point de TVA est calculée chaque année par la direction générale du Trésor, à partir de l'analyse fiscale des comptes nationaux (analyse des comptes semi définitifs).

Selon les estimations de la direction générale du Trésor, un point de taux normal de TVA rapporte 6,5 milliards d'euros, l'augmentation d'1 point de tous les taux rapportant près de 10 milliards d'euros.

Point de TVA à législation courante (hors effet de structure)

(en milliards d'euros)

TSR (1)

TR (2)

TN (3)

Total

Valeur du point 2004

0,4

2,2

5,5

8,1

Valeur du point 2005

0,4

2,3

5,8

8,5

Valeur du point 2006

0,4

2,4

6,1

8,9

Valeur du point 2007

0,5

2,5

6,3

9,2

Valeur du point 2008

0,5

2,6

6,5

9,6

1 TSR : taux super réduit

2 TR : taux réduit

3 TN : taux normal

Source : direction générale du Trésor

Il ne serait sans doute pas concevable de majorer le taux de la TVA sans contrepartie en termes de coût du travail et d'allégement des charges sociales, dans le cadre de la mise en oeuvre, après 2012, d'une réforme de type « TVA sociale ».

Il convient cependant d'avoir à l'esprit les ordres de grandeur que représenterait la majoration du taux normal de cette taxe.

2. Explorer la piste des accises énergétiques ?

Enfin, les accises énergétiques, dont la taxe intérieure sur les produits pétroliers ou toute autre forme de fiscalité énergétique, peuvent également constituer un levier de mobilisation de nouvelles ressources fiscales compatible avec le maintien de la compétitivité de notre système de prélèvements obligatoires .

Ces accises sont, en effet, adaptées à la mise en oeuvre d'une stratégique globale de « basculement » de la pression fiscale du travail ou de la production vers la consommation. Cette stratégie repose sur la théorie désormais bien connue du « double dividende », aux termes de laquelle la fiscalité écologique a pour effet non seulement de diminuer l'impact environnemental des comportements (premier dividende), mais également de dégager des recettes permettant de baisser le niveau de prélèvements obligatoires préjudiciables à la compétitivité et à la croissance (second dividende).

Plusieurs pays ont ainsi procédé, au cours des dernières années, à la substitution d'impôts environnementaux ou d'accises énergétiques à des prélèvements sur le travail ou sur le résultat des entreprises. En Suède notamment, la création d'une taxe carbone s'est inscrite, dès 1991, dans le cadre d'une réforme fiscale globale , comprenant la création d'autres taxes environnementales, une baisse significative des impôts sur le revenu et une extension de l'assiette de la TVA . Par ailleurs, à partir de 2001, un processus de « Green Tax Shift » a permis de relever progressivement le niveau de la fiscalité environnementale en contrepartie de la baisse des charges sur le travail. Ainsi que le rappelle le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, « la Suède semble avoir tiré profit des allègements de charges patronales en compensation de la hausse des taxes environnementales. Elle a en effet regagné au cours des années 1990, et dans une moindre mesure au cours des années 2000, des parts de marché vis-à-vis des pays de l'OCDE. Au-delà des fluctuations de court terme, elle a également su maintenir sa compétitivité-coût tout au long de la décennie 2000 ».

Si, compte tenu de la récente censure constitutionnelle, il ne saurait être question de remettre à court terme sur le métier l'instauration d'une contribution carbone en France , le champ des accises énergétiques mérite néanmoins d'être exploré plus avant , en tant que gisement potentiel de ressources fiscales nouvelles.

IV. LES MESURES AFFECTANT LES RECETTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Dans le cas des niches sociales, il faut distinguer deux sujets :

- ce que le Gouvernement appelle les « exonérations » (partielles ou totales), qui coûtent plus de 30 milliards d'euros mais correspondent très largement aux allégements de charges sur les bas salaires (plus de 20 milliards d'euros) ;

- ce que le Gouvernement appelle les « exemptions d'assiette », correspondant à des pertes de recettes de plus de 35 milliards d'euros selon les estimations de la commission des finances, et qui constituent le véritable « gisement » de recettes.

A. DANS LE CAS DES EXONÉRATIONS, DES ÉCONOMIES DANS UN PREMIER TEMPS LIMITÉES

Les exonérations de cotisations sociales sont le principal instrument de la politique de l'emploi. Leur coût est de plus de 30 milliards d'euros, dont plus de 20 pour les allégements généraux, 3 pour les exonérations sur les heures supplémentaires et 7 milliards d'euros pour les exonérations dites « ciblées ».

Les exonérations de cotisations sociales (2008)

(en milliards d'euros)

2008 (réalisé)

Allègements généraux

22,6

Exonérations sur les heures supplémentaires

3,0

Exonérations ciblées

7,1

Services à la personne

1,9

Publics prioritaires, emploi

2,6

Exonérations géographiques

1,9

Autres

0,7

Total exonérations

32,8

Source : annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010

1. Les allégements généraux : la levée d'un tabou
a) Une mesure déjà proposée au Sénat : l'annualisation du mode de calcul

La commission des finances a repris à son compte, dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, la proposition du Conseil des prélèvements obligatoires concernant l'annualisation du calcul des allègements généraux. Ainsi, à l'initiative de son rapporteur spécial, notre collègue Jean-Jacques Jégou, elle adopté un amendement à ce sujet. Cet amendement, également présenté par la commission des affaires sociales, avait été rejeté par le Sénat après que le Gouvernement a exprimé un avis défavorable.

Comme on l'a indiqué ci-avant, le Gouvernement prévoit aujourd'hui de prendre dans le cadre de la réforme des retraites des mesures tendant à accroître les recettes de 3,7 milliards d'euros en 2011, dont 2 milliards d'euros correspondant à l'annualisation des allégements généraux de cotisations patronales.

En effet, actuellement, les allègements généraux sont calculés chaque mois sur la base de la rémunération mensuelle : cette modalité de calcul permet une optimisation importante du dispositif puisque l'employeur peut renoncer à augmenter le salaire moyen de base afin de bénéficier du taux maximal d'allègements et en contrepartie verser un 12 e mois plus élevé (ce qui permet de bénéficier des allègements pendant onze mois) ou/et un 13 e mois. Selon le Conseil, un meilleur lissage du calcul et par conséquent un meilleur contrôle du dispositif permettrait des gains de l'ordre de 2 à 3 milliards d'euros, à la charge des entreprises.

b) Une piste à mettre en oeuvre d'ici 2013 : le point de sortie du dispositif des allègements généraux

L'ampleur des efforts à consentir pour revenir dans les critères du pacte de stabilité pourrait néanmoins exiger d'aller plus loin dans la réduction du coût des allègements généraux. Dans ces conditions, la manière de le faire la moins dommageable sur l'emploi consiste à abaisser le point de sortie du dispositif. En effet, l'élasticité des emplois à leur coût est d'autant plus élevé que le salaire est faible. Pour dire les choses autrement, si tous les salaires augmentent dans une certaine proportion, une entreprise sera plus encline à moins embaucher d'ouvriers qu'à moins embaucher de cadres.

Dans une hypothèse de réduction modérée du niveau des allègements généraux, de 1,6 à 1,5 SMIC, le gain budgétaire serait de 2,5 milliards d'euros .

Lors de l'examen par le Sénat de la loi du 9 mars 2010 n° 2010-237 de finances rectificative pour 2010, votre rapporteur général avait soutenu un amendement tendant à réduire le seuil d'application des allègements généraux de 1,6 à seulement 1,58 SMIC, ce qui aurait engendré une économie de 300 millions d'euros.

Cet amendement, finalement retiré, avait recueilli un avis défavorable des deux ministres présents. La ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi avait cependant fait valoir que « l'examen précis du caractère incitatif ou non de l'allégement de charges doit être effectué, non seulement à l'occasion du rapport que nous devons produire, mais également lors de la revue des niches fiscales et sociales auquel il sera procédé au cours des trois années qui viennent, conformément à l'engagement que nous avons pris vis-à-vis de Bruxelles ».

Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui percevait que l'intention de votre commission était de « toucher à un tabou, en quelque sorte [de] "marquer le coup" », considérait pour sa part qu'il « existe deux façons d'envisager le problème. On peut considérer, d'une part, que les charges patronales sur les bas salaires doivent être moins importantes et progressives. Il ne s'agit plus, dès lors, d'un allégement de charges, mais d'une méthode de calcul. On peut estimer, d'autre part, que les allégements de charges ne sont pas un sujet tabou. Mais ce n'est guère le moment, en période de sortie de crise, de jouer avec le feu, surtout lorsque le chômage repart à la hausse ».

Votre rapporteur général reste persuadé qu'il serait raisonnable - et sans incidence significative sur l'emploi - d'abaisser le seuil à 1,55 SMIC en 2012, puis 1,5 SMIC en 2013 et 1,4 SMIC en 2014, ce qui représenterait des enjeux annuels que l'on peut estimer, en première analyse, de l'ordre de respectivement 1 milliard d'euros, 2,5 milliards d'euros et plus de 5 milliards d'euros. Ces chiffrages doivent cependant être affinés.

2. Les exonérations ciblées : une source d'économies probablement modeste

Les 32,8 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales comprennent on l'a vu plus de 7 milliards d'euros d'exonérations dites « ciblées », en faveur des services à la personne, des publics prioritaires de la politique de l'emploi et de diverses zones géographiques (comme les ZRR ou les ZRU).

Peut-être serait-il possible de réduire certaines de ces exonérations.

Cependant, la problématique générale est la même que pour les allégements généraux : réduire leur montant est défavorable à l'emploi. Par ailleurs, si les publics concernés « basculaient » sur le régime des exonérations générales - comme cela se produirait vraisemblablement dans certains cas -, le gain financier pourrait être très faible.

La remise en cause des exonérations géographiquement ciblées serait en outre peu opportune.

B. LE VÉRITABLE ENJEU : LES « EXEMPTIONS D'ASSIETTE »

Le véritable enjeu est toutefois constitué par les « exemptions d'assiette » de cotisations sociales. Ainsi, selon la Cour des comptes, compte tenu du montant très élevé de ces exemptions, « le montant récupérable sur les exonérations et les niches sociales pourrait être de l'ordre de 10 Md€ et réalisé rapidement ».

Le montant très important du « gisement » des exonérations et exemptions sociales, selon la Cour des comptes

« Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2007, la Cour a également examiné différentes mesures qui affectent négativement l'assiette des prélèvements sociaux et sont à l'origine d'une perte de ressources pour le régime général évaluée en 2005 entre 32 et 37 Md€.

« Les seuls dispositifs d'entreprise (association des salariés au résultat, protection sociale en entreprise, indemnités de départ à la retraite et de licenciement...) représentent à eux seuls entre 15 et 20 Md€ auxquels s'ajoute le coût des avantages fiscaux qui y sont liés la plupart du temps.

« Si quelques mesures ont déjà été prises, notamment concernant les stock options, la Cour a souligné qu'elles étaient « positives » mais également « timides ».

« Enfin, elle a constaté que les aides à la couverture complémentaire maladie sont coûteuses, en particulier les exonérations sociales et fiscales consenties aux contrats collectifs d'entreprise dont le coût est estimé à quelque 5 Md€ et qui se traduisent par des inégalités de traitement entre entreprises et donc entre salariés.

« Au total, ces éléments sur leur coût montrent que le montant récupérable sur les exonérations et les niches sociales pourrait être de l'ordre de 10 Md€ et réalisé rapidement. »

Source : Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010

1. Les exemptions d'assiette des recettes des administrations de sécurité sociale : un coût de l'ordre de 40 milliards d'euros ?

Le coût des exemptions d'assiette n'est évalué que depuis peu et cette évaluation fait l'objet de divergences importantes.

La première estimation, réalisée par la Cour des comptes dans son rapport 2007 sur la Sécurité sociale, était de 32-37 milliards d'euros pour le seul régime général en prenant en compte les compensations partielles de l'Etat, et de plus de 40 milliards d'euros sans prendre en compte ces compensations. Depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, l'annexe 5, relative aux « mesures d'exonérations de cotisations et contributions », comprend également une estimation des mesures d'exemption. L'estimation est nettement plus faible, puisque le coût n'est plus alors évalué, pour les régimes obligatoires de base (donc sur un périmètre légèrement plus étendu), qu'à 9,1 milliard d'euros.

Cette divergence provient d'un double phénomène :

- la Cour des comptes inclut dans son estimation le coût d'exemptions portant sur des revenus autres que ceux du travail (prestations sociales, revenus de capitaux mobiliers, revenus fonciers, cotisations des employeurs publics), qu'elle évalue à 20,4 milliards d'euros, alors que selon le Gouvernement ces pertes de recettes n'existent pas en réalité car selon lui ces bases n'ont par nature pas vocation à être incluses dans l'assiette ;

- la Cour des comptes suppose qu'en l'absence d'exemption d'assiette les bases concernées seraient imposées au taux de 37,88 % alors que le Gouvernement, considérant que les avantages concernés s'ajoutent aux rémunérations ordinaires, retient le taux au-delà du plafond, soit 22,93 % (à ces taux s'ajoutant la CSG pour 7,5 %).

La commission des finances estime que si le Gouvernement a raison de retenir le taux de 22,93 %, il n'y a pas de motif d'exclure a priori dans l'estimation du coût des exemptions celle des revenus autres que les revenus du travail.

Au total, selon les différentes estimations « retraitées » par la commission des finances, le coût « théorique » (hors modification du comportement des acteurs) pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale (donc sur un champ plus vaste que celui des évaluations du Gouvernement et de la Cour des comptes) des exemptions de cotisations et contributions est de plus de 40 milliards d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Le coût des exemptions d'assiettes sociales pour les administrations publiques, selon la commission des finances

(en milliards d'euros)

PLFSS 2010

Cour des comptes, La sécurité sociale , septembre 2007

Estimations « retraitées » par la commission des finances

Champ

Régimes obligatoires de base, 2010

Régime général, année non précisée

Ensemble des administrations de sécurité sociale, 2010

I. Revenus du travail

Taux retenu pour la conversion de la perte de base en perte de recette

22,93 % de cotisations ROB*+7,5 % de CSG

37,88 % de cotisations ROB*+7,5 % de CSG

22,93 % cotisations ROB*+15 % cotisations autres régimes+7,5 % CSG

Perte d'assiette

Coût brut

Recettes

Coût net

Participation financière et actionnariat salarié

17,6

5,4

2,2

3,2

8,3

8,0

Protection sociale complémentaire en entreprise

17,4

5,3

2,2

3,1

5,1

7,9

Aides directes consenties aux salariés

5,9

1,8

0

1,8

2,7

2,7

Indemnités de rupture (licenciement, mises à la retraite)

3,8

1

0,1

0,9

4,1

1,7

Divers : droits à l'image des sportifs

0,1

0,031

0,004

0,027

0,0

TOTAL

44,8

13,6

4,5

9,1

20,2

20,4

II. Autres revenus (exemptions prises en compte par la seule Cour des comptes)**

Populations spécifiques

1,0

1,0***

Revenus de remplacement et de complément

12,0

12,0***

Revenus de capitaux mobiliers et fonciers

1,4

1,4***

Cotisations des employeurs publics

6,0

6,0***

TOTAL

20,4

20,4**

TOTAL GENERAL

40,6

40,8

* ROB : régimes obligatoires de base. ** Hors mesures emploi (prises en compte ci-avant). ***On reprend par convention les estimations de la Cour des comptes.

Sources mentionnées dans le tableau, calculs de la commission des finances

2. Réduire ou supprimer les exemptions d'assiette qui ne réduisent pas le coût du travail

Si elles concernent le coût du travail, les exemptions d'assiette obéissent à la même logique économique que les niches : leur réduction ou suppression se traduirait par des destructions d'emplois beaucoup plus importantes et durables que dans le cas d'une augmentation analogue des autres prélèvements obligatoires. Comme le Gouvernement prévoit déjà d'annualiser le calcul des allégements généraux (+ 2 milliards d'euros de recettes), et que votre commission des finances préconise d'abaisser d'ici 2013 le point de sortie du dispositif (+ 2,5 milliards d'euros de recettes à cet horizon), il ne paraît pas concevable de réduire ou supprimer dans le même temps des exemptions réduisant le coût du travail. Cela serait d'ailleurs contraire à la logique de l'engagement de la commission des finances en faveur de la TVA sociale.

a) Un « gisement » de recettes de l'ordre de 20 milliards d'euros  ?

En revanche, selon les estimations de la commission des finances, sur les 37 milliards d'euros d'exemptions, environ 20 milliards n'ont pas d'impact sur le coût du travail (hors cadres dirigeants).

Il s'agit essentiellement des exemptions concernant :

- dans le cas de la participation financière et de l'actionnariat salarié, les stock-options et actions gratuites (3 milliards d'euros selon la Cour des comptes dans son rapport de 2007, montant qui paraît surestimé pour les raisons indiquées ci-après) ;

- les indemnités de départ, en particulier en cas de licenciement (4,1 milliard d'euros selon la Cour des comptes mais 0,9 milliard d'euros selon le Gouvernement) ;

- les prestations sociales (12 milliards d'euros selon la Cour des comptes, dont 5,9 milliards d'euros pour les pensions de retraite et d'invalidité), qui ne sauraient toutefois être remises en cause ;

- les livrets d'épargne réglementés (0,6 milliard d'euros) ;

- les plus-values immobilières (1,4 milliard d'euros).

Les exemptions de cotisations des employeurs publics, de 6 milliards d'euros, n'ont en revanche pas d'impact évident sur le solde public. En effet, si l'on suppose que la fixation du taux de ces cotisations n'a pas d'impact indirect sur les rémunérations nettes des fonctionnaires, l'enjeu se résume à un transfert de ressources entre catégories d'administrations publiques.

Les principales exemptions sociales n'ayant pas d'impact sur le coût du travail du secteur privé (hors cadres dirigeants) : comparaison des estimations de la Cour des comptes et du Gouvernement

(en millions d'euros)

Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale de 2007

PLFSS 2010

Année

Non précisée

2010

Cotisations

Contributions

Total

Stock-options et actions gratuites

3,0*

3,0*

Indemnités de départ

3,4

0,7

4,1

0,9

Dont retraite

0,4

0,1

0,5

Dont licenciement

3,0

0,6

3,6

Prestations sociales

12,0

12,0

Dont pensions de retraite et d'invalidité,

5,9

5,9

Dont allocations de chômage

1,5

1,5

Dont IJ et rentes AT/MP

0,5

0,5

Dont allocations logement

1,1

1,1

Dont prestations familiales

2,5

2,5

Dont RMI

0,5

0,5

Revenus de capitaux mobiliers**

0,6

0,6

0,6

Livrets réglementés

0,6

Plus-values immobilières

1,4

Résidences principales

0,9

Autres logements détenus depuis plus de 15 ans

0,5

Revenus fonciers

0,8

0,8

0,1

Dont soutien investissement locatif

0,3

0,3

Dont grosses réparations

0,5

0,5

Impôts affectés à la sécurité sociale

Contribution sociale sur les bénéfices

0,3

C3S :

- Assiette du secteur bancaire

0,1

- Taux réduit pour certaines professions

0,1

Total hors cotisations des employeurs publics

6,4

14,2

20,6

Cotisations des employeurs publics

6,0

6,0

Dont Etat

3,8

3,8

Dont collectivités territoriales

0,7

0,7

Dont établissements publics hospitaliers

1,2

1,2

Total général

12,4

14,2

26,6

-

* Ce montant pourrait être très surestimé (cf. ci-après).

** Les exemptions concernant les plus-values de cession de valeurs mobilières (0,11 milliard d'euros) et l'assurance-vie multisupports (0,27 milliard d'euros) ont été supprimées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Source : commission des finances, d'après les sources indiquées

b) Les réductions d'exemptions prévues dans le cadre de la réforme des retraites

Le Gouvernement prévoit d'ores et déjà de réduire deux exemptions d'assiette dans le cadre de la réforme des retraites, relatives aux retraites-chapeaux et aux stock-options.

Les mesures de réductions d'exemptions d'assiette sociale prévues dans le cadre de la réforme des retraites

(en milliards d'euros)

Total des mesures

Rendement 2011

Rendement 2020 (en € constants 2010)

Retraites-chapeaux : suppression de l'abattement de 1 000 € pour l'imposition des rentes et instauration d'une contribution salariale spécifique de 14%

110

140

Stock-options : passage de la contribution patronale spécifique sur la valeur des options de 10% à 14% et de la contribution salariale sur le gain de levée d'option de 2,5% à 8%

70

200

Total

180

340

Rappel : total des augmentations de prélèvements obligatoires prévues dans le cadre de la réforme des retraites

3 700

4 620

Source : d'après le ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique (dossier de presse relatif à la réforme des retraites, 16 juin 2010)

(1) Les retraites-chapeaux

Les retraites-chapeaux sont les rentes versées au titre de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.

On rappelle qu'à l'initiative de la commission des finances du Sénat, a été inséré l'actuel article 15 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui instaure une contribution additionnelle de 30 %, à la charge de l'employeur, sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 274 646 euros.

(2) Les stock-options

Dans son rapport sur la Sécurité sociale de 2007, la Cour des comptes préconise en particulier de « réexaminer ou plafonner les exonérations de cotisations sociales appliquées à la plus-value d'acquisition des stock-options (...) ».

L'estimation du coût de l'exemption par la Cour des comptes dans son rapport de 2007 ( 3 milliards d'euros ) pourrait être très surestimée. La méthodologie de la Cour des comptes a consisté à prendre en compte les stock-options distribuées en 2005, à calculer la perte d'assiette (8,6 milliard d'euros) et, par l'application d'un taux de 37,88 % (cotisation des régimes obligatoires de base), à en déduire un coût de 3 milliards d'euros. Cependant, l'annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 estime la perte de base à 2,1 milliards d'euros. En appliquant à ce montant ce même taux de 37,88 %, on obtient une perte de « seulement » 0,8 milliard d'euros.

