3. Une « règle de responsabilité » pour rendre le dispositif contraignant et opérationnel

Il est évident que la nouvelle règle ne doit pas consister en une obligation de conformité du solde budgétaire annuel de l'Etat et des organismes de base de la sécurité sociale aux soldes prévus dans le programme de stabilité. Cela serait artificiel puisque le critère de solde figurant dans les traités porte sur un périmètre plus large que celui de l'Etat et de la sécurité sociale, puisqu'il comprend aussi les administrations locales. En outre, ces soldes étant exprimés en termes nominaux, cela reviendrait à faire dépendre la régularité des lois financières des fluctuations de la conjoncture.

Mais à l'inverse, si l'on souhaite que la trajectoire soit connue et comprise, il importe de faire apparaître le montant total du déficit, sans distinguer sa composante structurelle de sa composante conjoncturelle. Il est également nécessaire de l'exprimer à la fois de manière concrète, en milliards d'euros, et en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), seule façon pertinente de procéder à des comparaisons entre États. C'est à ce prix que l'opinion publique sera réellement associée au respect de la trajectoire de convergence.

Pour tenir compte de ces deux écueils, on peut proposer une « règle de responsabilité » qui serait véritablement contraignante, porterait sur des décisions relevant uniquement de la compétence du Gouvernement et du Parlement et permettrait d'assurer la cohérence avec le programme de stabilité.

a) Une règle qui encadre uniquement les décisions relevant de la compétence du Gouvernement et du Parlement

Pour atteindre les objectifs de solde fixés par la programmation pluriannuelle, le Gouvernement fait des hypothèses en matière d'évolution « spontanée » des recettes et des dépenses et, par différence, décide des mesures nécessaires pour combler l'écart.

La responsabilité politique doit porter uniquement sur ces dernières décisions, celles qui sont discrétionnaires, indépendantes de la conjoncture et relèvent de la compétence des pouvoirs publics, c'est-à-dire les mesures nouvelles en recettes et l'évolution des dépenses.

Le groupe de travail sur la recherche d'une règle d'équilibre des finances publiques a formalisé un dispositif relevant de cette logique, en suggérant que le support de la programmation soit une loi-cadre pluriannuelle :

« Ce texte de nature pluriannuelle fixerait, en euros constants, pour chaque année de la période de programmation considérée :

« - le plafond du niveau des dépenses de l'État entrant dans le champ de la loi de finances (LF) et le plafond du niveau des dépenses de la sécurité sociale entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ;

« - le plancher des recettes de l'État et de la sécurité sociale (dans le champ de la LFSS) résultant de facteurs autres que l'évolution spontanée des produits , notamment les mesures nouvelles concernant les prélèvements obligatoires au sens de l'évaluation des voies et moyens annexée à la loi de finances ».

Selon la commission des finances, l'effort à consentir chaque année en recettes et en dépenses devrait être actualisé chaque année, conjointement au programme de stabilité triennal et aux hypothèses économiques qui le sous tendent. Seules les dispositions relatives aux dépenses et aux mesures nouvelles en recettes auraient valeur législative, supérieure à la loi ordinaire pour les raisons déjà évoquées. Le programme de stabilité et les hypothèses économiques figureraient dans en annexe à la loi.

Ainsi, le contrôle de constitutionnalité ne porterait pas sur le solde mais sur les mesures mises en oeuvre pour atteindre l'objectif de solde.

b) Une règle qui doit pouvoir être pilotée en temps réel

Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre.

Dans le même esprit, le groupe de travail animé par Michel Camdessus a proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte. Votre rapporteur général souscrit à cette proposition.

Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante , dans la LFI et la LFSS, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée.

c) Une règle dont l'application serait contrôlée par le Conseil constitutionnel

La règle ne sera contraignante que si son respect est contrôlé de manière systématique par le Conseil constitutionnel. Sans risque réel de censure, la règle sera contournée.

Le contrôle de constitutionnalité pourrait intervenir à un double niveau :

- au stade de la promulgation, le Conseil devrait s'assurer que l'ensemble constitué par la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale est conforme à la programmation ;

- en cas de dérapage constaté postérieurement à l'exécution (norme de dépense non respectée, mesures nouvelles en recettes plus coûteuses que prévu), des mesures correctrices devraient être prises dans la loi de finances et la loi de financement pour l'année suivante. Les dérapages de l'année n seraient donc automatiquement corrigés en n+2 et l'absence de mesures correctrices dans la plus prochaine loi de finances ou loi de financement emporterait une censure.

Un tel dispositif implique une saisine de plein droit du Conseil constitutionnel. Car, afin de ne pas rigidifier l'action des gouvernements, le contrôle doit être conjoint aux deux textes financiers , une moins value de recettes fiscales pouvant ainsi, par exemple, être compensée par une mesure nouvelle en matière de recettes sociales. Un contrôle conjoint par le juge constitutionnel présenterait l'avantage d'être pédagogique en favorisant une approche consolidée des finances publiques et serait en outre une manière de surmonter la séparation en la loi de finances et la loi de financement, dans l'attente d'un éventuel rapprochement entre ces deux textes. Or un contrôle conjoint serait impossible si le Conseil n'était pas saisi, ou s'il n'était que de l'un des deux textes.

Les conséquences d'une censure devraient en outre être précisées, pour que celle-ci ne conduise pas à une politique plus laxiste que celle prévue par les textes censurés.

Evidemment, ce dispositif serait opérationnel à la seule condition que l'ensemble des mesures ayant une incidence sur les prélèvements obligatoires prises au cours d'une année figure dans les seules loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale.

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