Par ailleurs, depuis le rapport de 2007 de la Cour des comptes, à l'initiative de notre collègue député Yves Bur, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a instauré une contribution patronale et une contribution salariale, dont le montant a alors été évalué à respectivement 0,25 et 0,15 milliard d'euros.

c) Les autres dispositifs

Dans son rapport sur la Sécurité sociale de 2007, la Cour des comptes préconise en particulier de « réexaminer ou plafonner les exonérations de cotisations sociales appliquées (...) aux avantages de départ en retraite et de licenciement ».

On rappelle que selon la Cour des comptes, les sommes en jeu sont de l'ordre de 4 milliards d'euros.

S'agissant des livrets réglementés, il convient de noter que la commission des finances a déjà fait part de ses réserves sur la légitimité de cette niche dans son rapport relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2008 : « (...), on peut être plus circonspect sur l'intérêt des niches sociales en faveur des encours liquides. Les exonérations fiscales et sociales attachées à certaines catégories d'épargne liquide comme le livret A ou le livret de développement durable contribuent à l'attachement des Français pour une épargne de court terme, peu risquée certes, mais aussi désormais peu rémunératrice et utile certes sur le plan économique mais sans doute moins que d'autres canaux de financement ».

Dans le cas de l'exemption dont bénéficient les plus-values immobilières (1,4 milliard d'euros, concernant en quasi-totalité la CSG), votre rapporteur général estime qu'il n'est pas souhaitable d'inclure dans l'assiette les plus-values immobilières concernant la résidence principale (0,9 milliard d'euros). Seules seraient donc concernées celles relatives aux autres logements détenus depuis plus de quinze ans (0,5 milliard d'euros).

3. Faut-il augmenter encore le taux du forfait social ?

Un sujet connexe de la réduction des niches sociales est l'augmentation du forfait social.

On rappelle qu'en application de l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, est assujetti au forfait social, à la charge de l'employeur, l'ensemble des éléments de rémunération soumis à la CSG, mais exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Sont en particulier concernés les dispositifs d'intéressement et de participation.

Le relèvement du forfait social, porté de 2 % à 4 %, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, devait rapporter environ 380 millions d'euros.

Il serait possible de poursuivre cette augmentation afin de rapprocher le taux du forfait social de ceux des cotisations sociales patronales appliqués aux rémunérations (en moyenne 30,4 %). Il faut cependant être conscient du fait que cette augmentation accroît le coût du travail et n'est donc pas favorable à l'emploi.

V. QUELLES MESURES COMPLÉMENTAIRES EN CAS DE RÉVISION DES HYPOTHÈSES ?

A. LA NÉCESSITÉ DE PRIVILÉGIER LES RÉDUCTIONS DE NICHES FISCALES ET SOCIALES

Les économistes considèrent généralement que les plans de consolidation les plus efficaces sont ceux qui portent essentiellement sur la dépense. On peut cependant se demander si la causalité indiquée est bien la bonne, et si ce ne sont pas tout simplement les Etats dans lesquels la volonté et le consensus politique sur la nécessité de réduire le déficit sont les plus grands (et donc ont le plus de chance de réussir leur ajustement) qui ont tendance à donner plus d'importance à la maîtrise de la dépense. En particulier, il est paradoxal que les plans reposant essentiellement sur les dépenses soient les plus efficaces, alors que ce sont les réductions de dépenses qui ont l'impact le plus dépressif sur l'activité.

On a vu ci-avant que le Royaume-Uni a décidé de réaliser un plan d'ajustement budgétaire massif, reposant à 75 % sur la dépense. Ce plan ne paraît pas transposable en France. En effet, il prévoit une très forte réduction des dépenses sociales, des dépenses des administrations publiques locales, ainsi que des dépenses d'investissement, qui ne sont pas conformes aux orientations du Gouvernement. Il prévoit également une très forte diminution du nombre de fonctionnaires. De même, la question d'une éventuelle majoration du taux normal de TVA (accru de 2,5 points au Royaume-Uni) ne pourra être envisagée qu'après l'élection présidentielle de 2012.

Dans ces conditions, le plan français semble devoir reposer essentiellement sur des mesures de recettes, et plus précisément sur des réductions de niches fiscales et sociales.

B. QUELQUES ORDRES DE GRANDEUR

A titre illustratif et pour prendre conscience des ordres de grandeur, le tableau ci-après présente des mesures dont la mise en oeuvre permettrait d'atteindre d'ici 2013 l'objectif d'un déficit inférieur ou égal à 3 % du PIB, si le parti était pris d'atteindre quoi qu'il arrive l'objectif d'un déficit de 3 % en 2013 et si les prévisions de croissance et d'évolution des dépenses n'étaient pas confirmées.

Elles sont conçues de manière à ce que l'effort soit également réparti chaque année.

Dans le cas de l'année 2011, les mesures supplémentaires par rapport à ce que prévoit déjà le Gouvernement seraient relativement modestes. En effet, du fait du contrecoup du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle, l'année 2011 devrait connaître des mesures « automatiques » de réduction du déficit de l'ordre de 15 milliards d'euros. Dans ces conditions, une fois prises en compte la maîtrise des dépenses de l'Etat et de l'assurance-maladie, l'effort de réduction du déficit est déjà de 30 milliards d'euros, ce qui correspond quasiment à l'objectif que la commission des finances propose de fixer. Il serait probablement contre-productif de prévoir pour l'année 2011 un effort beaucoup plus important (même si cela n'empêche pas que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoient des mesures destinées à produire leurs effets les années suivantes).

C'est pour les années 2012 et 2013 que les mesures prévues par le Gouvernement nécessiteraient le plus d'être complétées. L'effort de réduction du déficit prévue en 2011 reposant essentiellement sur les dépenses, on propose que les années suivantes elles consistent majoritairement en des augmentations de recettes, qui présentent l'intérêt de moins déprimer l'activité et d'être plus aisées à mettre en oeuvre, dès lors que les sommes en jeu sont importantes.

Il ressort des montants figurant dans le tableau qui suit que, si les « gisements » existent pour aller plus loin du côté des recettes en réduisant les sommes consacrées aux régimes dérogatoires, l'effort supplémentaire en dépense nécessiterait des mesures courageuses.

En recettes :

- il serait possible, dès 2011, de porter de 0,5 % à 0,65 % le taux de la CRDS, comme la commission des finances l'a proposé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, ce qui fournirait 1,8 milliard d'euros de recettes annuelles supplémentaires ;

- la réduction des niches pourrait engendrer 10 milliards d'euros supplémentaires, provenant pour moitié de la remise en cause partielle de dispositifs coûteux , sur la base d'évaluations. Les travaux en cours concernant le crédit d'impôt recherche (dont le montant pourrait être réduit de 1,5 milliard d'euros si l'on combine les propositions des commissions des finances des deux Assemblées), la prime pour l'emploi , le crédit d'impôt « développement durable » (et en particulier, comme l'a souligné la ministre de l'économie, de industrie et de l'emploi lors de son audition par votre commission des finances le 22 juin 2010, sa composante portant sur les aides aux énergies renouvelables), la fiscalité immobilière ou encore celle de l'assurance-vie pourraient engendrer un produit supplémentaire de l'ordre de 5 milliards d'euros. L'autre moitié de l'effort serait obtenu en procédant à un examen sélectif des mesures réduisant l'assiette des différents impôts (abattements, exonérations, déductions), qui constituent plus de la moitié des dépense fiscales associées à l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune. Si le dispositif de « rabot » proposé par le Gouvernement lors du projet de loi de finances ne concerne, comme l'actuel plafonnement, que l'impôt sur le revenu, il faudra l'étendre à l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- évidemment, aucun ajustement de grande envergure ne pourrait être réussi sans recourir à la TVA. Un taux réduit qui passerait de 5,5 % à 8 %, engendrerait un produit supplémentaire de 7 milliards d'euros. Après 2012, la mise en oeuvre d'une TVA sociale « à l'allemande » pourrait permettre de majorer de l'équivalent d'un point de taux normal le produit de cet impôt, soit 7 milliards d'euros.

- l'abaissement du point de sortie des allègements généraux de charges sociales pourrait être engagé dès 2012 ;

- les exemptions d'assiette , qui limitent les recettes de la sécurité sociale, pourraient commencer à être réduites. Le Gouvernement a employé cette méthode pour financer une partie de la réforme des retraites.

En dépenses :

- pour l'Etat, il est difficile d'imaginer aller beaucoup plus loin que l'application stricte de la norme « stabilisation en valeur des dépenses hors pensions et charge de la dette », car cela représente déjà un défi. La non revalorisation temporaire des pensions des retraités de la fonction publique serait le corollaire du gel du point d'indice. Comme l'a suggéré le Premier président de la Cour des comptes lors de son audition par votre commission des finances le 23 juin 2010, la « réduction de 10% des dépenses d'intervention et des dépenses courantes nécessite la modification du régime des guichets pour mieux cibler la dépense ».  La remise en cause de certaines lois de programmation doit aussi être envisagée ;

- dans ces conditions, l'ajustement des dépenses devrait porter également sur les administrations de sécurité sociale , qui doivent se livrer à une nouvelle vague de « RGPP sociale ». Mais le levier le plus fort réside, comme pour l'Etat, dans la non revalorisation du niveau des prestations légales . Concevable pour les prestations familiales , une telle mesure serait évidemment inenvisageable pour les retraites .

Pour votre rapporteur général, qui n'est pas un « fétichiste du solde », il serait tout aussi vertueux de ne pas atteindre l'objectif de 3 %, à la virgule près, en 2013, mais de procéder, à hauteur du différentiel, à un emprunt obligatoire auprès des ménages les plus aisés , qui viendrait marginalement réduire le besoin de financement de l'Etat sur les marchés et serait l'expression d'un partage équitable des efforts en période de crise . Au demeurant, pour les ménages intéressés, l'effort serait d'ailleurs limité puisque le capital serait garanti et même, faiblement, rémunéré.

A défaut d'emprunt obligatoire, le même objectif pourrait être atteint par la non-indexation du barème, ou d'une partie du barème de l'impôt sur le revenu.

Evidemment, ce plan de 50 milliards d'euros résulte de l'analyse de votre commission selon laquelle les recettes procurées par la croissance seront inférieures aux prévisions, de même que les économies attendues s'agissant des dépenses des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale hors régimes obligatoires de base. Si l'exécution était plus proche des prévisions du Gouvernement que de celles de votre commission, et notamment si le Gouvernement parvenait à atteindre ses objectifs en matière d'évolution des dépenses, le besoin d'ajustement supplémentaire serait réduit d'autant.

Les mesures de réduction du déficit de 2011 à 2013 : quelques ordres de grandeur

(en mesures nouvelles et en milliards d'euros constants)

2011

2012

2013

Total

Mesures déjà « documentées » par le Gouvernement

30

10

10

50

Dépenses

13,7

8,7

8,7

31,0

Etat hors plan de relance

5,0

5,0

5,0

15,0

Gel du point fonction publique (mesure annoncée pour 2011)

0,5

0,9

0,9

1,8

Plan de relance

5,0

5,0

Retraites

1,7

1,7

1,7

5,0

Assurance maladie

2,0

2,0

2,0

6,0

Recettes

16,0

1,3

1,3

18,5

Contrecoup des mesures fiscales déjà votées

10,0

10,0

Réductions de niches fiscales et sociales*

6,0

1,3

1,3

8,5

Réforme des retraites

3,0

3,0

Mesures complémentaires **

10

15

15/22

40/47

Dépenses

1,3

3,6

3,9

8,8

Non indexation des pensions de retraite de l'Etat

0,7

0,7

0,7

2,1

Non revalorisation des prestations légales de famille

0,6

0,4

0,7

1,7

RGPP des administrations de sécurité sociale

2,5

2,5

5,0

Recettes

8,8

11,0

11,5/

18,5

31,3/

38,3

CRDS (amendement CF PLFSS 2010)

1,8

1,8

Autres réductions de niches fiscales

5,0

5,0

10,0

Passage du taux réduit de TVA à 8 %

7,0

7,0

Abaissement du point de sortie des allégements généraux

1,0

1,5

2,5

Réduction d'exemptions d'assiette de sécurité sociale

5,0

5,0

10,0

Le cas échéant : augmentation d'1 point du taux normal de TVA

7

7

TOTAL

40

25

25/32

90/97

Dépenses

15

12

13

40

Recettes

25

12

13/20

50/57

Dont effort structurel

36

21

21/28

78/85

Emprunt obligatoire (n'améliorant pas le solde)

0

5

5

10

Total des mesures complémentaires

10

20

20/27

50/57

TOTAL GENERAL

40

30

30/37

100/107

* Le montant figurant dans le programme de stabilité 2010-2013 est de 6 milliards d'euros. Cependant, le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques évoque désormais un montant global de réductions de niches d'« au moins 8,5 milliards d'euros ».

** Compte tenu d'un probable optimisme du Gouvernement en matière de croissance du PIB et des dépenses des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et assurance vieillesse (cf. ci-avant).

*** Dispositifs ciblés de manière à ne pas avoir d'impact sur l'emploi.

Source : commission des finances

C. NE PAS S'INTERDIRE LE RECOURS À L'EMPRUNT OBLIGATOIRE

Lors du débat d'orientation des finances publiques pour 2010, votre rapporteur général avait versé au débat la proposition de mettre en oeuvre un emprunt obligatoire , conforme à l'exigence de solidarité dont doivent témoigner les contribuables les plus aisés en temps de crise et permettant de procurer à l'Etat des ressources aisément identifiables et sans coûts administratifs excessifs.

Un peu de recul historique indique d'ailleurs que la nécessité de faire contribuer des citoyens les plus aisés a très souvent justifié le recours à l'emprunt obligatoire . Ainsi de l'emprunt de 1644 « sur les riches et les aisés », des emprunts lancés en 1793 par la Convention nationale sur « les riches, les égoïstes et les indifférents », de l'emprunt du Directoire qui, en l'An IV, frappa le cinquième le plus imposé des contribuables. Plus récemment, deux emprunts obligatoires ont été lancés :

1) l'emprunt « libératoire 1976 » fut mis en oeuvre par le Gouvernement Barre, pour faire face aux conséquences de la sécheresse, et a concerné les plus gros contribuables à l'impôt sur le revenu ;

2) l'emprunt obligatoire de 1983 du Gouvernement Mauroy, fut assis sur les contribuables à l'IR dont la cotisation due au titre de 1981 était supérieure à 5 000 francs et aux assujettis à l'impôt sur la fortune.

Techniquement, un emprunt obligatoire couplé à l' impôt sur le revenu acquitté par les foyers aisés rendrait progressive la part prise par chaque contribuable dans le redressement des finances publiques.

Votre rapporteur général estime que près de 15 milliards d'euros pourraient être levés en trois ans, soit environ 5 milliards d'euros par an. Un tel montant annuel pourrait être mobilisé, chaque année, par un prélèvement supplémentaire de 10 % imposée aux 10 % des foyers fiscaux les plus aisés (qui acquittent 80 % du produit de l'IR), soit environ 4,8 milliards d'euros.

Le contexte de très faible taux que nous traversons autoriserait à servir une rémunération faible et qui devrait, en tout état de cause, être inférieure aux taux de marché pour une échéance donnée. L'inflation étant elle-même très basse, un emprunt obligatoire faiblement rémunéré ne représenterait qu'un « sacrifice » très modique pour les intéressés, sachant qu'ils bénéficieraient de la meilleure garantie possible de récupération de leur capital. Prétendre que cette opération serait assimilable à un impôt supplémentaire serait, par conséquent, contraire à la réalité économique.

TROISIÈME PARTIE QUELLE GOUVERNANCE POUR LES FINANCES PUBLIQUES ?

I. LES RÈGLES ACTUELLES : DES INTENTIONS LOUABLES, UN BILAN PEU FLATTEUR

A. LA PROGRAMMATION DES DÉPENSES DE L'ETAT

La loi de programmation des finances publiques comprend deux outils de pilotage des dépenses de l'Etat stricto sensu . Le premier, énoncé dans son article 5, dispose que la progression annuelle des dépenses de l'Etat n'excède pas l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation. Cette règle, en raison du périmètre qu'elle recouvre, est dénommée « norme de dépense élargie » .

Le second outil, dit de programmation triennale , figure à l'article 6 et consiste à fixer les montants d'autorisations d'engagements et de crédits de paiement des missions du budget général sur la période 2009-2011. Les développements qui suivent s'attachent à évaluer la portée et l'application de ces deux dispositifs.

1. La norme de dépense élargie : des intentions louables mais des effets limités
a) Un outil imparfait

La norme de dépense « élargie » agrège les dépenses du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements et hors fonds de concours, ainsi que les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne et les affectations de taxes à des opérateurs lorsque ces affectations viennent en substitution de crédits budgétaires. Cette norme est plus rigoureuse que la précédente en ce qu'elle permet de contenir les dérapages des prélèvements sur recettes, récurrents par le passé. Néanmoins, plusieurs séries de critiques ont pu être adressées à cette norme, intéressant son périmètre , son calcul et ses finalités .

Pour élargie qu'elle soit, la norme de dépenses ne couvre pas un certain nombre de « dépenses » de l'Etat, entendues au sens large. Il en va ainsi des dépenses portées par les comptes spéciaux , qu'il est difficile d'agréger aux dépenses budgétaires en raison des risques de double comptabilisation que l'exercice comporte, et des remboursements et dégrèvements d'impôts, qui répondent à une logique de recettes et sont, comme tels moins aisément pilotables que la dépense budgétaire au sens strict. A contrario , l'on peut légitimement se poser la question de l'inclusion dans la norme de dépenses du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne , notre contribution au budget communautaire dépendant de paramètres institutionnels que nous ne maîtrisons pas et ne pouvant, par conséquent, être pilotée annuellement.

Les dépenses fiscales ne sont pas davantage incluses dans le périmètre de la norme élargie, alors même que leur dynamisme vide en grande partie de sa portée l'exercice de maîtrise des dépenses de l'Etat. Les raisons techniques invoquées pour « piloter » séparément les dépenses fiscales, notamment au moyen d'une règle de gage largement inopérante ( cf. infra ), doivent pouvoir être surmontées.

L'Etat a également été prompt à considérer que certaines dépenses substantielles ne devaient pas être incluses dans la norme qu'il s'était donnée, en raison de leur caractère « exceptionnel » . Ainsi des crédits ouverts dans le cadre du Plan de relance, qui répondaient à une dégradation sans précédent de la conjoncture, appelant des mesures de soutien à l'investissement et à la consommation d'une ampleur incompatible avec le respect de la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat. Ainsi également, et de manière plus contestable, des « investissements d'avenir » prévus par la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 (n° 2010-237), et financés par des crédits « décaissés » en dehors de la norme de dépense alors même que les modalités retenues conduiront, pendant plusieurs années, à des flux financiers en direction des opérateurs, qui seront juridiquement des flux de trésorerie.

S'agissant ensuite du mode de calcul de la norme , la comparaison des dépenses d'une année sur l'autre exige des retraitements destinés à rapprocher des périmètres de dépenses similaires. Bien que ces retraitements soient explicités dans une charte de budgétisation annexée à chaque projet de loi de finances, des débats subsistent sur la nécessité de prendre ou de ne pas prendre en compte tel ou tel type d'opération. Techniquement nécessaires, ces ajustements et les controverses qu'ils suscitent ne contribuent ni à la lisibilité ni à la robustesse de la norme de dépense.

Enfin, et il s'agit du principal défaut de la norme élargie, une ambiguïté demeure sur les finalités de cet outil et sur ce qu'il convient de comparer par son truchement. Initialement, la norme de dépense a été conçue comme un instrument de pilotage des dépenses, donc comme un outil de construction des projets de loi de finances permettant de comparer, d'une année sur l'autre, les prévisions de dotations budgétaires pour s'assurer qu'elles respectaient un certain rythme d'évolution. Dans cette perspective, la norme de dépenses s'appréciait de loi de finances de l'année n à projet de loi de finances de l'année n +1.

L'expérience a néanmoins démontré qu'elle pouvait revêtir une autre signification, et s'apparenter à un instrument d'évaluation des efforts réellement accomplis pour tenir la dépense. Votre rapporteur général s'est efforcé de promouvoir cet usage en comparant, à l'occasion de l'examen des projets de loi de règlement, la progression des dépenses en norme élargie d' exécution de l'année n -1 à exécution de l'année n .

b) Un « zéro volume » souvent prévu, jamais atteint

Calculer l'évolution des dépenses « élargie » en exécution a permis d'établir que, si la norme était toujours respectée en prévision, elle l'était moins en réalisation :

1) de loi de finances pour 2007 à projet de loi de finances pour 2008, la règle du zéro volume était respectée, mais d'exécution 2007 à exécution 2008, la progression réelle des dépenses aura été de 0,5 % ;

2) de loi de finances pour 2008 à projet de loi de finances pour 2009, la règle du zéro volume était à nouveau respectée, mais d'exécution 2008 à exécution 2009, la progression réelle des dépenses aura été de 0,3 % en retranchant les effets du Plan de relance, mais de 4,8 % en les intégrant au calcul.

L'évolution de la dépense en norme élargie de l'exécution 2008 à l'exécution 2009, avec et hors effets du Plan de relance

(en millions d'euros)

R&D = remboursements et dégrèvements et PSR = prélèvements sur recettes Source : commission des finances, d'après la Direction du budget

Enfin, le Gouvernement lui-même aura été tenté de « jouer » sur les bases de calcul de la norme de dépense lorsque son respect menaçait d'être compromis . Ainsi de l'année 2009, où l'effondrement de l'hypothèse d'inflation à 0,4 % a rendu singulièrement plus complexe la tenue de l'objectif zéro volume, et a conduit le Gouvernement à proposer une méthode de calcul « innovante » de la norme.

Lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009, l'exécutif a ainsi pu soutenir qu'il convenait de recalculer la norme à partir de l'exécution 2008, et non de la prévision. De fait, l'exécution 2008 ayant connu une augmentation importante de la charge de la dette (+4 milliards d'euros), elle constituait un « point haut » à partir duquel il était plus facile de demeurer « dans les clous » de la norme l'année suivante : de 1,2 % de LFI 2008 à LFI 2009, la progression de la norme tombait à 0,0 % d'exécution 2008 à LFI 2009.

Au total, ces observations démontrent que si des intentions louables ont présidé à l'élaboration de la norme de dépense élargie, les défauts de conception initiale dont elle a pâti et le contexte économique « tourmenté » dans lequel elle a trouvé à s'appliquer en ont passablement réduit la portée.

Une norme respectée en prévision, moins en réalisation

* Hors Plan de relance

Source : commission des finances, d'après les projets de loi de finances pour 2008, 2009 et 2010 et les projets de règlement pour 2008 et 2009

2. Quel bilan pour la programmation triennale ?

Le deuxième instrument de pilotage de la dépense de l'Etat réside dans l'article 6 de la loi de programmation, qui fixe les montants des crédits alloués aux missions du budget général pour les années 2009 à 2011. Comme pour la norme de dépense, les circonstances ont voulu que la mise en oeuvre de cet outil coïncide avec une dégradation sans précédent de la conjoncture, qui en a profondément bouleversé les conditions d'application.

a) Une visibilité accrue pour les gestionnaires...

Selon l'annexe à la loi de programmation, le budget triennal repose sur le principe d'une « responsabilisation des ministères sur les plafonds pluriannuels par mission » , corollaire de la « visibilité donnée sur les enveloppes triennales allouées à chaque mission ».

Ce principe « implique que les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission soient gérés dans la limite du plafond de ses crédits, soit par redéploiement de dépenses discrétionnaires, soit par la réalisation d'économies » et suppose « d'une part, de ne pas procéder , sauf situation exceptionnelle, à la révision annuelle des plafonds par mission dans le cadre des projets de lois de finances successifs, d'autre part, de limiter l'ensemble des mouvements susceptibles d'affecter en cours d'année les plafonds définis par mission » . Par conséquent, les ajustements ponctuels, sans être interdits, « doivent rester limités et présenter un caractère subsidiaire par rapport aux mécanismes de responsabilisation ».

Construit sur des prévisions annuelles d'inflation naturellement soumises à aléas, le budget triennal prévoit, pour les années 2010 et 2011 :

1) un maintien des plafonds en cas d'inflation inférieure ou égale à la prévision, sauf contributions au compte d'affectation spéciale des pensions, et ce afin de favoriser la visibilité des gestionnaires en ne prévoyant pas d' ajustement systématique à la baisse des plafonds en cas de ralentissement de l'inflation ;

2) un ajustement du plafond global et des plafonds de certaines missions en cas d'inflation supérieure à la prévision, prioritairement opéré sur dotations dont l'évolution est directement corrélée au niveau de l'inflation (dette et pensions).

La combinaison de ces dispositions permet donc, en toute hypothèse, d'assurer le respect de la norme « zéro volume ». Enfin, le budget pluriannuel intègre une réserve de budgétisation inscrite à la mission « Provisions » et destinée à abonder exceptionnellement les plafonds des années 2010 et 2011. Cette réserve répond à la nécessité de provisionner les risques inhérents à la programmation, qu'ils soient liés à la conjoncture économique ou à certaines dépenses accidentelles et imprévisibles.

b) ... qui n'incite pas à exploiter tous les gisements d'économies

Votre rapporteur général s'est attaché à évaluer quelle application avait été faite de cette programmation triennale en 2009 et 2010. A titre liminaire, une remarque méthodologique s'impose : rapprocher les montants de crédits effectivement consommés en 2009 aux plafonds de la loi de programmation implique :

1) de neutraliser les rattachements de fonds de concours et les transferts de crédits entre missions ayant lieu en gestion, et en particulier les transferts à partir de la mission Plan de relance ;

2) d'identifier, parmi les crédits transférés au titre du Plan de relance, ceux qui ont fait l'objet d'une consommation effective en 2009 , ce qui n'est pas toujours aisé au moyen de la documentation budgétaire, car ces crédits s'agrègent à des crédits existants et que les rapports annuels de performances ne précisent pas systématiquement les taux de consommation spécifiques aux crédits « relance » ;

3) de comparer des enveloppes délimitées selon les mêmes critères, ce que ne favorise pas la multiplicité des conventions de présentation des dépenses d'un document à un autre , exprimées avec ou sans titre 2, avec ou sans contributions au CAS « Pensions »...

2009 étant la première année d'application de la « pluri-annualité », et compte tenu des difficultés méthodologiques qui viennent d'être exposées, votre rapporteur général et ses collègues rapporteurs spéciaux auraient pu s'attendre à ce que les rapports annuels de performances et le projet de loi de règlement de l'année comportent systématiquement des développements spécifiquement consacrés au respect de la loi de programmation, étayés sur des chiffrages homogènes . De fait, chaque rapport annuel de performances comportait, dans son sommaire, une rubrique consacrée au « Bilan de la première année de la programmation pluriannuelle ». Les développements placés sous cette rubrique sont toutefois demeurés étrangement lapidaires, en particulier lorsqu'il s'agissait de rapprocher les dépenses réelles des plafonds prévus.

Cette remarque n'est pas seulement de forme : toute règle de gouvernance des finances publiques se trouve privée de réelle portée si le contrôle de son application ne peut se faire qu'au prix d'infinies manipulations techniques et s'il n'est pas possible d'en mesurer immédiatement le respect. Il conviendra, dans ces conditions, que les normes futures que les administrations publiques entendent se donner puissent faire l'objet d'une définition robuste et d'une application aisément contrôlable .

Pour 2009, et hors plan de relance, les dépenses au sens du projet de loi de règlement ont excédé de 2 milliards d'euros en CP les plafonds des missions du budget triennal. Hors fonds de concours, ces dépenses sont néanmoins inférieures de 1,5 milliard d'euros à ces plafonds. La programmation a donc été respectée en 2009 .

On doit néanmoins observer que, du fait de la faible inflation, des économies automatiques ont été enregistrées, par rapport aux plafonds, sur les charges de pensions (inférieures de 1 milliard d'euros) et sur la charge de la dette (inférieure de 5,35 milliards d'euros).

Cette marge de manoeuvre supplémentaire a été utilisée par l'Etat pour apurer près de 2 milliards d'euros de dettes anciennes à l'égard de la sécurité sociale, ce qui laissait subsister une marge sous plafond de 4,4 milliards d'euros. L'écart au plafond n'ayant été que de 1,5 milliard d'euros, ce sont près de 3 milliards d'euros qui ont été redéployés pour diverses dépenses discrétionnaires ( cf . tableau).

Le respect de la programmation pluriannuelle en 2009

(en milliards d'euros)

LPFP = loi de programmation des finances publiques ; PLR = projet de loi de règlement pour 2009 Source : commission des finances

Les mêmes causes ont entraîné les mêmes effets en 2010 , où les hypothèses d'inflation ont été sérieusement révisées à la baisse par rapport à la programmation triennale, pour s'établir à 1,2 %, alors que les plafonds avaient été construits sur une hypothèse d'1,75 %. Selon sa propre analyse de la situation, le Gouvernement a donc adopté une attitude particulièrement vertueuse en s'astreignant à respecter la norme « zéro volume » dans un contexte de baisse de l'inflation, et ce sans y être obligé par la programmation triennale.

L'équation est néanmoins plus complexe. De fait, la baisse importante de l'inflation permet à nouveau au Gouvernement d'enregistrer « automatiquement » des économies substantielles par rapport aux anticipations ayant servi de support à la construction du budget pluriannuel. De telles économies concernent, en 2010, les dépenses de pensions , en baisse de 1,5 milliard d'euros par rapport au cadrage pluriannuel, en raison de revalorisations moindres que prévues, la charge de la dette , en recul de 2,7 milliards d'euros par rapport au montant prévu dans le budget pluriannuel, sous l'effet de la baisse des taux d'intérêt et de la faible inflation, les crédits de la mission « Défense » , en baisse de 0,57 milliard d'euros et les concours de l'Etat aux collectivités territoriales , dont la progression est indexée sur l'inflation. Il en résulte une diminution globale de 300 millions d'euros , à raison de 200 millions d'euros au titre du prélèvement sur recettes et de 100 millions d'euros au titre de la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite à la mission « Travail et emploi ».

Bénéficiant d'une marge globale sous plafond de 5 milliards d'euros, le Gouvernement a néanmoins révisé les plafonds de la programmation triennale dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques pour 2010, afin de réallouer près de 3 milliards d'euros aux missions supportant les effets de la crise économique . Ces redéploiements se sont étendus à des dépenses discrétionnaires , cinq autres missions voyant leur plafond relevé d'un total de 700 millions d'euros en conséquence des « orientations nouvelles de la politique gouvernementale ».

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, votre rapporteur général a, en conséquence, pu observer que seules 7 missions sur 32 présentaient des dotations conformes ou inférieures à la programmation pluriannuelle. Dans ces conditions, les dépenses, hors pensions et hors relance n'ont pu être globalement inférieures de 900 millions d'euros au montant prévu par la loi de programmation que grâce aux économies réalisées sur la charge de la dette (-2,56 milliards d'euros par rapport aux plafonds). Sans cette économie, la programmation aurait été dépassée de 1,67 milliard d'euros, et ce alors même qu'elle avait été établie sur la base d'une hypothèse d'inflation bien plus élevée.

La démonstration est encore renforcée si l'on ne tient pas compte de l'économie engendrée au titre de la mission « Défense », pour laquelle les plafonds de la loi de programmation ont été revus à la baisse en raison du vote de la loi de programmation militaire, moins favorable sur le plan budgétaire. Ainsi, les seules dépenses des missions « civiles » dépassent, dans le projet de loi de finances pour 2010, de 3,5 %, soit 2,5 milliards d'euros, les plafonds de la loi de programmation des finances publiques.

Ces constatations illustrent bien l'esprit dans lequel le budget triennal a été conçu : l'absence d'ajustement systématique à la baisse des plafonds en cas de ralentissement de l'inflation assure une visibilité aux gestionnaires. La contrepartie en est la tentation, pour l'Etat, de « recycler » les économies de constatation en dépenses nouvelles et de n'en pas tirer le parti maximum. Visiblement, le Gouvernement n'y a pas résisté...

Comparaison, hors charges de pensions, des plafonds des missions dans la loi de programmation et des plafonds du projet de loi de finances pour 2010 (au format « loi de programmation »)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

B. LA PROGRAMMATION DES DÉPENSES SOCIALES

Créée en 1996, la loi de financement de la sécurité sociale devait permettre de placer le pilotage financier de la sécurité sociale au coeur du débat public et de rationaliser la prise de décision politique dans le domaine sanitaire et social.

Toutefois, quatorze ans après le vote de la première loi de financement de la sécurité sociale, le cadre organique des lois de financement défini en 1996, puis en 2005, n'est pas encore satisfaisant en termes de programmation des dépenses sociales. Pour la seule branche maladie, la somme des dépassements cumulés depuis 1997 s'élève à 19,4 milliards d'euros. A titre de comparaison, le déficit de la branche devrait atteindre 13,1 milliards d'euros en 2010 pour le seul régime général.

1. De la différence irréductible entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale

Comme le rappelait notre collègue Jean-Jacques Jégou dans son avis sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale en 2005, il existe une « différence irréductible entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale . La limite principale des lois de financement de la sécurité sociale réside dans l'absence de contrainte juridique forte s'agissant du respect des objectifs de dépenses fixés chaque année par le Parlement, notamment de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à la différence par exemple de ce qui existe avec la loi de finances : le Parlement autorise un plafond de dépenses, qui ne constitue en aucun cas une obligation de dépenses. En revanche, ce plafond de dépenses ne peut être dépassé et diverses procédures sont prévues pour permettre de respecter l'autorisation parlementaire (virements de crédits, transferts, gels, annulations) ».

Dans la continuité de ce raisonnement, votre rapporteur général rappelait, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2008, les règles budgétaires différentes qui président à l'élaboration des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et, citant un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances, notait ainsi que :

« - pour l'Etat, le principe de l'élaboration du projet de loi de finances est celui d'une norme a priori d'évolution des dépenses en volume, indépendante de la prévision de recettes fiscales. L'évolution spontanée des recettes influe, le cas échéant, sur les décisions prises en matière d'allégements fiscaux mais n'a pas d'impact sur les arbitrages en dépenses ;

« - pour les différentes branches de la sécurité sociale, les cibles définies à moyen terme portent sur le solde (objectif de retour progressif à l'équilibre). Les objectifs de dépenses figurant en projet de loi de financement de la sécurité sociale sont en partie déterminés en fonction des recettes prévisibles et d'un rythme de redressement du solde. Dès lors, les prévisions retenues en matière de recettes dans le PLFSS ont un impact déterminant sur le choix des mesures d'économies en dépense ou de hausse des prélèvements » .

Or l'application de cette logique peut présenter un effet pervers : elle conduit à se concentrer sur un pilotage du solde qui peut être défavorable en termes d'évolution des dépenses. S'agissant de la branche famille, par exemple, le raisonnement en termes de solde, plutôt favorable jusqu'à une période récente puisque cette branche enregistrait des excédents, a conduit à la création de nouvelles dépenses.

De même, les mesures d'urgence de redressement du solde ont pu souvent, plus commodément, se tourner vers une augmentation de la recette plutôt que vers un effort plus soutenu encore de maîtrise de la dépense ou de redéfinition du partage entre assurance et solidarité.

2. Une programmation encore largement fictive des dépenses sociales
a) La programmation pluriannuelle instaurée en 2005, un exercice à ce jour peu concluant

Conformément à la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, tous les projets de loi de financement présentent des projections pluriannuelles .

Chaque année, la loi de financement laisse ainsi entrevoir une réduction des déficits, voire un retour à l'équilibre, des régimes obligatoires de base. Mais, cet exercice s'avère en réalité très formel puisque d'année en année, ces horizons sont repoussés .

Le cas de la branche maladie du régime général est, de ce point de vue, le plus remarquable. Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 évoquait un retour à l'équilibre financier de la branche en 2007 grâce à la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie, celui-ci a ensuite été ensuite systématiquement reporté :

- à 2009, en loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ;

- à 2010, dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et à 2012 dans le scénario économique bas ;

- à 2012, dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ;

- à 2012, dans les projections initiales proposées par le PLFSS pour 2009. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, après la révision des hypothèses macroéconomiques apportée par le Gouvernement au cours de l'examen du texte par le Parlement, a finalement fait apparaître un déficit prévisionnel de la branche de 2 milliards d'euros en 2012.

La loi de financement pour 2010 prévoit un déficit de la branche maladie de 11,6 milliards d'euros à l'horizon 2013. Pour la première fois, tout retour à l'équilibre est durablement perdu de vue .

b) L'ONDAM, un objectif une seule fois respecté depuis sa création

Depuis 1997, le Parlement est amené à voter, chaque année, en loi de financement de la sécurité sociale, un objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Or, à l'exception de 1997, première année d'application du cadre organique défini en 1996, l'ONDAM n'a jamais été respecté ( cf. graphique).

Deux principaux éléments expliquent cette tendance : d'une part, l'évaluation peu réaliste des mesures d'économies qui sous-tendent la construction de l'ONDAM et donc son respect et, d'autre part, les phénomènes dits de « rebasage » qui contribuent à consolider les dépassements au lieu d'appeler un effort de maîtrise supplémentaire des dépenses.

Réalisation et dépassements de l'ONDAM depuis 1997

(en milliards d'euros)

Source : direction de la sécurité sociale, graphique cité dans le rapport du groupe de travail, présidé par Raoul Briet, sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie, avril 2010

Note de lecture : en abscisses figure le niveau de dépenses constaté et en ordonnées le taux d'évolution associé ; la taille des bulles représente l'ampleur du dépassement ou de la sous-consommation. Ainsi, en 2007, les dépenses dans le champ de l'ONDAM ont atteint 147,7 milliards d'euros compte tenu d'un dépassement de 2,8 milliards d'euros, soit un taux d'évolution à périmètre constant de 4,2 %.

Sur ce dernier point, le processus de détermination de l'ONDAM consiste chaque année à appliquer à une base, après prise en compte du ou des changements de périmètre de l'ONDAM, un taux d'évolution prévisionnel qui synthétise les effets contraires de l'évolution tendancielle des dépenses et des économies attendues.

Or une difficulté permanente pour la fixation de l'ONDAM réside dans la détermination des bases auxquelles sont appliqués les taux d'évolution . Ces bases sont définies en fonction :

- d'une part, des réalisations prévues pour l'année en cours, puisqu'elles ne peuvent pas être connues exactement au moment du vote de la loi de financement. Les prévisions utilisées s'avèrent donc plus ou moins éloignées de la réalité constatée ensuite dans les comptes ;

- d'autre part, du choix des pouvoirs publics de prendre en compte en tout ou partie le dépassement prévu de l'ONDAM de l'année qui se termine.

Cette « technique du rebasage » fausse donc l'appréciation de l'évolution des dépenses d'assurance maladie d'une année sur l'autre et peut ainsi conduire à neutraliser les dépassements en les incluant dans la base de l'ONDAM de l'année suivante, créant un effet cliquet par rapport aux dépenses constatées.

Le dépassement de l'ONDAM 2007 - 2,8 milliards d'euros - s'explique ainsi en partie par cet effet « base » : dès la fin mars 2007, la direction de la sécurité sociale évaluait à 700 millions d'euros l'effet de base ce qui rendait impossible, dès cette date, le respect de l'objectif de dépenses fixé pour 2007.

Les effets de base perturbent également l'appréciation du respect ou non des taux des différents sous-objectifs de l'ONDAM . Ainsi, par exemple, le dépassement de l'ONDAM hospitalier 2008, à hauteur de 150 millions d'euros, était-il « sous-estimé ». En effet, ce dépassement a été constaté en dépit d'une surévaluation de la base retenue pour la construction de l'ONDAM 2008 de 200 millions d'euros et d'un gel de crédits destinés au fonds de modernisation des établissements publics et privés (FMESPP) de 100 millions d'euros. Ces deux éléments n'auraient dû rendre que plus aisé le respect du sous-objectif relatif aux établissements de santé.

Concrètement, les dépenses de l'assurance maladie augmentent chaque année dans une proportion plus importante que la programmation votée par le Parlement, non seulement en raison de l'évolution des dépenses réelles, plus élevée que la prévision , mais aussi en raison de la variation annuelle des bases de l'ONDAM. Cela conduit à consolider les dérapages et à ne jamais les remettre en cause.

3. Une procédure d'alerte bienvenue mais qui peut être améliorée

Comme cela a été indiqué précédemment, bien que constituant un progrès significatif, la mise en place d'un comité d'alerte en cas de risque de dépassement de l'ONDAM a également montré ses limites :

- il n'a pas répondu à son objectif en 2007, première mise en oeuvre de la procédure . Les mesures de redressement sont en effet intervenues trop tardivement et ont eu un effet très limité puisqu'elles ont eu un impact de 250 millions d'euros en 2007 - avec un effet report de 700 millions d'euros en 2008 - pour un dépassement effectif de 2,8 milliards d'euros ;

- effet pervers du système, la référence à la « bonne gestion » s'est ensuite en quelque sorte déplacée du strict respect de l'ONDAM vers le non-franchissement du seuil d'alerte qui représente une marge de dépassement de près de 1,2 milliard d'euros ;

- enfin, le Gouvernement peut être tenté d'exclure certaines dépenses du champ de la procédure d'alerte . Ainsi, en dépit des initiatives de notre collègue Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, la loi de financement pour 2010 prévoit qu'à titre exceptionnel, les dépenses supplémentaires liées à la grippe A (H1N1) ne sont pas prises en compte pour l'évaluation du risque de dépassement de l'ONDAM 2010 par le comité d'alerte. Cette mesure crée un précédent préjudiciable pour la crédibilité de cet outil de régulation.

La procédure d'alerte en cas de risque de dépassement de l'ONDAM

Pour éviter les dépassements de l'ONDAM voté, la loi précitée du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie a créé un comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie , chargé d'alerter le Parlement, le Gouvernement et les caisses nationales d'assurance maladie en cas d'évolution des dépenses d'assurance maladie incompatible avec le respect de l'ONDAM.

Le risque de dépassement est jugé sérieux si son ampleur prévisible est supérieure à un seuil, fixé par décret, de 0,75 % de l'ONDAM. Le risque est alors notifié au Parlement, au Gouvernement et aux caisses nationales d'assurance maladie. Celles-ci proposent des mesures de redressement. Le comité rend un avis sur l'impact financier de ces mesures et, le cas échéant, de celles que l'Etat entend prendre pour sa part.

La mise en oeuvre des propositions du groupe de travail, présidé par Raoul Briet, devrait participer au renforcement de cet outil de régulation.

C. LES RÈGLES DE PROTECTION DES RECETTES

1. Le contournement de la règle actuelle de gage des niches

La loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 comporte des dispositions de nature à sécuriser les prélèvements obligatoires.

Il en existe deux principales :

- l'article 11 oblige, chaque année, à gager les mesures nouvelles accroissant les niches fiscales (y compris, semble-t-il, celles de fiscalité locale) ou sociales par d'autres mesures nouvelles relatives aux niches de sens contraire ;

- l'article 10, qui ne s'entend qu'à l'échéance de la période de programmation (soit 2012) interdit de fait de prendre des mesures nouvelles (qu'elles concernent ou non des niches) qui, considérées globalement, réduiraient les recettes fiscales de l'Etat ou les recettes sociales.

a) L'obligation de gager annuellement les créations de « niches » fiscales ou sociales est interprétée de manière laxiste par le Gouvernement

(1) L'article 11 de la loi de programmation des finances publiques

L'article 11 de la loi de programmation des finances publiques comprend une « règle de gage », selon laquelle les créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales sont compensées par des suppressions ou diminutions d'autres « niches » de la même catégorie.

A l'initiative de votre commission des finances, les dispositions de l'article 11 ont été « durcies ». Ainsi, contrairement au texte initial, la règle fixée par l'article 11 s'entend au titre de chaque année de la période de programmation (et non de la période de programmation considérée globalement).

Dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, le Gouvernement indiquait : « Les articles de loi nécessaires au respect de la règle de gage devront être soumis au vote du Parlement dans le cadre du PLF ou du PLFSS suivant l'adoption de la dépense fiscale ou de la niche sociale (ou du même PLF / PLFSS pour les mesures qui y figurent) et non pas reportés à la date d'entrée en vigueur de la mesure, même si celle-ci est éloignée dans le temps ».

Ainsi, il faut distinguer deux cas de figure :

- les niches fiscales créées par un projet de loi de finances doivent être gagées par ce même projet de loi de finances ;

- celles créées hors PLF doivent être gagées par le projet de loi de finances suivant.

Dans le même rapport, le Gouvernement indiquait son intention de ne pas prendre en compte les créations ou extensions de niches instaurées par le plan de relance, en principe non pérennes.

(2) La décision du Gouvernement de considérer que cette disposition ne s'applique qu'à la situation en « régime de croisière »

Le Gouvernement retient une interprétation laxiste de la règle de « gage des niches », qui la vide de fait de l'essentiel de sa portée.

En effet, il indique, dans son rapport précité relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, que « le coût des dépenses fiscales et des niches sociales à prendre en compte pour le gage devra être apprécié en régime de croisière ».

Ainsi, il met en avant le fait que les mesures relatives aux niches fiscales prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 auront pour effet, en 2013 (soit une année après la fin de la période couverte par la loi de programmation des finances publiques), d'accroître ces niches de seulement 0,2 milliard d'euros. Cependant, les années précédentes les alourdissements nets de niches fiscales seront significatifs : 2,2 milliards d'euros en 2010, 1,3 milliard d'euros en 2011, et encore 1 milliard d'euros en 2012.

La mise en oeuvre de la règle de gage des mesures relatives aux niches fiscales prévue par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques

(en milliards d'euros, par rapport à la situation à droit 2008 inchangé)

2010

2011

2012

2013

Droit antérieur au projet de loi de finances pour 2010

Mesures proposées par le Gouvernement en PLF 2009

0,6

0,8

0,8

0,8

dont mesure agrocarburants

0,6

0,8

1,1

1,1

dont autres mesures proposées en PLF 2009

0,0

0,0

-0,3

-0,3

Coût des amendements au PLF 2009

-0,3

-0,1

0,2

0,9

dont amendement mesure agrocarburant

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

dont amendement demi-part supplémentaire

0,1

0,3

0,6

0,9

dont autres amendements

-0,4

-0,3

-0,3

0,1

Coût des mesures nouvelles mise en place par d'autres lois

-2,8

-2,5

-2,5

-2,4

dont loi outre-mer

-0,3

-0,3

-0,4

-0,3

dont loi pour le logement

-0,1

0,0

0

0,1

dont TVA restauration (loi de développement et de modernisation des services touristiques)

-3,0

-3,0

-3,0

-3,0

dont Loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion

0,6

1,0

1,0

1,0

dont basculement d'une partie de la PPE vers le RSA

0,3

0,6

0,6

0,6

dont suppression du dégrèvement d'office de TH attaché au statut de bénéficiaire du RMI

0,4

0,4

0,4

0,4

dont LFR 2008 et 2009

0,0

-0,1

-0,1

0,0

DROIT ACTUEL

-2,5

-1,8

-1,5

-0,7

Mesures proposées par le Gouvernement en PLF 2010

Total

0,3

0,5

0,5

0,5

Impact de la suppression de la TP

0,8

0,8

0,8

0,8

Impact taxe carbone

-0,6

-0,6

-0,6

-0,6

dont impact RSTA

0,1

0,1

0,1

0,0

Modification des modalités de taux réduit de TVA sur travaux de rénovation

0,1

0,1

0,1

0,1

Verdissement du CI TEPA

0,0

0,0

0,1

0,2

Autres variations

-0,1

0,0

0,1

0,1

Solde après prise en compte du présent projet de loi de finances

Solde

-2,2

-1,3

-1,0

-0,2

Remarque importante : contrairement à ce qui est habituellement le cas, la présentation retenue par le Gouvernement, et conservée ici, prend pour référence le droit de 2008 (et non le droit de l'année précédente, ce qui correspond à la présentation dite en « mesures nouvelles »). Ainsi, en 2010 l'ensemble des mesures relatives aux niches prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 aggraveront le déficit de 2,2 milliards d'euros, et en 2013 elles l'aggraveront de 0,2 milliard d'euros.

Un signe négatif indique un coût.

Conformément à l'interprétation de la règle de gage faite par le Gouvernement dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, les mesures du plan de relance ne sont pas prises en compte.

Sources : projet de loi de finances pour 2010, tome II du fascicule « Voies et moyens »

Cette réduction nette des nouvelles niches prévue entre 2010 et 2013 vient du fait que loi de finances pour 2009 comprend diverses dispositions dont l'impact évoluerait au cours du temps :

- l'amendement sur la demi-part supplémentaire, après avoir rapporté seulement 0,1 milliard d'euros en 2010, en rapporterait 0,9 milliard en 2013 ;

- les autres amendements, considérés globalement, coûteraient 0,4 milliard d'euros en 2010 mais rapporteraient 0,1 milliard d'euros en 2013.

La prise en compte du seul impact à long terme des dispositions relatives aux niches vide la règle de la loi de programmation des finances publiques de l'essentiel de sa portée. En effet, on conçoit bien que le Gouvernement de 2013 ne se sentira pas lié par les décisions prises par le Gouvernement actuel, et que rien ne l'empêcherait, si la règle de compensation des niches est toujours en vigueur, d'instaurer à son tour de nouvelles niches, dont la durée serait limitée à quelques années ou qui seraient compensées par des mesures ne devant entrer en vigueur que progressivement.

Par ailleurs, le coût effectif des mesures en « régime de croisière » ne pourra être vérifié que trop tardivement pour qu'il soit possible de juger de l'effectivité de l'application de la règle. Cette interprétation n'est évidemment pas conforme à l'esprit de la loi.

2. Une application de la règle de gage global de l'ensemble des mesures nouvelles fiscales ou sociales d'ici 2012 qui suscite des interrogations
a) Une disposition qui ne doit pas forcément s'appliquer annuellement

La principale disposition de la loi de programmation des finances publiques tendant à sécuriser les prélèvements obligatoires est son article 10, qui prévoit qu'au titre de la période de programmation, les mesures nouvelles (qu'il s'agisse ou non de la création de « niches » : cela inclut donc les autres allégements, mais aussi les alourdissements) relatives aux recettes fiscales nettes de l'Etat ou aux recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peuvent avoir pour conséquence de réduire ces recettes par rapport à certains niveaux , définis en euros courants. Cette règle doit être appliquée séparément à ces deux catégories de recettes (une consolidation globale n'est pas possible).

Dans la situation actuelle, les recettes étant nettement inférieures à ces montants, et devant probablement le rester d'ici 2012, cela signifie que la sommation de toutes les mesures nouvelles de 2009 à 2012 (les créations et extensions de niches, mais aussi les autres allégements, ainsi que les alourdissements) devra être neutre ou positive.

Les mesures nouvelles relatives aux impôts locaux ne sont pas concernées, la loi se référant explicitement aux « recettes fiscales nettes de l'Etat ».

On rappelle que le Gouvernement a donné un avis défavorable à un amendement de votre commission des finances, selon lequel cette règle s'apprécierait chaque année. Il convient donc d'être vigilant sur son application effective d'ici 2012.

b) L'obligation d'alourdir d'ici 2012 les prélèvements obligatoires d'environ 6 milliards d'euros par rapport au droit actuellement prévu

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, votre commission des finances s'était efforcée de synthétiser les principales mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires prévues en 2009, 2010 et 2011. Au total, l'ensemble de ces mesures s'élevait à 6,6 milliards d'euros (correspondant essentiellement à la TVA restauration et à la suppression de la taxe professionnelle). Si l'on prend en compte l'Etat et la sécurité sociale, seuls concernés par les règles fixés par la loi de programmation des finances publiques, les mesures nouvelles de 2009-2011 auront pour effet d'accroître les recettes de 2011 de 3,4 milliards d'euros. Cependant, la règle s'applique séparément à l'Etat et à la sécurité sociale. Comme les mesures nouvelles accroissent les recettes de la sécurité sociale de 3,1 milliards d'euros et réduisent celles de l'Etat de 6,5 milliards d'euros, c'est uniquement ce dernier chiffre qui doit être retenu.

Certes, d'autres interprétations de la règle sont possibles. Il n'est pas précisé, par exemple, si elle s'entend ou non au sens de la comptabilité nationale, ou si les mesures nouvelles résultant, à compter de 2009, de textes antérieurs à la loi de finances initiale pour 2009, doivent ou non être prises en compte. Cette règle n'en semble pas moins impliquer que d'ici 2012, en sus des mesures nouvelles actuellement prévues, soient prises des mesures nouvelles augmentant les recettes fiscales nettes de l'Etat de l'ordre de 6 milliards d'euros (soit environ 0,3 point de PIB), soit un ordre de grandeur cohérent avec les annonces du programme de stabilité.

Les modalités retenues par le Gouvernement pour l'application de l'article 11 précité de la loi de programmation laissent cependant craindre qu'il considère que cette règle s'entend également en « régime de croisière ». Il pourrait ainsi considérer que les mesures destinées à « gager » d'ici 2012 les diminutions nettes de recettes fiscales de l'Etat ou de recettes des régimes obligatoires de base n'ont pas vocation à entrer en vigueur en 2012, mais peuvent le faire bien au-delà, ce qui, là encore, priverait la règle de l'essentiel de sa portée.

II. UN CHANTIER INSTITUTIONNEL À OUVRIR

Les règles qui s'appliquent aujourd'hui aux dépenses et aux recettes sont contournées. La programmation n'est ni crédible, ni respectée, en dépit de la consécration constitutionnelle de « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Tout en gardant à l'esprit qu'aucune réforme institutionnelle ne saurait se substituer aux principes fondamentaux (sincérité, transparence, lisibilité, équilibre) et à la volonté de les respecter, il est désormais raisonnable de considérer que la crédibilité de l'engagement de la France en matière de redressement de ses finances publiques passe par une réforme de leur gouvernance. L'Allemagne s'étant dotée d'une règle de solde, de niveau constitutionnel, dans un monde où les apparences sont déterminantes, tout État qui n'en ferait pas autant est réputé moins vertueux.

A l'issue de la conférence sur le déficit du 28 janvier 2010, le Président de la République a souhaité que la France se dote d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques.

Le Premier ministre a demandé au Gouverneur Michel Camdessus d'animer un groupe de travail chargé d'élaborer une règle ayant pour objet, selon sa lettre de mission, de « rompre avec une trajectoire de finances publiques qui a laissé émerger un déficit public chronique et conduit l'endettement de la France à passer de 20 point de PIB au début des années 80 à plus de 80 points en 2010 ». Le président et le rapporteur général de votre commission des finances ont eu l'honneur de faire partie de ce groupe de travail dont les conclusions ont été regroupées dans un rapport remis au Premier ministre le 25 juin 2010.

A. LA NORME SUPÉRIEURE POLITIQUE, SINON JURIDIQUE : LE PROGRAMME DE STABILITÉ

1. L'objectif politique : en finir avec le double langage

La trajectoire pluriannuelle sur laquelle s'engage la France est celle qui résulte du programme de stabilité transmis au mois de janvier à la Commission européenne, et qui reprend généralement, en la développant, la programmation pluriannuelle des finances publique annexée au projet de loi de finances.

C'est cette trajectoire qui importe aux observateurs de nos finances publiques.

Le programme de stabilité doit donc être considéré comme la « norme supérieure » en matière de finances publiques, de laquelle doit découler le contenu de toutes les autres normes : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale et loi de programmation des finances publiques.

Dès lors, pour faire écho à la proposition fréquemment avancée - et retenue par l'Allemagne - relative à la mise en en place d'une règle de solde pour piloter les finances publiques, on peut considérer qu'une telle règle existe déjà : la limitation du déficit à 3 % du PIB, prévue par les traités.

On doit désormais raisonner à l'échelle de l'ensemble des administrations publiques, en considérant notamment que la séparation entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale est simplement fonctionnelle, les grands équilibres devant être appréciés de manière consolidée. Au demeurant, nos partenaires européens, en règle générale, ne connaissent pas cette dualité de documents budgétaires.

Si les lois financières devenaient une déclinaison des engagements pris dans le programme de stabilité, la cohérence des dispositifs serait mieux assurée et le double langage, c'est-à-dire l'écart entre les ambitions affichées dans la programmation transmise à nos partenaires et les décisions réellement mises en oeuvre par les lois financières annuelles, ne serait plus possible, améliorant ainsi notre crédibilité.

2. Première conséquence : un programme de stabilité voté par le Parlement

Paradoxalement, le document qui détermine la trajectoire pluriannuelle sur laquelle s'engage la France, et dont doit découler le contenu des autres textes relatifs aux finances publiques, n'est pas soumis au Parlement préalablement à sa transmission, ni pour qu'il y soit voté, ni même pour qu'il soit informé.

Dès lors que la stratégie des finances publiques a pour objet de respecter la trajectoire définie par le programme de stabilité, l'assentiment du Parlement est indispensable .

Il serait logique et conforme à l'esprit du législateur organique, qui a inscrit dans la loi organique relative aux lois de finances que le rapport du Gouvernement remis avant le 30 juin de chaque année comporte « une description des grandes orientations de sa politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France », de clore par le vote sur l'actualisation du programme de stabilité triennal la session budgétaire de printemps, qui s'ouvre avec la loi de règlement et s'achève avec le débat d'orientation des finances publiques,.

3. Deuxième conséquence : une trajectoire pluriannuelle des finances publiques qui s'impose aux lois financières

Les instruments existant aujourd'hui en matière de programmation des finances publiques n'ont aucun effet. Le débat d'orientation des finances publiques, en dépit des prescriptions de l'article 48 de la loi organique relative aux lois de finances, ne traite que marginalement des orientations au-delà de l'année à venir et porte essentiellement sur le budget de l'Etat ; la programmation pluriannuelle annexée aux lois de finances reste informative ; les lois de programmation des finances publiques, désormais mentionnées à l'article 34 de la Constitution, constituent plus un outil méthodologique pour le ministère du budget que des textes véritablement normatifs.

Le caractère impératif du respect de la trajectoire ne pourra être affirmé que si les lois financières annuelles sont soumises à des règles contraignantes. Il convient donc de soumettre les lois financières annuelles à une norme de niveau supérieur. Dans notre ordre juridique, il peut s'agir de dispositions constitutionnelles ou organiques. Le rapport du groupe de travail animé par Michel Camdessus préconise la création de « lois-cadre de programmation des finances publiques », dont la Constitution affirmerait la primauté sur les lois financières annuelles.

B. UN IMPÉRATIF POLITIQUE À TRANSPOSER DANS NOTRE ORDRE JURIDIQUE

1. Les critères d'une bonne règle

Une bonne règle d'équilibre des finances publiques doit répondre aux critères suivants :

- la règle doit imposer au gouvernement des contraintes quantitatives claires en matière d'action à mener pour réduire le déficit ;

- elle doit être suffisamment souple pour ne pas enfermer l'action politique dans un chemin unique (ce qui risquerait de conduire rapidement à sa remise en cause) ;

- elle ne doit pas susciter le risque de polémiques entre un comité d'experts indépendants et le Gouvernement (ce qui ruinerait sa légitimité) ;

- elle doit être non manipulable par les gouvernements ;

- elle doit être compréhensible par l'opinion, faute de quoi elle ne sera pas perçue comme légitime.

Les préconisations avancées ci-après (la « règle de sincérité » et la « règle de responsabilité »), développées par le président et le rapporteur général de votre commission des finances devant le groupe de travail animé par Michel Camdessus, s'inspirent de ces principes.

2. Une « règle de sincérité » pour assurer la compatibilité entre le programme de stabilité et les lois financières
a) Une exigence démocratique et constitutionnelle

Les lois de finances sont souvent construites en fonction d'hypothèses économiques légèrement plus optimistes que celles du « consensus des économistes ». En revanche, les programmes de stabilité sont construits en fonction d'hypothèses exagérément optimistes.

La cohérence entre les deux documents ne pourra être assurée que si, comme nous y invite l'article 47-2 de la Constitution qui dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères », les hypothèses retenues sont effectivement sincères. Dans ces conditions, les programmes de stabilité pourraient être construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années (seule référence qui interdise toute manipulation) ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe . Cette règle n'empêcherait évidemment pas le Gouvernement de publier ses prévisions de croissance du PIB.

Le nouveau gouvernement britannique a abandonné son pouvoir de fixation des hypothèses économique à un organisme indépendant. Le groupe de travail animé par Michel Camdessus suggère de créer un groupe indépendant dont les missions « consisteraient d'abord à rendre un avis public sur la pertinence des prévisions retenues dans les projets de lois-cadre de programmation des finances publiques et tout projet de loi financière. Ses membres pourraient aussi exprimer un avis sur la conformité et la crédibilité de ces textes et des efforts envisagés pour respecter la trajectoire retenue afin de parvenir à l'équilibre et respecter une trajectoire d'endettement conforme à nos engagements ». Votre rapporteur général reste très sceptique sur l'intérêt de ce groupe d'experts, et considère que les commissions des finances des assemblées disposent des éléments techniques nécessaires et d'une légitimité beaucoup plus indiscutable.

La sincérité des hypothèses retenues pour la programmation de la trajectoire des administrations publiques (croissance, élasticité des recettes, rythme de progression des dépenses des différents sous-secteurs notamment) est une exigence d'autant plus forte si l'on considère - comme on le propose ci-après - que la contrainte juridique ne peut peser que sur l'Etat et la partie des administrations de sécurité sociale couverte par la loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire les régimes obligatoires de base. En effet, des prévisions excessivement optimistes en matière de maîtrise de la dépense ou de réduction du solde des administrations locales ou des administrations de sécurité sociale hors régimes obligatoires de base (en particulier de l'assurance chômage), comme c'est le cas aujourd'hui, pourraient conduire à définir pour l'Etat et les régimes obligatoires de base une trajectoire qui, même si elle était respectée, serait insuffisante pour respecter la trajectoire de solde global . La règle perdrait alors tout crédit.

b) Une règle qui doit accompagner l'amélioration de la transparence des comptes publics

En tout état de cause, la mise en oeuvre de cette « règle de sincérité » doit s'inscrire dans le cadre de l'amélioration de la transparence des comptes publics en France et en Europe.

Il faut tirer les leçons de l'importance désormais accordée aux programmes de stabilité et à leur respect en adaptant la présentation de nos données statistiques. Car aujourd'hui, le suivi précis de l'exécution des programmes de stabilité est impossible : la croissance des dépenses des catégories d'administrations publiques est définie par les programmes de stabilité selon la comptabilité nationale et à périmètre constant, alors que l'Insee ne publie les chiffres qu'à périmètre courant (et par ailleurs considère les administrations de sécurité sociale de manière globale). Cette situation ne peut perdurer.

La réforme des règles nationales doit s'accompagner d'une rénovation du cadre européen et en particulier de la création d'une Autorité européenne des comptes publics , compétente pour définir la méthodologie permettant d'aboutir à l'homogénéité des normes de présentation des budgets nationaux, de leur exécution et des situations patrimoniales des Etats.

Une publication coordonnée des prévisions et exécutions budgétaires doit être envisagée. Il convient d'encourager une coopération entre Etats visant à promouvoir un consensus macro-économique européen duquel émergeraient des prévisions harmonisées en termes d'évolution des prix, de la croissance du PIB, de la parité euro-dollar ou encore du prix des matières premières.

c) La nécessité d'une explicitation des hypothèses en matière d'évolution des dépenses publiques

Actuellement les hypothèses du Gouvernement en matière d'évolution des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques sont très insuffisamment explicitées.

Tout d'abord, les hypothèses d'évolution des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques (Etat, organismes divers d'administration centrale, administrations de sécurité sociale, administrations publiques locales) doivent être indiquées pour chacune des années de la programmation. Il n'est pas envisageable en effet que, comme dans le cas du programme de stabilité 2010-2013, la croissance des dépenses soit présentée de manière moyenne sur la période. Cela empêche de juger de la vraisemblance de la programmation (dans le cas du programme de stabilité 2010-2013, il est par exemple impossible de savoir quelles sont les hypothèses moyennes sur la période 20 11 -2013), et empêche tout suivi de l'exécution.

Ensuite, les hypothèses financières de chaque sous-catégorie d'administrations de sécurité sociale (régimes obligatoires de base, régimes complémentaires de retraites, UNEDIC...) doivent être clairement explicitées. Il est en effet paradoxal que, d'un côté, les programmes de stabilité indiquent les principales hypothèses relatives aux administrations de sécurité sociale dans leur globalité, que de l'autre, les lois de financement de la sécurité sociale ne s'intéressent qu'aux régimes obligatoires de base, et que l'on soit obligé de raisonner « par différence » pour essayer de deviner, par exemple, l'hypothèse de solde de l'UNEDIC. On a vu que le dépassement des hypothèses de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale associées aux programmes de stabilité constitue la principale cause de non respect de la norme de croissance des dépenses publiques , en particulier du fait de l'irréalisme des hypothèses retenues en matière d'évolution du taux de chômage. Ce « point de fuite » pourrait être limité si le Gouvernement présentait au Parlement des prévisions plus détaillées, au besoin sanctionnées par un vote. On pourrait par exemple prévoir que les lois de financement de la sécurité sociale comprennent en annexe non seulement la programmation des recettes et des dépenses des régimes obligatoires de base, mais aussi celles des autres administrations de sécurité sociale.

3. Une « règle de responsabilité » pour rendre le dispositif contraignant et opérationnel

Il est évident que la nouvelle règle ne doit pas consister en une obligation de conformité du solde budgétaire annuel de l'Etat et des organismes de base de la sécurité sociale aux soldes prévus dans le programme de stabilité. Cela serait artificiel puisque le critère de solde figurant dans les traités porte sur un périmètre plus large que celui de l'Etat et de la sécurité sociale, puisqu'il comprend aussi les administrations locales. En outre, ces soldes étant exprimés en termes nominaux, cela reviendrait à faire dépendre la régularité des lois financières des fluctuations de la conjoncture.

Mais à l'inverse, si l'on souhaite que la trajectoire soit connue et comprise, il importe de faire apparaître le montant total du déficit, sans distinguer sa composante structurelle de sa composante conjoncturelle. Il est également nécessaire de l'exprimer à la fois de manière concrète, en milliards d'euros, et en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), seule façon pertinente de procéder à des comparaisons entre États. C'est à ce prix que l'opinion publique sera réellement associée au respect de la trajectoire de convergence.

Pour tenir compte de ces deux écueils, on peut proposer une « règle de responsabilité » qui serait véritablement contraignante, porterait sur des décisions relevant uniquement de la compétence du Gouvernement et du Parlement et permettrait d'assurer la cohérence avec le programme de stabilité.

a) Une règle qui encadre uniquement les décisions relevant de la compétence du Gouvernement et du Parlement

Pour atteindre les objectifs de solde fixés par la programmation pluriannuelle, le Gouvernement fait des hypothèses en matière d'évolution « spontanée » des recettes et des dépenses et, par différence, décide des mesures nécessaires pour combler l'écart.

La responsabilité politique doit porter uniquement sur ces dernières décisions, celles qui sont discrétionnaires, indépendantes de la conjoncture et relèvent de la compétence des pouvoirs publics, c'est-à-dire les mesures nouvelles en recettes et l'évolution des dépenses.

Le groupe de travail sur la recherche d'une règle d'équilibre des finances publiques a formalisé un dispositif relevant de cette logique, en suggérant que le support de la programmation soit une loi-cadre pluriannuelle :

« Ce texte de nature pluriannuelle fixerait, en euros constants, pour chaque année de la période de programmation considérée :

« - le plafond du niveau des dépenses de l'État entrant dans le champ de la loi de finances (LF) et le plafond du niveau des dépenses de la sécurité sociale entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ;

« - le plancher des recettes de l'État et de la sécurité sociale (dans le champ de la LFSS) résultant de facteurs autres que l'évolution spontanée des produits , notamment les mesures nouvelles concernant les prélèvements obligatoires au sens de l'évaluation des voies et moyens annexée à la loi de finances ».

Selon la commission des finances, l'effort à consentir chaque année en recettes et en dépenses devrait être actualisé chaque année, conjointement au programme de stabilité triennal et aux hypothèses économiques qui le sous tendent. Seules les dispositions relatives aux dépenses et aux mesures nouvelles en recettes auraient valeur législative, supérieure à la loi ordinaire pour les raisons déjà évoquées. Le programme de stabilité et les hypothèses économiques figureraient dans en annexe à la loi.

Ainsi, le contrôle de constitutionnalité ne porterait pas sur le solde mais sur les mesures mises en oeuvre pour atteindre l'objectif de solde.

b) Une règle qui doit pouvoir être pilotée en temps réel

Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre.

Dans le même esprit, le groupe de travail animé par Michel Camdessus a proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte. Votre rapporteur général souscrit à cette proposition.

Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante , dans la LFI et la LFSS, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée.

c) Une règle dont l'application serait contrôlée par le Conseil constitutionnel

La règle ne sera contraignante que si son respect est contrôlé de manière systématique par le Conseil constitutionnel. Sans risque réel de censure, la règle sera contournée.

Le contrôle de constitutionnalité pourrait intervenir à un double niveau :

- au stade de la promulgation, le Conseil devrait s'assurer que l'ensemble constitué par la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale est conforme à la programmation ;

- en cas de dérapage constaté postérieurement à l'exécution (norme de dépense non respectée, mesures nouvelles en recettes plus coûteuses que prévu), des mesures correctrices devraient être prises dans la loi de finances et la loi de financement pour l'année suivante. Les dérapages de l'année n seraient donc automatiquement corrigés en n+2 et l'absence de mesures correctrices dans la plus prochaine loi de finances ou loi de financement emporterait une censure.

Un tel dispositif implique une saisine de plein droit du Conseil constitutionnel. Car, afin de ne pas rigidifier l'action des gouvernements, le contrôle doit être conjoint aux deux textes financiers , une moins value de recettes fiscales pouvant ainsi, par exemple, être compensée par une mesure nouvelle en matière de recettes sociales. Un contrôle conjoint par le juge constitutionnel présenterait l'avantage d'être pédagogique en favorisant une approche consolidée des finances publiques et serait en outre une manière de surmonter la séparation en la loi de finances et la loi de financement, dans l'attente d'un éventuel rapprochement entre ces deux textes. Or un contrôle conjoint serait impossible si le Conseil n'était pas saisi, ou s'il n'était que de l'un des deux textes.

Les conséquences d'une censure devraient en outre être précisées, pour que celle-ci ne conduise pas à une politique plus laxiste que celle prévue par les textes censurés.

Evidemment, ce dispositif serait opérationnel à la seule condition que l'ensemble des mesures ayant une incidence sur les prélèvements obligatoires prises au cours d'une année figure dans les seules loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale.

C. D'UTILES RÈGLES DE COMPORTEMENT

1. Le monopole des lois financières sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires

Outre les raisons évoquées ci-dessus, une révision en ce sens de la Constitution est une condition de la cohérence des orientations en matière de finances publiques, puisque chaque mesure coûteuse serait appréciée non seulement au regard de ses effets sectoriels mais également sur le solde des administrations publiques.

Elle serait également facteur de hiérarchisation des priorités de l'action publique puisque les mesures sectorielles se feraient concurrence entre elles, toutes ne pouvant être retenues.

La pratique conduit malheureusement à constater qu'il serait illusoire de parier sur un sursaut comportemental de la part des ministres et des parlementaires. Une règle est indispensable. Du choix de la créer ou non dépend clairement la crédibilité de nos intentions. C'est pour nous la clé de l'ensemble du processus. Sans cette règle, le double langage, en d'autres termes l'écart de la parole aux actes, continuera d'être une tentation à laquelle la « classe politique » ne pourra résister .

Le Gouvernement l'a compris et, sans attendre la consécration constitutionnelle de ce principe, le Premier ministre a pris le 4 juin 2010 une circulaire relative aux mesures fiscales et aux mesures affectant les recettes de la sécurité sociale, invitant les membres du Gouvernement à s'y plier. Votre commission des finances y veillera.

2. La limitation dans le temps de la durée d'application des dispositions dérogatoires en matière de recettes de l'Etat et de la sécurité sociale

Le caractère opérationnel des dispositions de la loi de programmation des finances publiques relatives à la « durée de vie limitée des niches » est discuté car, même si cette interprétation est partagée par le Gouvernement, la Cour des comptes et votre commission des finances, il reste possible de contester l'assertion selon laquelle une disposition fiscale figurant dans une loi postérieure à l'entrée en vigueur de la loi de programmation, également de valeur ordinaire, est effectivement bornée dans le temps.

Cette ambiguïté serait levée si cette règle figurait dans un texte de rang organique. Ainsi, les dispositifs dérogatoires disparaîtraient automatiquement de la législation, sauf reconduction explicite, à l'issue de la période de quatre ans. Les bénéficiaires de ces régimes, et les administrations qui les promeuvent, seraient fortement incités à procéder à des évaluations détaillées et convaincantes de l'utilité des différentes mesures.

ANNEXES

ANNEXE 1  PRINCIPAUX CHIFFRES RELATIFS À L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE STABILITÉ

Sources : Insee, programmes de stabilité concernés.

Remarque : la croissance indiquée dans le cas des programmes de stabilité est la croissance annuelle moyenne sur la période.

A. LE SOLDE PUBLIC

(voir page suivante)

Le solde des administrations publiques : prévision et exécution

(en points de PIB)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Solde public effectif

-1,8

-1,5

-1,5

-3,1

-4,1

-3,6

-2,9

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

programme de stabilité 2000-2002

-2,3

1,2

programme de stabilité 2001-2003

-1,7

-0,5

programme de stabilité 2002-2004

-1

-0,5

programme de stabilité 2003-2005

-1,4

-1,3

-0,5

0

programme de stabilité 2004-2006

-2,6

-2,1

-1,6

-1

programme de stabilité 2005-2007

-3,55

-2,9

-2,2

-1,5

programme de stabilité 2006-2008

-2,9

-2,2

-1,6

-0,9

programme de stabilité 2007-2009

-2,9

-2,6

-1,9

-1

programme de stabilité 2008-2010

-2,5

-1,8

-0,9

0

programme de stabilité 2009-2012 I

-1,7

-1,2

-0,6

0

programme de stabilité 2009-2012 II

-3,9

-2,7

-1,9

-1,1

Loi de prog. des finances publiques

-4,4

-3,1

-2,3

-1,5

programme de stabilité 2010-2013

-8,2

-6

-4,6

-3

B. LA CROISSANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES

(voir page suivante)

La croissance des dépenses publiques en volume

(en %)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Croissance observée

0,7

2,3

0,9

1,5

1,1

2,6

1,9

2,1

3,9

2,3

2,2

2,6

1,6

2,6

1,0

3,7

programme de stabilité 2000-2002

1,1

1,1

1,1

programme de stabilité 2001-2003

1,3

1,3

1,3

programme de stabilité 2002-2004

1,5

1,5

1,5

programme de stabilité 2003-2005

1,3

1,3

1,3

programme de stabilité 2004-2006

1,3

1,3

1,3

programme de stabilité 2005-2007

1,1

1,1

1,1

programme de stabilité 2006-2008

1,2

1,2

1,2

programme de stabilité 2007-2009

0,6

0,6

0,6

programme de stabilité 2008-2010

0,6

0,6

0,6

programme de stabilité 2009-2012 I

1,1

1,1

1,1

1,1

programme de stabilité 2009-2012 II

1,125

1,125

1,125

1,125

1,125

programme de stabilité 2010-2013

0,6

0,6

0,6

La croissance des dépenses de l'Etat en volume (au sens de la comptabilité nationale)

(en %)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Croissance observée volume

-1,1

-1,1

2,2

3,1

-1,4

4,5

-0,9

1,5

4,2

-0,3

4,2

1,3

-3,7

-2,2

0,1

4,1

programme de stabilité 2000-2002

programme de stabilité 2001-2003

programme de stabilité 2002-2004

programme de stabilité 2003-2005

0,7

0,7

0,7

programme de stabilité 2004-2006

0,8

0,8

0,8

programme de stabilité 2005-2007

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2006-2008

0,2

0,2

0,2

programme de stabilité 2007-2009

0,0

0,0

0,0

programme de stabilité 2008-2010

-0,5

-0,5

-0,5

programme de stabilité 2009-2012 I

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2009-2012 II

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

programme de stabilité 2010-2013

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

La croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale en volume

(en %)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Croissance observée en volume

1,4

2,6

0,9

1,5

2,2

2,4

2,1

3,4

4,2

3,2

3,1

3,0

1,2

3,8

0,3

4,4

programme de stabilité 2000-2002

1,5

1,5

1,5

programme de stabilité 2001-2003

1,4

1,4

1,4

programme de stabilité 2002-2004

1,6

1,6

1,6

programme de stabilité 2003-2005

1,5

1,5

1,5

programme de stabilité 2004-2006

1,6

1,6

1,6

programme de stabilité 2005-2007

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2006-2008

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2007-2009

0,9

0,9

0,9

programme de stabilité 2008-2010

1,1

1,1

1,1

programme de stabilité 2009-2012 I

1,9

1,9

1,9

1,9

programme de stabilité 2009-2012 II

1,75

1,75

1,75

1,75

1,75

programme de stabilité 2010-2013

1,6

1,6

1,6

1,6

La croissance des dépenses des collectivités territoriales en volume (au sens de la comptabilité nationale)

(en %)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Croissance observée en volume

0,9

5,9

4,9

7,3

4,2

4,4

6,0

1,4

2,9

programme de stabilité 2000-2002

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2001-2003

1,9

1,9

1,9

programme de stabilité 2002-2004

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2003-2005

2,2

2,2

2,2

programme de stabilité 2004-2006

1,9

1,9

1,9

programme de stabilité 2005-2007

2

2

2

programme de stabilité 2006-2008

1,8

1,8

1,8

programme de stabilité 2007-2009

0,5

0,5

0,5

programme de stabilité 2008-2010

2

2

2

programme de stabilité 2009-2012 I

1,4

1,4

1,4

programme de stabilité 2009-2012 II

1,25

1,25

1,25

1,25

1,25

programme de stabilité 2010-2013

0,9

0,9

0,9

0,9

ANNEXE 2  CIRCULAIRE DU PREMIER MINISTRE SUR LES NICHES FISCALES ET SOCIALES

(cf. page suivante)

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Réunie le mercredi 23 juin sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires sociales, à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2011.

M. Jean Arthuis , président. - L'audition du Premier président de la Cour des comptes constitue un moment essentiel pour préparer l'examen du projet de loi de règlement des comptes et le débat d'orientation budgétaire, qui auront lieu cette année au Sénat le 8 juillet, respectivement le matin et l'après-midi, conformément au « chaînage vertueux » retenu par les pères de la loi organique relative aux lois de finances.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . - Je suis honoré de cette audition commune consacrée à la présentation du rapport 2010 sur la situation et les perspectives des finances publiques établi par la Cour des comptes pour laquelle je suis accompagné de Christian Babusiaux et Rolande Ruellan, présidents de chambre, ainsi que d'autres collègues. Ce rapport, établi conformément à l'article 58-3° de la LOLF, complète le rapport sur les résultats et l'exécution du budget de l'État et l'acte de certification de ses comptes, que j'ai présentés à la commission des finances le 26 mai dernier, ainsi que l'acte de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, qui a été rendu public hier et que j'exposerai à la commission des affaires sociales le 6 juillet prochain.

Pour en résumer les conclusions, la dégradation très sérieuse de nos finances publiques en 2009 et au début de 2010 n'est pas encore irréversible si la France s'attelle dès maintenant à une action de redressement forte, crédible et durable. Si le mal qui atteint nos finances publiques est chronique, ce dont témoignent les précédents rapports de la Cour, la maladie a franchi un nouveau stade. Il y a urgence à la traiter, sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté.

Avant de décrire les perspectives, arrêtons-nous quelques instants sur les exercices 2009 et 2010.

En 2009, notre déficit et notre endettement publics ont atteint un niveau sans précédent depuis l'après-guerre. Le déficit public s'est élevé à 7,5 % du PIB, en raison d'un accroissement des dépenses publiques de 3,7 % en volume et d'une baisse du produit des prélèvements obligatoires de plus de 5 % par rapport à 2008. Si l'on exclut les mesures liées à la crise - soit le plan de relance de 7 milliards, le remboursement anticipé de TVA aux collectivités pour un coût de moins de 1 milliard et un accroissement de 4 milliards des allocations chômage -, le rythme d'augmentation des dépenses publiques est de 2,4 %, un chiffre bien supérieur à celui de 1% prévu dans la loi de programmation. En outre, les charges d'intérêt payées au titre de la dette ont fortement diminué du fait de la baisse des taux. Autrement dit, ce sont les dépenses courantes, hors intérêts de la dette, hors investissement, et hors mesures de relance et d'assurance chômage, qui ont progressé de 3,7 % en volume. L'année 2009 a donc été marquée par un « phénomène de décompensation », un relâchement des efforts de maîtrise des dépenses publiques dans tous les secteurs, dont s'était inquiété Philippe Séguin devant vous l'an dernier. Quant à la baisse des recettes, majoritairement attribuable à la récession et, dans une moindre mesure, au volet fiscal du plan de relance, elle est également la conséquence de baisses pérennes de prélèvements obligatoires, telle la diminution du taux de TVA sur la restauration, et des hausses de recettes affectées aux organismes de protection sociale ou aux collectivités territoriales. Le coût net de ces mesures nouvelles a aggravé le déficit public de 2,5 milliards en 2009. Du côté des dépenses comme des recettes, la crise n'explique donc qu'une partie de la dégradation de nos finances publiques. Pour dresser un diagnostic précis du mal, il est nécessaire de procéder à de savants calculs, sur la base d'une prévision de croissance potentielle. Le chiffrage de la Cour ne prend pas en compte les mesures de relance, considérées comme non pérennes, contrairement à la Commission européenne qui retient, en conséquence, un niveau de déficit structurel sensiblement plus élevé que le nôtre. D'après nos calculs, le déficit structurel est de 5 % du PIB en 2009, contre 3,9 % en 2008, la crise et les mesures de relance expliquant seulement un tiers du déficit global.

Je ne reviens pas sur la forte augmentation du déficit public de 4,2 points de PIB, principalement attribuable à l'État et à ses divers organismes d'administration centrale, que j'avais évoquée à l'occasion de la présentation du rapport sur les résultats et l'exécution budgétaire de l'État.

L'année 2009 aura également été marquée par une forte hausse des déficits sociaux du fait d'une croissance des dépenses de 4,5 %, après une augmentation de 3,1 % en 2008, conjuguée à une diminution des recettes due à la baisse en valeur de la masse salariale privée de 1,3 %. Ce déficit atteint 20,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 3,2 milliards de déficit pour le fonds de solidarité vieillesse. En 2009, les quatre branches du régime général sont dans le rouge. L'assurance maladie, avec un solde négatif de plus de 10 milliards, est responsable de la moitié du déficit d'ensemble des branches. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été à nouveau dépassé de 700 millions en 2009, du fait d'une sous-estimation des dépenses hospitalières et de la réalisation incomplète des économies prévues en loi de financement. Le déficit de la branche retraite continue de se creuser pour atteindre 7,2 milliards, confirmant la tendance observée depuis 2005, malgré une croissance moins vive des prestations servies grâce au ralentissement des départs anticipés. La branche famille enregistre également un déficit important de 1,8 milliard, alors qu'elle était proche de l'équilibre en 2008. Quant à l'assurance chômage qui avait dégagé d'importants excédents en 2007 et 2008, elle est redevenue déficitaire en 2009 avec un résultat négatif de plus de 1 milliard.

Dans ce panorama, les collectivités territoriales se distinguent : leur déficit, qui a diminué de plus de 3 milliards en 2009, représente désormais 0,3 % du PIB, contre 0,4 % en 2008. Leurs recettes ont progressé plus fortement que leurs dépenses, grâce aux remboursements anticipés de TVA qui n'ont guère relancé l'investissement. Leurs dépenses de fonctionnement ont décéléré sensiblement par rapport aux années précédentes, sauf pour les intercommunalités. Néanmoins, ces évolutions positives masquent l'aggravation de la situation financière de nombreux départements, victimes d'un effet de ciseau entre le dynamisme des dépenses sociales et la faible progression de leurs recettes.

Plus préoccupant, le déficit primaire, c'est-à-dire hors charges d'intérêts de la dette, est passé de 0,5 % en 2008 à 5,1 % du PIB en 2009. Dans ces conditions, il est impossible de stabiliser l'endettement en pourcentage du PIB, la France devant emprunter pour payer les intérêts de la dette et une partie des dépenses courantes hors intérêt. C'est le fameux effet boule de neige décrit par Philippe Séguin l'an dernier. La dette au sens du traité de Maastricht a augmenté en une seule année de plus de dix points de PIB. Elle représente 78,1 % du PIB, soit presque 1 500 milliards. La dette publique est portée à près de 80 % par l'État et les organismes qui lui sont rattachés, dont l'endettement a progressé de 135 milliards en 2009. La dette sociale a augmenté, pour sa part, de 31 milliards, si l'on tient compte des 24 milliards de découvert de trésorerie de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) fin 2009. Au total, avec les déficits transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et non amortis, la dette sociale atteint près de 150 milliards, soit quasiment le niveau de la dette locale qui s'établit à 157 milliards. Toutefois, la dette sociale est profondément anormale, les cotisations devant couvrir les prestations, quand la dette locale, elle, résulte d'investissements et a pour contrepartie des actifs.

Pour mieux comprendre l'état de nos finances publiques, recourons à des comparaisons internationales. Notre position, défavorable l'an dernier, l'est restée. Notre déficit et notre dette publics ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, malgré une récession moins violente et un plan de relance d'une ampleur plus limitée. Plus inquiétant : le décrochage de la France par rapport à l'Allemagne. Notre déficit public, inférieur à celui constaté outre-Rhin entre 2002 et 2005, est supérieur de plus de quatre points de PIB en 2009. De même, notre déficit structurel est supérieur de quatre points de PIB à celui de l'Allemagne en 2009 quand la différence était d'un point en 2006. Quant à l'écart entre les soldes primaires français et allemand, il dépasse pour la troisième année consécutive les trois points de PIB, un niveau jamais atteint. Notre dette publique qui était inférieure à celle de l'Allemagne jusqu'à fin 2007, lui est désormais supérieure de cinq points. D'aucuns considèrent que ces écarts croissants tiennent à une gestion trop restrictive des finances publiques en Allemagne. Pour autant, la dégradation de notre position en Europe est également patente lorsque l'on nous compare à l'Italie : notre déficit public comme notre solde structurel sont supérieurs depuis trois ans à ceux de l'Italie, même si notre dette reste inférieure.

Pour 2010, le Gouvernement annonce une nouvelle dégradation : le déficit et la dette publics atteindraient respectivement 8 % et 83,7 % du PIB. Cette évolution s'explique par une croissance de 1,7 % des dépenses publiques en volume, hors relance et allocations chômage, soit un niveau bien supérieur à l'objectif de 0,6 % retenu pour la période 2011-2013 ; et par une insuffisante sécurisation des recettes résultant, entre autres, de la réforme de la taxe professionnelle. Dès lors, le déficit structurel atteindra 5,7% du PIB, soit une hausse de 100 milliards. L'ensemble des administrations publiques sera concerné en 2010, même si les organismes sociaux seront les plus affectés en raison du faible dynamisme de la masse salariale. En retenant les hypothèses du Gouvernement, le déficit du régime général sera proche de 27 milliards, dont la moitié proviendra de l'assurance maladie, auquel il faut ajouter le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui s'établira à 4,3 milliards ; celui de l'assurance chômage atteindra 10 milliards. Le déficit budgétaire de l'État sera de 152 milliards -un record. La prévision d'un fort rebond de recettes fiscales nettes apparaît volontariste au regard de la précédente récession de 1993, qui s'était traduite par une élasticité des recettes fiscales sensiblement inférieure à l'évolution du PIB pendant trois ans. Dans ce contexte, l'augmentation de près de 12 milliards de recettes fiscales fin avril 2010 doit être interprétée avec une grande précaution. Elle traduit d'abord le contrecoup des mesures de relance de début 2009. Ce déficit record est surtout la conséquence de la réforme de la taxe professionnelle d'un coût net de 12,7 milliards et des 35 milliards de dépenses d'investissements d'avenir. Certes, les investissements d'avenir auront un faible impact en 2010 sur le déficit et l'endettement publics au sens de Maastricht. En effet, les 35 milliards, déposés auprès du Trésor, seront versés, pour partie, par tranches de 4 à 5 milliards chaque année sur une période de quatre ans, sans être inclus dans la norme de dépenses. Le reste de cette somme, non consomptible, donnera lieu au versement d'intérêts de 600 millions par an qui seront, eux, intégrés dans la norme de dépense, ce qui accroîtra d'autant l'effort nécessaire de réduction des dépenses courantes de l'État. Pour autant, ce programme d'investissement augmentera la dette de 19 milliards en 2014, sans compter la charge cumulée des intérêts de plus de 11 milliards durant la période 2010-2020.

L'année 2010 sera probablement marquée par une nouvelle dégradation de la capacité d'autofinancement des collectivités, et en particulier des départements du fait de la forte croissance des dépenses sociales. Leur besoin de financement progressera dans un contexte d'incertitudes sur l'évolution du cadre institutionnel et financier des collectivités et de baisse des remboursements de la TVA.

Résultat : le déficit public de la France restera plus élevé que celui des pays de la zone euro et de l'Union européenne, supérieur de trois points de PIB à celui de l'Allemagne. La dette publique sera dans les moyennes communautaires, mais son déficit structurel continuera d'être plus élevé.

Le futur n'est pas davantage rassurant. Les conditions d'un retour à un déficit public de 3 % du PIB, objectif affiché par le Gouvernement, sont loin d'être assurées à ce jour. Le programme de stabilité adressé à la Commission est fondé sur une croissance de 2,5 % par an entre 2011 et 2013. Le Gouvernement a, en effet, privilégié un scénario de rattrapage rapide des pertes de production, plus favorable que les scénarios du rapport Cotis-Champsaur. L'élasticité des recettes semble surévaluée tandis que l'objectif de progression des dépenses, de 0,6 % par an, paraît très ambitieux. Comment dégager 45 milliards d'économie, et beaucoup plus sur les dépenses primaires pour compenser la hausse des charges d'intérêt, au vu des décisions qui font suite à la publication du Livre blanc sur la défense nationale ou encore de l'accroissement des dépenses fiscales prévues au titre du Grenelle de l'environnement ? En outre, il sera difficile à l'État de diminuer de 1 à 2 points le rythme des dépenses des administrations locales et sociales, faute de leviers efficaces pour les réguler.

A moyen terme, la soutenabilité des finances publiques de la France n'apparaît pas assurée. Si l'on retient une croissance de 2,25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, le déficit public et la dette dépasseront en 2013 respectivement 6 % et 93 % de la richesse nationale. Le redressement de nos finances publiques est désormais un impératif. Il faut un traitement immédiat, continu et massif de nos déséquilibres financiers pour réussir à faire atterrir cet avion gros porteur qu'est la France, lancé à pleine vitesse, sur une piste qui se réduit à mesure que notre endettement devient de moins en moins supportable.

Parmi les causes de déséquilibres financiers qui menacent à court terme la soutenabilité des finances publiques figurent les retraites avant la mise en oeuvre des mesures récemment annoncées par le Gouvernement. Le rôle de la Cour n'est pas de prendre parti sur celles-ci, mais de mesurer leur impact. Le chiffrage du besoin de financement par le conseil d'orientation des retraites (COR), à l'horizon 2050, est de 114 milliards pour l'ensemble des régimes de retraite, selon le scénario le plus pessimiste, soit 3 % du PIB. La réforme aura un effet structurel à long terme, c'est-à-dire à l'horizon 2020. Pour autant, ces calculs ne tiennent pas compte des charges d'intérêts au titre des déficits cumulés des régimes, supérieures en 2050 à 114 milliards. Les mesures annoncées par le Gouvernement réduiront relativement peu le déficit à court terme alors que la moitié du problème de financement des retraites se pose dès maintenant. Le déficit hors intérêts, de 1,7 % du PIB en 2010 selon le COR, doit être traité par des mesures d'impact immédiat pour enrayer l'effet boule de neige des intérêts de la dette.

En outre, les comparaisons internationales montrent que la France devra faire un effort de redressement équivalent aux autres pays européens pour compenser la situation initiale plus dégradée de ses finances publiques. La réforme des seules retraites ne suffira pas à traiter un problème financier global, qui appelle des mesures continues et vigoureuses de l'État, des organismes sociaux et des collectivités. Depuis des années, il y a un décalage permanent entre les dépenses et les recettes publiques : les dépenses ne sont couvertes qu'à hauteur de 86 % en 2009 et les recettes de l'État couvrent à peine plus de la moitié de ses dépenses nettes. Le Gouvernement a annoncé des mesures d'approche pour réduire la progression des dépenses fiscales, des dépenses d'intervention ou des dépenses de fonctionnement de l'État et de ses opérateurs. La diminution du déficit structurel de 1 point de PIB chaque année sur la période 2011-2013, soit 20 milliards par an, à laquelle il s'est engagé devant le Conseil de l'Union européenne, devra être impérativement tenue. Il revient au Gouvernement et au Parlement de décider des modalités de cet ajustement budgétaire, difficile, mais non impossible comme l'ont prouvé de nombreux pays.

Si la Cour n'a pas pour rôle de mettre au point un programme qui engagerait des choix collectifs, elle est fondée, de par la mission d'assistance qui lui est confiée par la Constitution, à identifier les termes du débat, le niveau des efforts à accomplir et à proposer des pistes de réflexion. Il convient d'abord de déterminer la part respective que doivent jouer la hausse des recettes et la réduction des dépenses dans le redressement. Pour la Cour, l'effort doit porter prioritairement sur la dépense publique, dont les effets sont plus durables pour la consolidation des comptes publics. Cela implique une politique, plus ambitieuse que celle de la révision générale des politiques publiques, consistant à réexaminer l'ensemble des dépenses publiques, et notamment les plus coûteuses : les prestations sociales, qui représentent le tiers des dépenses publiques, les rémunérations, qui en constituent le quart, mais également les dépenses d'assurance maladie, dont le déséquilibre est tout aussi fort que celui des retraites. De telles réformes structurelles nécessitent, au préalable, une réflexion sur le bien-fondé et l'efficacité de l'intervention publique afin de ne pas dégrader la qualité du service rendu. La Cour entend prendre toute sa part dans la revue générale des programmes, conformément à sa nouvelle mission constitutionnelle.

Les réformes structurelles ayant un impact budgétaire souvent très progressif, il faut dès à présent mettre l'accent sur les dépenses d'intervention. Depuis de trop nombreuses années, nous avons pris la mauvaise habitude de tenir un guichet ouvert pour des publics sans cesse plus nombreux. L'insuffisante sélection de la dépense publique conduit à un saupoudrage, que la Cour a déjà souligné en matière d'aides personnelles au logement ou au développement des entreprises. En attendant, il faudra prendre des mesures à effet rapide, quitte à ce qu'elles soient temporaires. Ainsi, pourrions-nous gager toute nouvelle dépense publique de manière à ce que la satisfaction des nouveaux besoins soit strictement réalisée par redéploiement. Il serait en effet paradoxal de vouloir à la fois réduire la vitesse à l'atterrissage, tout en appuyant en même temps sur la manette des gaz. De même, n'attendons pas d'atteindre le bout de piste pour actionner les freins ! La Cour propose une « boîte à outils » pour consolider rapidement les comptes publics. En matière de dépenses de personnel, les réductions d'effectifs ayant des limites inévitables, la prochaine négociation salariale pluriannuelle dans la fonction publique sera déterminante : la hausse de 1 % de la valeur du point de la fonction publique représente 1,8 milliard en année pleine. D'autres pays ont déjà pris des décisions de gel, voire même de baisse des rémunérations des hauts fonctionnaires ou de l'ensemble des fonctionnaires. Toutefois, l'alignement progressif des cotisations retraite de la fonction publique sur le régime général, annoncé par le Gouvernement, pèsera déjà sur l'évolution des rémunérations versées.

Ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre en 2013 nécessitera également un cocktail de mesures à effet rapide et de réformes structurelles, pesant de manière équitable sur les assurés, les bénéficiaires d'allocations et les professionnels de santé. La réforme des retraites annoncée par le Gouvernement contribuera à ralentir la croissance des pensions avec un relèvement de l'âge d'ouverture des droits. Mais l'indexation des pensions continuera d'entretenir le dynamisme de ces dépenses, comme la revalorisation des prestations légales qui accroît la progression des prestations familiales. En matière de maladie, nous pourrions envisager la baisse du prix des médicaments, une plus grande sélectivité des admissions au régime des affections de longue durée ou une non-revalorisation des actes et consultations au-delà de ce qui a été déjà décidé.

Il faut également agir sur les recettes en cessant impérativement de consentir des baisses d'impôt et en limitant la progression des dépenses fiscales qui ont augmenté à périmètre constant de plus de 5 % par an depuis 2000, et même de 8,5 % chaque année depuis 2004. Ces deux phénomènes sont, en effet, la cause principale du déficit structurel. Une hausse ciblée des prélèvements obligatoires est inévitable. Elle devra passer, en priorité, par un réexamen des dépenses fiscales et des niches sociales. Ce sera une mesure d'équité. De nombreux dispositifs ont été retirés depuis quelques années des dépenses fiscales, sans que les explications apportées ne convainquent totalement. Les critères d'ancienneté et de généralité manquent de pertinence sans compter qu'ils ne sont pas utilisés de manière cohérente. Leur chiffrage, exercice difficile, progressera via une meilleure utilisation des déclarations fiscales et un croisement plus fréquent avec des données statistiques. Cet effort ne devra pas se limiter aux 6 milliards annoncés par le Gouvernement à horizon 2013, qui correspondent à la hausse moyenne des dépenses fiscales chaque année, mais porter sur 10 milliards en application de la règle posée par la loi de programmation qui limite la durée de vie des dépenses fiscales créées à partir de 2009 à quatre ans. Il faudra compléter cet examen des dépenses fiscales par un abaissement du plafond global des avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu qui a été instauré en 2009 ou une réduction forfaitaire de tous les crédits et réductions d'impôts -le fameux coup de rabot. Si de telles mesures sont décidées, elles devront s'appliquer de manière systématique et uniforme et, en priorité, aux réductions et crédits d'impôts.

Quant au retour à l'équilibre des comptes sociaux, il passera par un apport de nouvelles recettes qu'il faut d'abord rechercher dans un réexamen systématique des exonérations de cotisations et des réductions d'assiette. On pourra agir, en particulier, sur les dispositifs d'entreprise, comme l'intéressement ou la protection sociale complémentaire, générateurs de fortes inégalités entre les salariés. Enfin, il faudra rapidement transférer à la Cades la dette accumulée de l'ACOSS au titre de la maladie, ce qui imposera sans doute de combiner un relèvement du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et un allongement de la durée de vie de la dette sociale, à condition qu'elle soit remboursable dans un délai maximum de dix à quinze ans.

Pour conclure, la France, dont les finances publiques étaient déjà fortement dégradées, est entrée en 2009 dans une récession jamais connue depuis la seconde guerre mondiale si bien qu'elle ne pourrait pas faire face aujourd'hui à un éventuel retournement conjoncturel ou à une nouvelle crise financière sans craindre les réactions de ses créanciers. Les marges de manoeuvre de l'État se trouvent progressivement réduites par l'effet boule de neige de notre endettement. Plus nous attendrons, plus les efforts à réaliser seront importants parce qu'il faudra payer les charges d'intérêts de notre dette. Le coût de l'inaction est supérieur à celui des mesures immédiates. La dette a augmenté de près de quinze points de PIB entre fin 2007 et fin 2009, ce qui génère chaque année des charges d'intérêts supplémentaires de 10 milliards au taux d'intérêt théorique de 3,5 %, soit l'équivalent des deux tiers des aides personnelles au logement versées à plus de 6 millions de personnes. Il faut donc engager la consolidation des comptes publics dès 2011. Voilà le principal message de la Cour, dont j'ai bon espoir qu'il sera entendu.

Ce message, loin d'être pessimiste, oblige à plus de lucidité sur les efforts à accomplir et les nombreux atouts dont la France dispose pour rétablir sa situation financière. Engageons-nous dans cette voie pour donner à tous la conviction d'un effort collectif, partagé et équitable. C'est à cette condition que nous pourrons parer aux comportements d'épargne de précaution, défavorables à la croissance, et conforter la confiance des créanciers dans notre pays.

M. Jean Arthuis , président. - Merci de cet éclairage sur nos finances publiques. Vos observations, partagées par la commission des finances, ne nous étonnent guère. La bonne nouvelle est que la dégradation de nos finances publiques n'est pas irréversible ! Nous aurons tout le loisir d'éprouver nos convictions lors de l'exercice stimulant du débat d'orientation budgétaire auquel participe le Gouvernement.

M. Philippe Marini , rapporteur général. - Merci de ce constat extrêmement clair. J'ai le sentiment que notre commission des finances, pour m'en tenir à une litote, est enfin moins isolée...

M. Jean Arthuis , président. - La Cour cheminait déjà...

M. Philippe Marini , rapporteur général. - Soit ! Mais l'aggravation de notre situation a incité à davantage de lucidité... Une contrainte contradictoire pèse sur notre pays. D'une part, nous devons revenir à un déficit de 3%, sans quoi les conditions de financement de notre dette s'alourdiront de sorte que toutes les perspectives de rétablissement de nos comptes voleront en éclat. D'après toutes les études prospectives, le crédit de la France se maintiendra. Soit, mais à condition que nous nous astreignions à une trajectoire crédible. J'insiste : il nous faudra de la persévérance, de la constance et, j'ose le mot, de la rigueur dans les mesures appliquées... D'autre part, les efforts de consolidation, qui iront s'amplifiant à mesure que les plans des États de la zone euro et de l'Union européenne s'accroîtront, remettront en cause la croissance potentielle de nos États et notre capacité à nous situer sur cette trajectoire de croissance potentielle. Dans ces conditions, est-il concevable de revenir à 3 % de déficit public en 2013 avec une croissance sensiblement inférieure aux 2,5 % affichés de manière volontariste, et selon moi, non crédible par le Gouvernement ? Il y a donc une contradiction entre la confiance des marchés, la capacité à faire évoluer nos économies et à maintenir une croissance minimale. Cette contradiction, à laquelle nous n'échapperons pas, ne doit en aucun cas être une excuse à une coûteuse inaction, a rappelé le président Migaud. Pour autant, elle constitue un vrai problème de modèle pour la France et la zone euro.

La nouvelle norme de dépenses de l'État, annoncée par le Premier ministre, est le gel en valeur des dépenses hors charge de la dette et hors pensions. Monsieur le président, cette nouvelle norme de dépense est-elle plus rigoureuse que l'ancienne norme, c'est-à-dire la stabilisation en volume ? Concernant les dépenses de personnel, pensez-vous que la RGPP a été source d'économies ? Les mesures catégorielles et générales portant sur les rémunérations ont-elles réduit les gains de la RGPP ? La Cour préconise-t-elle le gel indiciaire de la fonction publique d'État ? Quelles mesures spécifiques devraient être prises pour éviter que la création de très nombreux opérateurs de l'État ne rende théoriques les règles de gouvernance de nos finances publiques ? Quelles sont les mesures préconisées pour contraindre les dépenses et l'endettement des opérateurs de l'État ? Enfin, deux questions inspirées par les auditions sur le projet de loi de règlement. Peut-on réduire de 10% les dépenses d'intervention en ne sacrifiant que des dépenses discrétionnaires ou faut-il aussi modifier les régimes des différents guichets ? Les objectifs de réduction des dépenses sont-ils compatibles avec les lois de programmation et les nombreuses contractualisations en cours que l'État s'est plu à signer avec des partenaires divers ?

M. Jean Arthuis , président . - Ce matin, le rapport de M. de Montesquiou sur la loi de programmation et d'orientation pour la performance de la sécurité intérieure ne nous a guère rassurés...

M. Didier Migaud . - Merci de ces propos sur les travaux de la Cour. Il est dans l'intérêt de notre pays de respecter ses engagements vis-à-vis des autres pays de l'Union. Il y va du crédit de la France, il y va des conditions de financement de notre dette. Un retour à un déficit de 3% en 2013 paraît un objectif difficile quand le Gouvernement se fonde sur des hypothèses optimistes. Par exemple, l'élasticité des recettes est fixée à 1,2% quand, dans le passé, elle n'a jamais été supérieure à 1% après une forte période de récession. La Cour recommande donc de prévoir des mesures pour parer à la situation où les hypothèses ne se vérifieraient pas. Le Gouvernement y réfléchit actuellement, le Parlement débattra bientôt des orientations budgétaires, les arbitrages ne sont pas encore rendus sur les lois de finances et de financement.

L'adoption d'une nouvelle norme de dépense modifie peu la situation. Il faut donc aller au-delà car les objectifs de maîtrise de la dépense publique ne sont pas respectés, en raison de l'accroissement des dépenses fiscales et des dépenses des opérateurs de l'État, dont l'augmentation respective a été de plus de 8,5 % et de plus de 11 %.

Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite génère des économies modestes, environ 500 millions, qui sont, de surcroît, en partie recyclées. En revanche, cette réforme aura des effets à long terme sur les finances publiques.

Concernant les règles de gouvernance de nos finances publiques, elles ont une portée symbolique au moins pour nos partenaires. L'important, plutôt que de les modifier, est de les faire respecter.

La réduction de 10% des dépenses d'intervention et des dépenses courantes nécessite la modification du régime des guichets pour mieux cibler la dépense. Trop souvent, l'objectif initial s'est perdu.

Effectivement, la comparaison des engagements pris dans les lois de programmation avec les objectifs de réduction des dépenses peut être source d'inquiétude. D'où la nécessité de ne pas multiplier les dépenses, notamment fiscales.

La loi de programmation militaire, comme toute politique publique, devrait être remise sur la table.

M. Jean Arthuis , président. - Sur le gel de l'évolution du point de la fonction publique ?

M. Didier Migaud . - La Cour ne formule pas de propositions.

M. Jean Arthuis , président. - Ce serait pourtant intéressant. A-t-elle des tabous ?

M. Didier Migaud . - Elle reste à sa place en dressant des constats et en établissant des chiffrages : aux politiques de décider.

M. Jean Arthuis , président. - Le gouvernement ira-t-il dans le sens de ce que vous souhaitez ?

M. Didier Migaud . - La maîtrise de la dépense publique requiert un effort plus ample. Nous mettons des éléments sur la table, il vous appartient d'arbitrer. Il peut aussi y avoir des mesures temporaires. Nous avons chiffré le gel indiciaire.

M. Jean Arthuis , président. - Rappelez-nous...

M. Didier Migaud . - Cela représente 1,8 milliard...

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre . - ... pour les trois fonctions publiques.

M. Jean Arthuis , président. - Avez-vous chiffré la suppression des 35 heures ?

M. Didier Migaud . - Non !

M. Jean Arthuis , président . - « Lorsque la mesure devient réalité, l'utopie se dissipe... »

Mme Muguette Dini , présidente de la commission des affaires sociales. - La situation des comptes sociaux 2009 et 2010 n'est pas plus rassurante que celle de l'Etat. Fin 2010, les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteindront 53 milliards d'euros. L'Acoss ne pourra continuer à les prendre en charge et la Cades aura besoin de ressources nouvelles, voire d'une prolongation de sa durée de vie. Quelles sont les options envisageables ?

Dans le cadre de la réforme des retraites, le FRR pourrait alimenter la Cades. Est-ce inévitable ? Une affectation au FSV ne serait-elle pas plus judicieuse ?

L'Ondam a connu un dépassement de plus de 700 millions en 2009. La rationalisation des établissements doit-elle conduire à tout facturer selon la logique de la tarification à l'activité (T2A) ? Cette réforme n'a-t-elle pas des effets pervers ?

M. Didier Migaud . - La Cour a indiqué dans son rapport 2009 que l'Acoss ne pouvait pas porter des déficits d'une telle ampleur ; la loi de financement de la sécurité sociale l'a néanmoins autorisée à emprunter jusqu'à 65 milliards. Les plafonds d'avance de trésorerie de l'Acoss doivent permettre de faire face aux seuls déficits infra-annuels ; le processus est aujourd'hui dévoyé. Un transfert à la Cades aurait pour contrepartie de nouvelles ressources avec, peut-être, un report de son échéance. Il convient d'augmenter la CRDS et de jouer sur la durée d'amortissement. Rolande Ruellan vous expliquera que, dans cette dernière hypothèse, il faut modifier la loi organique.

La réforme des retraites devrait permettre de revenir à l'équilibre en 2018, mais rien ne le garantit. Elle repose sur 13 milliards de recettes supplémentaires et 15 milliards de mesures d'économies. En tout état de cause, il faudra des ajustements. Nous ne connaissons pas le détail de la réforme proposée, qui laisse entière la question du financement de l'assurance maladie, sauf à imaginer que le FRR vienne combler le déficit. Céder des actifs est difficile dans le contexte actuel ; il n'y a pas de disponibilités immédiates. La crise peut rendre légitime d'utiliser une ressource, mais il ne s'agit pas du seul déficit et un raisonnement global est nécessaire.

M. Jean Arthuis , président. - La crise ne change rien au problème démographique.

M. Didier Migaud . - Non, mais elle a accéléré le déficit. La question des retraites ne doit pas occulter celle de l'assurance maladie, dont le déficit est supérieur.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre . - Le dépassement de l'Ondam s'élève à 740 millions, dont 600 millions pour les établissements de santé. La grippe peut avoir « le dos large » ; en réalité, l'introduction de la nomenclature V 11 a provoqué des dépenses supplémentaires, les hôpitaux étant mieux rémunérés pour les cas graves ; ce nouveau codage a donné lieu à une optimisation. Les Hospices civils de Lyon viennent ainsi de se voir infliger un redressement pour avoir surcodé, même si des erreurs sont possibles. Le problème essentiel reste l'organisation de l'hôpital. On n'a pas assez progressé sur le réseau et sur l'organisation interne. Des hôpitaux demeurent déficitaires et empruntent parfois pour rembourser des emprunts. Ils n'ont pas sur s'adapter assez rapidement pour faire face au passage à la T2A, ce juge de paix impitoyable qui a révélé les sous-productivités des établissements.

M. Didier Migaud . - Nous y reviendrons en septembre.

M. Jean-Jacques Jégou . - A vous entendre, on sent qu'il n'y aura pas de mesures fortes prises dans ce domaine par le Gouvernement. Il faudra que la commission des finances...

M. Jean Arthuis , président. - Et celle des affaires sociales !

M. Jean-Jacques Jégou . - ... renouvellent leurs initiatives. Vous avez en effet dressé un parallèle entre le déficit budgétaire, qui appelle une diminution des dépenses car les recettes ne sont pas certaines, et le déficit social, qui nécessite des recettes supplémentaires - vous devinez la position de celui qui a à connaître du FRR et de la Cades. Vous ne pouvez pas donner votre sentiment sur la TVA pour la restauration mais la Cour donne souvent son avis sur l'efficacité ou l'inefficacité d'une dépense. Les 20 milliards d'allègements de charges forment une trappe à bas salaires. La Cour pourrait-elle nous aider par ses avis ?

Il est nécessaire de relever la CRDS, je le confirme. L'assiette de cette contribution est large et son taux bas ; la reprise de 10 milliards d'euros supposerait ainsi une augmentation de 0,077 point de la CRDS en 2010, mesure qui présenterait l'avantage d'être indolore et compréhensible pour l'opinion publique. La réforme des retraites est le prélude à un règlement des comptes sociaux et des solutions seront peut-être apportées au sujet du financement de la dépendance. Tarder ne rendra-t-il pas le relèvement de la CRDS plus difficile ? Ma génération a la douleur de reporter sur ses enfants et petits-enfants la charge de ses feuilles de maladie. Un gouvernement peut néanmoins répugner à augmenter la CRDS et à ajuster la CSG à l'endroit des retraités, ce qui pourrait être mal accepté.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Si je n'ai pas encore eu le temps de lire la totalité du rapport, j'ai pris connaissance avec intérêt des réponses du Gouvernement. Représentant la commission des finances au conseil de surveillance du Fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), j'ai noté une augmentation de 40 % du nombre des bénéficiaires de la CMU en 2009. La croissance est plus faible pour la complémentaire. Cette affaire, qui concerne plus de 4 millions de personnes, n'apparaît jamais dans les dépenses sociales. Pourriez-vous y jeter un coup d'oeil ?

La Cour a noté que 68 % de notre dette extérieure était portée par des non-résidents, ce qui est dangereux. Dans ses réponses, le Gouvernement avance une justification extraordinaire : cela accroît la sécurité du pays !

M. Philippe Marini , rapporteur général. - Elle est bien bonne...

M. Jean-Pierre Fourcade . - On doit trouver un mécanisme de réorientation de l'épargne. Enfin, dans la boîte à outils, il y a l'augmentation des recettes. Une augmentation de la TVA et de la CSG n'est-elle pas préférable au bricolage fiscal ?

M. Jean Arthuis , président. - Ne gaspillez pas la TVA...

M. Edmond Hervé . - Il y a entre nous quelques points de consensus. Indépendamment du respect que nous lui portons, nous n'avons pas à déléguer une partie de nos pouvoirs à la Cour. Nous avons un rôle de contrôle des dépenses. La communication d'Aymeri de Montesquiou ce matin, en commission des finances, a démontré que la mission « Sécurité » a engagé des dépenses qui n'avaient pas encore été validées par le vote de la loi de programmation (LOPPSI 2), ce qui est extrêmement dommageable. Certaines règles ne sont pas respectées, ainsi en ce qui concerne les niches fiscales.

L'an dernier, le rapporteur général nous avait expliqué qu'il était heureux que nous n'ayons pas à voter sur les projections pluriannuelles qui engagent le Gouvernement. Je suis ravi de son nouvel optimisme.

Nous discutons de manière systématique de la dépense et de la recette, mais la croissance est fondamentale. Comment atteindre nos objectifs si nous ne prenons garde à celle-ci ? Le plan de relance a souligné l'importance du rôle des collectivités locales, mais quel sort leur réserve-t-on ?

La T2A et le prix de journée ont un effet inflationniste. J'ai été très surpris de constater l'importance des partenariats public-privé dans les hôpitaux publics. Si je n'y suis pas hostile par principe, je sais aussi quelle bombe à retardement ils deviennent quand on ne les contrôle pas. Il n'est pas admissible que des hôpitaux empruntent pour rembourser d'autres emprunts. Je m'y suis opposé pendant trente-et-un ans au CHU de Rennes, alors même que je votais les budgets.

M. Philippe Marini , rapporteur général. - Si j'ai dit qu'il était préférable de ne pas être amené à voter les programmes pluriannuels, c'est que je les trouvais insincères : ils étaient envoyés à Bruxelles sans réelle intention de les mettre en pratique. Le double langage n'étant plus de mise cette année, car la situation est bien pire, nous pourrions voter.

M. Jean Arthuis , président. - La commission Camdessus propose de fixer un plafond de dépenses et un plancher de recettes pluriannuels.

M. Edmond Hervé . - Quand le discours s'écarte de la réalité, c'est la résurrection du « nouveau roman » !

M. Jean Arthuis , président. - Le temps est venu de réconcilier l'image et la réalité.

M. Bernard Angels . - Il faut beaucoup d'optimisme pour y croire... La situation est pire que l'an dernier, quand on nous annonçait un effort de maîtrise. Il y a la crise, mais les deux-tiers du déficit sont d'ordre structurel.

Je suis abasourdi par la comparaison avec nos partenaires européens : nous sommes les mauvais élèves de l'Europe. Comment redresser la situation ? Tout est dans le rouge et il n'y a pas beaucoup de grain à moudre. Je suis plutôt pessimiste. Quand le Gouvernement a pris de mauvaises décisions au cours de ces huit dernières années, sa majorité ne l'a pas corrigé. Peut-on arrêter les cadeaux fiscaux et avez-vous analysé les niches fiscales et sociales du point de vue de l'emploi ? Il ne s'agit pas que le malade meure guéri ! Rêver d'une croissance de 2,5 %, c'est se faire plaisir.

M. Jean Arthuis , président. - Une ordonnance pour administrer des potions ?

Mme Raymonde Le Texier . - La situation est grave, et désespérée.

M. Jean Arthuis , président. - Mais pas irréversible.

Mme Raymonde Le Texier . - Cet échange me déprime. Les mesures indispensables auront des conséquences peu réjouissantes. Pouvez-vous nous remonter le moral en énumérant les atouts de la France ?

M. Jean Arthuis , président. - La Cour des comptes...

M. Jacky Le Menn . - Dans son récent rapport sur l'hôpital, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale pointe la possible dérive de la T2A. Ce mécanisme crée en effet un intérêt à amplifier les recettes pour caler les dépenses. La tentation est grande pour un CHU en déficit... Les comptabilités analytiques restent indigentes et, si l'on a accompli des progrès sur les paramètres de base des échelles de coût et que l'on maîtrise mieux les coefficients de groupe, encore faut-il jouer sur les deux tableaux simultanément.

M. Jean Arthuis , président. - Avez-vous constaté une amélioration de la gouvernance des hôpitaux et des systèmes d'information ?

M. Jean-Jacques Jégou . - Il n'y en a pas !

M. Jean Arthuis , président. - Ce n'est pas managé ! Peut-on espérer un meilleur pilotage et qu'on sorte des querelles entre hôpital public et clinique privée qu'il faudrait mettre en synergie ?

M. Edmond Hervé . - L'administration hospitalière française est très bonne mais il y a une défaillance au niveau ministériel - je l'ai expérimenté à mes dépens. Cela procède de la tradition de pauvreté des ministères sociaux.

M. Jean-Jacques Jégou . - Les mesures d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), sur lesquelles je prépare un rapport, représentent plus de 8 milliards d'euros. Je découvre des choses au fil des auditions.

M. Didier Migaud . - Il faut agir sur les dépenses et sur les recettes, tant pour le budget de l'Etat que pour les comptes sociaux. Il y a des marges sur le bloc des niches fiscales et la Cour s'est exprimée à plusieurs reprises sur la baisse de la TVA pour la restauration, qu'elle a estimée inopportune. Le contexte des finances publiques est extrêmement tendu. La loi de programmation prévoit que toute nouvelle dépense fiscale doit être gagée et qu'elle peut être mise en cause. La Cour des comptes, monsieur Hervé, reste à sa place...

M. Philippe Marini , président. - Confortable !

M. Didier Migaud . - Nous disons les choses en toute indépendance et vous décidez.

M. Jean Arthuis , président. - Les conditions de vote de la TVA sur la restauration ne sauraient se reproduire puisque de telles dispositions relèveront désormais obligatoirement de la loi de finances.

M. Didier Migaud . - La Cour des comptes ne peut que se réjouir de cette discipline. S'agissant des niches fiscales et sociales, la méthode du « rabot » présente au moins le mérite de l'efficacité et de la rapidité : 10 % de 30 milliards d'exonérations fiscales, cela fait 3 milliards. Cependant, une mesure générale ne doit pas exclure de travailler sur chaque niche.

M. Jean-Jacques Jégou . - Absolument !

M. Didier Migaud . - Ce matin, à l'Assemblée nationale, la question de la retransformation des dépenses fiscales en dépenses budgétaires a été posée par le rapporteur général Gille Carrez.

La CMU est inscrite dans notre programme pluriannuel et nous y reviendrons dans un rapport futur. Nous avons pris connaissance de la réponse du Gouvernement sur la dette. Il devient dangereux de trop dépendre de l'extérieur qui impose des règles. Si l'on ne doit pas prendre de décisions interdisant le retour à la croissance, les effets keynésiens s'émoussent quand la dette est trop élevée et l'inaction a un coût car ne pas agir, c'est laisser la dette et la dépendance s'accroître aux dépens de la souveraineté et de notre marge de manoeuvre.

La TVA ne fait pas partie de nos recommandations afin de ne pas trop peser sur la consommation. Le déblocage de l'épargne est un sujet récurrent.

M. Jean Arthuis , président. -Il faudra bien se poser un jour la question de savoir ce qui prime de la consommation ou de la production.

M. Didier Migaud . - Je connais vos propositions.

Oui, le contrôle et l'évaluation sont importants, et la Cour peut y aider. Poursuivre l'endettement, même de façon maîtrisée peut être contreproductif en termes de croissance et si les collectivités territoriales contribuent à l'investissement, celui-ci n'a pas augmenté en 2009, les mesures du Gouvernement ayant eu essentiellement pour objet de faciliter la trésorerie des collectivités.

La situation est grave mais pas désespérée car la France a des atouts, madame Le Texier. La crise immobilière y a été moins forte et les conséquences de la crise financière y ont été moins sensibles. Nous avons des comptes transparents et fiables, grâce à la certification, ce qui peut contribuer à notre crédibilité. Le taux d'épargne privée est plutôt plus important que chez nos voisins et la démographie joue en notre faveur. Enfin, le modèle social a pu avoir des effets heureux lors de la récession. Préserver ces atouts contribue à un redressement qui est possible si l'on prend des mesures immédiates, continues, partagées et structurelles.

On peut partager le constat de messieurs Le Menn et Arthuis sur les hôpitaux qui ont un vrai problème de pilotage.

Mme Rolande Ruellan. - Nous traitons tous les ans de l'hôpital dans le rapport sur la sécurité sociale. Nous avons observé des poches de sous-productivité : il y a forcément des progrès à réaliser. Nous disposons d'outils comparatifs. Les établissements n'en sont pas moins des personnes morales et il y en a 1 100. La loi Hôpital patients santé et territoires devrait apporter des améliorations. Les comptabilités analytiques ne sont pas assez développées et la T2A, qui a un côté inflationniste, appelle des contrôles. Des hôpitaux perdent de l'argent faute de coder correctement. Or les tarifs sont fixés en fonction de l'enveloppe prévue. Nous avons bien entendu évoqué les MIGAC l'an denier.

M. Jean Arthuis , président. - Merci de cette audition stimulante. En présentant votre rapport, vous avez confirmé que la Cour assure pleinement sa mission d'assistance du Parlement, et tout particulièrement quand il veut exercer ses prérogatives de contrôle. Les prochains rendez-vous seront vivifiants car le vote sur le débat d'orientation budgétaire, s'il n'engage pas la responsabilité du Gouvernement, préfigure les lois pluriannuelles, avec un plafond de dépenses et un plancher de recettes pour tracer la trajectoire du retour à l'équilibre. Nous avons entendu vos observations. Le Gouvernement s'engagera sur les préconisations de M. Camdessus. Nous devrions avoir une autre attitude sur les lois de finances et contenir l'addiction pour les dépenses publiques comme la tentation de baisser les impôts. Nous sommes appelés à un partage équitable, avec 45 milliards de recettes supplémentaires et 45 milliards de dépenses en moins. Nous n'aurons pourtant franchi que la moitié du chemin vers l'équilibre.

AUDITION DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA RÉFORME DE L'ETAT

Réunie le mercredi 30 juin 2010 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, préalable au débat d'orientation des finances publiques.

M. Jean Arthuis , président. - Nous entendons M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui va nous éclairer sur les modalités de mise en oeuvre de la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques, telle que définie dans notre programme de stabilité 2011-2013.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. - Merci Monsieur le Président. J'ai voulu que ce débat d'orientation des finances publiques (DOFP) soit un véritable débat, car il est d'une importance capitale et que la situation l'exige. Ce débat me permet de faire un bilan de l'état de nos comptes publics, de vous exposer nos choix pour le futur proche et de réaffirmer les engagements que nous avons pris au niveau européen par notre programme de stabilité.

La crise économique que nous venons de vivre a fortement secoué l'économie mondiale. Mais ses effets ne se sont pas limités au secteur privé puisqu'ils se sont étendus au secteur public, avec comme apogée la crise grecque, venant nous rappeler avec violence la nécessité de veiller à la maîtrise des finances publiques.

Dès maintenant, nous devons privilégier une extrême attention dans la gestion des ressources publiques. C'est dans cette perspective que les nouvelles mesures, dès 2011, marqueront une très forte inflexion de la dépense publique. Nous le savons tous, les ressources publiques ne sont pas inépuisables. C'est notre responsabilité que d'inverser la tendance et de dépenser de façon plus raisonnée. Je crois sincèrement qu'une prise de conscience et un changement des mentalités vis-à-vis de la dépense publique sont en cours.

Pour l'année 2010, les objectifs seront tenus. Notre préoccupation est d'accompagner la reprise tout en étant au rendez-vous de nos objectifs de finances publiques. Il s'agit tout d'abord de tenir notre objectif de déficit public à 8,0 % du produit intérieur brut (PIB), ce que devraient notamment permettre les recettes d'impôt sur les sociétés et de TVA, qui se rétablissent progressivement. Il s'agit ensuite de tenir la dépense de l'Etat au niveau prévu par la loi de finances, c'est-à-dire le « zéro volume ». Enfin l'objectif national de dépense d'assurance maladie (ONDAM), tel qu'il a été voté par le Parlement, sera respecté.

Dès 2011, et pour trois ans, notre stratégie vise à infléchir les déficits publics par un nouvel élan dans la maîtrise de la dépense. Cette stratégie triennale nous permettra de ramener les déficits publics à 3% du PIB en 2013, conformément aux engagements pris devant nos partenaires européens. Notre programme de stabilité prévoit une réduction du déficit public d'environ cinq points de PIB sur la période, soit environ 100 milliards d'euros. Une partie proviendra du rattrapage des recettes fiscales après la crise. Une autre partie correspond à la non-reconduction de mesures 2010 qui n'avaient pas vocation à être pérennes, comme les mesures de relance et le surcoût de la taxe professionnelle.

Au-delà de ce rattrapage attendu, notre stratégie repose sur de nouvelles mesures d'économies sur 2011-2013. Cela devrait nous permettre d'aboutir à une évolution en volume de 0,6 % seulement de la dépense publique au cours de la période. La réduction de la croissance de ces dépenses faisait déjà partie des engagements du Gouvernement en 2007, elle n'en devient que plus cruciale aujourd'hui. J'ai eu maintes fois l'occasion d'expliquer en ces lieux pourquoi nous choisissons le levier de la dépense : notre pays atteint déjà l'un des niveaux de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde. Toute hausse généralisée d'impôts nuirait à la compétitivité de notre économie et compromettrait la reprise : nous l'écartons.

J'insiste vivement sur ce point : nous ne gagnerons pas notre pari sans l'implication de tous les acteurs publics. Pour l'Etat tout d'abord, dans le cadre du budget pluriannuel, nous avons décidé une réelle inflexion dans la croissance de la dépense. C'est un objectif véritablement courageux et sans précédent : même pour la « qualification » pour l'euro, l'effort n'avait pas été tel. Les dépenses de l'Etat seront stabilisées en valeur pour les trois prochaines années, hors pensions et charges de la dette. Le Gouvernement consentira un effort à hauteur de 10 % sur toutes les dépenses de fonctionnement et d'intervention d'ici 2013. C'est une inflexion de la dépense qui n'a jamais été réalisée en France.

Précisément, pour réduire les dépenses de fonctionnement de l'Etat de 10 % en trois ans, nous souhaitons réduire son train de vie, grâce aux outils de la révision générale des politiques publiques (RGPP) comme les chantiers interministériels.

La première vague de la RGPP a déjà permis, grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de supprimer 100 000 emplois depuis le début de la législature. Les économies globales issues de la RGPP en trois ans sont de 7 milliards d'euros. La deuxième vague est plus ambitieuse : ce sont également de l'ordre de 100 000 suppressions d'emplois qui interviendront jusqu'en 2013. L'Etat aura ainsi retrouvé le nombre d'agents qu'il avait en 1990. Sur la période 2011-2013, cela représente près de 5 % des effectifs de l'Etat, soit un gain brut annuel proche de 1,5 % qui correspond aux gains de productivité observés dans le secteur des services. Cela représente un gain brut total de plus de 3 milliards d'euros. Je souligne que le principe de faire bénéficier les agents de 50 % des économies induites par ledit « 1 sur 2 », sous forme de l'amélioration de leur situation financière, sera naturellement reconduit dans le prochain triennal 2011-2013.

Nous souhaitons également un réexamen de toutes les dépenses d'intervention, qui atteignent 66 milliards d'euros, pour dégager des économies à hauteur de 10%. J'y reviendrai. Et pour la première fois, nous demanderons aux 655 opérateurs de l'Etat un effort équivalent à celui de l'Etat.

Pour la sécurité sociale, nous procédons de la même façon que pour l'Etat, en associant réformes et maîtrise serrée de la dépense. En ce qui concerne les dépenses d'assurance-maladie, je m'engage à ramener la progression de l'ONDAM à moins de 3 % tout au long de la période.

Nous renforcerons l'efficacité de l'assurance maladie grâce à des innovations récentes comme les agences régionales de santé qui doivent permettre d'améliorer le lien entre ville, hôpital et médico-social, ou bien les projets de performance des hôpitaux.

Au-delà des réformes de structure, afin de trouver des outils permettant de respecter l'ONDAM, nous avons largement repris les conclusions du rapport Briet. Le seuil d'alerte, fixé à 0,75 % aujourd'hui, sera progressivement abaissé à 0,5 % d'ici 2012-2013 et le rôle du comité d'alerte sera étendu : il se prononcera désormais ex ante sur la construction de l'ONDAM et son rôle de veille sur l'exécution de l'ONDAM sera renforcé. Ensuite une fraction des dotations sera mise en réserve en début d'année.

La réforme majeure au sein de notre stratégie est indéniablement la réforme des retraites, qui vient de vous être présentée. Cette réforme devrait permettre aux régimes de retraite d'atteindre l'équilibre dès 2018. Elle génèrera un gain de 1,2 point sur le déficit structurel à horizon 2020 et d'environ 9 points de PIB sur la dette publique au même horizon.

Comme je l'ai évoqué précédemment, nous ne réussirons pas notre pari sans le partage des efforts. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que les transferts de l'Etat aux collectivités territoriales soient stabilisés en valeur au cours des trois prochaines années.

La réforme des collectivités locales, en cours de discussion au Parlement, doit aider à rendre plus efficace la dépense locale. Un moratoire sur les normes réglementaires, hors normes européennes, que l'Etat impose aux collectivités locales, est aussi prévu car ces normes pèsent sur les dépenses des collectivités locales. Le Gouvernement souhaite parallèlement renforcer la péréquation à l'intérieur de l'enveloppe des concours de l'Etat. C'est une mesure à laquelle je tiens particulièrement.

Pour renforcer dans la durée la maîtrise des dépenses, il est indispensable de réfléchir en commun à une nouvelle gouvernance des finances publiques. La Commission créée par la Conférence nationale sur le déficit public du 28 janvier 2010 et présidée par M. Michel Camdessus a rendu son rapport sur la règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques. Le rapport de la Commission Camdessus est remarquable. Il aborde chaque question technique en soulignant les différentes réponses possibles et indique des préférences.

Nous sommes tous d'accord sur un certain nombre de points. Je pense en particulier à la proposition visant à confier le monopole des dispositions relatives aux recettes fiscales et sociales aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette règle est extrêmement utile pour conserver une approche cohérente de l'évolution des recettes de l'Etat et de la sécurité sociale. C'est la raison pour laquelle nous l'avons d'ores et déjà mise en oeuvre grâce à la circulaire du Premier ministre du 4 juin dernier.

Quant au contenu de la règle constitutionnelle d'équilibre, c'est un enjeu majeur. Le sujet mérite d'être approfondi et discuté. C'est tout le sens des consultations que j'engagerai prochainement, auprès du Premier ministre, pour déterminer plus précisément les contours d'une réforme consensuelle, au service d'une croissance durable. Le consensus sur cette réforme est atteignable d'ici à l'été 2011.

Je vous ai décrit notre stratégie générale pour les trois années à venir. Dès l'année prochaine, en 2011, le redressement de nos finances publiques est impératif. En 2011, nous avons pour objectif de ramener les déficits publics à 6 % du PIB. Cet objectif est pour moi et pour l'ensemble du Gouvernement intangible ; c'est le coeur de notre stratégie. La prévision de croissance est parfois qualifiée d'ambitieuse, mais nous sommes confiants et nous adapterons, le cas échéant, le pilotage budgétaire à la croissance observée.

Notre stratégie, pour passer d'un déficit public à 8 % du PIB en 2010 et à 6 % en 2011, représente une réduction du déficit public de l'ordre de 40 milliards d'euros. Cela ne signifie nullement que les dépenses doivent diminuer de 40 milliards d'euros sur une année : le solde correspond à la différence entre les recettes et les dépenses publiques. Ce qui compte avant tout, c'est que les recettes progressent plus vite que les dépenses pour que le déficit public puisse diminuer dans le temps.

Trois leviers vont nous permettre de respecter notre trajectoire. Une partie de l'effort, environ 15 milliards d'euros, correspond à la non-reconduction de mesures 2010 qui n'avaient pas vocation à être pérennes, comme les mesures de relance et le surcoût de la taxe professionnelle cette année.

11 milliards d'euros proviendront du rattrapage des recettes fiscales après la crise en lien avec le retour de la croissance. Avec la crise, une grande majorité des recettes a en effet suivi la contraction de l'activité économique. Pour certaines recettes, la baisse a même été plus importante que celle de l'activité, en raison de la nature plus volatile de leur assiette. Par exemple, l'impôt sur les sociétés a vu son rendement baisser de près de 60 % ; la chute du marché immobilier a entraîné une baisse des droits de mutation de 30 %.

Le reste, soit 14 milliards d'euros, proviendra d'un effort partagé de l'ensemble des acteurs de la dépense publique.

Le gel en valeur des dépenses de l'Etat et des concours aux collectivités territoriales rapportera environ 7 milliards d'euros. Près de 1 milliard d'euros sera lié au gel des concours de l'Etat aux collectivités locales. 1 milliard d'euros sera économisé sur le fonctionnement de l'Etat et des opérateurs. Une meilleure maîtrise de la masse salariale, notamment le non remplacement d'un départ sur 2 à la retraite, permettra d'économiser 1 milliard d'euros supplémentaire. Enfin, un effort d'environ 4 milliards d'euros sera effectué sur les dépenses d'intervention de l'Etat.

La sphère sociale contribuera également pour l'autre moitié à l'effort de redressement. La réforme des retraites rapportera 4,5 milliards d'euros. La reprise de la dette sociale par la CADES permettra de contribuer à hauteur de 3,2 milliards d'euros à l'effort de consolidation. Enfin, la fixation de l'ONDAM à 2,9 % sera l'occasion de mettre en oeuvre environ 2,5 milliards d'euros d'économies.

Comme vous pouvez le constater, le total de l'effort de redressement sur la sphère sociale dépasse 10 milliards d'euros. Ceci pour une raison simple : si l'on ne rien fait, les dépenses sociales évoluent avec une dynamique supérieure à la croissance du PIB. Il faut donc un total de mesures supérieur à 7 milliards d'euros pour contrecarrer cette dynamique.

Nous voulons nous concentrer sur les dépenses fiscales et les « niches » sociales qui sont les plus favorables à la croissance et à l'emploi, sans remettre en cause celles qui concernent les personnes les plus en difficulté. C'est un objectif auquel je suis particulièrement attaché.

J'ai déjà parlé d'un potentiel de suppressions qui peut atteindre 8,5 à 10 milliards d'euros. Pour atteindre cet objectif, nous savons que nous pouvons compter sans aucun doute sur le concours du Parlement. Vous connaissez les deux pistes sur lesquelles nous travaillons et les noms très poétiques qui les désignent. Le « bouquet » est la suppression pure et simple de certaines niches qui n'ont pas prouvé leur efficacité. Le « rabot » donne la possibilité de procéder à une réduction uniforme du taux de ces dépenses fiscales. Nous aurons l'occasion d'en reparler de manière plus approfondie.

Pour l'Etat, 2011 sera la première année d'un budget triennal 2011-2013 caractérisé par une rupture dans la progression de la dépense. Le « zéro valeur hors dette et pensions » suppose en effet un effort sans précédent. Je tiens tout d'abord à rappeler que cet effort sans précédent doit être partagé. Il doit être partagé par les collectivités locales. J'ai déjà parlé de la stabilisation en valeur des concours de l'Etat qui leur sont destinés, hors FCTVA. Cette stabilisation s'appliquera en 2011 comme elle s'appliquera sur l'ensemble du triennal, conformément à ce qu'a annoncé le Président de la République à l'occasion de la conférence du 20 mai dernier.

Cet effort doit être partagé ensuite par l'Union européenne, à laquelle nous contribuons par un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Alors que les Etats européens mènent des politiques courageuses de maîtrise des dépenses, alors qu'ils ont répondu eux-mêmes à l'exigence de solidarité vis-à-vis des pays en difficulté comme la Grèce et qu'ils en assument les conséquences financières, je ne trouve pas acceptable que la Commission demande pour 2011 un budget en hausse de plus de 6 %. Nous l'avons déjà exprimé et nous l'exprimerons à nouveau avec force à Bruxelles, aux côtés des autres Etats membres soucieux de modération budgétaire. Les efforts demandés à nos concitoyens doivent permettre de réduire les déficits, pas de financer une dépense européenne galopante.

J'ai déjà évoqué les règles transversales qui nous ont servi de matrice pour la construction de ce budget. Elles seront mises en oeuvre sans faiblesse car ce ne sont pas des principes généraux, mais bien un plan d'action immédiat. La poursuite du « 1 sur 2 » nous permettra d'économiser plus de 30 000 emplois dès 2011. L'effort d'économie de 10 % sur trois ans pour les dépenses de fonctionnement et d'intervention suppose d'envoyer un signal crédible dès la première année : la moitié du chemin sera donc fait dès l'année 2011.

Mais que veut dire concrètement ce plan d'action ? Va-t-on, comme je l'ai souvent entendu, réduire les minimas sociaux ? Remettre en cause, par exemple, le RSA ? Non. Nous ne le remettrons pas en cause et nous ne réduirons pas globalement les allocations versées, car nous ne faisons pas un budget de rigueur. Nous voulons un budget juste, un budget équitable. Mais cette équité doit être conciliée avec les impératifs de maîtrise de nos finances publiques.

Le résultat des discussions budgétaires, sous la forme des plafonds de dépenses par mission, vous sera présenté à l'occasion du débat en séance plénière, une fois les arbitrages rendus et formalisés par les lettres-plafonds qu'adressera le Premier ministre à chacun des ministres.

Sans attendre cette échéance, je veux toutefois dire que le budget 2011-2013 sera un budget de choix et d'exigence. Même pour les dépenses d'investissement, nous devrons envoyer un signal fort de maîtrise budgétaire, car le redressement de nos finances publiques vient en premier pour soutenir la confiance et la croissance. C'est pourquoi je souhaite que le budget 2011-2013 prévoit notamment un moratoire sur le lancement de tous les nouveaux grands équipements culturels pendant cette période. C'est un choix difficile, mais responsable. De la même manière, le contexte économique et financier nous conduit à revisiter nos engagements pluriannuels.

Le budget 2011 prévoira ainsi une stabilisation en valeur des moyens de la défense, avec une légère remontée en 2012-2013, soit un total de ressources inférieur d'environ 1,3 milliard d'euros à ce que prévoyait la loi de programmation militaire sur 2011-2013, après prise en compte du report sur cette période d'un certain nombre de ressources extra-budgétaires attendues en 2009-2011.

Notre plan d'action est ambitieux. Les mesures ne se limiteront pas à ces quelques exemples, car la baisse des dépenses concernera tous les secteurs d'intervention de l'Etat. C'est à cette seule condition que nous pourrons, dans le respect de nos objectifs de finances publiques, continuer à financer les politiques qui nous tiennent à coeur et à leur donner un peu plus que le strict « zéro valeur ». Je pense en particulier au budget de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui demeure la priorité du Gouvernement. Il s'agit pour nous de réussir le pari de l'autonomie pour les universités, qui bénéficieront à cette fin de moyens de fonctionnement renforcés, et échapperont, comme les organismes de recherche, à toute suppression d'emploi en 2011, mais également dans les deux autres années du budget triennal.

Notre débat débouchera sur la présentation à l'automne d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques, du projet de loi et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

C'est la soutenabilité future de nos finances publiques que nous avons entre nos mains. Face à ce défi, notre stratégie vise à créer les conditions d'un choc de confiance en agissant principalement sur les dépenses de l'Etat, tout en poursuivant parallèlement les réformes structurelles. Je vous remercie.

M. Jean Arthuis , président. - Merci, Monsieur le Ministre, pour ces éléments, de nature à donner du crédit à la trajectoire annoncée par le Gouvernement. L'exercice demandera de la détermination. Certaines orientations du rapport Camdessus pourront être mises en oeuvre sans attendre la réforme constitutionnelle, et notamment le monopole fiscal des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Sur les niches fiscales, les mesures en matière d'impôt sur le revenu ne produiront d'effets budgétaires qu'en 2012. Il faudra donc songer à des mesures en matière de TVA.

Enfin, 2011 sera l'année la plus « facile », puisque des économies automatiques seront enregistrées grâce à la fin de plan de relance et des effets de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous allons nous efforcer, dans le débat qui vient, d'éclairer les termes des choix. Pour ce faire, je vous inviterai à partir d'un contexte macroéconomique plus réaliste et à déflater quelque peu l'hypothèse de croissance du Gouvernement. Depuis un certain nombre d'années, les hypothèses gouvernementales de croissance ont souvent été optimistes, et parfois plus proches de la réalité que les hypothèses prudentes que notre commission - c'est son rôle - formule. Mais dans une très nette majorité des cas, les hypothèses volontaristes ont rarement été réalistes.

Le Gouvernement utilise la bonne méthode, en termes de dépenses budgétaires et fiscales, ainsi que pour les comptes sociaux. Néanmoins, pour les dépenses de l'Etat, comment infléchir les dépenses d'intervention ? Beaucoup de ces dépenses obéissent à des logiques de guichet et sont fortement contraintes. Les ministres « dépensiers », entendus dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement, nous ont souvent dit qu'ils disposaient de peu de marges de manoeuvre... C'est une attitude vieille comme la construction des budgets, mais nous aimerions vous entendre sur ce point.

S'agissant des collectivités territoriales, le relevé de conclusions de la deuxième conférence sur le déficit indique que « les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, hors FCTVA, seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013 ». Faut-il comprendre que l'on aura d'un côté des dotations sous enveloppe stabilisées en valeur, et de l'autre les attributions du FCTVA augmentant librement ? Faut-il comprendre au contraire que l'enveloppe comprendra des variables d'ajustement destinées à neutraliser l'augmentation des attributions du FCTVA ? Par ailleurs, quelles seront les conséquences de ce gel sur la compensation aux collectivités territoriales de la réforme de la taxe professionnelle ?

La commission fera des propositions de réduction de niches fiscales et sociales qui iront un peu plus loin que ce qu'il est, à son sens, nécessaire de faire. Il est arrivé que le Gouvernement refuse certaines de ses propositions pour les reprendre ensuite à son compte. Ainsi, à l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Jégou, elle adopté dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 un amendement relatif à l'annualisation des allégements généraux de cotisations sociales, auquel le Gouvernement s'était opposé mais qu'il prévoit désormais de mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites.

M. Jean Arthuis , président. - On peut également évoquer la suppression partielle par l'article 85 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, inséré à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, de l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficiaient jusqu'alors les indemnités journalières allouées aux victimes d'accidents du travail, demandée depuis plusieurs années par la commission.

M. Philippe Marini . - Pour être légitimes, les réductions de « niches » doivent être générales, et porter non seulement sur la fiscalité, mais aussi sur les cotisations sociales. Il faut cependant épargner les publics les plus fragiles, ainsi que les retraités et les personnes âgées, afin notamment de ne pas compliquer la réforme des retraites.

M. François Baroin, ministre. - Le Gouvernement pourrait revoir sa prévision de croissance après avoir pris connaissance en août prochain des résultats économiques du deuxième trimestre. En ce qui concerne les dépenses de l'Etat, jamais un ministre en charge du budget n'a été aussi précis lors d'un débat d'orientation des finances publiques. Je devrais être en mesure d'adresser à mes collègues ministres les « lettres-plafond » dès la semaine prochaine. Si la croissance du PIB était inférieure à 2 %, il y aurait de 5 à 10 milliards d'euros de mesures supplémentaires à prendre, et le Gouvernement les prendrait.

M. Jean Arthuis , président. - Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques, propose d'instaurer un plafond de dépenses et un plancher de recettes.

M. François Baroin, ministre. - Le Gouvernement a décidé de mettre l'accent sur la maîtrise de la dépense. Les niches fiscales et sociales sont des dépenses, et il est politiquement plus aisé de supprimer ou de réduire une niche, que d'alourdir globalement les prélèvements obligatoires. Reconnaître aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale le monopole des mesures fiscales devrait contribuer à limiter l'inflation législative. Le FCTVA sera bien maintenu à l'extérieur de l'enveloppe fermée des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, et la compensation aux collectivités territoriales des pertes de recettes suscitées par la récente réforme de la taxe professionnelle sera préservée. J'ai donné l'instruction à mes services de passer en revue l'ensemble des allégements fiscaux, y compris ceux qui ne constituent pas des dépenses fiscales stricto sensu.

M. Serge Dassault . - La réduction du nombre d'emplois de l'Etat est inutile, dès lors que les collectivités territoriales doivent recréer les emplois supprimés. Les allégements généraux de cotisations sociales patronales doivent être réduits et recentrés sur les salaires inférieurs à 1,2 SMIC. Les cotisations sociales patronales doivent en outre être supprimées.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Pourquoi l'hypothèse de croissance associée au programme de stabilité 2010-2013 est-elle de 2,5 % ? S'il est légitime d'appliquer aux dotations de l'Etat aux collectivités territoriales la même norme d'évolution qu'aux autres dépenses de l'Etat, cette mesure risque de se traduire par le simple transfert d'une partie du déficit de l'Etat vers les collectivités territoriales. Le ministre peut-il dire quelle est son analyse de la situation financière des départements ?

M. François Marc . - Je ne vois pas comment un « coup de rabot » pourrait être juste. Selon une étude réalisée par le Trésor britannique et publiée hier par le quotidien « The Guardian », le plan de consolidation britannique pourrait entraîner la destruction de 1,3 million d'emplois. Des études analogues ont-elles été faites pour la France ? Le président des Etats-Unis a mis en garde les Etats européens contre les conséquences d'une rigueur excessive.

M. Alain Lambert . - Je me réjouis que le débat d'orientation budgétaire soit désormais intitulé débat d'orientation des finances publiques. Il faut fusionner les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

M. Joël Bourdin . - Je me félicite de la volonté du Gouvernement de réaliser 40 milliards d'euros d'économies. Cependant, a-t-on pris en compte l'impact récessif d'une telle politique, en particulier dans le cas des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, qui réalisent 70 % de l'investissement public ?

M. Philippe Dallier . - Il sera difficile de réduire les dépenses d'intervention de 10 % dans le cas de la politique de la ville.

M. Jean Arthuis , président. - La réduction du nombre de fonctionnaires depuis plusieurs années n'a pas empêché une forte augmentation de la masse salariale, ce qui montre que celle-ci obéit à d'autres déterminants. La loi de programmation militaire 2009-2014 devra être révisée.

M. François Baroin, ministre. - Il ne s'agit pas de mettre les collectivités territoriales en « coupe réglée », mais il faut qu'elles maîtrisent leurs dépenses. La politique du Gouvernement n'est pas une politique de « rigueur », si on la compare à celle menée, notamment, par la Grèce ou le Royaume-Uni. L'évolution du point fonction publique constitue un enjeu important.

M. Philippe Marini , rapporteur général. - Est-il prévu de geler le point fonction publique en 2011 ?

M. François Baroin, ministre. - Je ne peux me prononcer à ce sujet, alors que les négociations sont en cours, même si, en tant que ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, j'ai bien entendu mon avis sur ce qu'il conviendrait de faire. Le Gouvernement ne proposera pas de « coup de rabot » sur la TVA. On pourrait instaurer un taux intermédiaire au niveau communautaire. La TVA sociale concerne non la réduction de notre déficit public, mais le financement de notre protection sociale. Il s'agit d'un débat plus large. La question d'une éventuelle augmentation de la TVA pourra être abordée dans le cadre de la future campagne présidentielle, ainsi qu'à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques pour 2011. La maîtrise de la dépense locale n'est pas incompatible avec la préservation de l'investissement des collectivités territoriales. En recommandant aux dirigeants de l'Union européenne de ne pas mener de politique de réduction rapide de leurs déficits publics, le président des Etats-Unis défend les intérêts de son pays, mais pas ceux des Etats européens. La taxe bancaire me semble devoir être mise en oeuvre, dès lors que la France et l'Allemagne le demandent.

M. Philippe Marini , rapporteur général. - Elle existe déjà ! C'est la taxe sur les salaires !

M. François Baroin, ministre. - L'Allemagne en attend 6-7 milliards d'euros, dans le cas de la France ce sera moins. Je ne suis pas hostile à la fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, mais on a tellement de sujets !

M. Jean Arthuis , président. - Le groupe de travail présidé par Michel Camdessus n'a pas écarté l'éventualité d'une fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Il faut étatiser les recettes des branches santé et famille.

M. Philippe Marini , rapporteur général. - On peut fusionner les parties recettes !

M. François Baroin, ministre. - L'exemple de la Grèce montre qu'à terme la soutenabilité des finances publiques est une question de souveraineté. La réduction du déficit public aura des « effets collatéraux » sur le plan économique, mais les conséquences de l'absence d'une telle réduction seraient bien pires.

M. Jean Arthuis , président. - Selon l'article 5 de la Constitution, le Président de la République « est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». Il est donc constitutionnellement tenu de réduire la dette publique dont l'expansion constitue bien une menace pour l'indépendance nationale !

EXAMEN DU RAPPORT

Au cours d'une réunion tenue le mardi 6 juillet 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, préparatoire au débat d'orientation des finances publiques pour 2011.

A l'issue d'un large débat, la commission a donné acte de sa communication au rapporteur général et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Le compte-rendu de cette réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html

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